Obédience : NC Bulletin de SUB ROSA : Une Parole Circule 01/2011

Le Jardin des Secrets

L’homme de nos jours vit enfermé dans des boîtes de métal, des boîtes de pierre ou des boîtes de bois, agrémentées de toutes sortes de matériaux composites. Il s’est créé une gigantesque «cage de Faraday», pour s’isoler, un réseau d’ondes courtes ou longues qui viennent interférer avec la vraie Source première. C’est de tous les êtres vivants sur notre «Planète bleue», le seul qui ait autant de peine à s’intégrer à elle, au ciel et à la terre, à l’eau, à l’air et au feu.
Pourtant, dès le jardin d’Eden, on lui avait donné le nécessaire pour comprendre que la Vie est sacrée, que la seule voie possible est celle qui mène à l’Unité de tout ce qui est, de ce qui a été et de ce qui sera.

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La Rose est aussi un symbole d’Amour.
© Photo Sub Rosa Genève.

Alors, partons en promenade dans ce jardin extraordinaire.

En Occident, saison oblige, le chemin sera marqué par le premier arbre, celui de la Noël, des fêtes, l’arbre toujours vert. Vert, comme le visage d’ Osiris, dieu reconstitué et ressuscité par la persévérance de sa femme et sœur, son âme-sœur, qui a, pièce après pièce, retrouvé les parts éparses de son défunt. Vert sapin, vert profond comme l’émeraude d’une certaine table, vert qui supportera les mille feux d’amour qui vont briller dans le regard des enfants du monde. Noël peut bien être devenue une foire commerciale, le signe d’une civilisation mondialiste qui s’est perdue dans l’avoir, Noël n’en n’a pas moins gagné en universalité, et reste LA fête, sinon de l’Amour, de celle des preuves d’amour.

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Le sapin, un des premiers symboles de la Saint
Jean d’hiver par sa couleur verte constante.
© Photo Sub Rosa Genève.

Ensuite, on y rencontre la rose. Belle, rouge, parfumée, veloutée et voluptueuse, parfaite. Parfois blanche et délicate, au solstice, elle saura faire pendant au sapin précédemment cité, raide, droit, vertical, imposant. Son parfum fait appel au plus primitif de nos sens, l’odorat et nous incite à suivre nos instincts ou nos intuitions plutôt que notre raison. Elle est fille de l’églantine, mais ce n’est que par un travail de main d’homme qu’elle atteint cette perfection esthétique et olfactive. Résultat de sélection, de greffes, qui rappelons-le, n’étaient autorisées qu’aux prêtres, puisque c’est un acte «contre-nature». Est-ce pour nous rappeler que l’initiation n’est pas une chose «naturelle», qu’elle est le fruit d’un travail, d’une intention, jamais relâchée ? Ou alors que c’est un cadeau, une chance qui nous est donnée, et qu’il faut savoir saisir, au risque de se faire égratigner par quelques épines ? Que toutes les églantines ne peuvent devenir des roses ?

Juste là, près de l’entrée, un grenadier, dont le fruit est emblématique du premier degré, qui trône même au sommet de nos colonnes. Sa couleur est rouge, aussi, comme l’amour et le feu spirituel. Mais ses graines, douces, translucides et colorées, qui vont nous offrir le sirop de grenadine si cher à notre enfance, sont enchâssées dans une gangue jaune, coriace, opaque et amère. Telle cette fameuse pierre cachée qu’à coups de maillet et de ciseaux nous avons travaillée, la suavité ne se laisse pas trouver si facilement. Elle exige aussi la précaution, l’attention, pour jouir de la douceur sans y rencontrer l’amertume. La grenade, située au sommet des colonnes, inatteignable comme la richesse qu’elle symbolise, comme une tentation si âpre à trouver.

Un peu au-delà, de grands champs couleur ocre, les champs de blé. L’épi de blé, Schibboleth, qui nous a donné le passage en «Chambre de compagnons Francs-Maçons», constitue la nourriture de base de nombreux peuples. Le grain coule entre nos doigts comme l’eau d’une source, à la fois solide et insaisissable. Unité et pluralité. S’en imprégner, comme de la douce odeur du pain chaud, nourrit aussi bien le corps que l’âme. Les agriculteurs ont vite compris que dans le blé plus l’épi est gros, plus il y a de graines, et plus le profit sera important.

L’acacia nous est connu. Pour sa dureté, son imputrescibilité, sa résistance. Pour ses somptueuses grappes jaunes et odorantes, mais aussi pour ses épines redoutables. L’arbre se défend, envers et contre tout, surtout contre ceux qui ne savent pas l’apprivoiser. Les fleurs duveteuses et délicates s’ouvrent au milieu d’un feuillage persistant. La couronne d’épines du Christ en était faite, de même que le temple mobile construit par Moïse sous les instructions de הוהי - Adonaï lui-même, et qui protégeait l’Arche d’alliance. C’est un arbre sacré, à la
fois un symbole de vie et d’immortalité.
L’acacia comme témoin de la nouvelle ère, de la transmutation. C’est surtout l’arbre de
l’initiation, qui propose morts et renaissances, le chemin qui mène au sacre. Le seul qui ait le droit de transporter l’Arche d’alliance, là même où se manifestera, peut-être, la Shekinah, au seul Grand prêtre autorisé à pénétrer dans le saint des Saints.

