GLDF | Revue : Points de Vue Initiatiques | 2T/1989 |
Aspects historiques de la Franc-Maçonnerie allemande Il y a peu de pays
en Europe où la Franc-Maçonnerie ait été associée aussi étroitement à
l'avènement d'une structure nationale que les pays germaniques qui, en fait,
ne commencent à former une nation que longtemps après l'édification des autres
grandes nations du continent. Mais il y a aussi très peu de pays européens où
elle fut aussi étroitement mêlée aux errements, aux particularismes politiques,
aux règlements de compte et aux défis que se lancent à intervalles étroits les
cours féodales qui, très souvent, ne représentent guère plus qu'une entité
tribale. Il ne faut pas
oublier qu'à la sortie de cette longue guerre religieuse de 30 ans, en 1648, le
territoire qui portera un jour l'empire allemand — et pour 47 ans seulement —
est couvert par une mosaïque invraisemblable de 360 royaumes, principautés,
grand-duchés, duchés, comtés et autres entités féodales et ecclésiastiques qui,
presque toutes, développent leurs chauvinismes, leur nationalisme et leur
particularisme et dont la composition et la configuration est changeante et
fluctuante au gré des héritages et des petits conflits militaires qui
surviennent. S'il y a des vraies guerres de conquête à l'intérieur de ce
conglomérat, il y a aussi des conflits d'hégémonie et de préséance. Le tout est
d'une complexité effarante. C'est seulement en
1701 que les margraves de Brandebourg accèdent à la royauté prusienne. C'est
avec ce couronnement de Kônigsberg que commence le processus de naissance de
la nation allemande moderne qui va tout d'abord s'agréger peu à peu autour de
ce tout nouveau royaume affichant, dès ses débuts, sa volonté de devenir une
grande puissance à l'échelle des dimensions nationales de ce temps. C'est très tôt, dès
1729, que l'on trouve les premières traces d'une activité maçonnique dans les
terres germaniques. S'il n'y a pas encore de Loges, il y a néanmoins des
Frères. Les liens économiques et commerciaux qui mènent de Hambourg, ville
portuaire principale de l'ancienne Hanse, vers les ports anglais constituent en
même temps le premier axe de pénétration de la jeune maçonnerie. Nombreux
furent les commerçants allemands qui accèdent aux Loges britanniques et
apportent de leurs voyages le message maçonnique. Il en va de même pour de
nombreux membres de la noblesse. En cette année
1729, le Grand Maître de la Grande Loge d'Angleterre (qui ne se qualifie pas
encore d'Unie), le Duke of Norfolk, nomme un Monsieur Thuanus, Ministre
plénipotentiaire des Duchés de BrunsuickLünebourg et de Saxe-Gotha auprès de
la Cour de Saint James, Grand Maître Provencial de Basse-Saxe, cette même
Basse-Saxe qui, faisant partie du royaume de Hanovre, donne à la toute jeune
Grande Bretagne deux rois successifs, Georges Ier et Georges II. Le Frère
Thuanus est néanmoins Grand Maître d'une province sans aucune Loge. Cela
changera plus tard et la ville de Hanovre est encore de nos jours un des points
de cristallisation de la Franc-Maçonnerie allemande. C'est en 1733 qu'un
nouveau Grand Maître anglais, l'Earl of Strathmore donne à onze «gentlemen»
allemands l'autorisation de fonder à Hambourg un atelier, fondation — qui en
fin de compte n'aura pas lieu. Elle sera l’œuvre, en 1737, d'un Frère Charles
Sarry, officier de son état et nommé, l'on ne sait par qui, «Député Grand
Maître du Royaume de Prusse et de la Principauté Electorale de Brandebourg ».
Cette Loge se réunissait dans une taverne de la Bâckerstrasse (rue des
Boulangers) qui portait un nom français «Taverne d'Angleterre» comme fut rédigé
en français le texte intitulé «Fondation, Règles, Charges, Loi et Minutes de la
très vénérable Société des acceptés Maçons Libres de la Ville d'Hambourg,
érigée l'an MDCCXXXVII (1737), le sixième décembre». Ce texte représente le
plus ancien document maçonnique allemand connu. Cette loge, au départ
travaille d'une façon quelque peu particulière, c'est- à-dire soit au ler, soit
au 3e degré. La raison en est très probablement le fait que, de ce temps, il
n'existait aucun rituel écrit. Les différents rituels étaient appris par coeur
et transmis verbalement de génération en génération. Cette jeune Loge n'ayant
pas fait partie de cette chaîne de transmission aurait donc été réduite à
utiliser les premiers rituels imprimés dans le livre de Pritchard «Masonry
dissected », considéré comme une trahison du secret. Il n'en est pas moins vrai
que cette trahison se révélera par la suite comme étant d'une portée capitale
pour la diffusion de la pensée maçonnique. Il faudrait peut-être, un jour,
consacrer tout un travail à cette « trahison » de Pritchard enfreignant
l'interdiction d'écrire, de graver ou de buriner ces textes, constituant le
secret maçonnique, et ses répercussions sur la propagation de l'idée maçonnique
à travers l'ancien continent. Cette loge
constituée par des Maçons initiés régulièrement, n'en est pas moins irrégulière
parce que non intégrée dans une Grande Loge. Elle est ce que nous appelons de
nos jours une «Loge Sauvage». Mais ce fait ne l'empêche nullement d'initier
dans la nuit du 14 au 15 août 1738 le prince héritier Frédéric de Prusse qui
marquera profondément la Franc- maçonnerie allemande et qui deviendra Frédéric
II de Prusse, le presque légendaire Frédéric le Grand qui humanise de façon
significative le régime monarchique quasi absolu, instauré par son père.
