Obédience : NC Bulletin de SUB ROSA : Une Parole Circule 10/2011


Du geste à la parole
Célébation de la Saint Jean d’Hiver et de la Saint Jean d’Été

En cette Saint Jean, il est bon de prendre quelques secondes pour honorer ce privilège qui nous est donné de pouvoir nous exprimer par le geste et la parole, parce qu’il est bon de se rappeler que ce n’est pas le cas de tous, à travers ce monde planétaire. Grâce à son autonomie, l’humain peut s’exprimer en premier lieu par le geste souvent universel et qu’il le complète par la parole. En deuxième lieu, il est donné à chacun de nous de pouvoir s’interroger sur notre filiation de cette chaîne du vivant et de notre devenir au regard des dimensions de notre ciel étoilé de ce solstice immuable.

La «Voie Initiatique» que nous avons choisie nous offre, en cette célébration de Saint Jean, de promouvoir le geste et la parole pour qu’ils deviennent porteurs d’actes tendant vers le Sacré, ce qui établi une différence fondamentale par rapport au monde profane.
L’objectif souhaité de cette réflexion, est de mettre en évidence le geste et la parole qui sont des véhicules de communication permettant d’incarner notre être avec l’impact qu’ils peuvent avoir dans notre quotidien et de souligner les influences de ces actes sur la puissance en devenir vers ce Sacré.
Le langage est le prolongement de la pensée qui elle-même prend une forme de parole intérieure. La parole est souffle, les prémisses du mouvement du corps : elle commence par l’inspiration, se termine par l’expiration. Elle nous permet de trier la pensée, de l’organiser, de la conceptualiser, de la partager.

La parole est l’expression et le véhicule de la pensée et des émotions. Elle est comme le geste, empreinte de nuances, plus ou moins denses dans son amplitude, sa tonalité ou ses rythmes. Elle peut rentrer en résonance à l’intérieur et à l’extérieur du corps.
Dès sa naissance, l’enfant enregistre d’abord une foule de gestes. Ces gestes seront traduits par des comportements. Il y a en outre des gestes de protection, de réflexe, d’amour, de colère. Des gestes déterminés, réservés, courageux, volontaires, doux, violents, passionnés, nerveux, calmes...

Selon l’extrait transmis par un Frère, il précise que: «Entre le geste qui sauve et celui qui tue, le «beau geste» et le «geste de trop», le geste d’impuissance, d‘espoir ou de cruauté, le langage usuel nous rappelle constamment qu’il existe depuis toujours une parole muette, reflet des mouvements de l’esprit. De la «chanson de geste» à la gestuelle baroque ou gestique contem­poraine, l’art s’en donne à corps joie – à travers peinture, musique, danse et verbe – pour jouer de codes subtils qui s’adressent, au-delà de la représentation, à ceux qui savent les «déchiffrer».

Nous pouvons observer la posture corporelle comme l’expression d’une posture psychique, elle reflète une attitude interne qui peut subir des variations d’un moment à l’autre, d’un jour à l’autre. Nous découvrons ainsi un lien entre le mental, les émotions, le contenu des pensées et le corps. D’où l’importance pour notre bien être, et pour les conséquences de vie souhaitées d’y être attentifs, conscients et le plus congruents possible.

Les gestes contrôlés ou incontrôlés font partie du message. Ils ponctuent la parole, ils la soulignent, ils la renforcent. Ils peuvent substituer la parole ou lui donner un sens différent. Il est bon de rappeler que les gestes rituels ont toujours eu une place dans nos sociétés, comme par exemples les signes de ralliements et d’appartenances. Ce langage physique est lié à l’histoire de la personne, son environnement culturel et social.

Les religions et autres pratiques spiri­tuelles ont toutes été exprimées par le geste et la parole.

La génuflexion, les mains jointes, la posture de la méditation, le signe de croix, la prière chrétienne, juive, musul­mane ou bouddhiste, sont autant d’expres­sions évoquant le geste rituel et le geste sacré. La prosternation peut engendrer des énergies bien différentes, elle peut être signe d’adoration, de soumission, de dévotion, d’abandon, de réconciliation, de supplication ou simplement de respect. Par ailleurs, toutes formes d’approches spirituelles passent par une posture de gestes et d’articulations sonores. La conscience du corps invite à la concentration, au calme et à l’ouverture. Prendre conscience de ce qui se passe dans notre corps et de ce que le geste sacré évoque ou crée, sont des valeurs fondamentales.

Le mantra en est un exemple, c’est une phrase sacrée exprimée à haute voix de préférence soutenue par une respiration contrôlée. Il provoque, par sa vibration, une sensation physique dans le corps.

Le corps est alors telle une caisse de résonance, associée à un désir d’éveil. Il nous permet d’entrer en symbiose avec les énergies qui composent notre environnement (vibrations, ondes, rythmes) et d’ajuster notre perception du monde à une vie plus harmonieuse. L’héritage que nous avons en nos mains provient de diverses sources:
1) Les Ecritures (livres sacrés, légendes et mythes).
2) Les métiers de constructeurs.
3) Les initiations ancestrales et antiques.

