GLDF Revue : Points de Vue Initiatiques 1T/1984

Histoire des domiciles
des Loges de Paris  et de l'hôtel
de la Grande Loge de France

Il est des lieux comme des édifices qui semblent être marqués par le destin.

Le nombre important de loges, le changement continuel de domiciles des Vénérables, la dissimulation enfantine des noms des loges à l'imitation du Grand Orient — celles-ci se faisant adresser la correspondance sous le couvert de l'anagramme de leurs titres distinctifs : par exemple le Grand Orient devenant le Grand Nétori, "Les Amis Réunis" M. Misa de Rénis, "Les Amis Eprouvés" Mr. Moïse Vulparès, "Le Grand Sphinx" Mr. Legrand d'Esphinglous, j'en passe et des meilleurs — tout cela, rend difficile un travail de recher­che sur l'histoire très intéressante des domiciles des Loges de Paris. Mais des historiens comme Pierre Lamarque et Bord sont d'accord pour dire qu'au départ le Grand Orient est sans domicile fixe. Ce n'est que le 12 août 1776 lors d'une Assemblée de la Chambre d'Adminis­tration que le Grand Orient décide "d'être dans ses meubles".

Le désir des dirigeants de l'époque était de faire cesser toutes assemblées dans les lieux publics. Ils ne purent le réaliser complè­tement dès cette époque, et jusqu'au 19e siècle même, les loges se réuniront chez les traiteurs et les assemblées ordinaires auront lieu chez le Vénérable Maître, qui fournissait local, vivres et rafraîchissements. C'est peut-être pour cela que, dans beaucoup de cas, les Vénérables Maîtres étaient limonadiers ou traiteurs.

A Paris, les loges ont une histoire moins grandiose et moins précise que celle des locaux du Grand Orient, tout au moins pour la période qui précéda l'empire.

L'on peut avancer sans crainte et la grande majorité, pour ne pas dire la totalité des historiens, est d'accord pour affirmer que la première loge fondée à Paris par Lord Dervent Wather "Saint Tho­mas au Louis d'Argent" se réunissait vers 1725 rue de Buci chez Lan- delle. Elle quitta ce local pour aller chez Bure ou Hure, à la "Ville de Tonnerre" dont l'établissement était rue des Boucheries Saint- Germain.

On s'est réuni un peu partout dans Paris : soit chez le duc d'Or­léans et plus souvent chez le duc de Montmorency-Luxembourg à l'Arsenal où est installée aujourd'hui l'importante et célèbre biblio­thèque. On alla chez le frère Saint-Martin, traiteur à l'Hôtel des Ursins dans la cité, dans la maison de Gavin, marchand mercier, rue Saint- Antoine. La liste est longue des adresses successives tant le chan­gement était fréquent. C'est là que semble commencer l'histoire du Grand Orient qui n'a pas encore de domicile fixe.

La première adresse fixe qui apparaît est celle du domicile du frère de Méry d'Arcy, rue Villédo durant un an ; de juillet 1773 au mois de juillet 1774. Ce frère change constamment de domicile et en même temps on constate le changement aussi fréquent d'adresse du Grand Orient.

Depuis, on passa de la rue Villédo à la rue Poissonnière, de celle- ci à la rue de Chaume qui fût abandonnée en 1792 pour la rue Mon­sieur. C'est ce qui nous fait penser que le frère d'Arcy n'était que locataire et cela ne laisse guère d'espoir pour localiser le premier siège social du Grand Orient. On peut donc dire qu'il considérait le domicile du frère d'Arcy comme son "local par intérim".

Les effectifs grandissant, les domiciles des frères devenaient de plus en plus petits et l'on fût lors des Assemblées extraordinai­res obligé de louer des salles publiques, entre autres la salle Dumou­lin ou la salle Vaux Hall ou alors la salle de l'Hôtel dit de la Folie Titon qui s'élevait au n° 31 actuel de la rue Montreuil. Cette disper­sion dans Paris présente d'incontestables inconvénients parmi les­quels il faut signaler l'impossibilité de fixer une date pour la réunion des organes administratifs de l'Obédience.