Accueillant les huguenots français, devenant l'ami de Voltaire qu'il reçoit à
sa cour, il admet, pour la première fois en terre germanique, la toute
puissance du pouvoir juridique auquel il se soumet lors de la construction du
château de Sans- Souci à Postsdam durant laquelle la Chambre Royale de Justice
lui interdit la destruction d'un moulin qui gêne l'aménagement des jardins ;
le Moulin de Sans-Souci existait encore à la veille de la dernière guerre. C'est donc
seulement le 23 octobre 1740 que cette Loge sera inscrite au registre de la
Grande Loge de Londres sous le numéro 108 et le titre distinctif «Bunch of
Grapes, Becker Street Hamburg ». En même temps, cette Grande Loge de Londres,
nomme le Vénérable Maître adjoint de cet Atelier, l'Earl of Kintore étant Grand
Maître, Grand Maître Provincial de Hamburg et de Basse-Saxe. Frédéric tient
Loge, lui-même, au Château de Rheinsberg, où son père l'a relégué à la suite de
profondes dissensions. Lorsqu'il devient roi en 1740, il prend lui-même le
premier maillet dans une loge sans titre distinctif qui travaille au Château de
Charlottenbourg. Elle est désignée parfois du nom de «Loge Première» ou de Loge
du Roi notre Grand Maître ». La Loge de Hambourg
change son titre distinctif en 1743 et prendra celui de Absalom » sous lequel
elle existe encore de nos jours. Elle a fêté avec éclat, en présence de plus de
40 délégations étrangères, le 250ème anniversaire de sa fondation en 1988. La «Loge du Roi »
par contre va s'éteindre lors du départ du souverain aux armées. Mais le
secrétaire du roi, le Conseiller Secret Jordan avait fondé en 1740 une Loge
roturière «Aux trois Globes» (en français) qui existe encore de nos jours sous
la forme de Grande Loge Mère Nationale. Nous allons la rencontrer à nouveau au
cours du récit. Peut-être faut-il également mentionner qu'un Comte de Gotter
voulait refonder une Loge, réservée aux membres de la noblesse, pour remplacer
la « Loge du Roi ». Mais, c'est précisément ce même roi qui refusait cette
exclusive. Nous allons laisser
là, provisoirement, cet axe de pénétration anglaise et nous tourner vers
l'origine française de nombreuses fondations de Loges dans les territoires
germaniques. La figure centrale de cette deuxième source est un fils naturel du
Prince Electeur, plus tard roi de Saxe et de Pologne Auguste le Fort, le
Maréchal Rutowski, gouverneur de Dresde qui fut initié en France et qui fonda
en 1738, également, la Loge «Aux Trois Aigles Blancs» (il s'agit de l'aigle
blanc des armoiries polonaises) à Dresde. En 17 ans, nous
nous trouvons donc en présence d'une vingtaine de Loges répandues sur tout le
territoire et dont certaines existent encore de nos jours, parfois sous forme
de Grande Loge. Nous avons déjà mentionné la Loge « Absalom » de Hambourg,
fondé en décembre 1735, en 1738 suivit «Aux Trois Aigles» à Dresde, en 1740
«Aux Trois Globes» à Berlin, en 1741 «Zur Sonne» (Au Soleil) à Bayreuth (dont
la Princesse est l'épouse délaissée de Frédéric II et donc Reine de Prusse), en
1741 également une Loge au nom inconnu à Leipzig, en 1741 toujours «Aux Trois Boussoles»
à Meiningen (terre saxonne), «Aux Trois Squelettes» à Breslau qui jouera sous
l'impulsion du Comte von Schaffgotsch, archevêque de Breslau et Frère de cette
Loge, un rôle prépondérant dans la fondation de la Grande Loge d'Autriche.
Suivent dans la même année une Loge à Francfort sur Oder et la Loge « Zur
Eingkeit (L'Union) à Francfort sur Main qui pendant un temps s'érige en
Loge-Mère et existe encore. 1742 voit
l'avènement des Loges «Aux Trois Compas» à Altenbourg et «Aux Trois Canons» à
Vienne en Autriche. Cette dernière mérite une mention spéciale, d'abord parce
qu'elle est la cellule germinatrice de la Grande Loge d'Autriche et parce
qu'elle travaille encore, souvent en langue française. Elle fut réveillée dans
les années 70 et le Vénérable Maître du réveil fut un Frère de la Grande Loge
de France. En 1743 fut fondée
la Loge «St Georges» à Hambourg, en 1744 la Loge « Jonathan » à Brunswick qui a
joué un rôle important au temps de la Stricte Observance, en 1746 la Loge
Friedrich » à Hanovre, en 1748 la Loge «Augusta» à Celle (Basse Saxe), en 1752
« Abel » à Oldenburg, en 1754 «Saint Michael » à Schwerin (Mecklembourg) et
«Aux Trois Cœurs » à Vienne (Autriche). Cette rapide
propagation entraîne la mise en place tout aussi rapide de structures fédératives.
