GLDF Revue : Points de Vue Initiatiques 4T/1981

Le Symbolisme voie vers la Connaissance

 

« Tant de choses étaient cachées sous des formules et des mythes qui enveloppaient d'une apparence obscure, la vérité et la manifestaient par transparence. »
Plutarque (Isis et Osiris).

« Tout se rapporte dans ce monde que nous voyons, à un autre monde que nous ne voyons pas.
Nous vivons au milieu d'un système de choses invisibles, manifestées visiblement. »
Joseph de Maistre.

La Franc-Maçonnerie a été définie comme une « Institution d'initiation spirituelle aux moyens de symboles ». Et, les Francs- Maçons en général, les Francs-Maçons écossais de la Grande Loge de France, sont particulièrement attachés à l'étude et à la pratique du symbolisme.

Les Temples dans lesquels ils se réunissent au cours de leurs tenues régulières, où ils méditent et travaillent sont décorés, peu­plés de symboles.

Symboles qui souvent les désignent — et parfois avec iro­nie — à l'attention de l'opinion publique : qui n'a pas entendu parler, des chevaliers de la truelle ? qui n'a jamais vu, dans une de ces nombreuses publications consacrées à la Franc-Maçon­nerie, une équerre et un compas entrelacés, une pierre brute et une pierre cubique, une étoile à cinq branches, des colonnes har­monieusement distribuées ou tout simplement le célèbre triangle ?

On peut se poser une question : pourquoi dans ce monde moderne, rationalisé et industrialisé, dans ce monde de la tech­nique et de la technocratie, dans cette époque où semble triompher et s'imposer la pensée scientifique comme seule norme de savoir et comme seul modèle de vérité, pourquoi ces hommes que sont les Francs-Maçons, sont-ils si profondément attachés au symbo­lisme ? N'y a-t-il pas là une sorte d'anomalie, anachronique, comme les restes désuets d'une tradition aujourd'hui dépassée ? Oripeaux poussiéreux que l'on devrait jeter par dessus bord pour déboucher sur les plages neuves et enivrantes de la modernité ? Sans doute pas. Les Francs-Maçons, bien au contraire, croient et pensent, que la pensée symbolique, garde tout son sens et conserve toute sa valeur, que le symbolisme en général constitue une approche originale de la réalité, que les symboles sont des outils qui peu­vent permettre à l'homme d'aujourd'hui, de déboucher sur un mode spécifique de connaissance et permettre de mieux appré­hender la vie et de la vivre.

En effet, comme a pu l'écrire dans son beau livre : « La Cons­cience Affective », Ferdinand Alquié, « Les membres de la Franc­Maçonnnerie estiment que les symboles ouvrent à la connais­sance ». Ils « reconnaissent donc un savoir empruntant d'autres voies que celles empruntées par les sciences ».

Or, on a pu dire que pour l'homme du XXe siècle l'idée même de connaissance se confondait avec la science positive et tech­nicienne, qu'elle se réduisait à elle seule. Celle-ci se définit depuis Auguste Comte comme un ensemble de recherches méthodiques qui ont pour but la découverte des lois des phénomènes ; la science positiviste limite sont projet fondamental à l'étude des phénomènes, à la connaissance de l'objet et établit entre eux un système de rapports, de relations appelés lois.

« Là où l'observation immédiate voyait des êtres, la science reconnaît des rapports et recherche la généralité de ces rapports ». R. Lenoble (Pléiade - « La pensée scientifique moderne ».)

En effet, la science, c'est l'organisation des apparences en un système de lois, lois qui s'expriment le plus souvent dans un langage mathématique. « Connaître c'est mesurer » (1) a-t-on pu dire au début de ce siècle. Ce savoir réduit la qualité à la quantité, l'être à l'objet, et opère par démonstration rationnelle et expéri­mentation systématique.

Et on peut se demander s'il est légitime de réduire la réalité 1 tout entière à sa représentation intellectuelle et mathématique, de réduire le qualitatif au pur quantitatif, l'être à l'objet.

On peut aussi se demander, si le savoir, la connaissance, ici entendue comme moyen et action de connaître, doit se limiter aux méthodes en usage dans la science positive et technicienne. On peut se demander enfin si la vérité, c'est-à-dire la connais­sance entendue ici comme objet et comme résultat est entière­ment assimilable à la vérité de type scientifique.

