Obédience : NC Bulletin de SUB ROSA : Une Parole Circule 05/2010

Le Big Bang
On sait peu de choses sur le commence­ment, et toutes les mythologies ont cherché à répondre à cette question. On cherche encore à faire coïncider les faits physiques et leurs interprétations sur le plan de la philosophie ou de la religion. Mais ce voeu pieu n’est­il qu’un leurre, un souhait injustifié, un palliatif. La foi, quelle qu’elle soit, n’aurait pas à se justifier de la raison, sinon, ce ne serait plus de la foi. Mais les coïncidences sont étonnantes !
Sur le plan scientifique, actuellement, on fait démarrer l’histoire de l’univers au big- bang, il y a environ 13,7 milliards d’années. Cette phase marquant le début de l’expan­sion de l’univers est abusivement comparée à une explosion. C’est un point de vue réso­lument créationniste, s’il est compris naïvement. Mais on peut clairement se demander ce qu’il y avait avant. Le big-bang est une singularité, un événement particulier, qui marque le début de l’histoire de l’univers que NOUS sommes capables de raconter, et c’est tout.
Plus synthétiquement, il semble que le big-bang marque le démarrage de l’horloge cosmique, le début de notre temps. Certaines hypothèses soutiennent qu’avant le big-bang le temps n’avait pas de «structure» mais qu’il existait, en mode désordonné. Le big-bang agit sur la séquentialisation des événe­ments. Peut-être que tout existait déjà, comme un gigantesque arbre des possibilités, mais que le rôle du temps sera de mettre en ordre tout cela. Il est intéressant de noter qu’on ne connaît (croît connaître) que ce qui s’est passé quelques secondes après le big-bang.
Au début, l’univers est symétrique, matière et antimatière s’annihilent instanta­nément, avec production d’énergie. C’est un léger déséquilibre, un tout petit peu plus de matière que d’antimatière qui fait que le monde a pu exister. L’univers est alors infiniment chaud et dense. Apres quelques micro-secondes, c’est la surproduction de photons, la lumière jaillissante, etc., jusqu’à l’immensité froide et diluée de notre univers d’aujourd’hui.

La Genèse
Au commencement, Dieu créa les cieux et la terre. La terre était informe et vide: il y avait des ténèbres à la surface de l’abîme, et l’esprit de Dieu se mouvait au-dessus des eaux. Dieu dit: «Que la lumière soit ! Et la lumière fut.» Dieu vit que la lumière était bonne; et Dieu sépara la lumière d’avec les ténèbres.
Dieu appela la lumière jour, et il appela les ténèbres nuit. Ainsi, il y eut un soir, et il y eut un matin: ce fut le premier jour. Ou: Bereshit bara Elohim at heShamain wet heErets = 4621 = **3*1000, qui repré­sente un triangle équilatéral.
Bere shit = berit esh, l’alliance du feu. Berit, l’alliance, est représentée par un triangle dans lequel s’inscrit le Yod, lettre initiale, germe du nom divin, du point qui génère le trait, la droite, le vav, puis l’espace, le dalet. La plus petite des lettres va engendrer toutes les autres.
יוד
L’alliance du Feu, crée la lumière, AOR, qui curieusement en français, nous donne l’or des alchimistes !
Le Prologue de Saint Jean
   1. Au commencement était le Logos (le Verbe), et le Logos (le Verbe) était en Dieu, et le Logos (le Verbe) était Dieu.
   2. Il était au commencement en Dieu.
   3. Tout par lui a été fait, et sans lui n’a été fait rien de ce qui existe.
   4. En lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes,
   5. Et la lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont point reçue.
Le Verbe, Logos, écrit avec les 2 lettres Lambda, triangle-compas, et Gamma, angle- équerre, est assimilé au Christ, qui n’est pas Dieu, mais en Dieu. Le prologue des Loges de St Jean y a donc bien sa place, comme guide dans la recherche de la Parole Perdue. Le fameux «je ne sais ni lire ni écrire, je ne sais qu’épeler» prend une dimension autre que le traditionnel constat d’ignorance et d’humilité.
Il est instructif de constater que la racine trilitères VR–B va nous conduire droit à AOR, la lumière, et BIO, la vie ! Ça ne s’invente pas ! C’est ainsi que Dieu créa le monde.

La Kabbale du Rabbi Louria
Le terme kabbale vient de l’hébreu Qabbalah que l’on traduit généralement par Tradition. Mais peut-être convient-il d’analyser ce mot en utilisant des procédés kabbalistiques.
En hébreu la racine Qab évoque l’idée d’un trou profond, d’une excavation, d’un contenant. La racine Bal évoque l’abon­dance, l’extension, la spiritualité, Dieu, l’âme universelle. L’association de ces deux racines Qab+Bal exprime: «Le contenant de l’omniprésence Divine».
