GLDF Revue : Points de Vue Initiatiques 1T/1984

Les francs-maçons
hors du Temple

Sortir du Temple, notre rituel du ter degré symbolique nous y invite expressément lorsqu'il nous dit :

"Que la Lumière qui a éclairé nos travaux continue de briller en nous pour que nous achevions, en dehors, l'ceuvre commencée dans ce Temple..."

Qu'elle est donc cette oeuvre commencée dans le Temple ? C'est la cons­truction du plus beau des Temples : l'Homme.

Oh ! il ne s'agit pas de fabriquer, de modeler l'homme idéal, encore moins un surhomme ou un archétype de vertus humaines, mais de faire pro­gressivement passer l'homme de l'état de profane à celui d'initié.

C'est la mission de la Grande Loge de France qui peut se résumer, selon la citation qu'en fait Jean Verdun dans son beau livre "La réalité maçonni­que" : "C'est un ordre initiatique fondé sur la fraternité, qui utilise le symbo­lisme pour dispenser son enseignement".

Le franc-maçon est donc un homme de bonne volonté, venu librement frapper à la porte du Temple, pour de profane devenir initié et, selon la maïeutique chère à Socrate, se connaître lui-même.

La vie initiatique est un long cheminement où chacun progresse par lui- même, s'appuyant sur ses Frères, dans une pratique fraternelle de la recher­che permanente de la connaissance.

Mais que ce soit à ses premiers pas ou parvenu à des étapes plus loin­taines, le franc-maçon demeure un homme qui se perfectionne et qui tra­vaille au perfectionnement de l'humanité.

Ses progrès dans l'initiation ne lui retiennent à aucun moment sa nature d'homme. Cette initiation, il en devient le dépositaire. Il ne peut la garder pour lui-même s'il veut rester fidèle à l'engagement qu'il a pris le jour de sa première entrée dans le Temple, en adhérant à la Constitution de la Grande Loge de France qui stipule :

"Le franc-maçon travaille à l'amélioration constante de la condition humaine tant sur le plan spirituel et intellectuel que sur le plan du bien-être matériel".

Travaillant dans le Temple à son propre perfectionnement, le franc- maçon doit passer de celui-ci au monde profane pour continuer à travailler au perfectionnement de l'humanité : ce Temple que nous voulons bâtir, pour reprendre la belle expression de notre Grand Maître Georges Marcou.

Le chantier est en permanence ouvert car les besoins sont immenses et les ouvriers sont peu nombreux. Francs-maçons, héritiers des bâtisseurs de cathédrales, le chantier des hommes de la cité nous attend, nous appelle ; mais il n'est pas certain que nous y soyons bien reçus ! La tâche est vaste, la confusion est grande ; le vernis du civilisé craque, montrant la minceur de sa couche et révélant la profondeur de l'instinct de l'homme, loup pour l'homme

Comment serons-nous accueillis, avec nos bonnes intentions, nos bel­les paroles ? Comme le sont toujours ceux qui ont un autre langage que celui du moment, ceux qui rappellent les valeurs éternelles face aux moeurs de l'époque, ceux qui parlent de fraternité, de générosité, de tolérance à ceux qui jouissent de leur égoïsme du haut de l'échelon qu'ils ont conquis par une lutte sans pitié sur l'échelle dite de la réussite.

Nous serons accueillis, le mieux avec étonnement, le pire avec colère. Nous serons à peine écoutés, encore moins entendus et peut-être serons-nous chassés parce qu'empêcheurs de démolir en cadence et prêcheurs d'utopies dans un monde qui se targue de réalisme. Or, le réalisme est bien souvent le triomphe du puissant sur le faible, l'acceptation de la loi de la jungle comme règle de conduite morale.

Alors effrayés, nous aurons la tentation de courir nous réfugier dans nos temples, à l'abri de ce monde profane livré aux hommes de haine et de sang. Et la chaleur de notre fraternité retrouvée, nous spéculerons jusqu'au jour où les barbares frapperont à la porte du Temple, non point pour y demander l'initiation mais pour souiller nos parvis et profaner nos étoiles.

Qu'aurons-nous alors à opposer à la meute furieuse des meneurs qui entraînent les masses des hommes si facilement trompés ? Le regret de notre lâcheté passée de n'avoir pas su ou pas voulu être présents parmi les Hom­mes, nos frères, pour qu'ils entendent, qu'ils voient au moins autre chose que ce qu'on leur montrait. Le remords de nous être tus quand se levait le premier vent annonciateur de la tempête.

Notre temps exige qu'on le regarde en face, courageusement, car, comme l'a écrit Gilbert Cesbron "Ceux qui tournent le dos à leur temps risquent de mourir tués par lui, sans comprendre, comme tous les fuyards".

