GLDF Revue : Points de Vue Initiatiques 4T/1985

La philosophie de l'initié

Les définitions données de l'Initiation ont été innombrables. Si l'on recensait tous les ouvrages qui lui ont été consacrés, on trou­verait probablement que le sujet est un de ceux le plus souvent traité dans la littérature universelle. N'appartient-il pas à un patrimoine culturel et spirituel commun de l'humanité, depuis que celle ci s'est dégagée de l'animalité ? Atissi pourriez-vous penser qu'il y a quel­que outrecuidance à revenir une fois de plus sur ce thème, mais n'est-il pas la raison d'être de notre Ordre et si chacun de nous n'en est pas intimement et profondément convaincu, notre présence ici ce soir m'apparaît de bien peu de signification.

Je dis bien « chacun de nous », car l'Initiation ne peut agir que comme une mystérieuse alchimie rigoureusement individuelle et c'est la raison pour laquelle j'ai souhaité vous parler non pas de l'Ini­tiation en général, mais de ce que « pour moi » elle pourrait et devrait faire de celui qui l'a reçue, car je ne pense pas que pour deux maçons son action puisse être conçue de façon identique et de ce fait, mon propos sera très entaché de subjectivité.

J'aurais tout d'abord pour souci d'insérer cette philosophie de l'initié dans « l'ici et maintenant ». On ne saurait en effet concevoir et nous maçons moins que tout autre, que l'initié s'installât hors du temps. Certes l'Initiation est en soi intemporelle et elle a pu être conférée à des hommes du plus lointain passé comme elle pourra l'être à ceux du plus lointain avenir. Mais, en revanche, l'initié doit la vivre et la réaliser dans le monde qui l'entoure et transmettre à ses contemporains ce qu'il a saisi de son sens et de son message, tout en sachant que l'un et l'autre s'inscrivent dans un temps sacré, spirituel, qui a peu à voir avec celui des physiciens.

Ce sont là autant de raisons qui vont m'amener dans la suite de cet exposé à vous montrer à plusieurs reprises l'initié confronté à des problèmes posés de tout temps à l'Homme mais pouvant pren­dre une actualité plus frappante, plus prégnante pour celui qui s'est engagé aujourd'hui dans la voie initiatique.

Je vous dirais ainsi tout d'abord que notre Initiation doit nous faire saisir profondément ce que notre individualité, notre person­nalité comme celle de chaque homme qui nous entoure, peuvent avoir d'unique. Cette affirmation peut d'une part vous sembler comme allant de soi, car chacun de nous se sait et se sent distinct de l'autre et d'autre part vous pensez peut-être qu'elle tend à exa­gérer notre importance ou à exalter notre orgueil. Ne nous y trom­pons pas cependant, sur cette apparente évidence, le monde, la société qui nous entourent exercent plus qu'il ne fût jamais, une pression à la fois subtile et puissante pour la détruire ou nous la faire oublier. Pour cela il s'efforce tout d'abord de nous persuader qu'une des pires épreuves qui puisse atteindre l'homme d'au­jourd'hui est d'éprouver sa solitude et pour nous l'épargner, il nous propose un remède pire que le mal, celui de l'uniformisation de nos pensées, de nos mœurs, de nos espaces culturels. Ce dont on veut nous convaincre par le biais des procédés de la communication dont la puissance et l'ubiquité s'accroissent sans cesse, c'est de nous faire accepter la disparition de l'originalité et des particularités de notre être profond, de nous amener à nous rendre avec notre accord inconscient, aussi peu distincts les uns des autres que le termite ou la fourmi des autres membres de sa colonie.

Aussi n'hésiterai-je pas à dire que le premier message de l'ini­tiation doit être l'affirmation d'un refus, celui de notre immersion dans un océan de molécules humaines toutes semblables, sans des­tin qui leur soit propre et sans plus d'importance que telle ou telle autre dans la vague qui s'enfle et s'écroule.
L'Initiation a conféré à chacun de nous une imminente dignité car elle nous a mis en marche sur un chemin qui nous appartient en propre, qui nous amène à choisir un itinéraire différent de tout autre, sur lequel nous allons à notre propre pas et sur lequel nous couvrirons notre propre distance. Prendre pleinement conscience de cette dignité c'est aussi du même coup comprendre qu'elle peut appartenir à tout homme et par là même nous faire faire le premier pas sur la voie d'une tolérance et d'une compréhension authenti­que vis-à-vis de l'autre.

