GLDF | Revue : Points de Vue Initiatiques | 4T/1977 |
Saint-Jean Baptiste aujourd'hui Ouverte
à tous les
spiritualismes, la Franc-Maçonnerie Ecossaise
célèbre les deux Saint-Jean. Une
telle référence à la Tradition
chrétienne ne doit pas pour autant nous faire
croire que cette démarche est religieuse. La Grande Loge de
France appartient à
un Ordre Initiatique au niveau duquel l'évocation des textes
bibliques
n'aboutit jamais à des articles de foi mais à des
symboles destinés à faire
progresser dans la voie de l'initiation. Aussi, les deux Saint- Jean
ont-ils
beau patronner la Franc-Maçonnerie, ils n'en font pas pour
autant une Eglise.
Ils n'appellent pas non plus les Francs-Maçons que nous
sommes à leur rendre un
culte, mais à réfléchir et
à méditer sur le témoignage qu'ils ont
rendu à la
Lumière. La
fête de la
Saint-Jean d'Eté, sur laquelle nous voulons aujourd'hui vous
proposer quelques
réflexions, célèbre justement le
triomphe de la Lumière. A
ce moment, en
effet, le soleil passe au zénith, plus haut que jamais dans
le ciel. Le joUr
atteint sa plus grande durée par rapport à la
nuit et les chaleurs de l'été
enveloppent une nature parvenue à son plein
épanouissement. C'est
Jean-Baptiste
qui patronne cette fête puisque la tradition
chrétienne célèbre sa naissance,
ce jour Notons au passage, qu'il s'agit du seul Saint
célébré par le_ jour de
sa naissance. &l'habitude, l'Eglise utilise pour honorer ses
Saints, le
jour de la mort physique qui entraîne la naissance au Ciel.
Nous reviendrons
sur cette particularité. Pour l'instant demandons-nous quel
rapport peut
exister entre Jean le Baptiste et le solstice
d'été. Contrairement à ce que
l'on peut penser, ce n'est pas d'abord à cause de ce
solstice que la naissance
du Baptiste a été placée ce jour. Le
choix de cette
date dépend d'un autre solstice, celui d'hiver, que l'Eglise
a choisi pour
fêter la naissance du Christ. Or, comme on peut conclure
d'après l'Evangile de
Luc, que Jean-Baptiste est né six mois auparavant, le
solstice d'été fut tout
naturellement désigné. Quant
au Baptiste
lui-même, qui était-il ? Fils du prêtre
Zacharie et d'Elisabeth, descendante
d'Aaron, il était né dans des conditions assez
miraculeuses. Dans le ventre de
sa mère, il remua violemment quand Marie enceinte de
Jésus vint la visiter,
rendant ainsi son premier témoignage à la
Lumière. Cette position privilégiée
par rapport à la Lumière inspira toute la vie et
toute l'action de Jean. Et
c'est là sans doute, la raison essentielle qui a
poussé la Tradition Chrétienne
à célébrer sa naissance sur la terre. Vivant
au désert
tel un ermite, vêtu d'un manteau de poil de chameau, se
nourrissant de miel
sauvage et de sauterelles, il annonçait la venue du Messie,
Lumière de Dieu
sauvant les hommes. Et tous ceux qui acceptaient son message se
faisaient
baptiser par lui après avoir accepté de se
repentir de leurs péchés. Quant
à son
message, il consistait pour l'essentiel en un appel à la
justice et à l'amour.
Celui qui avait deux tuniques devait partager avec celui qui n'en avait
pas. Le
soldat devait se contenter de sa solde sans commettre ni fraude ni
extorsion.