Ce n'est pas jouer au prophète de malheur que de dire cela. Sommes- nous si sûrs que selon l'expression de Brecht "Le ventre de la bête immonde" ne soit pas toujours fécond ?

Parce que francs-maçons et parce qu'engagés dans le monde profane, nous demeurons doublement attachés à des valeurs humanistes et civiques fondamentales. Nous essayons sans cesse de donner leur sens à trois mots que la Franc-Maçonnerie nous fait acclamer dans nos Temples : Liberté, Egalité, Fraternité, afin que notre République ne les oublie pas.

Cette devise fait parfois sourire, quand elle ne prête pas à rire. Croire en la liberté, en l'égalité, en la fraternité et oeuvrer pour que ces concepts hérités de notre tradition maçonnique et républicaine s'épanouissent en réa­lités quotidiennes, c'est se faire traiter, le plus souvent, de naïfs, d'idéalis­tes, d'utopistes par le clan toujours renouvelé des sceptiques.

Combat perpétuel entre ceux qui espèrent haut et ceux qui pensent bas.

Comme le faisait remarquer notre Grand Maître Georges Marcou dans son allocution au Convent 1982: "Les sceptiques n'ont pas leur place parmi nous et il n'existe pas une seule des grandes oeuvres qui sont aujourd'hui la fierté de la communauté humaine qui ne soit créée du rêve utopique de quelques hommes d'avant-garde qui avaient su porter leur regard et leurs espérances très loin sur la route du destin".

Mais en quoi le fait d'être franc-maçon, de pratiquer une méthode ini­tiatique à l'aide d'un symbolisme particulier, permet-il de se prétendre mieux à même que d'autres de travailler au progrès social et moral de l'humanité ? En quoi la spéculation intellectuelle accompagnant la réflexion philosophi­que, la recherche de la connaissance conjointe à une élévation vers la spiri­tualité et l'universalisme, conduisent-elles à savoir affronter efficacement les problèmes du monde moderne dominé par les sciences, les technologies, exigeant une spécialisation accrue en toutes matières ?

La réponse est simple, terriblement simple : parce que la Franc- Maçonnerie est une fraternité ! Or, cette fraternité correspond, pour moi, à la charité telle que saint Paul la décrit dans sa première Epître aux corin­thiens : "Patiente, douce, point envieuse, ne s'irritant point, point ambi­tieuse, ne cherchant point ses propres intérêts, ne pensant point mal, sup­portant tout, croyant tout, espérant tout, souffrant tout".

Tout homme, franc-maçon ou pas, qui veut authentiquement aider les autres en se mêlant à une action collective et y prendre des responsabilités, doit être imprégné de cette fraternité, de cet esprit de charité. Sinon, pour reprendre saint Paul "je ne suis qu'une trompette bruyante ou une cymbale retentissante".

Le franc-maçon est fraternel par vocation, par définition. Il doit pos­séder la base indispensable pour asseoir toute action sociale ou politique dans le sens étymologique de tout ce qui intéresse la vie de la Cité.

Le franc-maçon s'appuie également sur l'histoire de la Franc- Maçonnerie qui montre que les francs-maçons ont toujours été actifs dans la vie de la Cité et dans le mouvement des idées. Ils ont été à l'origine des Droits de l'Homme et du Citoyen. Ils figurent nombreux parmi ceux qui donnèrent leur vie pour l'idéal de liberté, d'égalité et de fraternité.

Cette participation des francs-maçons à l'histoire des hommes et de la société peut être diversement interprétée, certes, mais elle ne peut être niée.

Bien évidemment, comme tout ce qui touche aux hommes — et les francs-maçons demeurent des hommes — l'action politique a ses lumières et ses ombres. Mais ce qui ressort c'est que, dans une large part, l'engage­ment politique et social des francs-maçons s'est toujours fait du côté de la liberté, de la justice, de la solidarité.

Ce qui est clair, aussi, et qui est un enseignement que nous apporte l'his­toire : la Franc-Maçonnerie s'est fourvoyée lorsqu'elle a voulu, en tant que telle, s'engager dans le combat politicien. Si des francs-maçons y ont sou­vent brillé, la Franc-Maçonnerie a risqué de s'y éteindre.

Voilà pourquoi la Grande Loge de France entend scrupuleusement res­ter à l'écart de ce qui n'est pas de sa vocation propre. Devant les événe­ments du monde politique, elle n'est point neutre ni indifférente, elle demeure impartiale.

Regroupant des hommes auxquels elle offre une méthode initiatique qui leur permet de travailler à leur propre perfectionnement et à celui de l'humanité, elle contribue ainsi à les préparer à jouer leur rôle historique dans les affaires de la Cité, dans la vie de la société, le devenir d'une civili­sation.

Les francs-maçons peuvent d'autant mieux s'engager dans l'action sociale ou politique de leur choix que la Franc-Maçonnerie ne s'y engage point. Elle est à la fois point de convergence et centre de rayonnement.