La première solution apparaît à la 44e réunion de la Chambre d'Administration, le 13 juin 1774, lors de la signature du bail de la maison du Noviciat des jésuites après leur expulsion.

C'est le 12 août 1774 que le Grand Orient prend possession de ce somptueux local au coin de la rue Mézières et de celle du Pot-de­Fer, actuellement rue Bonaparte n° 82. Il y siégeât jusqu'en février 1793, date à laquelle l'Ordre, après la démission du duc d'Orléans, entra en sommeil pour ne se réveiller qu'en 1795.

Là une ronde infernale d'adresses recommence jusqu'au second Empire où il s'installa définitivement au n° 16 rue Cadet.

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Si j'ai abordé ce côté tout particulier de l'histoire des domici­les maçonniques dans Paris, c'est pour essayer de montrer combien était difficile la vie des loges et des maçons à cette époque.

Le rite Ecossais lui aussi n'a pas échappé à la ronde infernale des adresses. Nous n'avons pu trouver aucun document sur le local dans lequel avaient lieu les tenues des loges symboliques écossai­ses. Toutes les réunions importantes devaient à cette époque avoir lieu chez un grand dignitaire et la correspondance acheminée chez le secrétaire ou le Garde des Sceaux et Archives. L'on peut donc supposer qu'avant 1771 la Grande Loge avait son local ordinaire chez Brest de la Chaussée. C'est, en effet, dans son Hôtel de Charras au n° 37 rue de la Sourdière que la Loge des "Philalèthes" ou "Amis de la Vérité" avait été reconnue par la Grande Loge le 23 avril 1771, sous le titre distinctif des "Amis Réunis". Le Grand Orient lui con­firme ses qualités le 23 novembre 1773, et elle était devenue, dès les premiers mois de 1778, un des Ateliers les plus importants et les plus actifs de notre Pays. Le fondateur en était le frère Jean­Pierre-Paul Savalette de Lange, garde du Trésor Royal, après avoir été conseiller au Parlement de Paris. Les dissidents que l'on appe­lait alors "les frères bannis" siégeaient rue Saint-Antoine avant 1773 et rue d'Argenteuil, chez Diavant après 1775.

Voici quelques exemples des pérégrinations du rite Ecossais : le mardi 23 octobre 1804 le Suprême Conseil se réunit dans son nou­veau local, rue Neuve des Petits Champs n° 23.

Cependant, le 2 novembre 1804, la loge "Saint Napoléon" donne pour adresse "à Mr. Bailhache, rue Neuve des Petits-Champs n° 26, maison Leyda". La loge "Saint Alexandre d'Ecosse" mentionne, elle, au n° 36 maison Lédé mais cela, le 31 mars 1806. Il faut noter qu'après sa fusion avec la loge "Le contrat Social" en avril 1807 elle tiendra ses réunions à l'Hôtel de Bullion, rue Jean-Jacques Rous­seau.

Jusqu'à la rupture avec le Grand Orient en 1815, il ne semble pas que les Ateliers relevant du Suprême Conseil, c'est-à-dire uni­quement les Aréopages, disposent d'un local maçonnique particu­lier ni le Suprême Conseil d'un Secrétariat. Son adresse est en 1813, chez le secrétaire Pyron, rue Basse du Rempart, boulevard des Capu­cines n° 40. Les initiations de grands personnages se font souvent dans le palais du frère Jean-Jacques de Cambacérès, duc de Parme.

Selon les convocations, les réunions du Suprême Conseil se font, en 1814, le 8 avril, rue Neuve des Petits-Champs n° 36, près la rue Helvétius. Le 11 mai de la même année elles précisent le n° 26 de la même rue. Les commissions, elles, se réunissent parfois chez le Comte Muraire, rue du Helder.

Pendant la période de sommeil du Suprême Conseil de France, sous la Restauration, le Suprême Conseil d'Amérique avec le frère de Grasse puis avec les frères Decazes et le comte de Fernig, se réunit, sans oublier les Ateliers, à partir du 24 octobre 1818 en tout cas, rue Neuve des Petits Champs n° 36, salle de Pompéi ; et la frac­tion dissidente, avec le frère allemand, au Prado, place du Palais de Justice.