Mais c'est affirmer aussi le sens et la valeur de notre liberté. Quand je dis liberté, j'entend bien qu'il ne saurait s'agir de celle affir­mée ou réclamée par un quelconque anarchisme libertaire qui amè­nerait chacun à rejeter toute contrainte morale, à s'arroger le droit de faire n'importe quoi sans se soucier jamais de la conséquence 32 de ses actions ou de ses responsabilités vis-à-vis de ceux qui l'entourent.

La liberté que l'Initiation doit nous apporter est la liberté inté­rieure. Nous convaincre de celle-ci demande certes un effort fon­damental de réflexion. C'est qu'en effet, hors un petit nombre de spécialistes, l'homme occidental vit encore intellectuellement courbé sous le poids du déterminisme étroit que le développement des sciences physiques au XlXème siècle a imposé. Celui-ci a con­fronté les penseurs de cette époque à une contradiction fondamen­tale, celle de la conciliation du fatalisme de la causalité dans la nature à la revendication de la liberté pour l'homme. Parce qu'ils ont échoué dans cette conciliation, la plupart de ceux occupés des mécanismes de l'esprit humain, des rouages des économies et des sociétés, de la prédiction des évolutions historiques, n'ont trouvé d'autre solution que d'enfermer ce qu'il est convenu d'appeler les sciences humaines, dans le même carcan déterministe que les sciences de la nature. Et je n'hésiterai pas à dire qu'au sein de la Maçonnerie elle-même, la perte ou l'occultation temporaires du sens initiatique ont souvent mis celle-ci à la remorque des mêmes con­cepts dans l'oubli de sa spécificité.

Cependant, mes Frères, cette inféodation à des modes de pen­sée ne représentant au plus qu'une étape de l'interprétation du monde phénoménal n'a plus lieu d'être. Il serait en effet facile, mais ce n'est pas le lieu ici, de vous montrer que les évolutions moder­nes de la pensée scientifique dirigent cette dernière vers des appro­ches plus ouvertes, moins rigides, laissant davantage de jeu aux pos­sibles plus conscientes des mystères et des problèmes irrésolus, posés par la nature dans toutes ses manifestations.

Ainsi confortés (s'il en était besoin pour quelques esprits timi­des !), nous pouvons redire que la lumière apportée par l'Initiation est entre autre celle de la liberté intérieure, celle qui nous affirme et nous convainc que nous ne devons accepter et faire nôtre, rien de ce qui peut nous être apporté de l'extérieur : modes, dogmes, idéologies, sans les avoir soigneusement examinés au préalable et sans avoir pris clairement et pleinement conscience qu'aucun d'entre eux ne saurait renfermer l'absolue vérité ou exprimer la tota­lité de la réalité humaine comme du reste du monde manifesté.

Il est beaucoup insisté dans nos Loges sur la nécessité du rejet de tout dogme, de toute Révélation. Cette exigence est parfaitement saine en soi et doit être en effet une des pierres d'angle de la philosophie de l'initié. Malheureusement elle a été trop souvent enten­due comme impliquant seulement les dogmes religieux et plus spé­cialement judéo-chrétiens. Je pense qu'il s'agit là d'une relique, d'un fossile de la paléontologie maçonnique. La liberté intérieure est, elle aussi un refus, celui d'accepter n'importe quelle vérité révélée par d'autres hommes qui s'attribueront ensuite, eux-mêmes ou leurs dis­ciples, le droit d'en vouloir tirer des règles impératives voire léga­les de conduites, d'organisations sociales, économiques, politiques susceptibles d'être imposées à leurs semblables. J'en dirais d'ail­leurs autant pour toute théorie philosophique ou scientifique.

