GLDF | Revue : Points de Vue Initiatiques | 3T/1990 |
Les chemins de la vérité «La pire
mésaventure, heureusement improbable, qui pourrait advenir d l'esprit humain,
serait la découverte d'une Vérité définitive» tient à mettre en garde, dans
le «Dieu Masqué» Thierry Maulnier, l'académicien qui vient de disparaître. Et pourtant !
Depuis que l'intelligence lui a été donnée l'homme ne cesse de courir après le
secret de son âme, en mal d'une Vérité Fondamentale dont la perte est encore à
ce jour tragiquement vécue dans son irréparable. Orphelin amnésique de
l'Histoire, qui aurait tout oublié de ses origines, jusqu'à l'éventualité qu'il
pût en avoir, l'homme porte en lui comme d'autres une cicatrice invisible -
mais - sensible, la nostalgie de l'Unité... Initiatrice : impression confuse
d'insatisfaction !... vague sentiment d'incomplétude !... mal-de-vivre
informulé en somme ! la nostalgie de l'Unité Première, c'est aussi une soif
d'Absolu. Au commencement de
notre passé — c'est le Livre qui le dit — le fils aine de la terre matricielle
a prématurément goûté au fruit réservé de la Connaissance. Il a laissé
l'immortalité des formes, entraînant du même coup avec lui dans le «temporalat»
toutes les oeuvres de la Création, sous le triple signe profane de l'autre, du
deux et du multiple. Mais en dépit des siècles et des siècles, au-delà du
silence, quelque chose d'indéfinissable en l'homme se souvient. Les Hindous le
disent un peu différemment quand ils racontent, à travers une vieille légende
brahmane, que tout être humain possède à son insu son propre divin, un divin
sans visage, si bien dissimulé dans les replis de l'inconscient qu'il s'y est
perdu. Livre ou légende, il est dans la destinée de l'homme de briser la
malédiction du binaire profane, de retrouver en lui le divin de l'être qui du
fond de l'inconnaissable lui parle d'unité, d'infini, d'éternité, de réveiller
de ses cendres assoupies cette petite étincelle originelle, afin que, grossie
de ses semblables, elle éclaire demain de la vraie lumière : Les chemins de la Vérité L'histoire de
l'Humanité — ce sont les savants d'aujourd'hui qui le disent — est celle d'une
longue suite ininterrompue d'ordre et de désordre qui a commencé il y a
maintenant près de 15 milliards d'années. Contredisant Jacques Monod pour qui :
«L'homme était perdu dans l'immensité indifférente de l'Univers d'où il a
émergé par hasard », de très sérieux astrophysiciens de renom, Hubert Reeves,
entre autres, n'hésitent pas à déclarer publiquement que l'existence de l'Homme
était inscrite bien avant lui dans l'aventure du Cosmos, dès l'instant premier,
cet instant 0+ où l'énergie s'est faite matière et à partir duquel
l'inconcevable a cessé de l'être. Tout se passe comme si l'Univers sorti on ne
sait de quel chaos cosmique, de quel «en-soph », le néant mythique des
kabbalistes, ni par qui ni par quoi, avait été... providentiellement, oui c'est
cela providentiellement, réglé pour que la vie apparaisse et que s'éveille la
conscience des hommes. Difficile de rester
insensible à cette volonté exprimée par l'infiniment petit et l'infiniment loin
originels, de se réaliser en l'homme, selon un protocole si merveilleux de
précision qu'on pourrait douter qu'il ne fût préécrit ! Hasard, Génie-créateur,
bien peu aujourd'hui se risqueraient à conclure définitivement en faveur de
telle ou telle hypothèse, dont dépendent à l'évidence le sens de notre
interrogation voire l'utilité même d'une réponse. Le monde, jusqu'ici, n'a
pratiquement rien cédé de son intelligibilité, qui reste pour l'essentiel,
aussi hermétique que ne l'était au siècle des lumières le «Livre scellé» de Kant
(1724-1804). Que puis-je savoir ? s'interrogeait le
philosophe de Koenigsberg pour nous dire plus simplement après tant d'autres : «Qu'est-ce que la vie ? En développant sa
théorie de la connaissance essentiellement fondée sur des informations
intuitives, leur compréhension et surtout sur la raison pure en dehors de toute
autre considération empirique ou théologique Emmanuel Kant se posait en
«humaniste du savoir » dans la mesure où il s'intéressait à la performance
intellectuelle de l'homme, l'homme pris en «soi », l'homme tel qu'en lui-même
avec ses limites certes, mais au centre de la nature à qui il donne un sens par
ce qu'il est, par ce qu'il pense et par ce qu'il fait. Plusieurs décennies
auparavant René Descartes (1596-1650) pensait avoir trouvé avec l'Unité et
l'Infini la preuve ontologique de Dieu dans sa «Troisième Méditation