En 1740 Londres délivre une patente de Constitution à la Grande Loge
Provinciale de Hambourg et de Basse Saxe, la Loge «Aux Trois Globes» s'érige
(1744) en «Grande Loge Mère Royale», et les «Trois Aigles Blancs» de Dresde
deviennent Grande Loge du Royaume de Saxe (à ne pas confondre avec la Basse
Saxe). Les premières vingt années de la Franc-Maçonnerie germanique nous
fournissent une image assez systématique d'un développement logique et naturel,
facile à suivre et à analyser. Cela va changer rapidement.
Des émigrants et aussi des prisonniers de guerre introduisent depuis la France
le rite écossais. La première Loge de ce Rite sera établie par sept Frères,
issus des «Trois Globes» à l'Orient de Berlin, la deuxième deux ans plus tard,
sous le titre distinctif «De l'Union» à l'Orient de Hambourg sur l'initiative
d'un Comte von Schmettau. Il y en aura d'autres à Leipzig et à Francfort sur
Mein. Elles entraînent la formation d'autres structures, imitant la
Franc-Maçonnerie et dont la vie n'est souvent que très éphémère. Et puis, un Marquis
Filley de Lerneu, prisonnier de guerre français, introduit les Chapitres de
Clermont à Berlin, d'abord, où ils trouvent un appui précieux auprès de la
Grande Loge «Aux Trois Globes ». Ce rite, le Système de Clermont-Rosa, trouve
de nombreux adeptes à travers toute l'Allemagne. Comprenant quatre degrés, dont
trois chevaleresques, ces Chapitres se réclament des Connaissances acquises par
les écossais, de retour de Jérusalem. Leurs travaux tournaient autour de thèmes
alchimistes, physiques et mécaniques. Ils formaient même une Institution d'instruction
pour les jeunes dénommée «L'école des Roses ». De tendance déiste, ils
faisaient néanmoins certains emprunts aux rites de l'église catholique
médiévaie et une partie des travaux se déroulait en latin, pour l'essentiel
c'était le français qui dominait les réunions. Peut-être convient- il de noter
que le premier degré était largement basé sur la légende d'Hiram et les cinq
points de la Maîtrise. Mais le sommet de
la confusion et de l'errance sera atteint par le rite de la «Stricte
Observance». Il mérite que l'on s'y attache un instant, car pendant près de 20
ans, ce rite va devenir quasi tout puissant en Allemagne et dans une notable
partie du continent. L'on ne sait de quoi il faille s'étonner davantage de
l'absence étonnante de tout esprit critique de ses adeptes ou de la
détermination avec laquelle il s'organise et se répand. A l'origine de ce
système se trouve le Comte d'Empire germanique Carl Gotthelf von Hund auf Altengrotkau
descendant d'une famille de la noblesse silésienne dont les origines sont
documentées jusqu'en 1300. Son père, camérier du Prince Electeur de Saxe, était
propriétaire d'immenses domaines dont une notable partie va être engloutie dans
cette fabuleuse aventure de la Stricte Observance ». Von Hund est un des rares
qui ne se soit pas enrichis durant cette épopée, tout au contraire ; il meurt,
étant pratiquement ruiné. Né en 1722, il décède le 8 novembre 1776 à Meiningen
et ne verra donc pas la fin lamentable de cette entreprise. Il fut inhumé,
revêtu de la Grande Tenue de Maître des Armées de cette Stricte Observance dans
l'Eglise de Mellrichstadt en Basse Francnie, portant au doigt la bague de sa
dignité avec l'inscription N.V.I.O. (nulla vi invertitur ordo - nulle force ne
saura renverser l'Ordre). C'était quoi que
cet Ordre ? La légende veut qu'après la mort de Jacques
de Molay sur le bûcher,
en 1314, les Chevaliers du Temple auraient continué
secrètement leurs
activités en Ecosse afin de conserver pour les
générations à venir,
l'enseignement templier. Ainsi aurait existé un Chapitre
templier de
Héredom-Kilwinning. Héredom serait le nom d'une
montagne près de Kilwinning,
mais cette montagne n'a jamais été connue autrement.
