GLMFMM Bulletin : Khalam 02/2011

Khalam, outil du scribe transcripteur
de son temps pour l'éternité



Lors de notre convent n° 1 en juin 1999 EV\ , le Gd Collège de la voie Mixte décide de lais­ser une trace de son travail en créant un bulletin trimestriel qui porterait le nom de “Khalam'' lié à l'outil du scribe.

Le KHALAM avec un KH est un mot grec de la période pha­raonique Ptolémaïque.

Le Calame avec un “C” a pour racine le mot latin calamus, qui désigne un roseau pour écrire (écriture égyptienne ou calligra­phie arabe).

À l'image du scribe qui transcrivait tous les actes de la vie courante et les textes sacrés, nous avons voulu répertorier et transcrire nos travaux et la vie du Rite, pour les générations futures de FM et pour tous ceux qui s'intéressent au rite Ancien et primitif de Memphis Misraïm. Ce nom de Khalam correspondant à la fois à l'art du scribe et à son instrument principal.

Voici un peu plus de 5 000 ans se produisait au bord des fleuves de Mésopotamie un événement majeur pour l'histoire du monde : des hommes écrivaient. Premiers dont on ait conservé des documents écrits, les Sumériens étaient sans doute loin de soupçonner que l'invention de leur nouvelle technique allait engager l'humanité dans une aventure qui, au regard des 60 000 ans écoulés depuis l'origine du langage, ne fait sans doute que commencer : l'aventure des écritures.

Chaque culture qui en a l'usage en réinvente les graphies, se les réapproprie selon ses mythes et ses langues, mais partout, l'écriture naît du besoin de fixer des messages et de consigner faits et pensées de façon durable. Elle fonde l'ordre social et politique et religieux.

Les premiers systèmes d'écri­ture s'attachent à dessiner le monde, ils construisent le sens à partir de signes symboliques, pictogrammes et idéogrammes.
D'autres systèmes, souvent plus tardifs, notant lettres ou syllabes, se préoccupent de fixer les sons du discours : ils dessinent la parole. Plus ou moins idéogra­phique, plus ou moins phonétique, tout système d'écriture représente cependant une alliance singulière entre l'image et la parole.

L'“Aventure des écritures” s'apparente à un voyage à travers tous les temps et tous les univers: manuscrits, papyrus, tablettes.

Les Scribes recopiaient et amélioraient les livres tel que le livre des Pyramides, le livre des sarcophages, le livre des morts, injustement nommé qui est plu­tôt le livre du retour à la Lumière, une sorte de “carte routière” à l'usage des défunts afin que leur âme retrouve le chemin de retour à la Lumière pour accéder à l'Éternité. Ces textes sacrés nous permettent de compren­dre leur spiritualité.

Grâce aux scribes et à leur outil le “calame'', leurs messages et vision du monde ont traversé les âges jusqu'à nous.

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L'écriture égyptienne était d'un maniement difficile. Elle exigeait un long apprentissage et une pratique constante, d'où le rôle que joue le scribe dans la civilisation égyptienne. C'est lui la cheville ouvrière de l'administration pharaonique. Comme le remarque un texte égyptien ancien : “C'est le scribe qui fait le compte de tout ce qui existe.
Même l'armée dépend de lui.
C'est lui qui amène les magistrats devant Pharaon. C'est lui qui administre le pays tout entier et chaque affaire dépend de lui”.


Les hiéroglyphes portaient le nom de “paroles de Dieu” (medou neter) et furent enseignés aux égyptiens, selon la légende, par le dieu Thot. C'est la seule écriture figurative connue qui ne s'est pas écartée de son modèle d'origine et fut utilisée sur une aussi longue période.

Tout un monde de symboles se cache sous les hiéroglyphes.
Plotin, qui fut l'un des maîtres de Jamblique, nous l'indique :
Les Égyptiens savants faisaient preuve d'une science consommée en utilisant des signes
symboliques par lesquels ils désignaient intuitivement sans avoir recours à la parole. Chaque
hiéroglyphe contient une espèce de science et de sagesse”.