Nous pouvons remarquer que les sciences de la nature dont ici il ne s'agit ni de mésestimer les succès, ni de nier la valeur en leur plan, ont peut-être par leur succès même bloqué la recherche de la vérité dans d'autres domaines et en particulier dans celui de l'homme lui-même — Comme l'a écrit Georges Gusdorf. « L'essence de l'esprit dans l'ordre de l'arithmétique, de la géo­métrie... peut fournir à l'examen des indications utiles mais il serait absurde d'imaginer qu'il nous révélera jamais le sens et encore moins la solution des grandes questions qui se posent à l'homme soucieux d'éclairer sa condition dans le monde. G. Gusdorf (Introduction aux sciences humaines).

On peut aussi se demander comme l'écrit Alquié « Quant à notre approche, à notre saisie de l'être, si l'histoire qui conduit chaque homme et tous les hommes de l'animisme au mécanisme, si elle est celle de nos victoires sur l'objet elle n'est pas celle de notre approfondissement de l'Etre » (2).

Aussi, n'est-il pas nécessaire de compléter ce savoir scienti­fique par d'autres modes de connaissance ? Et même si l'on pense, que la voie scientifique est légitime en son plan — et nous le pensons effectivement — ne faut-il pas ajouter, qu'il y a d'autres voies vers la connaissance ?

Le philosophe Dilthey nous a appris dans une formule désormais célèbre que si l'on explique la nature, on comprend la vie de l'âme. Ce qui signifie que s'il y a des réalités qui sont intrinsèquement différentes et non réductibles les unes aux autres, il faut pour atteindre ces réalités des moyens d'investigations, des méthodes différentes, et originales pour les découvrir.

A la relation explicative nécessaire quant aux objets de la nature, on peut préférer en ce qui concerne l'âme et l'homme lui-même, un autre type de relation, qui permet de mieux traduire et d'une manière plus adéquate cette réalité.

Le symbole en particulier ne serait-il pas cet outil, et le symbolisme en général ne serait-il pas cette voie qui nous per­mettrait d'avancer vers cette connaissance.

LE SYMBOLISME ET LE SYMBOLE

Est-ce que le symbole ne serait pas un instrument, un outil qui permettrait à l'homme, au Franc-Maçon d'accéder à certains ordres de la réalité, qui permettrait une autre approche, peut-être de la nature mais aussi et surtout de l'homme et de l'Etre en général ? Est-ce que le symbolisme ne répondrait pas mieux à ce que Gilbert Durand nomme « l'appel ontologique b ?

Aussi convient-il maintenant d'étudier le symbole, de s'inter­roger sur la nature, la signification, et la fonction du symbolisme lui-même.

L'étymologie nous enseigne que le mot symbole vient du mot grec « sun ballein « ou « sun bolon ». C'est à l'origine un signe de reconnaissance, formé par les deux moitiés d'un objet brisé qu'on rapproche. Par extension le symbole c'est ce qui représente autre chose, en vertu d'une correspondance analogique (3). C'est un signe concret, évoquant quelque chose d'absent ou d'impossible à percevoir et cela par une suite de rapports, non conventionnels, mais naturels.

Le symbole possède un pouvoir interne de représentation. Par exemple on dira que le renard est le symbole de la ruse, le lion celui du courage, et le serpent qui se mord la queue le symbole de l'éternité. Nous dirons donc qu'il y a symbole dès que la représentation, souvent chargée d'émotivité, d'une réalité sensible ou intellectuelle suggère une signification qui la dépasse.

Si nous analysons, et analyser c'est dissocier, distinguer, diviser, nous trouverons dans tout symbole deux parties, deux aspects, qui se rencontrent dans le même objet : l'aspect concret, visible, perceptible ; ce compas que je vois, cette équerre que je touche, situés dans un espace et dans un temps, ce que les psychologues dans leur langage nomment le « signifiant » ; et l'aspect invisible, ineffable ; ce que je ne peux ni voir, ni toucher ; ce à quoi renvoient ce compas et cette équerre, que les psycho­logues nomment le « signifié », c'est-à-dire la signification ou les significations que peuvent prendre pour une conscience le compas et l'équerre, ou tout autre objet. Car la portée concrète du symbole peut renvoyer à une pluralité de significations.

« Le symbole dont le propre est de donner un sens peut-être riche de nombreux sens ». a dit P. Godet.

Ainsi l'équerre renvoie dans les anciennes cosmogonies à un espace rectangulaire, à la terre, à la matière ; mais comme elle concilie le vertical et l'horizontal elle renvoie aussi à l'idée de rectitude intellectuelle et morale. Ainsi le compas, renvoie à l'idée de cercle, au ciel, et par transpositions successives à l'âme ou à l'esprit, au dynamisme d'une liberté qui organise et construit le monde.