En décomposant, par lettre, on a :
   – Qof   ק  ce qui protège, mais aussi des
profondeurs de la conscience.
   – Beith  ב  la maison, le temple et «tout ce
qui contient».
   – Lamed  ל ce qui s’élève, se déploie,
aussi qui émane, descend, enseigne.
   – Hé ה symbole de ce qui vit.
Interprétée par elle-même, «Qabbalah» prend une double signification :
   – Dans un sens ascendant: «L’être dans ses profondeurs (Qof) s’extrait de son conte­nant (Beith) et s’élève (Lamed) ou s’é­veille à la vie universelle (Hé)».
   – Dans un sens descendant: «La conscience incarnée (Qof + Beith) reçoit (Lamed) la vie universelle (Hé)».
La Kabbale spéculative comprend trois techniques:
   – Temoura, l’art des permutations et des anagrammes.
   – Guématria, la numérologie.
   – Notarika, les acrostiches et abréviations.
Selon la doctrine de Rabbi Isaac de Louria, qui naquit en 1534 à Jérusalem, il y a trois concepts fondamentaux: le tsimtsoum, la chevira et le tiqoun, soit le retrait, la brisure, la réparation.
Le Tsimtsoum
Le premier acte créateur de Dieu est le retrait en lui-même, afin de laisser la place à la création. C’est un concept qui n’est pas sans rappeler la cavité embryonnaire dans laquelle va naître la vie. La création ne peut pas avoir lieu ex-nihilo, puisque même le néant n’existe pas. Donc, Dieu qui est partout, qui est la Lumière Infinie (Ain Sof Aor), se retire de lui-même en lui-même, c’est le tsimtsoum. De l’espace ainsi créé, le vide, il est donc absent. Le Sacré, Dieu, est séparé de la création (SACER = séparé).
Isaac de Louria se pose la question de savoir quelles sont les forces qui maintien­nent le vide, et qui vont faire que de ce vide pourra naître la création. Il introduit une dynamique du vide, et par delà, un monde en perpétuel changement. Rien n’est figé, tout n’est qu’interrogation. Il imagine une force qui viendrait du vide, à laquelle il donne le nom de Chaddaï, «celui qui dit au monde que cela suffit». C’est un des noms de Dieu, qui interdit à l’infini de réinvestir la vie. En résumé, «la création s’est faite par un retrait de l’infini, et par une force qui maintient l’infini à la périphérie».
Il y a une deuxième phase, celle du rayon de lumière. C’est sous la forme contractée d’un rayon de lumière que l’infini réintègre le vide, le QAV, rayon éner­gie, qui deviendra matière sous la forme de 10 récepta­cles, qui vont l’accueillir et la contenir. Dix vases, qui vont se remplir successivement, le premier étant plein, permettra au deuxième de se remplir et ainsi de suite.
La Chevira
La seconde étape de la création est la brisure des vases, ou chevira. La lumière divine jaillit dans l’espace vide sous forme d’un rayon, l’Adam Qadmon, ou homme primordial. C’est une pre­mière figure de la lumière divine qui vient de l’Aïn Sof dans l’espace du tsimtsoum, comme un rayon unidirec­tionnel. Au départ, ces lumiè­res étaient équilibrées, ou homogènes, puis jaillissant des yeux de l’Adam Qadmon, selon un principe de sépara­tion, elles se trouvent atomi­sées. Contenues dans des vases solides, leur impact se fit trop fort, et les vases, ne pouvant les contenir, éclatè­rent. La majeure partie de la lumière remonta à la source supérieure, mais bon nom­bres d’étincelles restèrent collées aux fragments brisés des vases.
Ces étincelles tombèrent dans l’espace vide, donnant naissance au domaine d’en bas, de la Qlipa, c’est-à-dire l’écorce, la coquille, voire l’autre coté.
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Cette brisure engendra un déplacement. Avant la brisure des vases, chaque élément se trouvait à sa place, mais maintenant, tout est désarticulé. Les choses sont ailleurs, en exil. Les étincelles de perfection sont tombées dans le monde, mais enfouies sous des écorces qui les rendent inatteignables. Le travail de l’homme est maintenant de briser ces écorces. C’est l’exil de la présence divine dans l’univers. La création se trouve ainsi brisée dès le départ, défectueuse, et le destin de l’homme est la réparation.
Le Tiqoun
Signifie réparation ou restauration, ou réintégration. Il faut rétablir l’ordre. Sur le plan humain comme sur le plan divin. Après la brisure des vases, de nouvelles lumières ont été révélées, mais la réparation est en marche.