Les collecteurs d'impôts ne devaient rien demander de plus
que ce qui leur
avait été ordonné. Justice et amour,
voilà quelles étaient les exigences du
Baptiste, voilà quels sont aussi les piliers d'une
fraternité véritable que
nous autres Francs-Maçons nous efforçons de vivre
et de répandre. Si
tant d'hommes
viennent à nous depuis quelques années, c'est
qu'ils ont soif d'autre chose que
de rapports humains hypocrites ainsi que d'un monde où tout
se mesure à
l'argent que l'on possède ou que l'on ne possède
pas, qu'on veut augmenter ou
que l'on convoite. Ceux que le spectacle de la jungle humaine
écœurait, ceux
qui souhaitaient agir autrement qu'en pantins plus ou moins ridicules
d'une
société égoïste allaient il y
a deux mille ans écouter la voix de celui qui
s'était retiré au désert, Jean le
Baptiste. Aujourd'hui ils viennent frapper à
la porte de nos Temples et nous la leur ouvrons avec confiance. Car
nous savons
qu'ils pourront y vivre le message du Baptiste dans toute son
actualité. Ils y
trouveront tous les éléments
nécessaires à leur évolution
spirituelle aussi
bien par le dépassement de l'aspect monnayable des choses
que par le climat de
fraternité. Et la découverte des valeurs
éternelles correspondant de tout
temps aux besoins fondamentaux de l'homme, leur montrera que
la Grande Loge de
France est une puissance maçonnique fidèle
à la Tradition, ainsi que le lieu
privilégié de ceux qui aspirent à ce
qui n'a pas de prix. Apportons
encore
une précision concernant le Baptiste. La nature
même de sa mission le fit
souvent prendre pour le Messie. Aussi
l'autre Jean,
l'Evangéliste précisa-t-il que le Baptiste
« N'était pas la Lumière »,
et plus
loin il plaça dans sa bouche cette indication
importante : « Moi, je ne suis
pas le Christ, mais celui qui a été
envoyé devant lui... Il faut qu'il
grandisse et que je diminue D. Et
nous voilà
revenus à notre solstice d'été. Si
effectivement la Lumière triomphe ce jour,
elle amorce dès le lendemain son déclin. Comme
Jean- Baptiste les jours vont
commencer à diminuer. En effet, d'après la
symbolique chrétienne le soleil
déclinant ne saurait représenter le Christ,
Lumière invaincue. Le soleil,
après le solstice d'été, ne peut plus
être qu'un symbole du Baptiste, témoin de
la lumière. Et son ministère
prophétique a beau être encore
éclatant, il va
cependant s'éteindre pour laisser la place à un
autre, à la Lumière de Dieu
elle-même. Ainsi
se confirme
ce que nous avions déjà laissé
entendre quant à cette fête de la Saint-Jean. Le
solstice d'été en lui-même n'explique
pas le Baptiste, à l'instar du solstice
d'hiver pour le Christ. C'est au contraire Jean-Baptiste qui peut lui
donner
une signification intéressante pour la
compréhension de la Maçonnerie et de sa
tradition initiatique. Nos
Loges
écossaises sont en effet placées, nous l'avons
dit, sous le patronage des deux
Saint-Jean et elles célèbrent le solstice
d'été. Ces deux raisons sont
suffisantes pour justifier notre rappel de la Tradition et pour essayer
maintenant d'en faire sentir le sens initiatique. Méditons
tout d'abord sur la
personne même du Baptiste. Dès sa conception,
dès sa naissance avons-nous dit,
il manifeste sa place privilégiée par rapport
à la Lumière. Ainsi apparaït-il
comme la figure même de l'initié. Car c'est
dès sa naissance qu'un homme est
marqué ou non pour accomplir un chemin spirituel et qu'il
possède pour cela un
potentiel intellectuel et psychique. Certes l'éducation
jouera un rôle capital,
mais si elle peut améliorer ou fausser un esprit elle ne
change pas la nature
en profondeur. C'est la raison pour laquelle on peut être
parvenu à un haut
degré d'instruction, jouir d'une brillante intelligence et
cependant avoir une
forme d'esprit parfaitement fermée au symbolisme et
à la recherche initiatique.
N'est pas croyant qui veut et n'est pas initiable qui veut. Que nous
soyons ou
non maçons prenons cette première remarque comme
un appel à la lucidité. Devant
s'abstenir
de vin et de toutes boissons fermentées, le Baptiste va
vivre en marge du
commun pour se consacrer entièrement au service de de la
Lumière. Suivre
un chemin
initiatique implique toujours des renoncements et des sacrifices. De
l'appel au
repentir contenu dans le message de Jean nous retiendrons
l'idée du retour sur
soi-même qui est en quelque sorte le premier des sacrifices
demandés, le
sacrifice essentiel sans lequel même un être
initiable ne pourrait être initié.
