GLDF | Revue : Points de Vue Initiatiques | 3T/1983 |
Initiation et UniversalismeLe rapprochement de
ces deux termes pourrait surprendre un lecteur profane. Quelle que soit la
forme qu'on puisse lui attribuer, l'Initiation a strictement valeur
individuelle. En conséquence, n'y a-t-il pas un abîme entre cette notion et
celle d'Universalisme ? L'existence de
courants initiatiques différents dans leurs apparences, mais possédant un fond
commun et tous à la recherche d'une Vérité ayant un caractère universel, permet
de répondre à la question. Il en est ainsi
pour notre Ordre dont le but est, précisément, de réunir ce qui est épars, à
charge de dégager un dénominateur commun entre les éléments à assembler dans
une fraternité harmonieuse et efficace. Est-il possible de
déterminer de la façon la plus solide, parmi les qualités qui distinguent
l'initié du profane, celles qu'il est raisonnable de retenir pour que la
Franc-Maçonnerie parvienne à constituer le = corps universel . qui est sa plus
sûre raison d'être, aussi loin dans le temps et dans l'espace qu'on puisse la
rencontrer ? DEFINITIONS ET RAPPROCHEMENTCommençons par
définir brièvement les termes au cœur de notre débat : Initiation et
Universalisme. Parmi les principales notions, relevons : — une mort et une naissance ; — une voie ouverte ; — une transmission ; — un dépassement ; — une gestation permanente ; — une découverte de possibilités ignorées ; enfin — une illumination. 2. QU'EST-CE QUE L'UNIVERSALISME ? Trois notions peuvent être mises en relief, venant s'ajouter, bien sûr, à celle du « consentement universel » : — une connaissance universelle ; — une rédemption de tous ; — une démarche matérielle, spirituelle ou morale. 3. LES DEUX NOTIONS « INITIATION • ET « UNIVERSALISME • SONT-ELLES CONCILIABLES ? a) Dans quelle mesure l'Initiation est-elle individuelle ? La valeur
individuelle de l'Initiation est évidente, mais si l'on pousse l'analyse, chez
les uns, ce caractère est radical, et chez les autres, provisoire. • Initiation radicalement individuelle Rien de plus
individuel et de moins universel que l'Initiation. En fait, il existe autant
d'initiations que d'initiés. Ce qui revient à dire qu'il ne peut y avoir deux
initiations absolument semblables pour deux individus différents. Quelle que
soit la forme qu'on lui attribue, l'Initiation revêt une valeur strictement
individuelle. Il est impossible de s'en remettre à quelqu'un d'autre. C'est sous un
aspect encore différent que l'Initiation parait individuelle et, par essence,
en opposition avec l'Universalisme : ne s'adressant qu'à une minorité,
l'Initiation exclurait ainsi toute idée d'Universalisme, lequel, se référant à
tout ce qui existe, refuse toute discrimination. • Initiation provisoirement
individuelle (ou partiellement) Allant de nuance en
nuance, on observe ici deux aspects : — L'Initiation est certes
individuelle, mais on ne s'initie pas seul. C'est l'une des différences entre
l'initié et le mystique. La participation personnelle est considérable et
produit une véritable transformation chez l'Homme qui vit l'Initiation, mais
celle-ci est une oeuvre collective. Elle est amorcée et rendue possible grâce
au concours des initiés qui entourent le néophyte ; - L'Initiation a sans doute une valeur
purement individuelle si on la considère
sous l'angle de la connaissance de soi, mais celle-ci faisant désirer d'une
façon toujours plus large la recherche de la Vérité et l'intégration au Tout,
l'Initiation prend alors un caractère nouveau et universel. La connaissance de
soi permet une meilleure connaissance des autres et de tout ce qui existe, réellement
ou virtuellement. C'est par là que commence l'Universalisme. b) Y a-t-il pour
autant un abîme entre « Initiation » et « Universalisme » ? Sur le fronton du
Temple de Delphes était inscrite cette devise que Socrate a fait sienne (et
dont on oublie souvent la seconde partie) : « Connais-toi toi-même... et tu
connaîtras l'Univers N... Par la pluralité de
ses facultés, l'Homme peut concevoir l'Universalisme. Les ressources qui sont
en lui ne lui appartiennent vraiment qu'à partir de l'instant où il sent et
comprend l'infini des richesses et des possibilités de l'Univers dont ii est
fait. La perception d'un détail ne doit jamais faire méconnaître la grandeur
de l'Unité. De l'Unité avec le Tout. L'Homme comprend alors que, s'il est
autonome et libre, il n'est ni isolé, ni même indépendant. Chaque individu,
chaque fragment de l'Univers est solidaire de l'Univers tout entier. En définitive, il
ne peut pas être question d'abîme : l'Initiation mène obligatoirement vers
l'Universalisme, et les deux notions se complètent au point de devenir
inséparables. c) Oui ce
rapprochement peut-il surprendre ? • Le Profane ? Justement parce
qu'il est profane, celui-ci n'est en quête de rien. Il suit plus ou moins les
règles de la communauté à laquelle il appartient. Il ne cherche rien, ni de son
origine, ni de sa finalité. Aucun rapprochement ne peut donc le surprendre.
Toutefois, le langage, les croyances actuelles et l'état présent des sciences
constituant pour ce Profane la partie stable de la Société, les recherches de
l'Initié — qui s'écartent nécessairement de cette relative stabilité acquise —
lui apparaissent toujours comme une démarche aberrante, voire révolutionnaire. Les Profanes les
plus téméraires se découragent donc souvent... quand ils ne sont pas
simplement désorientés par les méthodes et les pratiques maçonniques. • L'Initié ? Il y a chez
l'Initié cette quête que nous ne trouvions pas, il y a un instant, chez le
Profane. L'Initié tend à propulser l'Homme vers la Connaissance et à lui faire
découvrir les lois générales de l'Univers. Par souci de
clarté, on peut encore distinguer ici : l'Initié premier et l'Initié Maçon. — L'Initié premier. La doctrine des Pythagoriciens
établissait déjà ce lien : « Se purifier, s'instruire et se perfectionner,
passer par degrés de la connaissance de soi à la connaissance de l'Univers, de
la connaissance de l'Univers à celle de l'Etre des Etres. » En fait, il doit en
être ainsi pour la plupart des courants initiatiques, nous le verrons plus
tard. — L'Initié Maçon. Il n'y a place,
ici, pour aucune surprise : Initiation et Universalisme se confondent dans la
perspective maçonnique. Cela est parfaitement manifesté dès le premier degré
symbolique. Les premières
épreuves que subit le Récipiendaire ne sont- elles pas destinées à montrer qu'à
n'importe quel niveau, rien n'est jamais isolé ? Que tout se tient, que tout
est lié dans l'Univers ? Que Tout dépend de Tout ? La première vision
du Profane quand il reçoit la Lumière n'est- elle pas destinée à marquer
l'union de tous les Francs-Maçons répandus sur la Terre ? Le premier
enseignement qui est prodigué au Franc-Maçon n'est-il pas destiné à mettre
l'accent sur le caractère universel de l'Ordre ? Les premiers moyens
donnés au jeune Maçon ne sont-ils pas destinés à montrer que l'individualité
doit se dépasser, au-delà du langage matériel, du temps, de l'espace et du lieu
? Justement pour atteindre l'Universalisme. (Points de Vue Initiatiques, n° 3/4, 3e trimestre 1971) |
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