Les scribes étaient essentiels à la vie intellectuelle et étaient considérés comme les artistes principaux de leur culture. Le mot scribe, en ancien égyptien, pourrait être compris dans ce sens, mais aussi dans le sens de “dessiner” et “créer” plutôt que celui qui utilise la brosse pour “écrire” ou pour “lire”. Bien que leur tâche de base ait été administrative de par nature, dans toute l'histoire de l'Égypte, les scribes étaient les conser­vateurs de la tradition orale qui a survécu jusqu'à notre époque sous diverses formes. Les scribes sacerdotaux de la maison de la vie, par exemple, ne se contentaient pas de simplement préserver les textes anciens. Ils avaient au contraire la créativité d'éditer et de revoir les textes théologiques, liturgiques, médi­caux et magiques. Au moment du Nouvel Empire, cette capacité à composer de nouveaux textes littéraires était très répandue. C'est pour cela que l'on retrouve le plus ancien “les textes des Pyramides, puis les textes des sarcophages et enfin le livre des morts” qui, au fil du temps, furent recopiés et modifiés par les scribes. Tout comme le fil rouge de la Tenue Blanche Ouverte qui nous réunit aujourd'hui, la transmission orale était peut- être pour la première fois doublée d'une transmission écrite pour l'avenir. Pour les égyptiens, Avenir rimait avec Éternité.
Le métier de scribe était en principe réservé aux hommes, on connaît cependant des fem­mes scribes sous le Moyen Empire et à la Basse Époque. Pour écrire, le scribe avait besoin d'un support à la fois souple et résistant. C'est pourquoi il choisit le papyrus. Support qui a tra‑
versé les millénaire bien à l'abri dans les tombeaux. Il gravait éga­lement la pierre, même les plus dures certainement, pour l'éternité, ce qui donnait une dimension magique, donnant Vie à la pierre ...

Deux divinités président à l'écriture : la déesse Seshat et le dieu Thot, à tête d'ibis, dont les Grecs firent Hermès Trismégiste,“trois fois très grand”. Thot est le secrétaire des dieux, il est aussi le patron des scribes qui, bien souvent, lui offrent une libation ou lui adressent une invocation avant d'entreprendre un travail important.

Thot est la clef de voûte de l'édifice pharaonique. Son nom complet est Djehouty-Thot, à l'étymologie inconnue. Grand Ancêtre, venu en des temps mythiques du pays de Pount, il enseigna l'écriture aux habitants de Kémit. Le calame de Thot codifie le temps, fixe les annales du Double-Pays, écrit l'histoire et les légendes, ouvre les routes de l'au-delà et dissimule les secrets sous les symboles. Il est figuré par l'ibis blanc et noir ou le singe hamadryas et assiste à la pesée de l'âme devant le Tribunal d'Osiris.

Mère ou fille de Thot, Sechat est le principe de l'écriture. En effet, si Thot donna les hiéroglyphes aux hommes, ce fut Sechat qui les fixa dans leur forme définitive. “Maîtresse des plans et des écrits”, elle veille sur les bibliothèques sacerdotales et préside au rituel de fondation des Temples. Sechat et Thot forment le couple de la Connaissance.

Thot, aidé de son épouse Sechat, veille donc sur l'école des scribes. L'enseignement se fait dans les Maisons de Vie, toujours situées à l'intérieur des enceintes sacrées. L'enseignement n'est pas laïque, le savoir est ritualisé et délivré par des prêtres. Là, l'enseignement se déroule en deux temps. L'en­semble des élèves suit d'abord un premier cycle général. La méthode d'apprentissage repose alors sur la mémoire et sur la répétition d'exercices de copie et de dictée. Sans relâche, l'élève reproduit des textes littéraires ou moraux (les fameuses Sagesses), s'efforce de retenir visuellement les formes caractéristiques des signes hiératiques – seuls les plus doués sont initiés aux hiéroglyphes, écriture sacrée ! –, il apprend par cœur des listes
de mots classés par matière et, grâce à ces Onomastica, ancêtres de nos dictionnaires et encyclopédies, il enrichit son vocabulaire et sa connaissance du monde qui l'entoure. Il acquiert enfin la maîtrise des chiffres. À l'issue de cette période, vers l'âge de la puberté, l'élève peut intégrer l'administration et remplir les fonctions subalternes d'enregistrement et de comptabilité des travaux agricoles ou des ateliers d'artisanat.


Les plus talentueux, en re­vanche, les scribes, conscients de leur place essentielle dans la société pharaonique, ne man­quent pas de vanter la grandeur de leur métier qui permet d'ac­céder à l'immortalité.