Car seul il rend perméable aux symboles et permet de les
vivre. Et celui qui
parvient ainsi à ne plus trouver étrange le
manteau en poil de chameau du
Baptiste, acceptant de se nourrir avec lui de sauterelles, est
prêt à se vêtir
de notre tablier. Les
épreuves en
seront-elles pour autant terminées ? Non ! Elles
commenceront au contraire
véritablement car la Grande Lumière alors
entrevue va diminuer. S'est-on moqué
du candidat à l'initiation ? La Lumière qu'on lui
a fait entrevoir n'est-elle
pas la vraie Lumière pour être ainsi
appelée à disparaître ? Regardons
encore au
Baptiste dans la lumière du solstice
d'été. Jean doit annoncer la Lumière
et
comme son témoin être lui-même porteur
de lumière. Le jour où la Lumière
elle-même est manifestée, il doit s'effacer devant
elle. Celui
qui reçoit la
lumière de l'initiation doit accepter d'en recevoir les durs
rayons. Tout
ce qui l'y
avait préparé et qui avait joué en
quelque sorte le rôle de précurseur sera
plus ou moins lentement détruit. Car si belles, ni nobles,
si élevées que
puissent être les causes d'une quête initiatique,
elles appartiennent au
profane, elles ne sont pas, elles ne peuvent pas être
l'initiation, comme le
Baptiste n'est pas la Lumière. Comme
lui elles ont
pourtant poussé vers la Lumière au point
d'être quelquefois confondues avec
Elle. Mais devant Elle, elles doivent diminuer pour la laisser
croître. Un
certain
sentiment de mélancolie peut alors habiter le
cœur, un peu comme quand nous
sentons à la fin de l'été que les
jours déclinent et que la nature si belle et
si triomphante va subir avant la mort hivernale, la °
vieillesse de l'automne.
Ecoutons encore le témoignage du Baptiste. Comparant le
Christ à l'époux et se
présentant comme son ami il affirmait : « L'ami
de l'époux se tient là,
il l'écoute, et la voix de l'époux le comble de
joie. Telle est ma joie, elle
est parfaite ». Puis il concluait par
cette phrase que nous avons déjà
citée et que nous répétons
volontairement dans son contexte : « Il
faut
qu'il grandisse et que moi je diminue ».
La Lumière qui par son
triomphe dans l'initié doit brûler tout son
passé profane ne doit donc pas
engendrer de mélancolie. Sa seule présence doit
réconforter et les vérités
qu'elle montre deviennent rapidement pour ceux qui savent les voir
autant de
voix amicales qui soutiennent et rendent la joie parfaite. Dans le
cadre de
l'initiation, jamais la vérité n'est
amère et si d'aventure elle détruit c'est
pour faire renaître. Aussi le jeu de la vie et de la mort ne
doit-il pas
effrayer celui qui écoute la leçon des solstices.
Il peut avoir une joie aussi
parfaite que celle du Baptiste et célébrer le
triomphe de la lumière sur les
ténèbres, même s'il sait que
dès le lendemain celles-ci vont reprendre de leur
puissance. De
la mort qu'elles
vont produire dans la nature la vie renaîtra, de
même que
le soleil
recommencera son ascension après le solstice d'hiver. Tout
ce
à quoi l'initié
doit renoncer, tout ce qu'il doit tuer et détruire pour
être fidèle à la vraie
Lumière qui jamais ne décline, constitue autant
de gages
de renaissance à cette
même lumière. Ainsi, aura-t-il
été
préparé à affronter ce qui
inquiète le plus
les hommes : la mort physique. Vue sous l'angle du cycle des solstices,
elle ne
saurait être perçue comme la conclusion
définitive et quelquefois cynique de
la vie ; car la lumière, même par le tombeau ne
saurait
être vaincue. JUIN 1977 |
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