métaphysique»: ... «Car encore que l'Idée de substance soit en moi, de cela
même que je suis une substance, je n'aurais pas néanmoins l'idée d'une
substance infinie, moi qui suis un être fini, si elle n'avait mise en moi
quelque substance qui fût véritablement infinie... ». Pour l'auteur du
génial «Cogito» - «je pense donc je suis» - Cogito Ergo Sum — Dieu existe
puisqu'il est dans ma pensée, je peux tout mettre en doute sauf ce doute
lui-même et la pensée qui l'engendre. Entre le doute et
la certitude, le «vraisemblable mais faux » et « l'incroyable mais vrai »,
l'homme - tantôt Promethée vainqueur, tantôt Sisyphe vaincu - semble condamné à
vivre avec l'angoisse que l'on dit métaphysique parce qu'elle lui vient de
l'insaisissable Absolu. Le constat de sa vulnérabilité, la perspectivé de sa
fin biologique, l'idée seule du Néant en sont une cause. L'irritante faillite
intellectuelle à en expliquer le pourquoi, le sentiment d'incomplétude que
laisse le souvenir enfoui de l'irréparable, en sont un autre mais combien plus
tragique pour celui qui découvre que la liberté dont il jouit n'est peut-être,
tout compte fait, qu'une liberté tronquée. Pas étonnant, dans ces conditions,
que l'homme se prenne à rêver d'un « autre chose », d'un «ailleurs » où il
n'aurait plus à rendre compte - au nom d'une mémoire collective - de la faute
que le premier des nôtres aurait hier commise. Mais au fait,
qu'est-ce que cette faute dont on nous rebat les oreilles avec tant de
complaisance et que l'humanité n'en finit pas d'expier. Le mythe de la faute
originelle - car vous en serez d'accord, il s'agit bien d'un mythe - le mythe
de la faute originelle plonge d'obscures et tenaces racines dans l'inconscient
de l'Homme régulièrement confronté à ses propres limites, à ses propres
faiblesses. Or, chacun de nous aujourd'hui, est Adam pour l'homme du futur,
tous également faillibles mais tous également responsables à l'heure des choix
essentiels. Aussi convient-il de ne voir là rien que symboles inspirés par
l'arbitraire d'une condition dont nous avons tous à assumer, tout jusqu'à sa
précarité, sans que néanmoins l'imaginaire, sans que la fiction ne prenne par
trop le pas sur la Réalité. L'arbre de la connaissance, le fruit défendu, le
serpent de la séduction, la chute originelle... Tout est symbole. Ces fabuleux contes
de fées pour adultes que sont les mythes renvoient à ce que nous sommes, à ce
que nous faisons. Et peut-être davantage à ce que nous voudrions être ou ne pas
être - faire ou ne pas faire - Eternelle quête d'identité, de légitimité comme
si quelque part en nous se cherchaient sans jamais se retrouver Eros et Psyche.
Quoi qu'il en soit la vie a ses merveilles, les merveilles leurs secrets.
L'homme n'aura de cesse qu'il ne parvienne à la connaissance de tous les
secrets et mystères de la vie, qu'il ne parvienne, contre les préventions de
Thierry Maulnier, au définitif de la Vérité. La vérité pour le profane
On ne compte plus
les aphorismes et les métaphores qui foisonnent dans la
littérature à propos de
la Vérité. Nietzsche, l'homme de toutes les
contradictions qu'il aura vécues
jusque dans sa folie, en était particulièrement friand.
«La vérité, peut-on
lire dans une de ses oeuvres maîtresses (volonté de
puissance 1896-1911), est
un genre d'erreur sans laquelle une espèce
déterminée d'être vivants ne
sauraient vivre »... un peu plus loin : «Il n'y a pas
d'autre critère de Vérité
que l'accroissement du sentiment de puissance », et encore :
«Nous avons l'art
pour ne pas mourir de la Vérité ». Il n'est de
Vérité que révélée dit le
prophète qui se souvient ! Il n'est de Vérité que
par la connaissance exacte
des sciences humaines et naturelles lui répondent d'une seule
voix les
philosophes et les savants, appelés désormais à se
réconcilier sur son autel.
Il n'est de Vérité qu'initiatique, signent d'une seule
main - au nom de tous
les francs-maçons passés et à venir - deux
pasteurs anglicans : James Anderson
et Jean-Théophile Desaguliers. ... Celle que l'on gagne sur les
dogmes, les
idoles, les croyances bloquées, «les morales closes»
ainsi que sur toutes les
«idéologies-prétexte ». Vérité,
celle qui en amont procède de l'expérience ou
celle qui en aval se mesure à l'aune du succès !
Vérité pour les empiristes !
Vérité pour les pragmatiques ! Il n'y a de Vérité
que par l'Esprit soutient le philosophe allemand Leibnitz (1646-1716) qui
interpellera, en français, les consciences du monde entier aec cette question
désespérément sans réponse : «Pourquoi y-a-t-il quelque chose plutôt que rien ?