Hund déclarait avoir été consacré
Chevalier du temple à la cour de Charles Edouard Stuart, en
présence de Lord
Kilmanock et de Lord Clifford, Cour qui, en ce temps, se tenait
à Paris. Cette
consécration fut authentifiée par une patente
chiffrée qui, de nos jours, se
trouve dans les archives de la Grande Loge du Danemark et qui a
résisté jusqu'à
nos jours à toute tentative de décodage. Ajoutons tout de
suite que le journal
de von Hund se trouvait encore en 1935, à la veille de
l'interdiction de la
Maçonnerie en Allemagne, dans les archives de la Loge
«Minerve» à Leipzig et
enfin qu'un très grand nombre de documents des archives de la
« Stricte
Observance », reliés dans un immense volume, seraient
actuellement en
possession d'un antiquaire de Vienne en Autriche. Lors du Convent
d'Altenberg, en 1764, von Hund s'est retranché derrière son serment pour
refuser toute explication supplémentaire. Le Convent de Kohlo en 1772, discuta
à nouveau cette patente et, finalement se déclara convaincu de son
authenticité. Enfin, le Convent de Brunwick, en 1775 - donc un an avant la mort
de von Hund - s'empara à nouveau de ce thème. Pressé de questions sur
l'identité de l'Eques a penna rubra (Chevalier à la plume rouge) qui l'avait
consacré, von Hund éclata en larmes et assura que cette révélation était
contraire à son serment et à sa conscience. Les choses en restèrent là. 1 - Anjou 2 - Albernia (Auvergne) 3 - Occitania (notre Languedoc) 4 - Leggio 5 - Burgundica (avec la Suisse) 6 - Britannia (notre Bretagne) 7 - Germanica inferior 8 - Germanica superior ad Danubium, Padum et Tiberi (Danube, Po et Tibre) 9 - Graecia et Archipaelagos Au début, seule la
VIIe Province, celle de von Hund qui englobait toutes les terres le long de
l'Elbe et de l'Oder, le Danemark, la Suède et la Courlande était réellement
structurée et, disons-nous de nos jours, opérationnelle, quatre autres étaient
actives à des degrés variables, celles de Germa- nia superior, de Bourgogne,
d'Auvergne et d'Occitanie. On peut admirer, au passage, les immenses efforts
déployés d'organisation et de planification. Car il s'agissait ni plus ni
moins que de reconstituer l'Ordre Templier et toutes ses richesses. Les
chevaliers devaient se trouver à la tête de préfectures. Par dessus les
Chevaliers préfets il devait y avoir, dans chaque Province et sous l'autorité
du Grand Maître des Armées, les Prieurs, les Subprieurs et les Grands
Commandeurs. Tout membre devait jurer au cours d'un acte d'Obédience et sur le
« rituali strictae observantiae» une obéissance absolue et aveugle. C'est ici qu'il
convient de se pencher un bref instant sur les contenants et contenus
spirituels et maçonniques de ce rite. Tout d'abord, il
comprenait les trois degrés symboliques des Loges de Saint- Jean, il y avait
ensuite un quatrième degré, dit écossais, qui survit encore de nos jours dans
certaines obédiences sous la forme des Loges de Saint André. Le cinquième degré
groupait les Frères Novices, d'où le nom de la Loge «Maison des Novices », le sixième
enfin apportait à l'impétrant son armement de chevalier. En 1770 s'y ajoute un
VII degré, celui de l'Eques Profes (Chevalier du Grand Serment) qui survit
encore de nos jours sous le titre de Chevalier Bienfaisant de la Cité Sainte du
Rite Ecossais Rectifié. Le contenu
spirituel des travaux était assez mince. Sa préoccupation principale était le
rétablissement, dans toute sa splendeur et dans toute sa puissance, de l'Ordre
des Chevaliers du Temple, dont la «Stricte Observance» proclamait sa filiation
directe. Pendant un certain temps, l'Ordre ne subsista que grâce à la fortune
personnelle de von Hund. Il devint donc urgent d'asseoir plus largement
l'existence matérielle. D'où la création d'un département économique qui levait
des impôts, d'où un prosélytisme acharné qui s'adressa en priorité aux membres
de la haute noblesse d'où aussi les nombreux travaux alchimiques qui furent
menés. Il était prévu, par exemple, de constituer pour chaque Chevalier un
capital de 2.000.000 de Thalers somme astronomique pour l'époque, et de lui verser,
comme à sa descendance, une rente annuelle de 500 Thalers d'empire. En 1772, le Duc
Fernand de Brunswick devint Magnus superior ordinis per Germaniam inferiorem et
trois ans plus tard, 26 princes régnants appartenaient à l'Ordre. Il convient
peut-être encore de noter que l'on projeta la fondation d'une espèce d'Ecole de
Guerre pour les jeunes cadres, comme nous disons de nos jours. Cette aventure,
pour incroyable qu'elle puisse paraître, était parfaitement réelle ; l'apparente
puissance amenait un grand nombre de Loges à l'adhésion et même la Grande Loge
Mère Royale «Aux Trois Globes» s'y affilia pendant quelques années jusqu'en