Ainsi le soleil, connote les idées de feu, de chaleur et celles aussi de lumière, de vie, et celle de l'esprit purificateur.

Remarquons aussi que, réciproquement, cette portée non visible du symbole peut se manifester, s'incarner, dans des repré­sentations différentes : ainsi l'idée de sacré se matérialisera tantôt par une pierre dressée, tantôt par le Temple, par tel ou tel animal et même par des incarnations humaines (Bouddha - Jésus).

Ainsi tout symbole signifie. Il apporte avec lui une significa­tion qui lui est intrinsèque et par là même il est riche d'un contenu gnoséologique, nous disons qu'il introduit à un certain savoir, à une certaine connaissance. Mais ce savoir, ne nous semble pas enfermé dans des limites étroites et fixées une fois pour toute.

Il ne saurait y avoir dans la pensée symbolique, authentique place pour une signification définitive des choses et des êtres, encore moins pour des significations qui seraient préfabriquées, avant d'être expérimentées. Dans l'expérience de la pensée sym­bolique nous éprouvons chaque fois une liberté créatrice de sens.

« La puissance poétique du symbole définit la liberté humaine » écrit Gilbert Durand dans un style lapidaire. En effet c'est parce que tout symbole reste ouvert, qu'il est comme une sorte de « boomerang » entre signifiant et signifié, une enquête toujours à la recherche de sa propre signification, qu'il est par nature a-dogmatique. « Dans le processus symbolique le médiateur émane du libre examen et échappe à toute formulation dogmatique » Gilbert Durand. En ce sens on a pu comparer la connaissance symbolique à l'interprétation d'une partition musicale qui n'est jamais déchiffrée une fois pour toute mais appelle chaque fois une interprétation nouvelle. Tout symbole donc appelle à un effort d'interprétation et de découverte dans ce que l'on peut appeler l'apprentissage de la connaissance.

Cependant un symbole ne dit pas n'importe quoi. S'il n'a pas un sens particulier, définitif et absolu, il a un sens ou il a « du sens ». Il signifie. S'il est un masque, il nous apporte aussi un message. S'il voile, il dévoile également, comme l'oracle de Delphes dont nous parle Héraclite ; « le maître dont l'oracle est à Delphes ne parle pas, ne dissimule pas, il fait signe ». Quel serait donc ce signe ou ce sens ?

Avant d'essayer de répondre à cette question, nous voudrions une fois encore rappeler la dualité du symbole. Il y a, disions-nous, dans tout symbole un « signifiant » et un « signifié », une concor­dance, une rencontre, une analogie entre ces deux parties disso­ciées par l'analyse. Mais à cette division, s'en ajoute une autre : c'est que la nature de tout symbole est d'être à la fois fragmen­taire et complémentaire. Le symbole c'est la rencontre, la concor­dance intérieure, naturelle d'un fragment et d'un complément. On peut effectivement, avec Eugène Fink (4) considérer les choses de la nature et aussi les êtres que sont les hommes comme des sortes de fragments, séparés du reste du monde et séparés de l'Etre du monde lui-même, des êtres a en miettes », prisonniers de frontières infranchissables que sont leur ipséité (leur moi particulier).

L'homme lui-même est un être fini, limité, déchiré, séparé, et sa compréhension des choses et des êtres est ajustée à sa situation ontologique, c'est-à-dire qu'elle est toujours une compré­hension limitée, mutilée, imparfaite. Lorsque nous parlons de l'Etre, nous parlons de l'être individualisé, c'est-à-dire de l'être fragmentaire. Mais cet être fragmentaire renvoie à son complé­ment, à la totalité et à l'unité, à l'Etre Infini et Absolu que l'on peut appeler le Cosmos ou Dieu, que nous appelons, nous Francs- Maçons : le Grand Architecte de l'Univers.