Un des pièges tendus par le monde contemporain à la liberté intérieure de l'homme tient aussi à la prétendue nécessité sans cesse proclamée et affirmée à propos de tout et de n'importe quoi, de ne faire confiance qu'au spécialiste, au technicien, parce qu'il serait le seul « à savoir » et en conséquence de devoir nous en remet­tre à lui sans réserve, de lui abandonner notre destin. A ce piège il doit nous être plus facile d'échapper que quiconque, car nous savons qu'il n'existe ni spécialiste, ni technicien de l'Initiation à sui­vre aveuglément. Même si certaines voies traditionnelles font tou­jours appel à un maître spirituel, la première leçon de celui-ci sera d'enseigner au disciple la nécessité de se détacher de lui et de mar­cher dans sa propre voie. Il est vrai qu'une telle nécessité n'est pas facile à admettre. Prendre conscience que, laissés à nos seules for­ces, il nous faut savoir déceler le fugitif, le contradictoire, le relatif de tant d'affirmations prétendument définitives et absolues est une épreuve redoutable. L'apprentissage du doute n'aboutit pas à nous proposer le repos sur un mol oreiller car il n'a rien de confortable. Les certitudes seules sont rassurantes, accueillantes, endorman­tes et il est doux de s'y réfugier. Le véritable initié devra lutter dure­ment, tendre sa volonté pour échapper à son absorption dans le tout fait de la pensée et du discours, rejeter s'il lui semble devoir le faire les modes et les théories à la mode, rejet et refus qui sont les pier­res de touche et le fondement de la liberté intérieure.

Prendre pleinement conscience de celle-ci, c'est se trouver d'un seul coup transporté sur un sommet où nous sommes soumis au vent rude et âpre de notre solitude, de notre responsabilité, c'est saisir d'un regard le paysage étendu devant nous du tragique de l'existence humaine. A ce souffle immense, à cette vision, bien des penseurs livrés à leurs seules forces n'ont pu résister. Submergés 34 par l'angoisse, ils ont pu croire que leur seule échappatoire etait de se jeter dans l'océan du collectif, du nombre, de la foule. A l'in­verse, l'Initié doit trouver en lui les ressources pour se refuser à ce désespoir comme à sa fausse guérison. Il sait en effet que sa soli­tude existentielle n'est qu'apparente car il est en réalité le maillon d'une chaîne qui plonge au plus profond des générations humaines, celle faite de tous ceux qui se sont engagés sur la même voie que lui, de tous ceux qui se sont refusés au « pour rien », à l'absurde, au néant, à l'absence de signification. Même si celle-ci lui demeure apparemment cachée, il sait qu'il a repris le chemin que d'autres ont parcouru avant lui et sur lequel d'autres s'engageront après lui ; cette voie qui offre à chacun les nombreux paysages des diverses Traditions initiatiques mais dont l'horizon et le but sont l'Unique et absolue Réalité. Ainsi, au gré de sa nature la plus profonde et la plus authentique, dans l'espace ouvert aux souffles de sa liberté intérieure, l'initié pourra choisir telle ou telle Tradition aux origines de la Maçonnerie spéculative.

Ce pourra être celle privilégiant l'espace du rationnel, celle qui pleinement consciente de l'existence du mystère sait concilier celle-ci avec les exigences de l'intelligibilité. La réalité de cette con­ciliation ressortira de la perception d'une unité de sens de l'exis­tence humaine à travers l'écoulement du temps. Pleinement sensi­ble à la brièveté de la vie, l'initié saura aussi que durant celle-ci il doit accumuler un capital de connaissances, perfectionner ses moyens de les acquérir et que quand il disparaîtra ses efforts ne seront pas perdus car ce qui est vrai des individus l'est aussi des sociétés qui lui survivent et des disciplines intellectuelles et mora­les qui survivent aux sociétés. Profondément conscient de la chaîne infinie des apports que chaque homme est à même de verser aux bénéfices des générations qui vont venir, il saura aussi qu'elle ne peut être faite d'une simple accumulation de biens culturels ou de données sur la nature et le fonctionnement du réel objectif mais qu'elle s'inscrit dans une perspective surnaturelle qui peut seule donner un sens à ces acquisitions : celle d'une ascension de l'Homme et par voie de conséquence, des sociétés qu'il constitue vers le spirituel.