Ce qui lui impose — si les droits de la personne venaient à être menacés ou face aux prémices d'un régime porteur de persécutions des minorités
et asservisseurs des libertés essentielles — de savoir faire entendre sa voix.
En mai 1979, la Grande Loge de France organisa, avec une certaine prescience, une journée nationale contre le racisme. Presque deux ans après,
une bombe explosait et tuait, à Paris, devant une synagogue. Le Grand Maître de l'époque et le Conseil Fédéral, entourés de nombreux Frères, se retrou­vèrent dans le défilé silencieux des hommes et des femmes, inébranlable­ment attachés aux valeurs fondamentales. Les médias ne s'y trompèrent point et signalèrent cette présence exceptionnelle et symbolique des francs-maçons dans une manifestation publique.

La Franc-Maçonnerie demeure l'un des hauts lieux vers lesquels l'on se tourne quand le ciel et la terre s'ébranlent aux jours de colère.

Elle reste le port d'attache vers lequel chaque Frère revient pour repren­dre, dans sa Loge, force et vigueur afin de poursuivre l’œuvre entreprise et puiser le courage de retourner sur le chantier des hommes dans la Cité avec des outils mieux affûtés.

La loge, par la diversité des Frères qui la composent, le pluralisme des idées dont ils sont porteurs, constitue un microcosme de la société. Elle est de la sorte la meilleure école préparatoire aux affaires de la Cité et à la con­naissance des hommes.

Mais pourquoi et comment le travail en Loge prépare-t-il à une pré­sence agissante et différente du militantisme profane dans le monde ?
Les premiers temps d'apprentissage en maçonnerie sont marqués par le silence.
L'apprenti ne peut prendre la parole en loge à moins d'y être autorisé exceptionnellement.
Il ne s'agit pas d'une privation humiliante mais de la redécouverte, par le silence, d'une faculté bien perdue dans notre monde bavard à l'excès : l'écoute.
Voir, entendre, se taire apprend à mieux comprendre l'autre... et soi- même.

Cette faculté d'écoute est devenue une telle rareté dans notre monde moderne qu'elle correspond à un besoin au sens que lui donnent les écono­mistes.

On voit se développer, pour répondre à ce besoin vital, des associa­tions "d'écouteurs" disponibles pour entendre ceux ou celles qui vacillent devant le gouffre de la solitude imposée et de l'incommunicabilité.

Combien est donc symbolique, et en même temps très réel et actuel, que le premier apport de la méthode initiatique maçonnique soit le silence amenant à la découverte, ou la redécouverte, de l'écoute de l'autre.

Au fur et à mesure de sa progression dans les degrés symboliques, cha­que franc-maçon se souvient de son temps d'apprentissage, et jamais plus, la parole lui ayant été redonnée, il ne l'utilise comme avant son entrée dans le Temple. Parce qu'il connaît la valeur du silence, la portée des mots, le sens de l'ineffable.

L'apprenti franc-maçon apprend également, dès ses premiers pas dans le temple, à dominer ses passions.

A dominer, point à étouffer. Car les passions sont humaines et l'ex­pression particulière de la vitalité naturelle comme de la personnalité.

On a coutume de dire que la raison vient de l'âme et la passion du coeur. Le franc-maçon est à la fois homme de raison et de coeur. Il sait concilier l'un et l'autre. Oubliant le cher Alceste à qui Molière fait dire :

"Oui, ma raison me le dit chaque jour
"Mais la raison n'est pas ce qui guide l'amour".

Le franc-maçon sait que la fraternité est amour.

Le franc-maçon gouverne ses passions, laissant réagir son moi profond, par exemple : par l'indignation devant l'injustice, l'émotion devant le beau et le bien, l'exaltation devant le sacré.

D'un simple geste rituel il peut, à tout moment, même hors du temple, se rappeler à lui-même — lorsque la passion monte en lui — qu'il doit la maîtriser pour en faire une force qui anime et non qui dévaste.

Le silence d'écoute, la maîtrise des passions, ne croyez-vous pas qu'appliqués dans la vie quotidienne cela contribuerait à transformer les rap­ports humains, qu'ils soient familiaux ou de société.

Je suis de ceux qui pensent que c'est par les petites choses que l'on arrive aux grandes. Améliorer les hommes et la société passe par l'évolution des mentalités. L'effort de quelques-uns peut être suffisamment significatif sinon pour impressionner le plus grand nombre, au moins pour le faire s'interro­ger.

Le silence d'écoute pratiqué par le franc-maçon dans sa famille, son milieu professionnel, une association, un syndicat, un parti politique est remarqué, devient une force, une présence plus intense parfois que celle du tribun.

Savoir se taire comme personne c'est, en quelque sorte, ne pas parler comme tout le monde. C'est donner aux paroles qui suivent le silence un poids qu'un auditoire sait apprécier.

