GLDF | Revue : Points de Vue Initiatiques | 1T/1979 |
Actualité de Jean Pérennité de Jean Pour tous les
Francs-Maçons du monde dont les Loges sont placées sous le vocable de saint
Jean, le message de l'Evangéliste annoncé en ce solstice d'hiver est un message
de Vie, de Vérité et d'Amour. C'est un message
d'universalité, mieux même un message d'unité fondamentale de tout ce qui vit :
« Moi en eux et toi en moi pour qu'ils se trouvent accomplis dans l'unité, pour
que le monde connaisse que c'est toi qui m'a envoyé et que tu les a aimés comme
tu m'as aimé »... Est initié seul
celui qui possède ce concept de l'Unité, celui qui par son ascèse, par sa
pureté morale, a compris la vérité essentielle de l'identité, celle déjà que
proclamaient Pythagore et la philosophie védique : « Il est écrit dans votre
loi que j'ai dit que vous êtes des Dieux. » Bien sûr, il serait
puéril autant que téméraire de prendre cette affirmation à la lettre car seul
celui qui possède l'esprit de vérité peut entrevoir la signification profonde
d'une telle promesse. Cet esprit de vérité nous dit Jean, que le monde ne peut
recevoir parce qu'il ne le voit point et ne le connaît point. « Mais,
ajoute-t-il à l'intention de ceux qui ont été choisis » : « Vous, vous le
connaissez, car il demeure avec vous et il sera en vous. » Actualité de Jean,
alors que ce concept d'unité se dresse contre toutes les divisions, tous les
déchirements du monde extérieur, du monde profane, alors que cette volonté
d'identité, par tout ce qu'elle suppose de recherche, d'exigence morale, de
volonté d'amour, combat sur tous les fronts, l'injustice, le mensonge, le refus
de comprendre l'Autre, d'écouter l'Autre, d'aimer l'Autre. Jean oppose ainsi à
la Lumière, personnifiée pour lui par le Christ, le monde extérieur personnifié
par Judas : nécessaire dualité du monde des choses temporelles et transitoires,
nécessaire combat des oppositions fécondes... Mais toujours ce combat
s'achèvera sur le triomphe de la Lumière, sur l'entrée de la Lumière au cœur du
monde des ténèbres. Dans ce combat la
Franc-Maçonnerie tient un rôle privilégié. Elle est celle qui permet
d'entrouvrir la porte du monde de la Lumière sur le monde des ténèbres, elle
est celle qui permet la synthèse dans l'esprit de l'initié et lui fait
percevoir la réalité profonde, inaltérable de l'Un. En fait, l'Evangile
de Jean contient des vérités enseignées de tout temps par la Tradition
initiatique. Evangile du feu, il nous rappelle l'importance que le Soleil — « Monseigneur
frère Soleil qu'il allume le jour pour nous » chantait François d'Assise
dans son admirable cantique — avait dans le culte de ses frères Esséniens : « Dès
que le soleil paraît, écrit Flavius Josèphe, ils lui adressent leur vœux comme
à un père en le conjurant d'éclairer leurs âmes de sa lumière. » Et c'est
par l'aigle, oiseau de feu, oiseau de soleil que Jean est figuré, l'aigle,
oiseau de Zeus, oiseau du dieu suprême de la Triade celtique, l'aigle qui selon
la Kabbale figure l'Orient et qui est l'image d'Uriel, l'ange du feu
purificateur. « L'aigle, est-il dit dans la Légende dorée, est celui de tous
les oiseaux qui vole le plus haut et qui contemple le plus fixement le soleil ;
et cependant, par infirmité de nature, il faut qu'il redescende. Ainsi le
courage humain quand il s'est accordé quelque délassement peut revenir avec un
renouvellement de force et plus d'ardeur à la méditation des choses célestes.
» De même la doctrine
du Verbe et celle de la Lumière figuraient déjà dans les livres attribués à
Hermès Trismégiste : « Le Dieu et le Père de qui l'homme est né est la
lumière et la vie. Si donc tu sais que tu es sorti de la vie et de la lumière,
tu marcheras vers la Vie. » De même la
conception du Logos figure chez Zoroastre pour qui l'Etre suprême, Zeruané
Akréné ou le Temps — le Khronos des Grecs — créa la lumière primitive d'où
sortit le roi de lumière Ormuzd, le Dieu Bon, qui, à son tour, créa le monde
dans sa pureté originelle. De même le culte de
Mithra, le rival de celui du Christ, celui qui faillit vaincre avec Julien
l'Apostat et nous enseigne que le Créateur est le médiateur entre le Dieu
suprême et les hommes, est fondé, lui aussi, sur la Lumière et la résurrection.