L'apprentissage des scribes débutait par des tâches simples comme délayer l'encre.

Cette notion de délayer l'encre est aussi employée pour l'une des tâches des apprentis se formant auprès des maîtres bâtisseurs. Ces nouveaux venus qui débutaient dans l'art de construire des Temples au Divin, avaient comme missions des tâches ingrates, basiques mais ô combien utiles à leurs maîtres pour la conception des plans parfaits.

Mais revenons à notre scribe antique. Lorsque l'élève scribe avait terminé ses études, c'était un scribe “qui avait reçu l'écritoire”. Certaines palettes pou­vaient être munies de six cavités pour recevoir d'autres couleurs qui permettaient au scribe de dessiner. On a retrouvé de nom­breuses palettes dans des tom­bes car, comme le précise le chapitre 94 du Livre des Morts, elle permettait au défunt d'être “équipé des écrits de Thot” donc de pouvoir maîtriser les formules magiques qui lui assureraient la survie et l'éternité.

Pour les anciens égyptiens, la science de l'écriture est un acte sacré. La palette, outil du scribe, porte le nom de “sech” qui se traduit par : écrire, dessiner, peindre. Les inscriptions qu'elle porte indiquent qu'elle peut mesurer équitablement le Double Pays. C'est un objet magique en liaison avec la lumière du Soleil et de la Lune qui donne les pouvoirs de Thot en offrant la possibilité de dominer le temps. Le calame est, quant à lui, la con­crétisation de la connaissance écrite donnée par Thot, le Sei­gneur du Calame.

Selon Schwaller de Lubicz : “Chaque hiéroglyphe peut avoir un sens conventionnel bien arrêté pour l'usage commun, mais il inclut toutes les idées qui peu­vent y être rattachées, la possibilité d'une approche personnelle”.
Par là, ils sont une écriture de l'intérieur, de la sympathie qui ne recourt pas au seul raisonne­ment mais tente de saisir le réel en cherchant à cerner ce qu'il a justement d'indéfinissable.

L'enseignement était basé sur l'humilité et le respect de l'ordre établi. Pour les Égyptiens, posséder la sagesse et la connaissance était un grand honneur.
En effet, la connaissance, et non le savoir, apparaissait comme le bien le plus précieux.


En conclusion, nous pouvons dire que tout ce que nous connaissons de l'Égypte ancienne a été légué par les scribes, tant sur la vie et les réalisations de Pharaon, la construction des grands monuments, la vie des classes populaires ou les événements politiques et militaires. Ainsi, la fuite d'Égypte des Juifs est attestée par les scribes et Moïse lui-même est reconnu avoir été scribe, après son adoption par la fille de Pha­raon. Les scribes du monde juif ancien et moderne sont des doc­teurs de la foi enseignant la loi de Moïse et l'interprétant pour le peuple. L'importance du Verbe dans la foi juive, et par exten­sion dans le christianisme et l'histoire occidentale, à travers la Révélation de la parole divine et les trois religions dites du Livre, pourrait trouver son origine dans la figure du scribe égyptien et du dieu Thot. Le terme de scribe s'applique, dans l'Europe médiévale, aux officiers des villes char­gés de travaux de rédaction et soumis à l'autorité du chancelier.

Un fil conducteur au travers de l'histoire de notre civilisation nous ramène à l'ancienne Égypte.
“Notre khalam se relie en toute humilité à cette histoire nous permettant de laisser une trace de nos travaux”.

J'ai dit

Patricia Mondini, Grand Maître de la Grande Loge Mixte Française de Memphis‑Misraïm, Orient de Paris


“... Alors il dit à son fils Ptahhotep le jeune :
Ne te vante pas de ton savoir Mais consulte un homme illettré de même qu'un savant
On ne peut atteindre les confins de l'art
Et il n’y a pas d'artiste qui ait complètement acquis sa maî­trise.
Une bonne parole est plus cachée que la pierre verte
On la trouve pourtant chez les servantes qui broient la farine.
... Parle quand tu sais que tu as une solution, c'est le Sage qui parlera en Conseil.
Sois prudent quand tu parles, afin de dire les choses qui comp­tent.”

Publié dans le Khalam - Bulletin N° 33 - Février 2011

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