Celui à qui l'on répond après l'avoir écouté sent bien l'attention qui a été portée à ses propos et devient plus sensible à vos paroles, même si elles manifestent un désaccord.

C'est ainsi que peut s'engager un vrai dialogue et non ce qui n'est trop souvent que la succession de monologues que le bon sens populaire traduit par "dialogue de sourds".

Parce que le franc-maçon sait écouter, il influence par cette attitude l'ambiance d'une réunion. Il donne le ton à la discussion en la situant dans la recherche de la compréhension qui facilitera, sinon le consensus, au moins l'avis majoritaire cohérent.

Les réunions de bureau, de conseil, de section, les assemblées généra­les, les congrès du monde politique, syndical ou associatif tournent, bien souvent, à la confusion après un débat fumeux ou furieux. Que de fois les paroles des intervenants se perdent dans le brouhaha des conversations par­ticulières ; et le président de séance n'arrive pas toujours à obtenir ce qu'il réclame : un peu de silence.

Comme il est difficile à obtenir ce silence d'écoute qui mène à la tolé­rance. Cette tolérance dont Goethe disait "qu'elle ne devrait être qu'un état transitoire menant au respect". Le respect de l'autre, de ce qu'il est, de sa pensée, combien il est bafoué dans le monde manichéen des hommes de parti pris.

S'engager, militer est nécessaire car l'indifférence est la matière pre­mière des coeurs secs et des âmes faibles.

Si la Franc-Maçonnerie laisse ses adeptes libres du choix de leur enga­gement — individuel ou collectif — dans la vie de la Cité, elle n'en fait pas des indifférents mais des hommes qui savent "poursuivre l'idéal à travers le réel" pour reprendre la belle expression de Jean Jaurès.

Le franc-maçon est donc — mieux qu'un autre — préparé à être un homme qui sait prendre parti sans jamais devenir un homme de parti pris.

La tolérance, le respect de l'autre qu'il a appris en Loge, il essaie de les pratiquer en dehors des Temples. Et ce n'est pas facile ! Nous gardons notre tempérament d'homme, avec nos défauts et nos qualités. Respecter ceux qui vous sont proches et chers exige déjà, quelquefois, de maîtriser ses passions. Respecter ceux qui sont à vos côtés dans le même engagement n'est pas toujours évident ; les rivalités militantes existent. Mais respecter aussi ses adversaires, admettre que celui qui ne pense pas comme vous a droit aussi à votre écoute, à votre considération, il faut alors puiser au fond de soi les valeurs initiatiques que la Franc-Maçonnerie y a mises pour par­venir à cette forme supérieure du respect qui touche à la fraternité universelle.

C'est possible puisque quelques-uns y parviennent ; chacun de nous a un exemple à citer, connaît cet homme meilleur devant qui, partisans comme adversaires, s'inclinent. Il peut être franc-maçon ou pas. Bien souvent ce n'est qu'au moment de sa mort, d'ailleurs, que cet homme reçoit l'hom­mage de tous. Notre humanité est ainsi faite. Qu'importe , l'essentiel c'est qu'une majorité sache encore donner en exemple, à tous, les meilleurs d'en­tre nous. Même à titre posthume.

Silence d'écoute, maîtrise des passions, tolérance menafit au respect de l'autre sont les premiers jalons posés sur la route du franc-maçon. Il peut les transporter dans la vie profane pour contribuer à l'élévation des mœurs.

Indépendamment de ces vertus premières de la vie maçonnique, le tra­vail en Loge demande à chaque Frère de présenter, de temps à autre, ce que nous appelons "une planche" ou, selon l'importance du travail, "un mor­ceau d'architecture". Il s'agit d'un travail de réflexion personnelle à carac­tère symbolique, philosophique ou une approche maçonnique d'un problème d'actualité ou toujours posé à l'humanité.

Pour communiquer sa pensée, l'orateur — parce qu'il sait qu'en Loge il est véritablement écouté et entendu — recherche le mot juste, l'expres­sion adaptée. Il pèse le poids de chaque mot qui construira son discours comme le bâtisseur taille et adapte chaque pierre à son édifice.

Il y a un style maçonnique d'écriture et d'expression. Dans le monde profane, fréquemment, un maçon en reconnaît un autre à sa manière de s'exprimer, notamment en public.

Pour le franc-maçon, il y a dans le Temple des mots sacrés qui l'amè­nent naturellement, dans le monde profane, à respecter tous les mots parce qu'ils sont transmetteurs de la pensée humaine. "Ce peuple noir des mots auquel il faut mêler l'essaim blanc des idées" selon la belle image de Victor Hugo.

Le franc-maçon, quand il est appelé dans ses fonctions profanes à pro­noncer une allocution, un discours, à participer à la rédaction d'un texte, apporte ce sens du "ce qui se conçoit bien s'énonce clairement..." 'parce qu'il a appris, en Loge, que respecter les mots c'est déjà respecter la pensée.