Grâce à cette chaîne de transmission les archives qui ont traversés les âges sont ici en nos mains et nous avons le devoir de poursuivre cette chaîne inter-génération. Dans ses études, Irène Mainguy en précise les grandes lignes: «Réfléchir sur la transmission maçonnique revient à essayer de décrypter l’ensemble des moyens et la méthode par lesquels se perpétue l’enseignement de notre héritage:
1) L’utilité et la nécessité de transmettre,
2) Les outils de la transmission,
3) Le devoir de transmission du maçon.

La transmission est avant tout un acte de communication et d’échange entre les êtres; c’est aussi un acte d’Amour. On transmet la vie, on transmet un savoir, on transmet l’Amour d’un Art, on transmet une tradition...On perpétue et organise la conti­nuité dans l’échange... Par la transmission, l’espèce humaine tente de défier le temps et la mort à travers les générations qui se suc­cèdent, c’est sa manière de vouloir demeurer éternellement sur cette terre. Durant le temps de vie qui nous est imparti, nous ne cessons d’apprendre des autres pour nous perfectionner, puis transmettre... Compte tenu du peu de temps que nous avons à passer sur terre, on peut penser que l’essen­tiel est dans ce que nous allons apprendre mais surtout toujours aussi dans ce que nous allons savoir transmettre; c’est ce qui nous permettra de perdurer en nous projetant dans l’avenir.» (fin de citations).

Dans nos Rites, dès l’initiation, nous passons d’abord par l’apprentissage de cette transmission, souvent inconsciente du geste et de la parole. Nos Rituels sont soumis à un rythme minutieusement choisi. Aucun geste n’est anodin. Tout engage l’être dans la conscience de son développement de la pierre brute au plus subtil.

Parmi les gestes ordonnés par les Rituels, nous pratiquons tous le positionnement de nos pieds, notre mise à l’ordre, la circulation à l’intérieur du Temple, la Chaîne d’Union, etc... Pour les pas à l’équerre, relevons ce que notre Frère Plantagenet écrivait: «Remar­quons combien cette marche rituelle est pénible; brutalement coupée en trois arrêts, elle brise notre élan, à chaque fois elle nous contraint à un nouvel effort pour repartir.»

Laissons encore une fois la parole à Irène Mainguy: «Tout acte, tout geste rituel produit, à un moment ou à un autre, un effet proportionnel à l’acte lui-même. D’un point de vue traditionnel, il y a une étroite corrélation entre gestes, rites et symboles. Tous les signes d’ordre s’effectuent en position debout. C’est une posture d’atten­tion, de respect et de dignité. Tout geste rituel est significatif en Franc-maçonnerie. Il donne un maintien physique solennel, il favorise l’ouverture de l’entendement. Il ouvre par là des possibilités de réalisation spirituelle. Si le geste est juste, il favorise la perception de la transcendance. Les mots qui accompagnent la gestuelle donnent un rythme au corps, lequel s’accorde à celui de la parole.» Et elle ajoute: «La Franc- maçonnerie propose une démarche visant à éveiller ou réveiller l’intériorité de l’être, à favoriser l’ouverture de sa conscience dont la principale constante symbolique sera le cheminement dans l’obscurité vers la Lumière qui se dévoilera progres­sivement, degré après degré, pour transcender et unifier avec clarté toute forme de dualité.»
Nous constatons aussi que le Rituel organise une triangulation de la parole par les dialogues entre le Maître de l’Oeuvre (ou le Vénérable Maître ou le Très Respectable Maître, etc...) et les deux Surveillant. Cette circulation gestuelle triangulée est fonda­mentale pour élever les vibrations sonores à l’ouverture de cet Espace-temps de la Tenue. Le principe ternaire propose une réconcilia­tion des contraires, une passerelle à la dualité, qui sera source d’unification.

Toutes ces conditions de base sont des outils, au-delà du visible, pour que notre corps et notre mental se calment et éveillent nos sens pour qu’émergent ces différents états de conscience.

Lorsque nous sommes réunis en Tenue, la parole de chacun d’entre nous s’approche du Sacré, car elle naît (donner naissance) et s’exprime dans un cadre différent de la vie profane. Elle doit être honorée et reconnue par chacun d’entre nous aussi bien pour celui qui la donne que pour celui qui la reçoit.

Par cette «Voie Initiatique», nous sommes Frères et Soeurs à l’exemple des instruments de musique au sein d’un orchestre symphonique, ils tentent de retrouver la résonance de la parole perdue et cette parole que nous cherchons ne serait-elle pas autre que la partition manquante de la grande symphonie de l’Univers ?
Publié dans le Bulletin de SUB ROSA : Une Parole Circule - Bulletin N° 9 - Octobre 2011  -  Abonnez-vous

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