1779, date à laquelle elle s'en sépara pour adopter le système suédois. A cette
époque, à la suite de la formation de nombreuses Obédiences et systèmes concurrents,
la confusion arrivait à un stade inimaginable. La lenteur des communications,
à cette époque, y était pour beaucoup ; il s'avéra donc indispensable de
provoquer un assainissement. C'est ainsi que le
Duc de Brunswick convoqua le Convent de Wilhelmsbad qui s'ouvrait non sans
mal, le 16 juillet 1782 et dura 50 jours. Son but était l'unification de la
Franc-Maçonnerie. 35 délégués de beaucoup de pays y participèrent. Parmi eux du
côté français, le Baron de Dürkheim, alors Grand Maître des Armées de la Ve
Province, demeurant à Strasbourg et le Maire de cette ville, un Frère von
Türckheim mais surtout Jean Baptiste Willermoz de Lyon qui ramena de
Wilhelmsbad le système du Rite Ecossais Rectifié. Car, en fait
d'unification, et malgré 36 séances plénières et une durée de 50 jours, le
Convent de Wilhelmsbad n'obtint aucun résultat. Par contre il démentit la
légende templière, base de toute la Stricte Observance qui s'effondra
rapidement et il créa un nouveau système, celui précisément du Rite Ecossais
Rectifié. Ce fut tout. Personne n'était réellement satisfait, encore qu'un
certain effet purificateur et simplificateur émanât de ces travaux, qui devait
avoir, par la suite, des conséquences bénéfiques. Nous avions déjà
noté le nombre important de petits états et minuscules seigneuries qui
couvrirent alors le territoire allemand. Il s'en suivit également un nombre
important de Grandes Loges, souchées sur cette multitude d'entités. Cela, bien
sûr, commence en 'Prusse où la Loge berlinoise «Aux Trois Globes» s'érige en
«Grande Loge Mère Royale et devient dès 1772 «Grande Loge Mère» Nationale des
Etats Prussiens ». En 1770, c'est le Médecin Général von Zinnendorf qui fonde,
également à Berlin et en refusant toute adhésion à la Stricte Observance, la
Grande Loge Nationale des Francs Maçons d'Allemagne. Ces deux Obédiences
existent encore de nos jours. Quelques 20 ans
après, en 1798, se crée, à partir de la Loge
«A l'Amitié », elle-même fondée en
1752 par les Maçons français, «La Grande Loge de
Prusse dite «Royal York à
l'Amitié». Ces trois Grandes Loges étaient
porteuses d'un Bref de Protection
Royale. Par ailleurs, le même roi promulgua un édit
interdisant dans ses
terres toute appartenance à des associations et
sociétés secrètes. Furent
expressément exclues du champ d'application de cet édit
les trois Grandes Loges
et leurs Loges membres, ce qui leur conférait un monopole qui
dura jusqu'en
1918. A Francfort s'était
établie, en 1782/1783, «L'Alliance Eclectique» qui deviendra en 1823, après
avoir rompu avec la Grande Loge Unie d'Angleterre, la «Grande Loge Mère de
l'Alliance Eclectique». C'est la première Grande Loge allemande qui déploie une
activité transfrontalière et accueille dans son sein un certain nombre
d'Ateliers étrangers. En même temps, elle prend ses distances avec le principe
chrétien, introduit en 1811, après la fondation, 4 ans plus tôt, par le Grand
Orient de France de la Loge «A l'Aurore naissante» dont l'immense majorité des
Frères étaient juifs. En 1906 enfin, cette Grande Loge, lors de son Convent de
Francfort, reconnaît la Grande Loge de France. Cette reconnaissance va avoir,
quelques vingt années plus tard, une suite. Cette rupture
d'avec la Grande Loge d'Angleterre qui ne devient «unie» qu'en 1815 entraîne
toute une cascade. En 1811, dans la même année donc, la Grande Loge Provincial
de Hambourg et de Basse Saxe rompt avec Londres et devient Grande Loge de
Hambourg, suivie immédiatement par la Grande Loge Provincial de Saxe et la
Grande Loge Au Soleil» de Bayreuth. La vérité dicte de remarquer ici que ces
ruptures n'étaient pas une manifestation de solidarité avec «L'Alliance Eclectique
», mais plutôt une réaction quelque peu épidermique à la délivrance par Londres
d'une patente de Constitution à la Loge juive «A l'Aurore naissante» qui,
pourtant, travailla en terre allemande et qui fut fondée, nous l'avons vu, par
le Grand Orient de France, donc par une obédience étrangère. La Grande Loge de
Hanovre, riche d'une grande tradition, disparaît en 1866 lorsque le royaume est
uni à celui de Prusse (conséquence inéluctable de l'édit royal dont nous avons
déjà parlé). Par contre, en réaction à la large ouverture pratiquée par
l'Alliance Eclectique, se crée sur l'ordre du Grand Duc de Hesse, Ludwig III,
la Grande Loge «L'Union» à l'Orient de Darmstadt que toutes les Loges de
l'Archiduché avaient à rejoindre. Un autre élément
intervient au début du 19e siècle : la chute de Napoléon provoque dans les pays
germaniques la naissance d'un idéalisme national qui trouve son expression