Petite incidence, direz-vous, que d'influencer le "verba volant" comme le "scripta manent" dans une époque où il en est de l'inflation des mots comme de l'inflation monétaire. "Lorsqu'on produit plus de mots que d'idées, le mot se déprécie" disait Jean-François Kahn dans un face à face récent.

Incidence plus importante qu'il n'y paraît dans un temps où la mode est aux discours dits "musclés" qui cachent l'indigence de la pensée sous des mots "gros bras" où l'agressivité tient lieu d'argumentation. Tenir un autre langage que celui-ci c'est témoigner qu'il existe, encore et toujours, une autre manière de dire ce que l'on a à dire.

Parlant de la France de son temps, Victor Hugo — pardonnez-moi de le citer à nouveau mais c'est un de mes auteurs préférés — disait : "La France est sous les mots comme un champ sous les mouches".

Ne croyez-vous pas que là où on le peut aujourd'hui, ce n'est pas faire oeuvre utile que d'essayer de chasser les mouches en faisant comprendre à nos collègues, nos camarades, nos compagnons, nos amis que les mots sont d'abord au service des idées ? En montrant que l'agressivité dans la forme n'apporte pas grand chose à la pertinence du fond ; ne croyez-vous pas que c'est contribuer à l'apaisement des esprits qui en ont bien besoin ?

Sans tomber dans ce que l'on appelait le style "motion nègre-blanc" qui fut l'apanage d'un grand parti politique qui compta d'illustres maçons, ne croyez-vous pas que rechercher la synthèse après l'exposé serein de la thèse et de l'antithèse, demeure l'une des meilleures méthodes de raisonne­ment ? Il nous faudrait aujourd'hui, dans le discours public, un peu moins de petites phrases assassines et un peu plus de grandes idées mobilisatrices.

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Evoquant le poids et la valeur des mots, j'en signalais, à l'instant, le débordement vers l'agressivité qui devient, hélas, l'une des caractéristiques des rapports humains et sociaux dans notre société, sans en exagérer l'am­pleur ni en négliger la renaissance.

Il n'est que de regarder ce qui se passe quotidiennement autour de nous : l'agressivité verbale, qui porte en elle sa forme violente, l'agression physi­que, est de plus en plus fréquente dans le moindre incident de la vie collec­tive.

Deux automobilistes s'accrochent ; les conducteurs jaillissent de leur siège, se regardent dans le banc des yeux, l'injure aux lèvres. Heureusement, la plupart du temps, cela se termine par quelques propos aigres-doux et par un constat — intelligemment dénommé "à l'amiable" —. Mais le premier réflexe a bien été celui de l'agressivité.

Pourquoi les relations motorisées sont-elles principalement faites de coups de klaxons nerveux et impérieux, de queues de poissons vengeresses, de mouvements de l'index se vrillant sur la tempe ? Nous sommes tous mala­des du virus de l'intolérance agressive, encore à forme bénigne mais qui peut s'aggraver.

Par un simple geste rituel, le franc-maçon, prêt à se laisser contami­ner, peut se rappeler à la maîtrise de lui-même. Cela m'est arrivé dernière­ment. J'étais pressé. A un feu rouge, la voiture qui me suivait me heurta légèrement, mais le moindre choc sur ces carosseries légères fait un tel bruit que je bondis, furieux, de mon véhicule. Comme on décide de ne plus fumer, j'avais décidé, quelques jours avant, d'essayer la méthode du geste rituel qui apaise la colère montante. Je portais la main à mon cou... mon "adver­saire" me regarda, en fit autant. Nous éclatâmes de rire... comme des Frè­res.

Petite scène de la vie quotidienne des rues mais pas sans signification et sans enseignement.

Une autre caractéristique de notre vie en société, à l'opposé de l'agres­sivité latente : l'indifférence, germe de l'égoïsme. Reprenons l'exemple de la vie de la rue. Quelles difficultés pour trouver une personne qui accepte de servir de témoin lors d'un accident ! Que de bonnes excuses ! Accablante pour nous et notre société, cette expérience faite par des journalistes de la télévision. Une voiture mise en situation d'accident sur le bord de la route ; le corps du conducteur bien mis en évidence, allongé en travers de la por­tière grande ouverte... Vingt voitures passèrent, certaines ralentirent, aucune ne s'arrêta. Enfin, vint une vingt et unième... Interrogé, ce bon samaritain motorisé s'étonna d'être félicité pour s'être arrêté, disant "c'est bien nor­mal". Comme il avait raison ; je ne sais s'il était franc-maçon, c'était en tous cas un homme de bien... un sur vingt !

Qui ose s'interposer, ou tout simplement intervenir par la parole, pour accorder sa protection à une personne — généralement âgée ou très jeune — en but à la persécution imbécile ou à l'agression délibérée dans les trans­ports en commun, par exemple ?