Arrivé au degré suivant, nous sommes passés au rang des Lévites et le 7e prince d’Israël a été couronné de laurier et d’olivier.

Pourquoi ? La jolie nymphe Daphné fut le premier amour d’Apollon, qui la poursuivait de ses ardeurs sans relâche. Mais la belle n’en voulait pas. Ne sachant comment lui échapper, elle appela à son secours, son père le fleuve Pénée, ou Zeus lui-même, selon les versions. Pour qu’elle pût échapper à son ardent soupirant, elle fut transformée en laurier. Apollon, éperdu de tristesse, en fit son arbre et celui des héros. On offrait des couronnes de laurier aux vainqueurs, géné­raux victorieux ou aux athlètes gagnants. Tâchons d’oublier les honneurs, la tarte à la crème selon Béresniak, et de ne penser qu’à la lumière, sans oublier que l’éclat des rayons solaires n’est certainement pas «la lumière».

Lors du Déluge, la colombe envoyée par Noah pour trouver des terres émergées revint avec un rameau d’olivier, garante du pacte passé entre הוהי  - Adonaï et les hommes de l’Arche, elle, en bois de cyprès (dommage), celui de la première alliance. On peut aussi rappeler l’arrivée de Jésus de Nazareth à Jérusalem, monté sur un âne, et acclamé par la foule qui agitait des rameaux, certainement des rameaux d’oliviers, ou peut-être des palmes, en son honneur. L’olivier, pourvoyeur de l’olive, de l’huile si fine et douce, est un messager de paix et de grâce. Sanctification. L’huile oint les corps et les âmes, allume les lampes et facilite les contacts. Certes, le laurier et l’olivier sont présents dans nos cuisines, pour parfumer, épicer, pour chauffer, enduire, permettre la cuisson sans brûler. Mais ici, c’est sur la tête du nouveau «Maître Secret» qu’ils sont posés en couronne. La couronne est ambivalente, elle ceint la tête, mais s’ouvre sur le 6e chakra. Cette tension est créée après avoir protégé, par le voile, la psyché du récipiendaire. Rayonnement et intério­risation, prudence et courage, ouverture et fermeture.

Le «Maître secret» s’apparente à un degré organique. Pas seulement les végétaux, mais aussi la clé, qui est d’Ivoire, pas de métal. C’est un retour aux valeurs terrestres qui nous est proposé, à la vie qui murmure sous nos pieds, au sang qui bat dans nos veines, à la morsure du froid, par les couleurs glaciales du tablier, à la chaleur flamboyante des 81 flammes. C’est certainement une de ses clefs de lecture, la beauté éblouissante qu’il assène à nos yeux, c’est aussi la douceur simple des choses de la Vie. Tout ce qui brille n’est pas Or, dit la sagesse populaire. Mais encore faut-il savoir quel «or» on cherche.
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La Clé d’ivoire est-elle l’instrument symbolique
pour ouvrir le Livre de la Vie ?
Ou cette Clé représente-telle l’accès au Silence ?
© photo Sub Rosa.

Les végétaux, tous les végétaux, nous conduisent sur la voie de la vie, de la mort, de la renaissance, des métamorphoses, de la progression ou évolution. Ils nous montrent, par leur diversité, leurs modes de repro­duction, qu’il y a différentes manières de persister ou de renaître, de la graine à la bouture, aux stolons et autres rejets, voire greffes.

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Le Trois Fois Puissants Maître porte le symbole végétal.

En résumé, la rose nous accompagne à chacune de nos étapes, à la fois perfection technique qui s’adresse à notre mental, et parfum enivrant qui excite nos sens primitifs, notre intuition. C’est une valeur constante, permanente, pérenne. Elle est la Beauté, le superflu indispensable, la démarche initia­tique elle-même. Au début, la grenade a accompagné notre premier et initial passage, elle est douce, sucrée et désaltérante; elle nous a donné l’envie de la richesse de la connaissance, elle a aussi étanché cette soif lancinante de s’avancer dans la «Voie Initiatique». Plus tard, le blé a calmé notre faim d’apprendre, de comprendre. Mais l’étape suivante, majeure, c’est l’acacia lumineux et persistant qui l’a décorée, en ouvrant la «Voie Sacrée». Enfin, le laurier et l’olivier nous ont rassurés, mais aussi indiqué l’urgence de notre propre rayonnement. Après s’être désaltéré, nourri, transmuté, nous pouvons commencer autre chose, encore et toujours par les quatre éléments, suivons alors la flèche du sapin, qui résiste au gel comme au feu du soleil, tronc ligneux, sans vert-tige, qui s’enfonce dans la Vouivre* pour y trouver la force de...
Vivre, Vrai rêve Vert qui nous ravi ! 

*La vouivre, forme de bipède ailé, elle est dragon ou elle est un serpent de feu, créature mi -femme, mi-serpent ou encore fée de la terre...

Publié dans le Bulletin de SUB ROSA : Une Parole Circule - Bulletin N° 6 - Janvier 2011  -  Abonnez-vous

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