Adam, avec le paradis terrestre, aurait dû réparer le monde, mais il a échoué. En sépa­rant la pomme de l’arbre, il sépara ce qui devait être uni, et de l’état de presque réparé du monde de la genèse, une deuxième brisure des vases en fut la conséquence, qui se termina par son exil du jardin d’Eden.
La mission d’Adam est la nôtre. Mais tout devient de plus en plus difficile et complexe. Les âmes humaines partagent le sort de la lumière divine celée dans les écorces. La question qui se pose est évide­ment «comment réparer ?». Comment réunir ce qui s’est désuni, ce qui est épars ?
Selon le Rabbi Louria, l’âme comporte 613 parties, et le respect des 613 comman­dements indique comment procéder à cette réparation. Mais c’est une autre étude, ou un autre débat, que nous laissons volontairement de côté.
« Il incombe à chaque être humain de chercher avec application et de connaître la racine de son âme, afin de la parfaire et de la rétablir dans son état originel, qui est l’essence de son être.» (Rabbi Louria).
Plus globalement, on peut dire que la Kabbale permet une réalisation intime et personnelle, qui devrait faire connaître à son adepte la véritable sensation de l’unité. Toute chose oscille entre deux états, l’être (Ani) et le non-être (Aïn), la Kabbale cherche comment passer de l’un à l’autre, tout en gardant la notion d’un équilibre universel.
Les Sefirots
Les vases qui contiennent la lumière de l’infini, les vases brisés, que l’on doit réparer, ce sont les dix sefirots. L’arbre séfirotique repose dans l’Aïn Sof Aor, la lumière de l’infini, elle-même dans l’Aïn Sof, le sans-limite, le cercle dont le centre est par­tout, qui est dans l’Aïn, le tout, ou le néant. Il ne s’agit pas de répartition géographique ni géométrique, mais bien un éloignement par rapport à l’infinitude divine.
« La lumière primordiale descend dans le monde pour donner vie à tous les mondes. Elle se
diffracte sous forme de 10 lumières qui contiennent chacune un aspect de la lumière nécessaire à la possibilité du vivan » 
L’harmonie du monde repose sur trois colonnes, ou 3 piliers: – A droite, la générosité: Hessed,
   – A gauche, la justice: Din,
   – Au centre, l’harmonie: Tipheret.
La colonne Hessed, représente l’expan­sion ou l’extension de l’univers, l’indif­férencié ou le refus de la différence, la ressemblance, ou la totalité. Au négatif, c’est l’entropie, la désorganisation. Hessed peut être représentée par l’eau, la féminité.
La colonne Din ou Guevoura, au contraire, est la force de détermination ou de définition. C’est la loi, l’altérité, la retenue, la suspension, également la maîtrise du pou­voir. Elle peut aussi représenter le masculin au milieu.
La colonne Tipheret, l’équilibre des deux forces, réalisé au sein de la compassion, qui va faire correspondre le haut avec le bas. Autorisation et règles, c’est la relation, la mise en commun, qui reconnait la différence. Ni domination ni soumission, à égale distance, c’est la gratuité, la spontanéité de la nature humaine. Parce que ce monde ne peut pas reposer uniquement sur l’amour, ce qui serait destructeur, ou sur la justice, ce qui le rendrait insupportable.
On peut assimiler la colonne B «en lui la force» à la Colonne Din, la colonne J «il rend ferme, il donne un sens à l’existence, il fonde le «oui» du monde» à la colonne Hessed, la troisième colonne étant l’être lui-même. Les colonnes du temple de Salomon, qui sont creuses, permettent à la lumière de l’infini de circuler. Se placer entre les colonnes prend alors tout son sens.
On peut aussi remarquer que le monde du Rite Ecossais Ancien et Accepté (REAA) est un univers essentiellement masculin, où tous les noms, personnages, mythes, ne font appel qu’à des hommes, que la femme y est, certainement volontairement peu présente. Une des représentations de la féminité se trouve dans la colonne J, à laquelle incombe l’approbation du monde.
Il est aussi intéressant de noter que lorsque les sefirots sont représentés sous le schéma traditionnel, en arbre, le chemin involutif dessine une figure en zigzag appelée le plus souvent « Epée de Feu», que l’on pourra sans mal rapprocher de l’épée flamboyante ou du caducée (voir dessin page 5).
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Les 4 mondes
La lumière doit descendre à travers ces 4 mondes (OLAM) pour atteindre l’homme en tant que créature physique.
Atsilout: émanation émotions spiritu­elles. A la limite de la lumière et de la matière, c’est là seulement que l’on peut entrer en contact avec l’Aïn Sof.
Beriya: création, sciences intellectuelles. C’est le monde du pur esprit, la capacité d’appréhender l’essence authentique et intime des choses. C’est le point central où se rencontrent le flux qui s’élève des mondes inférieurs et celui qui descend des mondes supérieurs.
