GLDF | Revue : Points de Vue Initiatiques | 3T/1981 |
Qui est Franc-Maçon ? Si, dans le monde
profane, certaines idées relatives à la Franc-Maçonnerie circulent parfois,
bien des mystères restent entiers quant aux Francs-Maçons eux-mêmes. Sans doute, sait-on
à peu près ce que pense un Franc-Maçon et connaît-on le nom de certains d'entre
eux, célèbres pour s'être illustrés au cours de l'Histoire, ainsi que les idées
qu'ils ont défendues et propagées. Mais pour autant, cela ne nous indique guère
qui est le Franc-Maçon d'aujourd'hui. Il semble pourtant
que, à travers ses conférences publiques, ses publications, ses émissions de
radio, la Grande Loge de France a témoigné, à plusieurs reprises, de
l'actualité de sa démarche, de l'intérêt que sa recherche pouvait présenter
pour les hommes d'aujourd'hui et de la façon dont elle était en prise directe
sur leur temps. L'actualité récente avec certains de ses drames, par exemple le
réveil du racisme, et avec toutes ses confusions, telles celles entretenues par
les sectes au comportement réducteur et même quelquefois annihilateur de la
personnalité et de la pensée, montre à quel point il y a nécessité de maintenir
des structures de réflexion et de recherches humanitaires, en tant que
garde-fou ou sonnette d'alarme. La Grande Loge de France est une de ces
structures et voilà pourquoi elle intéresse tant d'hommes aujourd'hui. - Dans ce cas, tentons d'élaborer une sorte de portrait robot du Franc-Maçon d'aujourd'hui... - Il est en effet tentant d'essayer d'établir un portrait robot. Il est à craindre pourtant que ce soit absolument impossible, en vertu de deux raisons particulières. La première tient à
la spécificité de la démarche Maçonnique. Nous savons qu'il n'y a pas deux
hommes pareils : il n'y a donc évidemment pas deux Francs-Maçons pareils. Bien entendu, il
existe des traits communs à tous les Francs- Maçons. Par exemple, les
Francs-Maçons de la Grande Loge de France ont cette caractéristique commune :
les uns et les autres travaillent au Rite Ecossais Ancien et Accepté. Ce qui
signifie que leur démarche initiatique est jalonnée des mêmes étapes, et que
leur travail commun suit un même fil conducteur. Mais cette démarche
initiatique, qui s'adresse au plus profond de la personne, qui provoque une
révolution intérieure au niveau de la conscience, qui bouleverse la
personnalité, par essence individuelle, est ressentie de façon très différente
par chacun des Frères. La deuxième raison
qui nous interdit de dresser un portrait robot tient à l'extrême diversité des Frères
qui composent une Loge maçonnique et qui mettent leur travail en commun. Nous savons bien,
nous qui sommes Francs-Maçons de la Grande Loge de France, quels sont ceux qui
viennent à nous. La Grande Loge de France, et c'est là une des caractéristiques
les plus connues de la part du monde profane, est le lieu privilégié de la
rencontre d'hommes de toutes races, de toutes religions, de toutes opinions
politiques, dès lors que rien, dans les idées et leur expression, ne vient
entraver la libre recherche de la vérité, ensemble et en commun. Mais on peut aller
plus loin : une analyse succincte récemment menée a permis de constater
certains faits, particulièrement significatifs de la grande diversité des
hommes qui se trouvent intéressés par notre démarche. Par exemple, le
plus jeune de ceux qui ont demandé leur initiation à la Grande Loge de France
au cours de ces six derniers mois est âgé de 21 ans. Le plus âgé, lui, est né
en 1915. Il a 65 ans. Qu'on ne s'étonne pas de ces âges, car la
Franc-Maçonnerie abolit les hiérarchies traditionnelles, et entre autres, celle
de l'âge, en dépouillant l'homme de sa peau profane pour lui permettre de
renaître à une vie de recherche active qui intéresse aussi bien l'adolescent
que l'homme âgé. Autre fait
caractéristique : le même examen, toujours portant sur les six derniers mois,
permet de constater la très grande diversité des origines
socio-professionnelles des Francs-Maçons : de l'ouvrier au médecin, de
l'animateur socio-culturel au commerçant, du journaliste au patron
d'industrie. La recherche maçonnique intéresse des hommes en provenance de tous
les secteurs de la vie de la Nation. Cependant, ces
extrêmes diversités d'âges, de catégories socio-professionnelles, ne sont pas
sans révéler certaines tendances profondes et particulièrement intéressantes. En ce qui concerne
les âges tout d'abord : sans observer de gigantesques bouleversements, on
constate néanmoins un rajeunissement des hommes qui viennent frapper aux
portes de nos Loges. Actuellement, l'âge moyen de ceux qui souhaitent être
initiés à la Grande Loge de France est inférieur à 35 ans. Ceci est
significatif d'évolutions sociologiques qui intéressent l'ensemble de la
société, mais aussi, de ce fait que c'est environ dans les dix années de leur
vie qui correspondent à leur installation dans la société et à leur
positionnement par rapport à cette société que les hommes s'intérogent et
qu'ils effectuent le mouvement vers la Franc-Maçonnerie, laquelle est