Il faut dans ces cas, certes du courage, mais seulement un peu de cou­rage car on a plus souvent à faire à des lâches qu'à de véritables brutes. Si la peur est contagieuse, le courage l'est aussi. Il suffit qu'un seul ose pour que plusieurs le rejoignent.

II existe, en Franc-Maçonnerie, un signe dit "de détresse". tout franc- maçon a l'obligation d'y répondre. Il s'y est engagé par serment. Le franc- maçon est le Frère de tout autre franc-maçon mais aussi le Frère de tout autre homme et femme. Il est facile de l'affirmer. C'est au moment de la mise en pratique que sonne l'heure de vérité !

Voici ce qui est arrivé à un frère de mon atelier qui m'a fait le récit de ce qui peut être considéré comme une épreuve réelle et non plus symboli­que de passage de l'idéal maçonnique à l'exercice de la fraternité.

Il se trouva être confronté à ce genre de persécution — plus bête que méchante souvent — subit par deux jeunes filles dans le R.E.R. Il y avait très peu de voyageurs dans le wagon. Personne ne bougeait. Ce Frère m'a dit combien il hésita avant d'élever la voix pour demander à trois énergu­mènes qui tourmentaient les deux jeunes voyageuses de cesser leur manège. Ce frère m'a avoué "J'avais peur, mais dès que je fis entendre ma voix, deux autres voyageurs se manifestèrent presque immédiatement". L'inci­dent se termina en quelques instants. Les voyous — ou bien n'étaient-ce que des chahuteurs un peu brusques ? - descendirent à la station suivante en bougonnant.

Ce frère m'a confié : "Avec les deux voyageurs qui me soutinrent, nous nous sommes regardés dans les yeux, sans rien nous dire. Nous étions fiers d'avoir vaincu notre peur et notre indifférence". Il a ajouté : "Tu sais, ça m'a fait du bien de me dire que je n'étais pas un lâche... mais ça n'a pas été facile d'être le premier à oser... Comme franc-maçon, il fallait que je le fasse sinon, aurais-je encore pu parler, dans le Temple, de fraternité ?"

L'on pourrait multiplier les exemples où agir fraternellement dans les choses de la vie changerait les rapports humains quotidiens et ferait évoluer les mentalités. Notre ordre initiatique comprend des titres de chevalerie ; se conduire en chevalier dans le monde moderne, ne serait-ce pas, d'une certaine manière, maintenir une tradition ?

Mon enfance et ma jeunesse furent marquées par le scoutisme ; la B.A. quotidienne du louveteau, le service à rendre demandé par la loi scoute, l'en­gagement du routier de se conduire, partout et toujours, en homme d'hon­neur.

J'ignorais, à l'époque, que le fondateur du scoutisme, Baden Powel, était un franc-maçon. Je l'appris plus tard et je retrouvais, en maçonnerie, ce qui avait empreint ma jeunesse. Ce fut comme un retour aux sources. Je déplore qu'aujourd'hui, lorsque l'on dit de quelqu'un "c'est un boy- scout", ce soit par dérision. Comme si notre monde n'avait plus besoin de bonnes actions quotidiennes, comme si servir ses prochains n'était plus qu'un verbe à n'employer qu'au passé.

C'est l'honneur de la Franc-Maçonnerie de maintenir vivants ces prin­cipes de base d'une morale que l'on n'enseigne plus dans les écoles primai­res comme le voulait Jules Ferry.

C'est l'honneur de la Franc-Maçonnerie de ne pas trouver désuets les concepts de liberté, d'égalité, de fraternité et de le dire à nos contemporains qui préfèrent les grandes vacances aux grandes idées.

S'il est généralement bien admis que les francs-maçons se conduisent, entre eux, fraternellement — certains estiment même trop fraternellement —, il leur est souvent reproché d'avoir la fraternité limitée à eux-mêmes.

C'est pourquoi il convient d'aborder ici le rôle que peuvent jouer, par répercussion, dans le monde profane, ce que l'on appelle les fraternelles inte­robédientielles.

Lorsque des francs-maçons d'un même métier, d'une même profession, d'une même fonction se réunissent entre eux pour étudier — à la lumière
maçonnique — la mission, l'évolution de ce qu'ils sont et ce qu'ils font dans le monde profane, c'est toujours en se situant par rapport au bien commun.
Les services que peuvent être amenées à rendre ces fraternelles ou associations amicales sont du même ordre que ceux des associations traditionnelles d'anciens élèves, les clubs de réflexion, les groupements philanthropiques, les carrefours d'amitié, etc. Ce qui est considéré comme normal pour ceux-ci, pourquoi le refuser aux oeuvres maçonniques d'entraide et de bien­faisance que sont les fraternelles ?