Yetsira: formation sentiments. C’est le monde des émotions, qui y sont expérimen­tées, les manifestations conscientes d’élans particuliers.
Assia: action du monde dans lequel nous vivons, perceptions sensorielles et extra sensorielles. Dans la partie supérieure, c’est le monde de l’action spirituelle Espace + temps + âme = définissent le monde et se retrouvent à chaque niveau.
Ce sont les malakhs, les anges, qui sont les messagers de l’influx d’énergie entre les mondes. Il y en a plusieurs catégories.
Les 10 sefirots
L’arbre des sefirots est la structure de la création. Chacun représente une forme à un des niveaux d’émanation divine, et chaque fois c’est un point de vue de la lumière d’en haut, sous une autre forme. «Ce sont 10 niveaux, qu’elle gravit vers le bas et que l’on peut gravir vers le haut... 10 sortes de feu, 10 catégories de gloire, 10 paroles par les­quelles le monde fut créé, 10 nombres, poids, mesures, qui dénombrent, pèsent et mesurent tout» (Chaar hachamayim).
Du point de vue humain, les Sefirots sont la source des dix puissances de l’âme. Le terme sefira désigne le chiffre, la sphère, le nombre, mais tire son origine du mot saphira, la lumière condensée.
Kether 1 la couronne. Nom alternatif ehyeh : je serai. La présence à soi, l’art d’être prêt à recevoir l’énergie divine, ici et maintenant.
Hochmah 2 la sagesse. La faculté de s’émerveiller, la sagesse dans l’étonnement, le rejet des habitudes sclérosantes, l’homme renouvelé.
Bina 3 l’intelligence. Le langage de la logique et de l’intuition,
Hessed 4 l’amour, la générosité, la clé­mence. La dialectique du bien et du mal, ou plutôt du parfait et de l’imparfait, de l’ouverture et de la clôture.
Guevoura, Din 5 la force, la rigueur, la justice. La nécessité de la structure, puis de la forme. C’est ce qui fait que ce qui est, est.
Tiferet 6 l’harmonie, la beauté. La perfec­tion de l’homme, c’est sa perfectibilité.
Netsah 7 la victoire et la patience divine, l’éternité. La maîtrise et la gestion du monde. Hod 8 la splendeur ou la gloire. La dimen­sion esthétique.
Yesod, Tsadiq 9 le fondement. La capacité de transmettre ce qui a été reçu.
Malkhout 10 le royaume. La capacité de recevoir et de s’organiser.
Mais comme les 3 mousquetaires qui étaient 4, les 10 sefirots sont 11 : A la croisée des chemins, au centre du rectangle, DAAT, la connaissance, qui forme un triangle équi­latéral pointe en bas, avec Hochmah et Bina, trois points qui forment la typographie du ségol, vocalisation du «é». Intelligence émotionnelle, elle ne fait pas partie à propre­ment parler de l’Arbre, car elle n’est pas porteuse d’une qualité divine manifestée. Elle n’a donc pas de nombre associé ni de lettre, mais elle y est presque toujours représentée.
Les sefirots sont, le plus souvent, sur un arbre, arbre de vie, ou Arbre de la connais­sance, tel un arbre qui renaît à chaque printemps. Selon la Torah, l’homme vit à l’ombre d’un grand Arbre, source de Vie. (Dieu).
De l’arbre des sefirots on va extraire:
1) les 10 nombres.
2) les 22 lettres hébraïques, qui se trouvent sur les chemins reliant les sphères, ou Authioth, 22 aspects de la manifestation du Verbe créateur. Outre lettre, Auth signifie
aussi: Signe, Preuve, Symbole, Miracle soit les 32 voies merveilleuses de la sagesse par lesquelles le monde a été créé.
Un maître hassidique demande un jour à ses disciples: « Quelle est la plus grande catastrophe qui soit jamais arrivée au peuple juif ? » Les réponses fusent, toutes réfutées pas le maître: 400 ans d’esclavage en Egypte... La destruction du temple... L’exil à Babylone... La Shoah...
« Non, rien de tout cela: la pire cata­strophe qu’a connu le peuple juif, c’est quand la Torah est devenue une religion

Bibliographie
Berechit, Les secrets initiatiques de la création de José Bonifacio, éditions Télètes, 1994.
Mystères de la Kabbale de Marc-Alain Ouaknin, éditions Assouline, 2007.
L’évangile ésotérique de saint Jean de Paul le Cour, édition Dervy, 2008.
Lumières sur la Kabbale de Virya, éditions Jeanne Laffitte, 1989.
Publié dans le Bulletin de SUB ROSA : Une Parole Circule - Bulletin N° 5 - Octobre 2010  -  Abonnez-vous

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