Pour le Maçon, dans les sens divers qu'il peut donner à son initiation, celui de lutter pour ce que l'on appelle communément le progrès doit être orienté et traversé par une finalité interne, certains diront même par une intention unique.

Dans cette perspective, la vision de ce progrès la plus souvent offerte à nos contemporains, nous apparaîtra dans son ambiguité fondamentale. N'implique-t-elle pas en effet l'émancipation du deve­nir humain vis-à-vis de tout impératif transcendental ? N'est-elle pas trop souvent affirmée comme un seul accroissement des valeurs matérielles et des seules connaissances phénoménales ? Ainsi, l'homme d'aujourd'hui en retirera-t-il peut être la croyance en une poursuite indéfinie de ce mouvement mais sans en être pour autant capable d'en saisir le sens ou d'en prévoir la direction car il n'est conscient que de la seule horizontalité de la flèche du devenir humain. A l'inverse l'initié saura que ce dernier ne prend sa signifi­cation que dans la mesure où la flèche redresse sa trajectoire vers la voûte étoilée.

Cette double lecture du concept de progrès rappelle et impose facilement à nous ce distinguo qu'introduisait Marcel Proust dans un passage « d'A la Recherche du Temps perdu », n'y disait-il pas : « le seul véritable voyage n'est pas d'aller vers d'autres paysages, mais d'avoir d'autres yeux ». Ces autres yeux sont ceux de l'homme spirituel, de celui qui perçoit que la seule conscience intellectuelle est fermée sur elle même alors que la conscience initiatique est au contraire co-naissance au monde et à soi-même. Il m'apparaît qu'une des difficultés mais aussi des grandeurs de notre Initiation tient à ce que, celui qui l'a reçue, doit à travers elle percevoir conjointe­ment deux réalités. Il ne saurait d'une part sans tomber dans un mysticisme le mettant trop à l'écart du domaine de l'action, refuser que le sens habite la nature, d'admettre que celle-ci est agrégat de phénomènes dont l'esprit humain est capable de déterminer certai­nes des lois et combinaisons. Mais d'autre part il doit aussi perce­voir que cette approche seulement rationnelle, même s'il s'associe à d'autres pour élargir son champ de conscience ne peut espérer un succès total. L'esprit humain ne saurait posséder un pouvoir radi­cal parce qu'il est lui-même créature parmi les créatures, issu des ténèbres et destiné à y revenir. Dans le cours de sa vie il ne saurait bénéficier que de lueurs fugitives sur les mystères de l'Etre.

A partir de cette prise de conscience, la voie initiatique qui l'amènera à acquérir un autre regard, celui ouvert sur l'espace du dedans, celui qui perçoit que la claire lumière de la raison ne peut à elle seule révéler la totalité du sens des phénomènes, que son explication de la nature n'est qu'un ensemble des reflets d'un être qui se dérobe derrière les apparences dans le moment même où il s'offre à nous et qu'elle ne saurait répondre par ses propres et seuls moyens à la question fondamentale posée par Leibniz de savoir pour­quoi il y a quelque chose plutôt que rien.

A cette lumière du regard intérieur, se dessinera peu à peu pour l'initié le sens de son être et de sa présence au monde. A travers la compréhension lentement acquise de la symbolique de la renais­sance initiatique, il donnera un autre sens à la mort à « sa » mort. Il ne souhaitera plus en fuir la présence toujours tapie au fond de lui en acceptant la banalisation des massacres, en tentant de l'en­fouir sous les débris du quotidien, en prétendant la nier par une sorte de jeu de mot logique tel Epicure affirmant que « la mort n'existe pas car tant que je suis là elle est absente et quand elle est là, je ne suis plus ». Il comprendra au contraire que la relation entre la vie et la mort n'est pas univoque, n'est pas un simple rapport d'ex­clusion réciproque mais qu'elle est un problème humain posé à cha­que individu dans des termes qui lui sont propres, pour lequel il ne saurait y avoir de réponse valable pour tous et où il ne tient qu'à lui de choisir la solution d'une ouverture sur le néant ou sur une autre lumière. Et nous pouvons ici nous souvenir de la parole du héros balzacien de la Recherche de l'Absolu qui, après avoir englouti sa fortune et gaspillé sa vie dans la poursuite désespérée de l'im­possible Savoir, achève son agonie en murmurant « j'ai trouvé ».