», non lui répond Karl Marx (1818-1883) la vérité est dans la matière, et la
conscience elle-même, n'en est que le reflet dans le cerveau de l'Homme. Il n'y
a de Vérité que dans ce que l'on fait et ce que l'on devient. Il n'y a de
Vérité que dans ce que l'on est. Quand Hegel
(1770-1831) pensait à Dieu et avec lui des Hommes aussi éloignés qu'Aristote
(384-322, Avant J.C.), Eckhart (1260-1327), Rainer Maria Rilke (1875-1926), et
Teilhard de Chardin (1871-1955), c'est à ce Dieu qu'il pensait : l'ensemble des
forces connues et inconnues par lesquelles la nature, les hommes et le cosmos
deviennent, progressent et s'accomplissent. Quand Jean Paul Sartre (1905-1980) pensait
à l'humanité, c'est à l'existence vécue par les hommes qu'il pensait, libres
d'être ce qu'ils sont dans le cadre d'une finitude pourtant non maîtrisée, où
rien ne serait qui ne soit déterminé. L'existentialisme de l'après guerre - où
l'on retrouve un peu de ce qu'enseignait déjà Socrate (470-399 avant J.C.) à
qui de l'agora voulait le suivre - prend acte du primat de l'Existence sur
l'Essence de l'être avec ou sans un Dieu, selon qu'il se réfère au Danois
Kierkegaard (1813-1858) ou à l'Allemand controversé Heidegger (1899-1976). Face au perpétuel
questionnement des philosophes et des savants sur le Moi, l'Univers et Dieu :
qui vous paraît le plus déterminant ? L'Esprit ! sans
lequel le corps serait comme une poupée désarticulée, privée jusqu'au savoir
d'elle-même ? ou la Matière, sans laquelle l'Esprit serait comme une errance
sans objet, aussi inutile que les ailes et le vent sans le moulin 9 Ce que l'on
est appelé à devenir, jouet de la providence, du destin... du hasard ? ou ce
que l'on est, en fonction de ce que l'on a librement décidé d'être ? Entre
Leibnitz, Marx, Hegel, Sartre et leurs semblables, entre les spiritualistes,
les matérialistes, les existentialistes et... tous les autres, ce bout de
dialogue imaginaire ébauché ici se poursuit à travers les âges depuis que ce
monde est celui de l'intelligence pour dire l'histoire des hommes telle qu'en
leur diversité, ils la conçoivent. Alors, s'il y a
tant de sortes de Vérité, «autant que d'âmes en Israël» (Rabbi Luria, le Saint
Lion de Saphed, un mystique familier aux kabbalistes), est-ce à dire qu'il n'en
existe aucune ? N'y aurait-il donc,
ici bas, de Vérité, que dans le silence par lequel elle aurait choisi de nous
parler et dont savent si bien se nourrir les Sages de l'Orient. Chut ! juste un
doigt posé sur le bord des lèvres... Ceux qui lisent les
Saintes Ecritures se souviennent du silence observé par le Nazaréen en réponse
à la question de Pilate sur l'essence même de la Vérité. Les autres se
souviendront du poète. «Seul le Silence est grand, tout le reste est faiblesse»
(Lamartine). « C'est dans le Silence seul que la Vérité de chacun se noue et
prend ses racines » (Saint-Exupéry). La Vérité, c'est
moi ! Pour oser le prétendre, il faut accepter par avance de mourir comme Lui
sur la croix entre deux larrons ! ! ! De cette alliance (de coeur et de raison)
entre l'esprit et la matière dont rend compte l'affirmation de la Vérité, on
attendrait qu'elle s'impose à tous comme s'impose à tous l'axiome dans son
évidence ou le postulat dans son indémontrable-mais-vrai. C'est sous-estimer le
poids des différentes conventions du moment, des Traditions, des cultures, des
considérations d'opportunité politique quand ce n'est pas celui de la tyrannie.
Il n'en est pas de pire, en tous les cas, que celle à laquelle on voudrait nous
contraindre : La Vérité d'une Démocratie, n'est-ce pas la liberté d'avoir la
sienne, de la conserver ou... d'en changer. «La Vérité
existe, on n'invente que les mensonges » répétait volontiers, Georges
Braque (1882-1963). Une lointaine et mystérieuse déesse Maya couvre de son
voile la réalité des choses, ne laissant transparaître que l'écume maquillée
des illusions. La nuance est d'une telle subtilité parfois que l'on est en
droit de se demander avec l'auteur du Zarathoustra, si les Vérités ne sont pas,
tout compte fait, des illusions dont on aurait oublié qu'elles le sont. En
résumé, l'idée de la Vérité, est une prise de conscience d'une réalité, que
l'on exprime à un moment donné, avec ses nuances voire ses différences, à
travers le filtre de sa personnalité, sur la scène engagée des conventions, des
traditions et des cultures. Voilà ce qu'un
philosophe, un peu pressé par le temps, aurait peut-être aimé vous dire, entre
autres, sur la Vérité, si son intention avait été d'évoquer brièvement, à
travers quelques citations, par quelle fragile alchimie de l'esprit, la pensée
s'accorde avec son objet quand le probable devient une certitude, et le
concept, un « sentiment accru de puissance» : avoir raison. Sans doute vous
aurait-il recommandé de lire ou ae relire «l'Ethique» publiée en 1677 soit
quelques mois après la mort de son auteur, un philosophe juif d'Amsterdam
maudit par les siens, méprisé par les autres, mais jusqu'au terme de sa vie
ivre de Dieu et de Vérité : Baruch Spinoza (1632-1677). Or nous nous
trouvons présentement, au 8 de la rue Puteaux, dans l'Hôtel depuis peu rénové
de la Grande Loge de France. Souffrez donc que ce soit
maintenant en franc-maçon, franc-maçon de la Grande Loge de France en
particulier, que je vous parle de la Vérité et je vous confierai ensuite les
chemins susceptibles pour moi d'y mener. La vérité du franc-maçon
Idéal de
perfection, savoir absolu, connaissance suprême... Parole sacrée, Parole
perdue... Lumière, Sagesse ou... Vérité, mieux que les mots qui se dérobent,
dérangent ou trahissent, l'authenticité de ce que vivent les «Fils de la
Lumière», autour d'une mosaïque de différences, dans le périmètre sacralisé,
juste et parfait d'une Loge, est à même de raconter ce qu'est leur quête
initiatique. Il importe que vous compreniez que le Secret maçonnique - cible
favorite - n'est ni une dérobade de convenance, ni une je-ne-sais-quelle
conspiration suspecte de l'inavouable - mais bel et bien un secret initiatique
par nature. En chacun de nous,
passe, dans le tréfonds du Soi le centre du cercle, symbole de notre
Transcendant. Qu'y-a-t-il de plus secret que le Tréfonds du Soi, dont les
Hindous ont fait «l'Atman », le divin caché de l'être ? Aurions-nous,
d'ailleurs, autant de méthode que Descartes dans son discours, de subtilité que
Pascal dans ses Pensées, aurions-nous le Talent de Jaurès, le Génie d'Einstein,
la «Congruence» d'un Rogers ou la Sagesse d'un Confucius... que nous en serions
encore à ne pouvoir dire l'indicible ni communiquer l'incommunicable. La vérité de l'initié ?