éclatante au cours des années 1809 à 1815 lors de ces «guerres de libération»
qui amènent l'effondrement de la domination napoléonienne. Il n'en est pas
moins vrai que le «Siècle des Lumières » français se cristallise en Allemagne
sous le vocable de «l'Aufklârung ». Des hommes comme
Lessing, Herder et Wieland, Goethe et Fichte enrichissent l'Ordre tout autant
que les hommes politiques tels que Hardenberg et Schenkendorf ou des chefs
militaires comme Blücher, Scharnhorst et Gneisenau. La bataille de Waterloo
était très réellement une bataille de Francs-Maçons. Dans son ensemble,
la Franc-Maçonnerie allemande est monarchique et patriotique et elle le restera
; les efforts de Fichte de concilier l'amour de la patrie avec l'ouverture sur
le monde de la Chaîne Universelle ne sont pas toujours convaincants encore que
leur sincérité ne fasse pas de doute. Cette maçonnerie allemande va donc
grandir et croître à l'abri des différentes protections monarchiques pendant
plus d'un siècle. Guillaume le', proclamé en 1871 à Versailles Empereur
allemand et non pas d'Allemagne, est lui-même Frère et son Chancelier Bismarck
lui reprochera plus d'une fois la «fidélité quasi religieuse» qui le liait à
ses Frères. Son fils Frédéric III qui avait épousé une princesse britannique et
qui ne régnera que trois mois, atteint d'un cancer incurable en ce temps, fut
également un franc-maçon convaincu. Il incarnait un libéralisme très moderne
pour l'époque et voyait dans la Franc-Maçonnerie un moyen de choix pour surmonter
l'étroitesse des chauvinismes et pour réaliser une unité humaine. En déclarant que la
Franc-Maçonnerie était une et unique, cet empereur devançait de loin son temps
et sa mort prématurée fut très probablement une tragédie pour la maçonnerie
autant que pour l'évolution politique ultérieure. Cette évolution était
largement déterminée par son fils et successeur Guillaume II qui n'a jamais
été initié. Nous avons vu dans
ces lignes l'incroyable mosaïque de Grandes Loges et de Loges Mères qui
existèrent dans ce qui furent les terres de l'Empire Allemand. Avec
l'avènement, précisément, de cet Empire s'accomplit en cette même année 1871 la
formation de l'Association Allemande des Grandes Loges. Si partiellement elle
représenta seulement une fiction d'unité, pour une autre part elle donna
néanmoins des impulsions précieuses aux travaux et aux réflexions des Loges.
Mais dans l'ensemble, il faut bien en convenir : cette association n'arriva pas
ou, au moins, très insuffisamment à enrayer les incessantes luttes et
divergences qui divisèrent les différentes Obédiences quant à leur contenu et
leurs enseignements spirituels. C'est à cette
époque qu'apparût de plus en plus clairement la profonde division qui sépara
les maçonneries chrétiennes et humanitaires. Elle perdure encore, bien que
largement atténuée, à l'intérieur des Grandes Loges Unies d'Allemagne de nos
jours. Les trois Grandes
Loges prusiennes étaient d'essence chrétienne, en particulier la Grande Loge
Nationale qui, en pratiquant le système suédois, avait même un caractère
confessionnel, luthérien. Et elle l'a toujours. Il faut noter dans ce contexte
que, schématiquement parlant, le nord de l'Allemagne était luthérien, l'Ouest
et le Sud de confession catholique- romaine. L'hostilité de l'Eglise romaine à
la maçonnerie facilitera dans ces régions, en particulier autour de Francfort,
la création d'une maçonnerie dite «humanitaire», nettement plus laïque. La
Grande Loge A.F et A.M d'Allemagne est de nos jours l'expression de cette orientation.
Elle se sent très proche de la Grande Loge de France. Cette constellation
provoquera accessoirement, si l'on ose dire, une incessante discussion sur
l'admission de Frères juifs. Nous avons entrevu dans ces lignes, lors de
l'évocation de la Loge «A l'Aurore Naissante», créée par le Grand Orient de
France à Francfort, les réactions que cette fondation a provoquées. Le deuxième grand
thème de ces décennies était la question des hauts grades. Les tenants d'une
maçonnerie exclusivement symbolique, travaillant uniquement dans les trois
grades de l'ancienne tradition furent et sont encore très nombreux. Il faut
dire que l'aventure de la «Stricte Observance» avec ses utopies parfois
insensées et ses nombreux abus devait fatalement provoquer de nombreuses
tentatives d'assainissement, pour ne pas dire de purification. Les principaux
tenants de cet assainissement étaient les Frères Fessier et Schrôder. En
particulier ce dernier proclamait que tout l'enseignement maçonnique était
contenu dans les trois degrés symboliques, que les suivants étaient superflus
et même nuisibles. Fessier tenait le même langage mais de façon plus atténuée.