Quand le Suprême Conseil de France reprend ses travaux en mai 1821, son adresse est "à Mr. le Baron de Baccarat, hôtel des Postes à Paris". En 1837 le secrétariat général et les archives sont au domicile du Secrétaire Général, le Général Jubé, 50, rue de Gre­nelle, Saint-Germain. Puis, après sa mort, en 1841, 36, rue de la Vic­toire, au domicile du Lieutenant Général de Fernig, Lieutenant Grand Commandeur, ainsi qu'au nom de Mr. Desfammes, chef du secrétariat.

Le local maçonnique est, dans les années 1840, rue de Grenelle Saint-Honoré n° 45, c'est-à-dire dans la partie de l'actuelle rue Jean­Jacques-Rousseau comprise entre la rue Saint-Honoré et la rue Coquillère. En décembre 1848 la Fête Solsticiale et le banquet sont cependant célébrés dans l'établissement des Néothermes, rue de la Victoire n° 48 ancien, 56 nouveau, qui est la propriété du frère du Jay de Rosoy, et les ateliers sont autorisés à s'y réunir.

Mais dès l'année suivante on retourne 45, rue de Grenelle Saint- Honoré car le frère du Jay de Rosoy est parti ou en instance de départ pour la Californie. En 1852 on visite des locaux 8, rue de Valois et boulevard Bonne-Nouvelle mais sans donner suite. En 1856 le secré­tariat du Rite est 46, rue de la Victoire. Sans doute, à la mort du frère de Fernig, le Suprême Conseil a-t-il pris en location son appartement. Le secrétariat y restera jusqu'en 1886.

Le 28 octobre 1868, le Suprême Conseil autorise le frère La Jonquière "à soumissionner pour le compte du rite l'acquisition de l'im­meuble sis rue de Grenelle, n° 35". Mais le projet est abandonné devant la réaction des Ateliers à qui l'on proposait de racheter dix années de loyer par le versement de 1 000 francs. En 1873 la Loge "Le Mont Sinaï" demande "que s'élève enfin à Paris un Temple plus digne de nos travaux et de nos réunions". Une commission est nom­mée et le 21 août 1875 celle-ci dépose un projet, très étudié, de cons­truction d'un temple maçonnique à Paris. Elle prévoit la constitu­tion d'une société au capital de 600 000 francs. On institue alors une redevance spéciale annuelle, que l'on capitalisera jusqu'en 1880. Elle aura alors produit un capital de 39 000 francs. La fortune totale du suprême Conseil s'élève à 62 000 francs et à l'actif du bilan apparaît un dépôt de garantie de 12 500 francs.

En 1886 enfin le Suprême Conseil se rend acquéreur de l'im­meuble situé 42 rue de Rochechouart. On constitue une Société Fon­cière du Rite Ecossais au capital de 200 000 francs et le Suprême Conseil lui avance une somme de 75 586,20 F, productive d'intérêts, sur laquelle seront imputées les premières années de loyer. Le 1er juillet 1886 le secrétariat quitte la rue de la Victoire pour s'installer 42 rue de Rochechouart.

En 1904 la Grande Loge et le Suprême Conseil sont toujours rue de Rochechouart et la Grande Loge par un vote unanime déclare que : "l'Ecossisme en France formant un groupe homogène et indes­tructible, elle entend rester fraternellement unie au Suprême Con­seil de France". Elle compte alors 75 ateliers et environ 4 500 membres.

La nécessité d'un Temple digne•de nos travaux se fait de plus en plus sentir et les recherches aboutissent au n° 8 rue Puteaux qui abritait un couvent franciscain et une chapelle dédiée à Saint- Antoine de Padoue.

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Voyons l'histoire de ces hauts lieux prédestinés à la spiritua­lité et tâchons tout d'abord de comprendre l'acharnement des fran­ciscains à vouloir à tout prix édifier à Paris un couvent et élever une chapelle à la gloire de Saint Antoine de Padoue.

Il faut situer l'Ordre des Franciscains dans son contexte histo­rique. Aussi faut-il rappeler les événements qui paraissent être liés à la vie du R.P. Bénigne de Janville, franciscain, fondateur et pre­mier provincial de la Province de St-Denys en France.