C'est d'abord le silence Chut ! Juste un doigt posé sur le bord des lèvres ! ! ! Mais rien ne nous
interdit de rêver ensemble, les yeux ouverts ! Un objet inanimé,
dont Lamartine s'inquiétait hier qu'il n'eut une âme, nous
est accessible par sa
forme et la substance qui le compose, c'est-à- dire par son
apparence et ce que
nous révèlent les scientifiques. Sous le microscope, la
matière éclatée n'est
que molécules et atomes, identiques - à l'âge
près - aux particules
primordiales dont ils sont la mémoire. Au terme de ce temps
remonté, il y a le
Commencement et avant le Commencement il y a ... l'inconcevable,
l'espace
onirique du non-créé du non-être, le non-lieu
indéterminé qui ne connaît ni
ténèbres ni lumière, même pas «le Ciel
étoilé au-dessus de nos têtes» d'où
Kant
tirait l'affirmation de la présence divine. La
vérité de la matière ? C'est
l'impossible souvenir de l'avant-premier jour ! L'être humain aussi
nous est connu par son apparence. Mais en dehors de ses paroles, de ses actes,
de ses comportements, et de ses émotions, en dehors de ce que nous en
apprennent l'anatomie et la physiologie, il y a le mystère inexprimable de ce
qu'il est une fois dépouillé de sa forme et de ses fonctions. La Vérité de
l'Homme-nu, c'est ce que personne ne peut en voir et dont il a seul la
perception secrète : «Ce qu'il cache» disait Malraux, l'invisible dedans par
lequel tous finissent par se ressembler et n'en former plus qu'un, le dernier
masque tombé, l'ultime voile vaincu. Ce que je perçois de moi, c'est aussi la
perception de ce que tu es comme faisant partie de moi-même et à travers toi, à
travers moi je perçois tous les autres réunis Ce que tu perçois de toi, c'est
aussi la perception de ce que je suis comme faisant partie de toi-même et à
travers moi, à travers toi tu perçois tous les autres réunis. La vérité du
sage, aux pieds de la déesse Maya, c'est le Miracle renouvelé de
l'identification originelle. Comme elle est aussi le Miracle insoupçonné de la
Transparence ! «Pour un être
conscient, exister consiste à changer, changer à se mûrir, se mûrir à se créer
indéfiniment soi-même» pouvait-on lire en 1907 dans «l'évolution
créatrice», sous la plume d'Henri Bergson, comme à notre intention. Pour un
franc-maçon, réussir sa mutation c'est devenir plus grand d'une dimension
intérieure, c'est en outrepasser de l'autre côté du voile, celui-là dont on
prend si souvent l'ensemble des plis pour la Vérité, ironise Nietzsche. Chacun,
même le plus modeste en est le miroir morcelé. De même qu'un peu d'eau salée
suffit à rendre compte de ce qu'est dans sa totalité l'Océan, de même un tant
soit peu de Vérité suffit à rendre compte de ce qu'elle est dans sa Totalité,
la connaître en partie - serait-ce par son image - c'est la connaître Toute. La
vérité du franc-maçon, c'est Etre, plutôt que de paraître, dans le silence des
passions où l'Avoir n'est plus que contingence. C'est la Transparence. C'est la
conscience du Tout reconstitué à partir de son image éparpillée dans l'Un, le
Deux et le Multiple. Une fois de plus c'est rassembler ce qui est épars pour
mieux Etre dans l'Unité et... pour mieux agir. Depuis que l'infini
intemporel s'est concrétisé dans l'Espace-Temps (le passé, le présent et
l'avenir) mille générations se sont succédées. D'autres viendront, puis
d'autres encore qui se survivront sur les traces supposées d'une certaine
Parole perdue, jusqu'à ce que d'autres enfin soient un jour en mesure de
l'épeler au nom de l'Humanité oubliée toute entière. La vérité du juste c'est
avec le secret de son âme, la Parole retrouvée, après l'exil le revenir, plus
belle que le Royaume, la Royauté reconquise ! La vérité du dernier des justes,
c'est au pays de Canaan, avec la Jérusalem promise, vie et mort dépassées, le
sublime embrasement de la Lumière et de l'Amour. Nous voici loin des
aphorismes et des métaphores de tout-à-l'heure qui sont aux idées abstraites ce
que les couleurs sont à la grisaille d'une image. Certitude que les hommes
participent d'un Tout, dont ils sont comme d'infinis doubles éparpillés dans
l'Histoire. Espoir d'en retrouver le secret perdu au terme d'un chemin qu'il
nous faut choisir parmi d'innombrables, certes, dont l'ambition est égale de
mener au Sacré... au Divin. La spiritualité, qui porte l'homme au faîte de la
complexité, face à lui-même et à ses interrogations sans ne préjuger en rien de
ce que doit être la réponse. La connaissance
initiatique qui relève le défi de la Transcendance, du dépassement du Soi, en
ce qu'elle se réfère à des symboles librement acceptés et librement