Encore de nos jours existent des Ateliers qui travaillent suivant les rituels
de Fessier et surtout de SchrÔder dont les membres s'interdisent toute
appartenance aux hauts grades. A l'opposé, nous
trouvons en particulier les Grandes Loges prussiennes qui avaient intégré dans
leurs rites, l'une quatre, l'autre six hauts grades et qui les possèdent
toujours. Il faudra peut-être préciser tout de suite, ici, que le Rite Ecossais
Ancien et Accepté ne fera son apparition en Allemagne qu'entre 1925 et 1931 et
que le Suprême Conseil de France et la Grande Loge de France y avaient une
large part. Ces controverses
provoquent des dissensions et discussions véhémentes. Elles menèrent à la
création de nouvelles Grandes Loges, à la disparition d'autres et à la
démission de plusieurs Grands 'Maîtres. La Franc- Maçonnerie allemande du XIXe
siècle vit dans un état de crise permanente, dans lequel les jalousies et
intrigues des nombreuses petites cours monarchiques ont aussi leur part. Elle aborde ainsi
la guerre de 1914/1918. Immédiatement, elle se trouve complètement isolée et
n'a plus aucune relation extérieure. Tous les reproches qui lui furent faits
n'étaient justifiés qu'en petite partie. Les nationalismes et chauvinismes se
déchaînèrent violemment dans les deux camps ennemis et cela dura jusqu'après la
fin des hostilités. Ces hostilités qui se terminèrent par la signature du
traité de Versailles qui contenait des conditions extrêmement dures pour
l'Allemagne. Parallèlement disparurent toutes les monarchies dans les pays
allemands, la noblesse fut abolie et l'armée réduite à sa plus simple
expression. Cette fin dramatique du conflit entraîna en Allemagne — comme
partout et toujours en pareilles circonstances — la recherche des
responsabilités et des responsables. Ainsi naissait la
légende de l'armée invaincue, poignardée dans le dos par des puissances supranationales,
au premier rang desquelles se situa la Franc-Maçonnerie, suivie des juifs et
aussi des jésuites. C'est la naissance du «complot judéo-maçonnique » dont le
principal exposant était le Général Ludendorff, ancien chef d'état major
général. Et ainsi naissait aussi le parti national-socialiste dont Hitler
devint rapidement le chef. Les Loges de ce
temps étaient essentiellement composées de petits bourgeois, de
fonctionnaires, d'enseignants, de pasteurs protestants, de membres de
professions libérales et beaucoup plus rarement d'officiers. Cette composition
en elle-même amenait une composition politique de laquelle la gauche était
pratiquement exclue. La Franc-Maçonnerie allemande de ce temps ruminait, comme
les autres allemands, l'amertume de la défaite de 1918 et cherchait les voies
et les moyens d'atténuer sinon d'abolir les conséquences de ce désastre. Toutes les
tentatives de certaines Obédiences étrangères et en particulier des Obédiences
françaises en direction d'une réconciliation furent repoussées. Les nombreuses
démarches du frère Stresemann membre d'une Loge berlinoise de la Grande Loge
«Aux Trois Globes », ne trouvèrent pratiquement aucun écho dans les Ateliers
et cela d'autant moins qu'en dépit des déclarations et manifestes, en particulier
du Grand Orient de France, contre le traité de Versailles et l'occupation de la
Ruhr, aucun effet sur la politique gouvernementale n'était visible. Néanmoins, le Grand
Maître du Grand Orient de France, Brenier, et le Grand Maître de la Grande Loge
de France, Monier, adressèrent, début 1927, deux lettres identiques au Grand
Maître Ries de l'Alliance Eclectique à Francfort lui proposant une rencontre
devant permettre un échange de vues et le début d'une réconciliation des Frères
des deux côtés du Rhin. Le Grand Maître Ries en informa les autres Grands
Maîtres allemands leur proposant d'assister à cette conférence. Les grandes
Loges prussiennes refusèrent immédiatement en déclarant que toute négociation
serait impossible aussi longtemps que durerait l'occupation étrangère de territoires
allemands et que ne serait aboli l'article 231 du traité de Versailles,
impliquant la seule responsabilité allemande de la première guerre mondiale. Malgré tout, le 27
février 1927, se rencontrèrent le Grand Maître adjoint Doignon et le frère
Gaston Moch de la Grande Loge de France, le Grand . Secrétaire van Raalte du
Grand Orient et le Grand Maître Ries, accompagné des frères Becker et
Rosenmayer. Le résultat fut quasiment inexistant. Les obédiences françaises
n'avaient que peu de moyens d'influer sur la politique du gouvernement en
matière d'occupation militaire et de l'article 231, seule une promesse
d'examiner avec bienveillance la question de la restitution des biens des
Loges en Alsace et Lorraine fut faite, mais non suivie d'effet. Dans cette
Allemagne des années 20 de notre siècle, sortant d'une inflation monétaire
qui, encore de nos jours, ne trouve aucune équivalence, qui se remet
péniblement des conséquences d'une guerre perdue, •qui est amère en même temps
que révoltée, qui, enfin, dans une république quelque peu hybride, cherche à
concilier le patriotisme exacerbé, issu de la guerre de 1870/1871, avec une
démocratie parlementaire et qui n'y parvient pas ou très incomplètement. Dans
cette Allemagne donc, le crash boursier de Wallstreet, en 1929, éclate comme
une catastrophe élémentaire et anéantit en peu de temps l'acquis économique
des années 24 à 29. Très rapidement, la République va compter près de 7
millions de chômeurs sur une population totale de 63 millions. C'est dans cette
ambiance de catastrophe, dans cette misère vraiment noire, que va se placer, en
1930 la fondation du Suprême Conseil d'Allemagne à laquelle le Suprême Conseil
de France va prendre une large part. Cette fondation est accueillie d'une façon
très réservée par la maçonnerie allemande qui, d'un côté y voit une concurrence
inutile et de l'autre, une atteinte aux principes de Schrôder et de Fessier.