Nous allons essayer de présenter un tableau des circonstan­ces politiques et religieuses où se déroula la vie du Père Bénigne de Janville. Il ne faut pas oublier que l'époque dans laquelle se sont déroulées les 71 années de sa vie, entre 1827 et 1897, a connu de nombreux événements qui ont marqué l'histoire de notre Pays.

Dans ce laps de temps, cinq régimes politiques se sont succé­dés pour présider aux destinées de la France. Après le renversement de l'Empire, en 1814, ce fut, jusqu'en 1830 la restauration de l'an­cienne monarchie qui n'a jamais réussi à reconquérir la popularité. De 1830 à 1848, ce fut la monarchie de juillet, sorte de république gouvernée par un Roi, qui finit par mécontenter tout le monde, aussi fut-elle renversée dans de tragiques circonstances.

De cette révolution naquit la seconde république. Le Prince Louis Napoléon habilement s'élève d'abord à la présidence de la République (10 déc. 1848), puis sur le trône impérial en 1852. A cela succède, après la Commune de Paris (1870-1871) le gouvernement provisoire qui prend la succession laissée par Napoléon Ill. C'est la naissance de la troisième république. C'est notre frère Gambetta qui affermit cette République foncièrement laïque.

En regard de tels événements, l'existence d'un humble moine paraîtra bien effacée et d'un intérêt secondaire. Pour une solide et
durable implantation de l'Ordre des Franciscains, cet homme d'église, par son opiniâtreté et son inconditionnel attachement à la
souveraineté pontificale, a exercé une profonde influence sur cet ordre. Il a stimulé le réveil de la vitalité catholique et profitant de
la liberté de l'enseignement secondaire que, en 1850, le gouvernement de la seconde République et du Prince Louis Napoléon accorde
aux catholiques, donne une impulsion nouvelle aux anciens ordres.
C'est vraisemblablement vers l'année 1884 que la fondation d'un couvent des Récollets à Paris est décidée. Les franciscains veulent
ainsi marquer leur indéfectible attachement aux autorités pontificales et faire en même temps contre-poids à la politique d'alors pour‑
suivie par les gouvernements de l'époque toute dirigée vers l'Italie.
Au XIXe siècle il y avait à Paris des maisons franciscaines qui relevaient de provinces différentes. La province bretonne de l'Ordre
des franciscains désirait, dans les années 1880-1890 s'implanter à Paris. Ainsi que nous l'apprend le père Achille Léon dans son ouvrage consacré au Père de Janville, c'est le père Léonard qui fut chargé de trouver le meilleur emplacement et ajoute-t-il "c'est par une ins­piration providentielle, au dernier moment, que le père Léonard trouve dans le quartier des Batignolles, rue Puteaux, l'ancienne ins­titution protestante Duplessis-Mornay...".

En l'absence d'informations plus précises, on peut légitimement supposer que les bâtiments de cette Institution Protestante avaient été construits soit en 1840 ou peu après. Car, selon les dires de l'ar­chitecte, Charles Normand, chargé de l'édification du couvent fran­ciscain, ces bâtiments étaient dans un état de délabrement qui mena­çait ruine.

C'est effectivement Charles Normand, architecte, qui dirigea en 1893 la démolition des anciens bâtiments et par la suite la construc­tion du nouveau couvent inauguré en 1894 et de la Chapelle inaugu­rée en 1896. L'ensemble de la dépense nécessaire à l'édification des bâtiments s'est élevée au chiffre de 800 000 francs dont 300 000 francs pour la chapelle et la crypte. Pour toutes ces dépenses, les franciscains se virent obligés d'emprunter des sommes importan­tes à une certaine Mlle Aimée Dolbeau.

La séparation de l'église et de l'état, ainsi que la confiscation des biens des religieux devaient mettre les franciscains dans l'im­possibilité de rembourser ces dettes. Mlle Dolbeau se fait alors plus pressante et n'hésite pas avant de présenter son mémoire au sou­verain pontife le Pape Pie X, à menacer le Provincial de l'Ordre de "dénonciation et de scandale dans la presse franc-maçonnique et anti-cléricale". Triste ironie que cette menace de la part d'une per­sonne qui fait profession du plus fervent catholicisme. Ces biens ont été, sans exception, en vertu de la loi qui impose la liquidation forcée, exposés aux enchères publiques.