interprétés, à un rituel que les ans ont épargné de l'usure et de la lassitude,
au non-dit d'une Tradition plusieurs fois millénaire. Le Tout à l'intérieur
d'une loge, lieu géométrique et orienté où se vivent dans l'unité de lieu et en
un seul temps réunis, la mémoire du passé, l'insaisissable réalité du présent
et les promesses de l'avenir. L'Amour cet océan des âmes et des coeurs où
s'adoucissent les différences au point de nous confondre... sans nous perdre,
nous distinguer... sans nous désunir, au sein de cet être mythique... «exponentiel»
que nous appelons Egregore... La spiritualité, la connaissance initiatique,
l'amour sont les trois chemins de la vérité que je vous propose d'emprunter
aujourd'hui avec la certitude et l'espoir de ceux qui rêvent à nouveau d'infini
et d'éternité. A les évoquer il me
vient soudain comme des senteurs mélangées d'acacia, de laurier et d'olivier -
de mystère, de victoire et de paix - que beaucoup avec moi, j'en suis sûr,
reconnaîtront aussi. Le chemin de la spiritualité
L'aptitude à
penser, à comprendre, à communiquer l'imagination, la mémoire, la créativité,
la curiosité qui porte naturellement à s'interroger sur le pourquoi de sa
condition, la volonté de devenir l'artisan «co-auteur» de son destin, sont avec
la conscience que l'on a de Soi et la conscience du devoir autant de qualités
propres à faire de l'homme ce qu'il y a de plus grand dans l'univers, selon
Swamiji, le sage-gourou que cite très souvent Arnaud Desjardins. Nul ne sait
exactement quand elles lui sont venues ni de qui il les tient. Mais ce que l'on
sait de la spiritualité qui fait l'homme et la grandeur, c'est qu'elle est ce
par quoi les Sociétés, les Civilisations blessées ou finissantes mais
comptables de leurs oeuvres se préservent de l'oubli. Et pas un que je sache
qui ne puisse jamais s'entendre dire : «J'ai soif» . «La vraie valeur
de l'Homme se définit en examinant dans quelles mesures et dans quel sens il
est parvenu à se libérer du moi », écrivait Albert Einstein. Toute victoire
remportée sur ses passions, ses instincts, ses contradictions et conflits
internes, ses peurs, ses angoisses... sur ses préjugés, ses habitudes... est
une victoire remportée sur son Ego. Chaque pas qui l'en éloigne rapproche lEtre
de sa libération, dans l'Unité recouvrée. Que peut-on espérer, en effet de profond
et de durable, s'il n'est pas mis fin d'abord à l'aliénation de l'être,
contraint aux exigences d'un Ego abusif, opaque à tout regard sur l'invisible
dedans ? Ce n'est qu'en triomphant de son propre mental, dont il est l'otage
naturel, que l'homme sera en mesure de créer les conditions d'une authentique
liberté intérieure, prélude à l'unité de l'être, en mal d'Absolu. L'occident a
longtemps vécu avec cette idée que rien ne s'opposait davantage que la matière
et l'esprit. Aujourd'hui, on ne craint plus de les regarder comme deux
apparences manifestées d'un seul et même Tout indivisible, comme l'avers et le
revers d'une même réalité. Sur un autre registre, les données les plus
actuelles de la Science nous le confirment : la pensée est inséparable de son support
biologique. Les frontières entre les différentes disciplines de la «cognition»
- comme on les nomme maintenant - sont en train de tomber une à une. Quand je
vous le disais que les philosophes et les savants étaient condamnés à se
réconcilier sur l'autel de la Vérité ! ! ! Il y a un peu plus
d'un demi-siècle, un mathématicien Londonien, James Jeans (1877-1946)... Sir
James Jeans, l'homme de la relativité et des quantas de son époque, faisait
cette constatation... devant un autre auditoire il est vrai : «aujourd'hui on
s'accorde assez généralement à reconnaître que la connaissance nous mène vers
une réalité non mécanique, l'Univers commence à ressembler plus à une grande
pensée qu'à une grande machine». Voilà qui nous paraît à ce jour bien timide,
bien en deçà de ce que les neuroscientifiques nous disent savoir de la pensée,
du cerveau et de son fonctionnement. Mais qui était néanmoins de nature à
rassurer, en son temps, Henri Bergson (1859-1941) inquiet pour l'humanité de
voir se développer une mécanique sans mystique, un monde déshumanisé, un monde
de mécaniciens et de robots qui n'auraient plus rien à connaître de la
spiritualité. Ce même Henri Bergson qui heureusement d'un autre côté, ne
désespérait pas que l'Univers devint un jour «une machine à faire des Dieux». En attendant, se
déroule un fil invisible du souvenir qui relie la pensée des hommes au mystère
originel. Une Tradition, plus vieille que le monde, nous parvient d'un
inaccessible ailleurs riche de tous ses messages éternels, pour nous parler de
