GLDF Revue : Points de Vue Initiatiques 4T/1975

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La Foi du Franc-Maçon

Question : Sérénissime Grand Maître, vous venez de publier chez Plon un ouvrage sur la Franc-Maçonnerie et vous l'avez intitulé « La Foi d'un Franc-Maçon ». Pouvez-vous dire pour nos lec­teurs pourquoi vous avez choisi ce titre ?

Réponse : On a publié un très grand nombre d'ouvrages sur la Franc-Maçonnerie, et certains sont excellents, mais très sou­vent ils n'étudient cette vénérable confrérie que du point de vue de l'histoire profane, disons d'un point de vue exotérique, j'ai voulu étudier la Franc-Maçonnerie du point de vue ésoté­rique, montrer ce qui en constitue l'essentiel, c'est-à-dire la construction du temple intérieur par chaque initié, construc­tion qui ne peut s'opérer que selon une méthode.

Question : Oui très justement. Mais en quoi consiste selon vous cette méthode maçonique, cette méthode initiatique ? Quel est son contenu ?

Réponse : Je commencerai par vous répondre qu'elle est diffici­lement traduisible dans une sorte de discours rationnel. Très souvent on l'aborde en procédant de l'extérieur vers l'intérieur et l'on aboutit à une dénaturation, à une méconnaissance totale de ce qu'est l'ascèse initiatique. Il faut, au contraire, si l'on veut la comprendre dans son authenticité, se placer au centre du cercle, aller de l'intérieur à l'extérieur, privilégier l'existentiel par rapport au rationnel, au didactique. Ce qui est avouer que toute description, aussi fidèle soit-elle, en trahit l'esprit véritable.

Question : Quel est d'après vous alors le but, la finalité de cette « ascèse initiatique », pour reprendre une expression qui vous est chère ?

Réponse : L'objectif essentiel c'est de réaliser ou d'essayer de réaliser l'équilibre de l'homme et ce sur un double plan. Tout d'abord au plan intérieur : trouver ou retrouver une harmonie entre les multiples et différentes tendances, forces qui se partagent le moi. Puis de rechercher cette harmonie avec le monde extérieur, celui de la nature, du Cosmos (1) mais aussi avec la société, avec le monde des hommes qui nous entoure. Et il s'agit de substituer des rapports harmoniques à des rapports antagoniques. Enfin il s'agit de trouver un équilibre entre la pensée et l'action.

Question : Vous nous avez dit, Sérénissime Grand Maître, que vous ne vouliez pas vous placer à un point de vue historique. Cependant, vous consacrez un chapitre entier à l'Histoire et la Légende de la Franc-Maçonnerie.

Réponse : C'est exact. Mais l'histoire n'est pour moi ici qu'un moyen, un véhicule. Elle ne peut servir qu'à mieux éclairer la démarche initiatique du Franc-Maçon de tous les âges et de tous les temps.

Question : Vous êtes, Sérénissime Grand Maître, Franc-Maçon et Franc-Maçon écossais. Que signifie ce terme écossais ? Quel est l'originalité, la spécificité de la Franc-Maçonnerie écos­saise ?

Réponse : Toutes les Francs-Maçonneries du monde sont issues d'un tronc commun, c'est-à-dire des loges de Francs-Maçons opératifs dont on a tracé depuis le début du XlVe siècle (voir Manuscrit Régius de 1350) — Les Loges Ecossaises procèdent donc de cette Franc-Maçonnerie opérative mais elles pro­cèdent également de confréries chevaleresques. Cela on ne peut le comprendre qu'en se reportant à la légende des Templiers, persécutés par Philippe le Bel, c'est-à-dire à un ordre chevaleresque. C'est ainsi que la Franc-Maçonnerie écossaise est à la fois opérative et chevaleresque, qu'elle fait appel aux outils des compagnons et aux armes des che­valiers.

Question : Dans sa finalité, la Franc-Maçonnerie veut dégager une morale universelle, elle veut construire l'universalisme véri­table. Qu'entendez-vous par là ?

Réponse : Il s'agit de continuer de construire le Temple de Salo­mon, un Temple universel, destiné à tous les hommes, dans tous les temps, pour toutes les races, tous les pays, toutes les sociétés. Pendant des siècles nous avons vécu sur des morales immuables, des morales « fermées », s'exprimant en interdits et en commandements. Il s'agit de nous dégager du poids de nos habitudes et d'aller vers une morale de l'élan, de la liberté et de l'amour. Cette morale doit posséder une triple qualité : autonomie, évolution, universalité. Ainsi, et ainsi seu­lement, nous pourrons unir véritablement tous les hommes de bonne volonté.

Question : Enfin, Sérénissime Grand Maître, une dernière question. Qu'entendez-vous par « parole perdue » et « parole retrou­vée » ?

Réponse : Selon moi, c'est l'essence même de la loi cosmique qui permet à celui qui a su la pénétrer, grâce à l'initiation, de retrouver l'éternel et d'accéder à l'universel. C'est l'identi­fication du « moi » avec le « non-moi », qui nous permet de participer activement à la vie universelle.

L'initiation passe par trois stades : exploration, construction, participation.

Et c'est la prise de conscience de la solidarité, de « l'amitié », du microcosme avec le macrocosme, de la partie avec le tout, de l'individu avec la collectivité, de l'homme enfin avec l'âme universelle, que nous symbolisons dans le vocable de Grand Architecte de l'Univers.

(1) Et n'oublions pas que le mot Cosmos signifie Ordre.

Publié dans le PVI N° 20 - 4éme trimestre 1975  -  Abonnez-vous : PVI c’est 8 numéros sur 2 ans

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