Aussi les choses et les êtres peuvent être considérés com­me des symboles, c'est-à-dire des choses et des êtres qui renvoient à d'autres choses et à d'autres êtres et qui renvoient enfin à ce qui dépasse et transcende les choses et les êtres. Ainsi, dans son admirable dialogue « Le Banquet », Platon nous montre chaque être humain comme coupé en deux, séparés, chaque frag­ment renvoyant à son complément et en dernier ressort à l'androgyne, à l'être primordial, celui d'avant la séparation et d'avant la chute. Tout symbole veut traduire une certaine totalité, une certaine unité, de la réalité. « Un symbole révèle toujours quel que soit le contexte, l'unité fondamentale de plusieurs zones du réel écrit Mircéa Eliade. Et, René Guénon, avec autant d'obscu­rité et de profondeur fait remarquer que le fondement du symbo­lisme c'est justement cette correspondance entre tous les ordres de la réalité qui les relie les uns aux autres, qui s'étend de l'ordre naturel à l'ordre surnaturel ». Il suggère à l'homme fini que nous sommes, que nous ne sommes pas seulement finis et séparés, mais unis à l'Etre qui nous englobe et nous dépasse, que, peut-être, nous ne pouvons ni définir ni comprendre, mais dont le symbole signifie la présence et suggère l'existence.

Ainsi, la pensée symbolique révèle, dévoile toujours quelque chose de plus que ce qu'elle est censée représenter, cette réalité totale inaccessible aux autres moyens de connaissance.

La connaissance symbolique peut donc nous donner accès à l'Etre ; elle veut nous permettre d'atteindre dans une sorte de vision intuitive, la réalité même, un peu comme cette sympathie dont nous parle Bergson dans la « Pensée et le Mouvant . qui consiste et permet de se transporter « à l'intérieur d'un objet poùr coïncider avec ce qu'il a d'unique et d'irremplaçable ».

Le symbole nous parle et nous interpelle donc, mais jusque dans ses silences.

Aussi dans un souci de pédagogie et d'analyse nous avons insisté sur la séparation, la dualité qui caractérise tout symbole, mais il nous faut ajouter que le symbole en fait ne se présente à la conscience que comme une unité et une totalité, comme un être global où justement ce signifiant et ce signifié, ce « fragmen­taire u et ce « complémentaire », sont indissociables et comme réunis de l'intérieur.

Tout symbole donc est ouvert sur l'absolu et veut nous res­tituer ce sens de la totalité et de l'unité que la science positive nous a fait perdre. Sans vouloir nier et mépriser — bien au contraire — la nécessité et la valeur de la science mathémati­cienne, la connaissance symbolique nous permet de pénétrer dans des domaines où l'intelligence abstraite et conceptuelle, et discur­sive ne saurait pénétrer. La vision physicienne est une vision du monde, mais une vision parmi les autres. Les sciences humaines nous donne une idée de l'homme, ' mais on peut se demander si cette idée ne laisse pas échapper ce qu'il y a de plus précieux et de plus spécifique à l'homme, la vie de l'âme, celle de l'esprit et de sa liberté, celle de l'univers, d'une réalité profonde et essen­tielle ; et Alain dans ses Propos va même jusqu'à dire « Je lis que Goethe était Franc-Maçon et fort avancé dans les mys­tères... » et il poursuit « l'initié est continuellement renvoyé à quelque initiation supérieure qui lui promet le vrai sens des paroles et des rites ; mais ce vrai sens personne ne doit jamais dire ce que c'est...

Ayant d'abord méprisé cette continuelle préparation, à la suite de quoi on ne voit rien venir je pensais ensuite que ce symbolisme... n'est pas de médiocre portée par ce mouvement de méditation auquel il nous invite. »

SYMBOLE ET INITIATION

Peut-être pour mieux comprendre la nature et la signification de la pensée symbolique faut-il abandonner la méthode et la démarche scientifique et se mettre à l'écoute des poètes et de la poésie.

La nature est un temple où de vivants piliers Laissent parfois sortir de confuses paroles.
L'homme y passe à travers des forêts de symboles Qui l'observent avec des regards familiers.

Qui ne se souvient de ce merveilleux poème de Baudelaire dont le titre significatif est « Correspondance ».

Ce qui serait surprenant, nous dit encore le poète dans un article sur Wagner, c'est que le son ne puisse pas suggérer la couleur, que les couleurs ne puissent pas donner l'idée d'une mélodie, et que le son et la couleur fussent impropres à traduire les idées, les choses étant toujours exprimées par analogie réciproque, depuis le jour ou Dieu a proféré le monde comme une complexe et indivisible totalité. »

Le langage rationnel est inapte à percevoir et à traduire cette analogie universelle et fondamentale entre les différents êtres de l'univers.