Mais cette nouvelle juridiction a besoin d'une racine, d'une obédience
symbolique où elle peut trouver les Frères de l'avenir. Et ainsi naît la
dixième Obédience Symbolique allemande qui est fondée par huit Loges bleues
patentées par le Suprême Conseil et qui regroupe des Frères en provenance de
toutes les Obédiences existantes et, en particulier, 600 frères appartenant à
la Grande Loge du Soleil Levant de Bayreuth. Elle ne sera
reconnue par aucune des Grandes Loges allemandes. Pour elle, l'insertion dans
la Chaîne universelle prime tout, le problème juif n'existe pas plus pour elle
que les problèmes d'appartenance religieuse ou de politique nationale ou
nationaliste. Son premier Grand Maître est le Frère Léo Müffelmann. Les réactions de
cette fondation proviennent de partout, elles ne sont pas limitées, quant à
leur provenance, aux seuls milieux maçonniques. Elle est vivement attaquée par
la droite politique. L'internationalisme de cette jeune Obédience est même
associé à la haute trahison. Mais elle va son chemin. Il ne faut pas oublier
que nous nous trouvons alors à même pas trois ans de la prise de pouvoir
d'Hitler. Des feux symboliques vont être emmenés par les Frères juifs en
Palestine où ils fondent une Loge « Müffelmann zur Treue » qui existe encore
et qui restituera, il y a peu de lustres, ces feux aux jeunes Grandes Loges
Unies d'Allemagne. Le début des années
30 nous voit donc en présence de dix Obédiences allemandes, groupant environ
80.000 Frères. L'avènement du
régime hitlérien devient de plus en plus prévisible. Les Grandes Loges
allemandes s'en inquiètent avec raison, la propagande du parti nazi associant
avec de plus en plus d'insistance le zionisme - car en matière d'antisémitisme
on ne fait pas de détail - et la Franc-Maçonnerie. Dès le mois de janvier 1933,
les membres des Loges qui quittent la Maçonnerie deviennent de plus en plus
nombreux. Nombre d'ateliers décident de se mettre en sommeil. Les Obédiences
prussiennes, surtout, tentent de se rapprocher du régime. Chez certaines, même
le vocable « franc-maçon » disparaît complètement. Elles se déclarent «Ordre
chrétien-nationale-populaire» et certaines planches de cette triste époque
sont plus tristes encore. Rien n'y fait. Les fonctionnaires d'état sont tenus
à déclarer leur éventuelle appartenance. S'ils démissionnent de leur Loge, ils
garderont leur fonction. S'ils persistent, on les remercie sans autre forme de
procès. En cas de délit politique ou d'opinion, l'appartenance passée ou
présente à là Franc-Maçonnerie est une circonstance aggravante, mais
extrêmement rares sont les cas où un Frère est poursuivi du seul chef de son
appartenance. Les archives
maçonniques allemandes sont, pour une grande partie, perdues ou se trouvent en
Pologne, en Allemagne de l'Est ou ailleurs. Certaines sont maintenant
accessibles, d'autres restent fermées. L'été 1935 sonne définitivement le glas,
le temps des ténèbres est irrévocablement arrivé, les Loges sont interdites,
leurs biens (souvent considérables) et les archives sont confisqués. Une petite
partie seulement est soustraite, par des Frères, à cette confiscation. Les
immeubles sont souvent dévolus au parti nazi ou à ses organismes. Partout, les Loges,
souvent fortement amenuisées, se réunissent une dernière fois pour éteindre
les flammes et pour se dissoudre. Une de ces dernières tenues, dont les
minutes sont conservées, a lieu à Hambourg - là où tout a commencé - en
présence de fonctionnaires de la Gestapo. Elle revêt une grande solennité et
une immense dignité qui impressionne profondément ces assistants mal venus.
Mais la planche de l'Orateur n'en insiste pas moins sur l'espérance en
l'avenir. Après la guerre,
c'est d'abord en zone française, et surtout grâce à l'activité du Grand
Orient, que les Ateliers se reconstituent. Peu après, les autorités
d'occupation anglaise et américaine autorisent la reprise des travaux et ainsi,
peu à peu, la Franc-Maçonnerie allemande renaît et se reconstitue. C'est dans le cadre
des Grandes Loges Unies d'Allemagne que les Frères de toutes ces Obédiences que
nous avons évoquées, se retrouvent et reprennent les outils. Ce recommencement
fut très laborieux, parfois pénible et encore de nos jours la Franc-Maçonnerie
allemande souffre des séquelles de cette période sombre et dramatique. Mais, cela
n'appartient pas encore à l'Histoire et donc - comme le disait notre Frère
Kipling - en est une autre. Peut-être
faudra-t-il la raconter plus tard, mais plus sûrement est-il préférable que
nos Frères allemands et français se réunissent souvent afin de mieux connaître,
les uns par les autres, ce qui fut et ce qui est. Et ce qui est nous emplit
d'un immense espoir. Hanns-Philippe Gluck |
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