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L'HOTEL DE LA GRANDE LOGE DE FRANCE

L'ancien village des Batignolles, ancêtre du quartier où s'élève à présent l'Hôtel de la Grande Loge de France, a été fondé par un Maître d'oeuvre et propriétaire terrien du nom de Puteaux.

Pour la petite histoire des abords immédiats de notre temple, il est bon de rappeler que la rue Cheroy qui commence 80 boulevard des Batignolles et finit 99 rue des Dames s'est appelée jusqu'en 1880 Cherroy (avec deux r), mauvaise orthographe, du nom du chef-lieu de canton de l'Yonne où était né Puteaux. Le boulevard des Bati­gnolles s'appelait alors boulevard de la Réforme. La rue Darcet s'est appelée Puteaux en 1846 et ne reçut le nom de ce célèbre chimiste qu'en 1873.

Le 8 rue Puteaux.

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L'actuelle rue Puteaux commence 52 boulevard des Batignol­les et finit 59 rue des Dames. C'est une ancienne voie de la commune des Batignolles Elle est longue de 132 mètres et large de 8 mètres précise M. Hillairet dans son dictionnaire historique des rues de Paris. Il ajoute qu'elle porte depuis son ouverture en 1840 le nom de Puteaux, cet entrepreneur qui fut l'un des grand bâtisseurs de l'agglomération des Batignolles et aussi l'un des fondateurs du Théâ­tre des Arts. Il utilisa pour l'édification de ce théâtre ainsi que pour la construction d'un grand nombre de maisons de ce quartier des matériaux qu'il avait achetés lors de la démolition en 1845 d'une par­tie de l'Abbaye cistercienne de notre-Dame-du-Val à Mériel en Seine- et-Oise de 1125.

Des anciens bâtiments franciscains il ne reste que la chapelle et les vitraux. L'on peut voir aussi à l'extérieur du Temple sur la façade, juste au-dessus de la porte d'entrée, les écrous qui termi­nent les tirants. Au lieu d'un simple écrou l'architecte, par raffine­ment, fait entrelacer les trois lettres S.A.P. (Saint-Antoine de Padoue).

Rappelons que cet ancien couvent des Récollets avait été en partie endommagé par les nazis pendant la dernière guerre. L'achè­vement des travaux de restauration a été l'occasion, le 15 décem­bre 1967, d'une tenue Blanche Solennelle de belle allure. A cette céré­monie fort majestueuse avec musique de chambre, cantate, poème du frère Rudyard Kipling, assistaient de nombreuses personnalités. Etaient notamment présents les frères Paul Anxionnaz et Fano, rep­sectivement Grand Maître du Grand Orient de France et de la Grande Loge Opéra, MM. Maurice Doublet, Préfet de Paris, Grimaud, Préfet de Police, Caldaguès, président du Conseil de Paris, Albert Brunois, Bâtonnier du barreau de Paris ainsi que des ambassadeurs et Dépu­tés.

Dans son allocution, le Grand Maître de la Grande loge de France, Richard Dupuy, a souligné le caractère initiatique de la Franc- Maçonnerie : "Nous nous distinguons des écoles, des philosophies et des religions, a-t-il précisé, en ce que nous ne dispensons pas d'enseignement formulé à l'avance".

Pénétrons maintenant dans ces Hauts Lieux de la vie spirituelle et de la pensée initiatique.

C'est notre frère André Sommaire, architecte, qui fit partager en deux, dans le sens de la hauteur, la chapelle, ce qui donna deux étages. Au rez-de-chaussée, un Temple dédié à notre frère Franklin Delano Roosevelt, ce grand homme d'état américain qui fut l'un des principaux artisans de la victoire alliée dans la Seconde Guerre mon­diale.

Dès les premières marches de l'escalier monumental de mar­bre blanc menant à notre grand temple actuel, nous pouvons admi­rer un très beau médaillon sculpté représentant le visage du Christ crucifié, vestige de la période franciscaine des bâtiments. Il est le témoin de l'attachement de la Franc-Maçonnerie à la tradition judéo- chrétienne en même temps qu'il rappelle aux francs-maçons d'être les messagers de l'Amour.