Car s'il est vrai que « tout l'univers visible n'est qu'un maga­sin de signes », seule l'imagination pourra donner à ces signes une valeur particulière et seul l'acte poétique — et ici le musicien et l'artiste sont considérés comme des poètes — consistera dans la découverte de ces signes enfermés dans la totalité du visible et de leurs innombrables correspondances. »

Le poète devient ce « traducteur », ce « déchiffreur » de hiéroglyphes » dont parle Baudelaire, ou ce « voyant », ce « voleur de feu » qu'évoque Rimbaud.

La poésie dans ce qu'elle a de plus profond est essentielle­ment découverte, dévoilement, à la limite révélation de vérités fondamentales. Aussi lorsque Gérard de Nerval nous dit dans Delfica : « Le temps va ramener l'ordre des anciens jours » il énonce une vérité que Nietzsche retrouvera plus tard dans le mythe du Retour Eternel, quand il dit ou plutôt fait dire à Jésus dans « Le Christ au Mont des Oliviers », « Hélas et si je meurs, c'est que tout va mourir » il nous appelle à réfléchir sur le tragique de la finitude de la condition humaine.

Lorsque Rimbaud nous dit :
« La vraie vie est absente »

ou Valéry :
« Le vent se lève il faut tenter de vivre »

ou Eluard :
« Nous sommes réunis par delà le passé »
le poète nous découvre ou nous fait découvrir des vérités essen­tielles à notre vie d'homme.
Aussi faut-il écouter le langage du poète.
Aussi faut-il écouter le langage du symbole et du symbolisme.

Le symbole, le symbolisme, comme le verbe poétique, c'est ce qui nous introduit au mystère des choses et des êtres, qui nous permet de voir par transparence.

La pensée symbolique, comme la poésie, « est bien le grand moyen qui nous pourvoit du fil en tant que connaissance de la réalité sensible, invisiblement visite dans son éternel mystère ». (A. Breton).

Comme la pensée poétique, la pensée symbolique veut donner accès à une vérité, à un certain ordre de la réalité, qui se situent ailleurs que dans la simple apparence phénoménale et objective. Elle nous fait comprendre que la réalité ne se situe pas seule­ment dans le visible et dans le manifesté, mais dans l'invisible et dans le secret profond des choses et des êtres.

Le symbole, signe de l'invisible dans le visible ou s'unissent la parole et le silence, où la parole devient silence, où le silence devient parole, grâce au symbole ou ordre incommunicable et ineffable par l'écriture, la parole prosaïque, le concept, nous est transmis. « J'aime tant entendre chanter les choses » dit le poète Rainer Maria Rilke à ceux qu'il accuse de les rendre roides et muettes. La poésie fait chanter les choses et fait « chan­ter » les êtres. Et comme la poésie, le symbole fait chanter les choses.

Disons plutôt que grâce au symbolisme les choses et les êtres se mettent à parler, à chanter. Mais le symbolisme permet d'atteindre une réalité inaccessible à la raison, de rappeler le sens profond d'une réalité, et découvrir à l'homme sa condition métaphysique, il indique aussi un moyen pour y parvenir.

Et l'on a pu à ce sujet, comparer les symboles à des sortes de . guides spirituels =. Ils indiquent des chemins et c'est en ce sens qu'on peut dire qu'ils remplissent une fonction initiatique.

La pensée symbolique appelle nécessairement, comme dans une sorte de contre-point, la démarche initiatique. Et la démarche initiatique demande nécessairement des symboles comme moyens, comme outils. Pensée symbolique et démarche initiatique sont indissolublement liées, nécessairement unies.

Mais le symbolisme n'est pas seulement outil de communica­tion, avec soi-même, avec les autres, avec ce que Goethe nomme : Les Mères." Il est instrument de création, verbe créateur ; il veut changer un univers d'ombre en un univers de soleil."

Je cherche une clarté qui change tous les mots a écrit

Joe Bousquet dans son « Traduit du Silence ».

Le Franc-Maçon est cet homme semblable au prisonnier de la Caverne que nous décrit Platon dans la République, ce prison­nier plongé dans les ténèbres et qui aspire à la lumière.

Dans sa quête initiatique, muni de ses outils symboliques, le Franc-Maçon cherche lui aussi une clarté, il cherche une lumière qui change tous les mots, et qui, par la transfiguration du langage transfigure la vie des êtres, transfigure les hommes, à la Gloire du Grand Architecte de l'Univers.

Henri Tort.

Publié dans le PVI N° 43 - 4éme trimestre 1981  -  Abonnez-vous : PVI c’est 8 numéros sur 2 ans

P043-1 L'EDIFICE  -  contact@ledifice.net \