Le feu unit l'initié, dans ce culte, à Mithra et au soleil. De tout temps, dans
toute initiation, le feu transforma les hommes en dieux. C'est le
mythe de
Démèter à Eleusis qui mettait en cachette la nuit
dans un brasier le dernier-né
de la reine Métanéire, Démophon, afin de le rendre
immortel. Durant la
célébration des mystères éleusiens le
hiérophante proclamait que la déesse de
la mort avait engendré un fils dans le feu. Dionysos est
né du bûcher de sa
mère Koronis. Jésus lui-même n'est-il pas
présenté comme le « maître du feu »
dans de nombreux contes de portée initiatique ?... L'Evangile de Jean
est ainsi comme l'athanor de l'alchimie chrétienne où sont venues se fondre
toutes les données initiatiques des diverses traditions. Et tout l'Evangile
de Jean ou presque pourrait être repris verset par verset, et son enseignement
comparé à celui de la Franc- Maçonnerie. Pour recevoir l'eau du Baptiste il
faut un respect absolu de la morale : pour entrer en Maçonnerie il faut être
libre et de bonnes mœurs. Lorsque Jésus se
sépare de sa mère : « Femme qu'y a-t-il entre toi et moi ? » cette
phrase qui a si souvent intrigué, scandalisé, n'est pour l'initié que le simple
rappel de la nécessité de se détacher de l'étroite cellule familiale pour
entrer dans la famille universelle. Lorsque Jésus
chasse les marchands du Temple il nous rappelle à nous maçons que nous devons
laisser nos métaux à la porte du temple. Lorsque Jésus dit à
Nicodème : « En vérité je te le dis : si un homme ne naît de nouveau il ne peut
voir le royaume de Dieu », il évoque pour nous l'initiation qui nous fait
dépouiller le vieil homme et renaître homme nouveau, car ce qui est né de la
chair est chair mais ce qui est né de l'esprit est esprit et il faut que
l'initié naisse d'eau et d'esprit... Lorsque Jésus
rencontre la Samaritaine — femme de cette race haïe et méprisée des Juifs
orthodoxes — et que, à elle qui s'étonne : « Comment, toi qui es Juif, tu me
demandes à boire à moi qui suis Samaritaine ? » — il lui répond que le
temps est venu de n'adorer Dieu ni sur cette montagne, ni à Jérusalem mais
partout et en esprit, n'est-ce pas, pour nous Francs-Maçons, l'affirmation
solennelle qu'il n'y a ni races, ni classes, ni religions qui vaillent pour
opposer les hommes les uns aux autres, mais que nous sommes vraiment le creuset
de ces races, de ces classes, de ces religions et le centre de l'union... Lorsque Jésus
refuse de condamner la femme adultère il montre, d'une façon lapidaire et
exemplaire, l'irremplaçable vertu qu'est pour la Franc-Maçonnerie la tolérance.
Lorsqu'il guérit un paralytique à qui il dit : « Lève-toi, prends ton lit et
marche » il nous rappelle qu'on ne vous initie pas mais qu'on s'initie en
vérité soi-même. Et lorsqu'il annonce
un seul troupeau et un seul berger, ne va-t-il pas dans la même voie que notre
Ordre porteur du message de la fraternité universelle et fondé sur les trois
vertus de la foi, de l'espérance et de la charité ?... C'est par les
quatre éléments encore que le grain de blé enfoui en terre ressuscite et porte
de nombreux fruits, de même que c'est par les quatre éléments que l'initié se
métamorphose et devient un homme porteur de fruits. Il est encore dans
l'Evangile de Jean une scène fondamentale qui demeure à la lettre difficile à
comprendre mais qui s'éclaire merveilleusement au symbolisme initiatique :
celle de la résurrection de Lazare. « Lazare notre ami est endormi mais je
vais le réveiller ». Et c'est effectivement d'un sommeil de quatre jours —
quatre étant le principe de la nature éternelle qui détermine la composition de
toutes choses — que Lazare est « éveillé », comme notre maître Hiram ressuscite
dans notre rituel du troisième Grade, comme Osiris est ranimé par Isis. La mort
et la résurrection de Lazare sont la mort et la résurrection de l'initié. Et
c'est pourquoi Thomas dit : « Allons, nous aussi, afin de mourir avec lui »... Voici donc tout ce
que nous évoque l'Evangile de la Lumière. La vision de Jean ne peut être que
peu à peu précisée, interprétée, mais il appartient aux initiés, à ceux qui
cherchent l'esprit de vérité, de faire passer son enseignement dans le monde. Avec Jean, le Verbe
entre dans l'histoire. Dieu prend corps dans le temps et l'homme à son tour
doit se transformer, devenir comme un Dieu. Le Verbe, de tout
être est la vie. Le Verbe vie donne la vie aux autres. Il est chemin de la
Vérité et de la Vie. Et ce n'est pas autre chose que ce que dit le Vénérable du
rite écossais ancien et accepté lorsqu'il consacre la chaîne d'union : « Qu'il
inspire notre conduite dans le monde profane. Qu'il guide notre vie. Qu'il soit
la Lumière sur notre chemin »... Le Verbe abreuve
l'homme d'une eau vive qui devient une source jaillissante en vie éternelle. « Il faut, a dit
Jean, quitter les ténèbres du monde et de la chair pour devenir un fils de
lumière ». Mais la lumière vit dans les ténèbres et l'homme de lumière doit
projeter au dehors cette lumière dont il est le réceptacle et le miroir. Sans l'amour des
autres, de tous les autres, l'initié n'est rien qu'un arbre sec, un figuier
stérile. N'est-ce pas encore
Jean qui a dit : « Si quelqu'un dit : J'aime Dieu et a de la haine pour son
frère c'est un menteur ; car il ne peut aimer Dieu qu'il ne voit pas s'il
n'aime pas son frère qu'il voit ».... DECEMBRE 1978 |
P032-4 | L'EDIFICE - contact@ledifice.net | \ |