L'on disait des premiers chrétiens — pourquoi ne le dit-on plus de ceux d'aujourd'hui — "Voyez comme ils s'aiment". Pourquoi serait-ce péjora­tif de dire des francs-maçons : voyez comme ils s'aiment parce que voyez comme ils s'aident.

Aimer son prochain c'est aussi lui tendre la main pour lui venir en aide.

Là où nos fonctions professionnelles, associatives, syndicales, politi­ques nous placent, nous essayons — dans la mesure de nos moyens qui ne sont pas aussi grands qu'on le dit ou qu'on fait semblant de le craindre — d'aider qui a besoin de l'être.

Aussi bien l'un des nôtres que n'importe lequel de celui ou de celle qui a besoin de réconfort et d'assistance. L'assistance est — il est vrai — une conception bien décriée de nos jours. Injustement ou par prétexte. Sa défi­nition, dans le dictionnaire, est pourtant claire : `Donner aide, secours, pro­tection à quelqu'un" ; et il est ajouté, à titre d'exemples : "assister un malade, un mourant, un malheureux... ". L'expression populaire encore employée jadis : "Dieu vous assiste !".

Il est bon, quelquefois, d'aller à contre-courant des idées du moment, surtout pour un maçon. Rappeler le sens profond de l'assistance me donne cette occasion.

L'Assistance Publique, qui compte de nombreux francs-maçons parmi ses fondateurs au siècle dernier, secourut bien des misères à une époque qui n'était pas belle pour tout le monde. Elle continue, dans un cadre renouvelé certes, à le faire.

L'un des plus beaux métiers que je connaisse par la somme de compé­tence, de courage et de dévouement qui exige son exercice, est celui d'assis­tante sociale. Il n'est pas réservé qu'aux femmes mais il n'est pratiquement exercé que par elles. Ce n'est pas sans signification.

Cette digression faite, revenons à notre propos. Je pense que nous, francs-maçons, nous ne nous aidons pas suffisamment. Nous faisons, en quelque sorte, un complexe de culpabilité hérité d'une image déformée que donnèrent de la Franc-Maçonnerie ses adversaires les plus acharnés. Nous aidant moins les uns les autres, nous perdons, par là-même, notre vocation à l'aide universelle.

Je prends un exemple d'actualité : le chômage. Je suis persuadé que si chaque franc-maçon voulait se donner la peine de mettre en oeuvre ses possibilités, ses relations, pour aider à retrouver un emploi à celui qui n'en a plus ou pas, ce sont des milliers de chômeurs qui pourraient retrouver leur dignité de travailleur. Gloire au travail ! C'est aussi une acclamation de notre rituel maçonnique.

La fraternelle, qui a pour mission d'aider les Frères et les Sœurs en quête d'emplois, travaille le mieux qu'elle peut ; c'est nous qui ne l'aidons pas suffisamment.

Bien sûr, nous sommes en petit nombre et notre contribution à rendre supportable, à tous, les conséquences d'une crise économique mondiale sans précédent, ne peut prétendre résoudre tous les problèmes qui accablent notre société.

Mais dans bien des lieux, dans bien des cas, nous pouvons être l'élé­ment qui va déterminer, orienter la décision qui permettra à la société d'être plus juste, plus fraternelle... Etre le levain dans la pâte, le grain de sénevé... c'est la vocation des minorités... c'est la nôtre.

Connaissez-vous l'histoire du forgeron qui voulut devenir indépendant ! C'est une parabole de Rabbi Israël Baal Shem Tov, grande figure du hassi­disme : "Il acheta une enclume, un marteau, un soufflet et se mit au tra­vail. En vain, la forge restait inerte. Alors, un vieux forgeron à qui il alla demander conseil lui dit : tu as tout ce qu'il te faut sauf l'étincelle !"

Francs-maçons, nous devrions être, partout, l'étincelle qui met le feu aux poudres de l'embrasement des coeurs dans un monde qui gèle de tous ses égoïsmes. Mais le profane nous rétorquera : "Vous voulez être sembla­bles à l'étincelle mais le propre de l'étincelle est de briller aux yeux de tous et vous, francs-maçons, vous souhaitez ne pas être présents en tant que tels dans le monde profane, ou si vous y brillez, c'est au firmament des belles idées que le vulgum pecus ne fait qu'entrevoir".

Il convient de répondre à cela que chaque franc-maçon a la liberté abso­lue de se faire connaître, comme tel, dans le monde profane : c'est un pro­blème personnel. Il n'a pas le droit, par contre, de désigner à la connais­sance publique tel ou tel de ses Frères ni d'engager, par son attitude ou son action personnelles, la Franc-Maçonnerie et, en ce qui nous concerne, la Grande Loge de France.

Comment se fait-il, alors, que certains francs-maçons soient bien con­nus, comme tels, dans le monde profane et que d'autres resteront toujours volontairement inconnus ? Cela dépend, je le répète, d'un choix personnel... et des circonstances.