effectivement le lieu où un travail ordonné permettra que soient recherchées
les réponses à leurs interrogations. De même, la
diversité des professions représentées ne peut pas masquer certaines
évolutions. L'image de la Franc-Maçonnerie perçue par le monde profane est
plutôt évocatrice d'un Ordre bourgeois. Cela se justifie en partie par
l'histoire de la Franc-Maçonnerie au cours des siècles passés, bien que, dès
son origine, au XVIlle siècle, la Franc-Maçonnerie s'était déjà affirmée comme
le lieu de rencontre du seigneur et du manant, de l'aristocrate et du roturier,
pour reprendre des formules déjà utilisées, mais qui ont le mérite d'exprimer
qu'en Franc-Maçonnerie les barrières sociales n'existent pas. Néanmoins, reflet
des structures socioculturelles de son époque, qui réservaient l'interrogation
philosophique et spirituelle aux détenteurs d'une culture bien
parcimonieusement distribuée, la Franc-Maçonnerie avait effectivement le visage
de la bourgeoisie. Cela a changé. Les
hommes qui viennent nous rejoindre à la Grande Loge de France sont désormais
représentatifs de tous les courants qui traversent notre Société, et il n'est
point de professions, de classes ou de groupes sociaux, de courants culturels,
qui ne participent maintenant à notre oeuvre commune, grâce à la présence
active d'hommes des professions les plus diverses. Ne nous méprenons
pas. Ceci ne signifie pas que la Grande Loge de France constitue un échantillon
représentatif de la Société Française. Ce n'est d'ailleurs
pas le problème de la Grande Loge de France que de tendre à refléter avec une
exactitude mathématique une structure socioprofessionnelle qui, exprimée
quantitativement, ne donne certainement pas le reflet qualitatif des extrêmes
richesses d'aspirations des diverses composantes de la Société. Ce que la Grande
Loge de France parvient parfaitement à réaliser, et c'est ce que démontre la
tendance à l'ouverture vers une plus grande diversité des hommes qui viennent à
nous, c'est, au sein du groupe que constitue la Loge, la synthèse des idées porteuses
d'avenir, quelle que soit l'origine de ces idées et quel que soit le creuset
socio-culturel dans lequel elles ont pris naissance. En conséquence,
nous ne sommes pas surpris de constater que l'homme qui vient à nous soit avant
tout un homme jeune et un homme préoccupé. Deux caractéristiques qui ne
constituent pas réellement un portrait robot. Mais peut-être avons-nous un peu
progressé dans cette tentative de définir qui est le Franc-Maçon d'aujourd'hui. Evidemment, plus
intéressant encore serait sans doute de chercher à connaître les raisons qui
motivent cet homme à demander son admission en Franc-Maçonnerie. Parler de
portrait-robot était évidemment une gageure. Nous ne l'avons pas dressé, et
tant mieux, car la diversité reflétée est bien plus intéressante. Nous ne
devons pas nous étonner de cette totale diversité dans tant de domaines, ni de
cette tendance au rajeunissement. Tous les hommes,
dans la différence quotidienne de leur métier, de leur milieu, de leur âge,
dans la différence de leurs pensées et de leurs idéaux, se posent les mêmes questions
et ils viennent à nous avec le grand espoir d'apprendre à y répondre. Car tous les
hommes, et parmi eux les jeunes, sont frappés, de plein fouet, par la crise
traversée par l'occident. Ne ressentent-ils pas plus douloureusement encore
leur emprisonnement dans une société dont les structures ont trop vieilli, et
dans une époque qui ne peut pas ou ne sait pas donner la vie ? Alors, ils
viennent à nous avec le désir de se dépouiller de leurs vieilles hardes
matérielles et de découvrir enfin les épreuves de la caverne initiatique. Ils
espèrent s'y accomplir et en sortir à l'aube d'un jour nouveau, où ils pourront
se réaliser, malgré un siècle qui les prolonge indéfiniment dans leur enfance
scolaire, et dans leur apprentissage social, en leur refusant l'épanouissement
qu'ils recherchent. La
Franc-Maçonnerie se révèle être le moyen d'échapper aux formes souvent stériles
des révoltes adolescentes. En effet, les
règles de l'Ordre ne constituent pas un conditionnement de la personnalité,
mais, bien au contraire, une mise en harmonie, qui permet à chacun de
rencontrer l'autre, tout en poursuivant la route vers la connaissance de
soi-même : merveilleuse connaissance de soi-même que l'antiquité enseignait
déjà comme étant la seule clé, véritable et authentique, de la connaissance de
l'Univers. Ces hommes, et
tout particulièrement les jeunes, ont le désir de lutter contre les faux
reflets et les faux lampions qui font danser de faux paradis dans leurs
cachots. Des cachots dont ils ont pris conscience : ils veulent en prendre les
dimensions exactes pour mieux s'en libérer et ils acceptent, pour cela, d'être
plongés dans la nuit d'initiation. Ainsi
poursuivent-ils, comme tous les Francs-Maçons qui les ont précédés, la route
immémoriale de l'homme depuis sa naissance de chair vers une autre naissance,
vers sa renaissance au cœur de l'Univers. FEVRIER 1981 |
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