certitude, de vérité et de paix mais aussi de fraternité, d'amour et d'alliance
! Une tradition de l'esprit, dont on chuchote entre initiés, que serait fait le
sang. des Prophètes. Ainsi se perpétue la grande Loi universelle de la vie
quand meurent les Prophètes et que meurent aussi les Apôtres, les Sages et les
Messies sans qu'un seul instant ce qui est, ne cesse d'Etre ce qui est. Le chemin de la connaissance
L'Homme et
l'Univers - beaucoup aiment à le croire - se répondent indéfiniment l'un à
l'autre, telle une figurine miniaturisée indéfiniment à son modèle. Leurs
destins se rejoignent dans une même et vaste perspective de l'inachevé, dont
nous guettons en vain les signes qui diraient le sens des choses, le sens de la
vie. La connaissance que l'on tient habituellement de l'observation, de
l'expérience, des sensations... du raisonnement semble impuissante malgré ses
promesses à nous le donner. Celle qui s'inspire de la croyance en un Dieu
semble l'être tout autant, que la foi s'appuie sur la raison, comme pour Thomas
d'Aquin (1225-1274) ou qu'elle en soit le fondement comme pour René Descartes
(1596-1659). D'où le besoin de
se référer à une autre approche du Réel que
le savoir encyclopédique ou le
savoir révélé et qui serait en clair l'expression
d'une recherche engagée à
partir du sentiment plus ou moins obscur que l'on a de sa propre
réalité. Ni
introspection, ni analyse - plutôt intuition partagée - la
Connaissance de Soi
ou «du Soi» que l'on qualifie d'initiatique a
précisément pour projet de découvrir
ce que nous cache le voile des apparences. De tous les
mécanismes de la
connaissance, seule la démarche initiatique - affirmait Socrate
(470-399 Avant
J.C.) - est susceptible d'amener l'homme des apparences à la
conscience de ce
qu'il est puis l'homme ainsi mis à nu à l'intelligence de
la Vérité.
«Connais-toi, toi-même, tu connaîtras l'univers et
tous les Dieux» se plait-on à conjuguer sur tous les
modes, depuis que les Anciens de Delphes
l'ont buriné pour la postérité au fronton de leur
Temple. O Dieu, «Noverim
me, noverim té », s'écriait en d'autre siècle et en d'autre lieu, l'évêque
d'Hippone, St-Augustin (354-430) à l'adresse du Ciel : O dieu «Si je me
connaissais, je te connaîtrais ! Souvenez-vous de cette Table d'émeraude que
l'on prétend inspirée par le père légendaire des Sciences Occultes, Hermes
Trismégiste. Chacun peut y lire, inaltérable au temps et à l'espace : «Il
est vrai, hors de doute, certain, authentique que le supérieur vient de
l'inférieur et l'inférieur du supérieur ». Souvenez-vous
également du : «Que Dieu soit Dieu j'en suis une cause» exprimé en plein
Moyen-Age par un dominicain allemand Johann Eckhart dit Maître Eckhart
(1260-1327) dont le mysticisme spéculatif lui valut d'être condamné par
l'Eglise de son temps. Souvenez-vous enfin
de Raphaël le peintre favori de Rome et de son fameux tableau de l'Ecole
d'Athène. Dans sa partie centrale Platon (428348 avant J.C.) pointe son index
droit vers le Ciel, Aristote (384-392 avant J.C.) pointe le sien vers la Terre,
sous le regard d'Apollon et de Minerve, la lumière et l'Intelligence. — le premier : celle du monde sensible où les Idées sont immuables et où tout n'est que réminiscence, — le deuxième : celle d'une Nature où rien ne se fait en vain, où tout, au contraire s'organise en vue de son équilibre et de sa perfection. Ensemble Platon, l'Académicien Aristote... le Peripatéticien, sont l'image même de cette Unicité par quoi tout est relié : Le Ciel et la Terre L'esprit et la matière L'Idéalisme et la finalité L'abstrait et le concret ... le spéculatif et l'opératif. Platon avait raison
! Aristote avait raison ! Socrate avait raison ! Ils ont tous raison ! Les
moines bouddhistes, aussi à leur manière, à chaque seconde la vérité qu'ils
vivent «ici et maintenant », dans leurs ashrams ou au dehors, à travers leur
acceptation réaliste et lucide de ce qui Est, comme si chaque instant qui passe
devait à lui seul contenir toute l'éternité ! A ceux qui
s'inquiéteraient encore de leur liberté ou qu'elle ne soit tronquée, je dirai
qu'ils possèdent en eux, nulle part ailleurs qu'en eux, avec la volonté
initiatique sinon la clef du moins une des clefs de leur libération. Pour
quelques uns, quelques uns seulement, Elus parmi les Elus, le voile de la
déesse Maya s'entrouvrira sur la Réalité dernière, célébrant l'unique mais
décisive communion de la matière et de l'esprit, de la connaissance et de la
Vérité devenus du coup indissociables - cercle puis spirale - dans cette course
commune pour l'éternité. Tout ceci étant
