Obédience : NC Bulletin de SUB ROSA : Une Parole Circule 03/2010

Le Sacré et le Profane

Pour compléter un tour d’horizon sur les multiples manifestations du Sacré et du Profane, relevons cette étude qui avait été réalisée par Rav Hillel Rachmani et Jonty Blackman, traduite en français par Dan Klajmic. En voici quelques courts extraits:

LA PENSÉE DU RAV KOOK

Tout au long de son oeuvre, le Rav Kook disserte sur le rapport entre le sacré et le pro­fane. Le passage suivant, tiré de Ma’amarei Ha-Reiya, parle de trois catégories concep­tuelles: le profane, le sacré, et le Saint des Saints.

«Il y a un monde du profane et un monde du sacré, les mondes de la laïcité et les mondes de la sainteté. Ces mondes se contre­disent. Evidemment, la contradiction entre eux est relative: l’homme, dans sa compré­hension limitée, est incapable d’harmoniser le profane et le saint, et il est incapable de neutraliser leurs contradictions. Ils sont cependant réconciliés dans un monde supérieur, dans le Saint des Saints.»

Nous avons ici trois strates, le profane, le sacré, et le Saint des Saints. Lorsque nous regardons de plus près ce passage, nous remarquons que ces trois concepts ne sont pas présentés comme des blocs de construc­tion, placés les uns sur les autres, avec le sacré placé sur le profane. Mais ils forment plutôt une pyramide dans laquelle le profane et le sacré sont la base, avec le Saint des Saints formant le sommet, reliant ces deux aspects (le profane et le sacré) ensemble.

Ici nous avons une idée incroyablement innovatrice – le profane est placé sur le même plan que le sacré et c’est seulement le Saint des Saints qui occupe une position au- dessus d’eux.

Le Rav Kook parlait du profane, de la sainteté ordinaire, et du Saint des Saints. Nous vivons dans un monde dans lequel nos expériences semblent émerger de deux réali­tés différentes (profane et sainteté); les deux dans un sens idéologique et dans un sens existentiel. Cependant, la tension qui en est souvent le résultat n’est pas due à la réalité inhérente à ces deux mondes différents, mais plutôt à une compréhension limitée qui empêche de forger une existence synthétisée.

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Le porche de l’entrée ouest de la Cathédrale symbolise-t-il la
voie vers le Saint des Saints ?
(Photo: Cathédrale de Lausanne)

« Un des buts de la révélation des mys­tères ésotériques (de la Torah) – dans ce monde – est que le sacré regarde avec bien­veillance, pour réaliser en vérité, qu’il n’y a rien de totalement profane dans ce monde. Par contre, toutes les dimensions de sainteté sont elles-mêmes profanes en comparaison avec la lumière exaltée de sainteté qui émane du Ein Sof (L’infini). Le résultat est que ces concepts sont réunis et il en ressort l’unité de ces positions; l’esprit de l’homme croît de plus en plus et ses actions croissent et se glorifient dans le fondement d’une existence supérieure.»

Le monde dans lequel nous vivons définit la vie dans des termes simples: le sacré et le profane. Chacun est placé en regard de l’autre: le profane est vide parce que le sacré est plein et le résultat est qu’il n’y a aucune interaction entre eux. Le Rav Kook disait avec insistance que nous ne pouvons pas voir la vie dans des termes aussi sim­plistes. Nous devons regarder la profondeur et pénétrer au-dessous de la surface, et trouver la sainteté dans l’exis­tence. Beaucoup de cette sainteté peut être cachée dans le profane. Et même dans le sacré, certains aspects du profane peuvent être trouvés.

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Les 12 lettres disposées sur les arêtes du Cube de l’espace
(et les 10 à l’intérieur) évoquent-elles les arcanes cachés au profane
pour le conduire vers le sacré ? (Le Cube du Sepher Yetsirah).

« Dans tous les sentiers de la vie, le pro­fane s’éveille le premier, alors le sacré est obligé d’apparaître, pour achever le renou­vellement du profane, pour l’embellir et le dégager de son impiété. Le malheur c’est que le profane utilise son pouvoir de premier-né, le pouvoir du fait qu’il était né le premier à la lumière du monde et de l’acti­vité, pour dire «c’est grâce à Moi, et il n’y a rien d’autre à part Moi» – il n’a aucun désir de connaître la sainteté, son intensité précieuse et son apparition rayonnante. Et le malheur c’est que le sacré dit: «depuis que le profane est venu au monde le premier, il déborde sur mes limites. Donc je dois lutter contre lui, détruire ce qu’il bâtit, déraciner ce qu’il sème». L’exemple de la vie et une perspective claire de l’existence, nous ensei­gnent une tout autre réalité. Ainsi est le destin: la volonté du profane défile sur l’estrade de la vie. Il est vrai que dans son intériorité, il attire une sainteté élevée, le Saint des Saints, aussi dans ces premiers pas. Mais les valeurs du sacré ne sont pas du tout reconnaissables dans la clarté et la compré­hension du début de l’apparition du profane, et après les premiers pas du profane, le sacré doit forcément venir, irradier de sa lumière et apparaître dans sa gloire.»

PROFANE, SACRÉ, SAINTETÉ

Le profane est créé chronologiquement le premier, il précède le sacré. L’arbre croît avant le fruit et seulement après cela le sacré vient et perfectionne le profane, lui donnant toute sa signification et en l’empêchant de dégénérer en laideur et confusion.

Le Rav Kook dit que idéalement le sacré devrait empêcher le profane de croire que parce qu’il est venu le premier, il est la raison de l’existence du monde. Par contre, l’existence même d’un rapport entre le sacré et le profane doit assurer à cette sainteté que le profane ne sera pas un obstacle à sa propre expression.

Malheureusement, ce sont ces étincelles de sainteté dans le profane qui lui donnent la fausse impression qu’il n’a pas besoin de la sainteté. Le problème du monde profane est que sa sainteté intérieure qui est cachée, réalise seulement son potentiel par le contact avec les autres, en révélant les sources de sainteté. En l’abandonnant, non seulement ces étincelles de sainteté restent cachées dans le profane, mais l’entité elle- même peut même être abîmée par les aspects négatifs externes du profane. De plus, parce que la sainteté ne peut pas voir ce qui est caché à l’intérieur du profane, alors le sacré nie la légitimité du profane. Et en retour le profane devient agressif et violent, et provoque le combat. Le Rav Kook considère cette guerre entre le sacré et le profane comme dangereuse et qui ne convient pas. Le profane sans la sainteté est effronté et vide. Et, tout comme nous avons besoin de l’air pour respirer, le sacré a besoin du profane pour agir sur le monde. Quand le sacré rejette le profane, il devient sec et aride. Nous devons placer chacun dans les deux mondes, pour pénétrer dans leurs profondeurs et les élever tous deux. Ainsi nous empêcherons la chute des deux mondes...

Publié dans le Bulletin de SUB ROSA : Une Parole Circule - Bulletin N° 3 - Mars 2010  -  Abonnez-vous

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