Voici comment je devins franc-maçon et fus amené à me découvrir dans le monde profane.

J'occupais, depuis longtemps déjà, des responsabilités syndicales, de niveau confédéral national, et j'avais à mes côtés, dans mon syndicat professionnel, un homme, un militant que je considérais — et beaucoup d'au­tres avec moi — comme un exemple.

Ses qualités d'intelligence et de cœur, la manière dont il abordait tous les problèmes, son attitude à mon égard, fraternelle mais sans concession, me faisaient m'interroger.

Etait-il ainsi par lui-même ou parce qu'il était franc-maçon ? Nous étions quelques-uns à connaître son appartenance à la Franc-Maçonnerie. Nous le taquinions, d'ailleurs, et moi le premier, sur son appartenance à cette "secte".

Il supportait sereinement nos plaisanteries, pas toujours du meilleur goût. Un jour où je poussais un peu loin mon ironie, il se contenta de me dire : "Pourquoi te moques-tu de ce que tu seras un jour ?". Ce fut, en quelque sorte, mon chemin de Damas. Je me rapprochais d'autres hommes que j'estimais également pour leurs qualités et qui étaient aussi francs- maçons. Ils me dirent, après de longues discussions qui durèrent plusieurs années, que je pouvais frapper à la porte du Temple. J'en fis part à mon vieux compagnon de combat syndical, lui avouant qu'il avait eu raison et que je voulais devenir franc-maçon à ses côtés. Sa réponse m'étonna une nouvelle fois : "Pas à mes côtés, au sens où tu l'entends, me dit-il, je suis membre d'une obédience qui te conviendrait moins bien que la Grande Loge de France. C'est à la Grande Loge de France qu'il te faut aller".

Quelle leçon d'ouverture d'esprit, humaine et maçonnique il me donna là. Je fus initié dans une loge de la Grande loge de France ; il assista à la cérémonie.

Quelques années plus tard, mon vieil ami et Frère mourut. Les Frères de sa Loge, portant les insignes de leur grade, suivirent son cercueil au cime­tière du Père Lachaise, ils m'avaient fait savoir — ainsi que sa femme — que mon vieil ami avait souhaité que ce soit moi qui prononce dans la chaîne d'union fraternelle autour de sa dépouille mortelle, l'adieu d'usage. Très ému, je le fis, revêtu de mes insignes maçonniques.

Tous les assistants profanes — ils étaient nombreux et venant de tous les horizons professionnels, syndicaux, politiques, découvrirent, ce jour-là, que j'étais franc-maçon.

Ce que je viens de vous raconter est arrivé à d'autres. Ce n'est pas à titre anecdotique que j'ai voulu le faire, mais pour rendre témoignage à la valeur de l'exemple.

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Sur la fin de toute conférence, chacun dans l'auditoire s'interroge, rete­nant quelques mots, quelques formules restés au creux de l'oreille. Il existe, de nos jours, une spécialisation journalistique inspirée de la sémantique struc­turale que l'on utilise en thématique des banques de données informatiques. Cela consiste à faire ressortir dans un exposé, ou un texte écrit, les mots les plus employés par l'auteur et en déduire les motivations profondes qui l'animaient dans une entreprise et le sens, inconnu de lui-même, de sa démar­che.

Comme vous l'avez certainement remarqué dans ce texte que vous venez de lire, les mots les plus souvent employés sont :
- Hommes, francs-maçons, Franc-Maçonnerie
- Frères, fraternité
- Monde, société.

J'ai sans doute voulu, consciemment ou non, par la répétition de ces mots, en extraire tout de dont ils sont porteurs, au-delà même de leur signi­fication courante. J'ai, je crois, en les reliant les uns aux autres par le fil des idées, des impressions et des expressions personnelles, rejoint les préoc­cupations permanentes de la Grande Loge de France qui se traduisent cette année par le thème-étude : "Bâtir l'homme : l'homme social, l'homme spi­rituel, l'homme universel".

J'ai conscience d'avoir maladroitement manié les outils de la langue, mots et idées, n'évitant pas le sucre doux des bonnes intentions et la tiédeur des lieux communs avec une tendance narcissique un peu trop marquée.

J'ai tracé un portrait du franc-maçon hors du Temple que l'on peut très diversement apprécier. J'ai idéalisé les hommes et les faits sûrement.

Un proverbe chinois me vient à l'esprit pour atténuer le trop bleu de mes propos et tempérer votre jugement :

"Vous avez raison d'admirer l'arbre qui se mire dans l'eau ; Vous auriez tort d'en déduire que les poissons volent".

Jean-Louis Mandinaud

Publié dans le PVI N° 52 - 1er trimestre 1984  -  Abonner-vous à PVI : Cliquez ici

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