acquis, que vaudraient, je vous le demande, toute la
spiritualité du monde,
toute la connaissance initiatique du monde si elles n'étaient
pas en même temps
une école de Tolérance, de
Générosité, de Fraternité,
d'Egalité, de Liberté, si
elles n'étaient pas en même temps une école
d'Amour. Antoine de Saint Exupery
l'a écrit bien avant que je vous le propose : «L'intelligence ne vaut qu'au
service de l'Amour ». Le chemin de l'amour
Que vous dire sur
l'amour qui n'ait déjà été dit, redit ou
écrit ! Courtisé, chanté ou pleuré par
le poète, l'amour est omniprésent comme une bonne
conscience dans les propos,
les intentions ainsi que dans les esprits, beaucoup moins, hélas
dans les
faits, les actes et dans les coeurs. Que sa formulation soit heureuse
ou
maladroite, mièvre ou passionnée, par lui semble vouloir
s'exprimer l'angoisse
de la solitude, que les générations d'êtres humains
se transmettent avec une
égale constance, depuis la
«séparation-châtiment» dont parle le Livre du
commencement de l'Histoire. S'il est de sa destinée que l'homme
doive retrouver
ce qu'il a en lui de Divin c'est grâce à l'amour de ses
semblables qu'il le
retrouvera. Avec l'amour, le deux et le multiple profanes se
sacraliseront à
leur tour dans l'Unité reconstituée de l'Homme Universel. L'amour dont je
veux vous parler est en effet le prolongement naturel de cette idée maintes
fois reprise ici que chaque être humain est l'image réduite d'un Tout, à
l'intégrité duquel son intégrité est liée. A condition d'en accepter les
prémices et de les dépasser, l'amour pour autrui devient l'amour pour
l'humanité qui n'est autre en définitive que l'amour pour la vie. «Celui qui
sauve une seule vie, dit le Talmud est comme s'il avait sauvé le monde entier
». «Celui qui détruit une seule vie dit le Talmud, est comme s'il avait détruit
le monde entier». Auguste Comte
(1798-1857), le plus mystique des «positivistes» qui ne connaissait qu'un seul
culte, le culte de l'humanité est à l'origine d'une formule lapidaire
maintenant célébre : «L'Amour pour principe, l'Ordre pour base, le progrès pour
but » ! En réalité il est désormais bien établi que tout ne peut s'expliquer
par l'ordre, que tout ne peut s'expliquer non plus par le désordre, l'un et
l'autre intervenant pour une part dans l'évolution de l'Humanité et de son
progrès. Les Edgar Morin et
les Ilya Prigoguine d'aujourd'hui partagent avec les tenants de la philosophie
paradoxale à quelques siècles de distance - ce même avis que l'Harmonie peut
procéder du choc des contraires. Il en va de l'amour comme de l'humanité et de
l'harmonie des choses, en ce qu'il peut procéder du choc des passions et les
transcender ensuite au nom d'un Ordre Supérieur,... le même qui rejoint la
conception que certains se font du sacré et du divin. L'amour dont je
veux encore vous parler va bien au-delà d'une simple relation affective, où se
bousculent contradictoires tant d'émotions. Il doit être compris aussi comme un
Art de mieux vivre sa condition d'être humain, d'être social que nous sommes
devenus d'instinct et par nécessité au gré d'un processus toujours recommencé.
Et parce qu'il est un Art de vivre, misant sur la connaissance dépassée du Soi
par la reconnaissance de l'autre, l'amour a ses exigences et ses Lois : Aimer
et ne pas s'accepter d'abord tel qu'en soi-même, n'est pas aimer ! Aimer et
contester en même temps le droit à la différence, Aimer sans même percevoir que
tous nous ne faisons qu'un, Aimer et se laisser prendre indéfiniment aux
paillettes des apparences, n'est pas aimer ! Alors, qu'est-ce que le verbe
aimer ? Qu'est-ce que l'amour quand il se veut être le sel de la vie, le sel de
l'humanité ? Aimer, c'est le
dire avec des mots et des gestes, certes, mais c'est avant tout aider l'autre à
devenir, progresser et s'accomplir quelles que soient sa nationalité, sa race,
sa couleur de peau ou sa croyance. L'Amour c'est la Tolérance ! Aimer, c'est offrir
aussi le superflu, quelque fois même un peu plus que le superflu. «Donner le
lait et aussi le miel» sans ne rien espérer - au mieux - que le sourire de la
douceur reçue. L'amour, c'est le don de Soi, dans son avoir et dans son être,
l'Amour c'est la Générosité ! Aimer c'est
accueillir «l'Etranger» comme on accueillerait son propre frère, de sang ou de
coeur, puisqu'il est écrit que nous l'avons tous été autrefois étrangers sur la
terre d'Egypte. Aimer c'est poser le même regard sur les nantis et sur les
pauvres, sur ses amis et ...sur les autres comme le recommandait l'Ancien
Testament au peuple Juif pour l'ennemi héréditaire, l'Egyptien et l'Edomite.
