GLMFMM Bulletin : Khalam 02/2011

Voyage en Orient
(De la condition des femmes)
 1841-1843


On a cru longtemps que l'islamisme plaçait la femme dans une position très inférieure à celle de l'homme et en faisait, pour ainsi dire, l'esclave de son mari. C'est une idée qui ne résiste pas à l'examen sérieux des mœurs de l'Orient.
Il faudrait dire plutôt que Mahomet a rendu la condition des femmes beaucoup meilleure qu'elle ne l'était avant lui. Moïse établissait que l'impureté de la femme qui met au jour une fille et apporte au monde une nouvelle cause de péché doit être plus longue que celle de la mère d'un enfant mâle.
Le Talmud excluait les femmes des cérémonies religieuses et leur défendait l'entrée dans le temple.
Mahomet, au contraire, déclare que la femme est la gloire de l'homme ; il lui per­met l'entrée des mosquées et lui donne pour modèle Asia, femme de Pharaon, Marie, mère du Christ et sa propre fille Fatime. Abandonnons aussi l'idée euro­péenne qui présente les musulmans comme ne croyant pas à l'âme des fem­mes (..)

Du reste, si Mahomet comme Saint Paul, accorde à l'homme autorité sur la femme, il a soin de faire remarquer que c'est en ce sens qu'il est forcé de la nourrir et de lui constituer un douaire. Au contraire, l'Européen exige une dot de la femme qu'il épouse (..)
Tout cela est dans le Coran ; il est vrai qu'il y a bien des choses dans le Coran comme dans l'Évangile que les puissants expliquent et modifient selon leur volonté (..)

Quant au voile que les femmes gardent, on sait que c'est une coutume de l'antiquité que suivent en Orient les femmes chrétiennes, juives ou druses et qui n'est obligatoire que dans les grandes villes.
Les femmes de la campagne et des tribus n 'y sont pas soumises ; aussi les poèmes qui célèbrent les amours de Keïs et Laila, de Khosrou et Schiraï, de Gemil et chamba et autres ne font-ils aucune mention des voiles ni de la réclusion des femmes arabes.
Ces fidèles amours ressemblent dans la plupart des détails de la vie, à ces belles analyses de sentiments qui ont fait battre tous les cœurs jeunes depuis Daphnis et Cloé, jusqu'à Paul et Virginie.
Il faut conclure de tout cela que l'islamisme ne repousse aucun des sentiments élevés attribués généralement à la société chrétienne. Les différences ont existé jusqu'ici beaucoup plus dans la forme que dans le fond des idées ; les musulmans ne constituent en réalité qu'une sorte de secte chrétienne ; beaucoup d'hérésies protestantes ne sont pas moins éloignées qu'eux des principes de l'Évangile (..)

Gérard de Nerval

Publié dans le Khalam - Bulletin N° 33 - Février 2011

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