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Un souvenir de la période franciscaine.

Sur le premier palier de cet escalier nous trouvons un bas-relief représentant Gilgamesh, héros Assyrien, qui étreint un lion du bras gauche et tient son fouet de commandement dans la main droite, la coiffure royale et l'air terrible. Il est le symbole de "l'esprit vain­queur de la force aveugle", puis "ceux de la recherche de perfec­tion, d'élévation, d'accès à la vie immortelle". C'est notre frère Nicot, statuaire de talent, qui remit ce moulage de Golgamesh à la Grande Loge de France, au nom de la Respectable Logé "L'Ecole Mutuelle et Marcelin Berthelot".

Avant de pénétrer dans le Grand Temple, sur le deuxième palier, une statue de Moïse, réplique de l'oeuvre de Michel-Ange. C'est le témoignage de l'attachement des francs-maçons au symbole du mes­sage initiatique hébraïque consacrant les thèmes de l'Ancien Tes­tament.

Dès que nous pénétrons dans le Temple on découvre avec beau coup d'émotion cet élan vertical et majestueux de l'art gothique. De l'ancienne chapelle dédiée à Saint-Antoine de Padoue, notre frère A. Sommaire, en procédant à l'aménagement de l'Hôtel de la Grande Loge de France, a tenu à conserver les vitraux qui apportent ainsi la richesse de leurs coloris et la diversité de leurs mosaïques de verre       et bien entendu les colonnades.

Le Grand Temple.

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C'est dans ces lieux, sacralisés par notre rituel, que se dérou­lent avec un éclat exceptionnel les cérémonies solennelles.

Quittons ces hauts lieux pour nous rendre dans le parvis. Nous sommes agréablement surpris par la qualité des objets exposés dans les vitrines. C'est le résultat de longues et minutieuses recherches entreprises par les membres dévoués et compétents de la Commis­sion du Musée Maçonnique.

Signalons un maillet de Vénérable de Loge en argent et ivoire, chef-d’œuvre finement sculpté et ciselé, de rares assiettes en faïence à décors maçonniques du 18e siècle. Une paire de gants en peau du 18e siècle, un rare "éphéméra", convocation de loge, un cahier de loge comportant les minutes du discours concernant l'initiation de Charles X et évoquant la mort de Louis XVIII prononcé le 8 novembre 1824 et une traduction, manuscrite, de l'histoire de la Franche Maçonnerie avec un rapport sur la Grande Loge d'Ecosse de C.A. Thory (1759-1827) daté de 1813. Signalons, d'autre part, de nombreux tabliers et sautoirs de différents degrés du Rite Ecossais Ancien et Accepté en soie teintée et brodée dont un tablier du 18è degré du Rite Ecossais, Chevalier Rose-Croix, datant de 1775. Sa représenta­tion symbolique et ses couleurs en font un des plus beaux tabliers. Tous ces objets sont les précieux témoignages de l'art rituel hérité de nos Anciens.

Après ces vitrines se trouve la bibliothèque où de nombreux frè­res viennent travailler et méditer. A deux pas, un escalier mène à l'ancienne crypte du couvent devenue pour tous les francs-maçons la grande "salle humide".

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A propos des bâtiments de l'Hôtel de la Grande Loge de France, certains faits sont troublants : Il est des lieux comme des édifices qui semblent être marqués par le destin. En effet, de l'Institution Protestante Duplessis-Mornay au couvent des franciscains pour aboutir à l'actuel Hôtel de la Grande Loge de France, la continuité spirituelle semble être solidement ancrée dans ces murs.

Le Temple actuel qui perpétue l'image du Temple de Salomon cher aux francs-maçons opératifs et spéculatifs, reste un des hauts lieux de la vie spirituelle et initiatique en Occident de la Franc- Maçonnerie universelle.

Jacques Azoulay


Publié dans le PVI N° 52 - 1er trimestre 1984  -  Abonnez-vous : PVI c’est 8 numéros sur 2 ans

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