L'amour c'est par dessus les clivages, les oppositions, les barrières et... les
murs : la Fraternité Universelle. Aimer c'est
considérer l'autre comme étant un autre soi-même. C'est apprendre à le
connaître, avec son âme, avec son coeur, au-delà des apparences, jusqu'au noyau
du Soi où se réalise l'identification et... à s'y reconnaître. La Bible le dit
à chacune de ses pages : l'Amour c'est l'Egalité ! Aimer c'est refuser
la servitude, quelle qu'en soit la forme prise, c'est refuser la violence, la
souffrance, la torture, survivance d'un passé barbare indigne du genre humain,
c'est refuser l'insoutenable faim dans le monde, les inégalités, les
injustices, ainsi que tous les mécanismes d'exclusion, l'Amour c'est la Liberté
dans l'affirmation inconditionnelle des droits de l'Homme et du citoyen... pour
tous. Si l'Amour c'est la
tolérance, la générosité, la fraternité, l'égalité, la liberté... Lequel
d'entre vous douterait encore que l'amour ne fût à lui seul la Vérité ! *
* * Comment m'y prendre
pour conclure quand tout porte à croire que la recherche de la Vérité est
appelée à durer ce que dureront les Hommes ? «Suspendre la marche, retenir
l'impulsion» est une vieille revendication de poète, si admirablement exprimée
par Levi Strauss dans les dernières lignes de « Tristes Tropiques». Comment m'y prendre
pour arrêter avec vous ne serait-ce qu'une poussière de temps les aiguilles
fugitives de l'Eternité ? Avec la spiritualité et l'ascèse initiatique les
hommes prennent pleinement conscience de leur verticalité et de ce qu'ils sont
capables de Transcendant dès que de surcroît elles sont initiatrices de Sens. Ecrire avec l'encre
de sa vie l'Histoire puis participer - toutes les encres mêlées - à
l'accomplissement de son devenir ! Rassembler ce qui est épars, pour que de la
sommation syncrétique des idées et des talents, des connaissances, des
intuitions et... des émotions, sorte d'intelligibilité du monde et que s'ouvre
grand le merveilleux Livre de la Vie. Rassembler ce qui est épars, pour que
dans un monde intelligible où l'un, le multiple et le Tout se confondent, nous
soit enfin dévoilé ce qui de l'Absolu fût autrefois perdu ! Parce que sa
découverte est notre meilleure chance d'un «autre chose» et d'un «ailleurs »,
que sans cette ouverture d'espoir tout ne serait que chimère et la vie... un
abus de conscience, parce que, sous des masques différents, elle est une et
indivise, immuable et absolue, parce que, de ce fait, elle s'identifie à
l'Unité Première, et qu'à son tour, elle s'épanouit dans la Liberté, la
Tolérance, et l'Amour, la Vérité est porteuse du Sens dont l'Homme est à son
insu dépositaire à défaut d'être l'initiateur qu'il est cencé redevenir un
jour. Aussi vrai que la Tradition initiatique est censée nous rapprocher du
Sacré. Vous qui cherchez à
savoir le pourquoi des choses, le Sens de la vie, tant que la splendeur de
«l'Autre» nous sera dérobée, sachez que rien ne nous est connu, rien ne nous
est donné, qui ne passe d'abord par l'homme. La Vérité du dehors n'est jamais
que la Vérité du dedans ! Sans doute est-ce la raison pour laquelle un Sage
Brahmane prétend que «tout est souffrance» là où il n'y a que mystère. Si croire en Dieu,
c'est croire en une vie de Justice, d'Egalité et d'Amour, si rencontrer Dieu
c'est rencontrer l'Homme dans ce je ne sais quoi qui le fait plus grand, plus
beau, meilleur qu'il ne paraît, si, au bout du compte, c'est se réconcilier
avec soi-même, la résolution de ses propres conflits obtenue dans l'harmonie
d'un ordre intérieur... que risque-t-on de son âme à convenir que l'on croit en
Dieu. Qui refuserait
l'Idée d'un Grand Principe Universel désanthropomorphisé - je dis bien
désanthropomorphisé - gage d'unité, d'ordre et de progrès, que l'on pourrait
faire sienne sans préalable ni renoncement, sans ne rien compromettre de ce que
l'on Est ? Les Anciens l'avaient pressenti dans l'Harmonie de la nature ! et
quand ils ont voulu le dire ils ont parlé de l'Eau, de l'Air, de la Terre et du
Feu, jusqu'à ce que les Pythagoriens découvrent à leur tour le Logos et le
disent avec le Nombre. Si de notre côté, histoire de réinventer l'Histoire,
nous décidions ensemble de lui donner ce soir le nom de Grand Architecte de
l'Univers ! *
* * Apprenons donc à
vivre avec l'angoisse puisque de toute évidence elle est inscrite à l'intérieur
de chacune de nos cellules. «Quand on veut comprendre l'Angoisse, il manque
toujours quelque chose», soupirait Freud. Plutôt que de la subir du fond d'un
inconscient révolté, apprenons à nous en servir au mieux dans notre quête du
Graal - comme ferment de notre Transcendant - jusqu'à ce que des Ténèbres
soumises pointe enfin le crépuscule, et du crépuscule naissant la Lumière du
Grand-Jour ! A la croisée des
chemins, lequel des deux choisir, lequel choisissez-vous ? Le chemin de la
certitude ou le chemin du doute ? Le repos éternel du juste, refermant sur ses
passions pour toujours assouvies l'ultime page du Livre ou bien, cette
merveilleuse envie folle de continuer vers l'inconnu jusqu'aux repères
invisibles mais éblouissants de votre vérité. Georges Komar* Conférence prononcée le 21 avril 1990 par Georges Komar dans le cadre du «Cercle Condorcet-Brossolette ». |
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