A travers la lente conquête de la véritable nature de son moi, l'initié mûrira lentement la conviction de n'être pas un quelconque débris pantelant sur l'étal toujours sanglant d'une histoire sans fin prolongée vers un but toujours repoussé. Il se percevra au contraire chaînon distinct, signifiant, à sa place et dans sa dignité au sein du déroulement conjoint de l'histoire sacrée et de l'histoire profane. De même que l'Univers se propose à nous à la fois dans une expan­sion infinie mais aussi dans la courbure de l'espace-temps se refer­mant sur lui-même, l'initié se pénétrera de cet inconcevable, être à la fois dans l'éternel retour du Temps Sacré et dans l'éternel futur de sa progression spirituelle et de celle de l'humanité.
Dans la méditation de cette apparente contradiction, il pren­dra conscience d'une des lectures que le mythe lui propose. Sai­sissant le fil de cette véritable « ontogenèse » de l'Initié qui passe d'abord par la conscience de son unité, de sa spécificité, de sa liberté, il accédera progressivement à une autre évidence : celle de son incomplétude fondamentale, de son insuffisante d'être. Celle-ci appelle pour lui en compensation de sa propre carence un supplément ou plutôt un complément qu'il ne pourra obtenir s'il ignore ou refuse l'autre, s'il néglige ou s'il ignore l'appel de l'Amour. Car et c'est peut être là, à la fois le plus simple et le plus grand pré­cepte de la philosophie de l'initié. Je le résumerai dans cette cita­tion empruntée à la lère Epitre de Jean : « Personne n'a jamais vu Dieu, mais si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous... Nous connaissons alors que nous demeurons en Lui et qu'Il demeure en nous et qu'Il nous donne Son Esprit ».

Mes Frères, me voici arrivé au terme de cet exposé. Je ne sais si j'ai répondu comme il convenait à votre attente et à la demande qui m'avait été faite. Si vous me permettez encore quelques mots, je voudrais conclure en vous citant ce passage emprunté à un texte de V. Hugo. Même si certains traits de son écriture peuvent nous agacer, je crois qu'il exprime néanmoins un des sens ultime de l'Ini­tiation : « Tout homme à en lui son Patmos. Il est libre d'aller ou de ne point aller sur cet effrayant promontoire de la pensée d'où l'on aperçoit les ténèbres. S'il n'y va point, il reste dans la vie ordinaire, dans la conscience ordinaire, dans la vertu ordinaire, dans la foi ordi­naire ou dans le doute ordinaire, et c'est bien. Pour le repos inté­rieur. c'est évidemment le mieux. S'il va sur cette cime, il est pris. Les profondes vagues du prodige lui sont apparues. Nul ne voit impunément cet océan là. Désormais il sera le penseur dilaté, agrandi mais flottant. Il touchera par un point au poète et par l'au­tre au prophète. Une certaine quantité de lui appartient maintenant à l'ombre. L'illimité entre dans sa vie, dans sa conscience, dans sa vertu, dans sa philosophie. Il devient extraordinaire aux autres hom­mes. Il s'obstine à cet abîme attirant, à ce sondage de l'inexploré, à ce désintéressement de la terre et de la vie, à cette entrée dans le défendu, à cet effort pour tâter l'impalpable, à ce regard sur l'in­visible, et c'est ainsi qu'on s'en va dans les élargissements sans bornes de la méditation infinie ».

Paul LAGET
Publié dans le PVI N° 59 - 4éme trimestre 1985   Abonner-vous à PVI : Cliquez ici

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