GLMFMM Bulletin : Khalam 06/2010

Quatrième Arcane : L'Empereur

K031-6-1

Cette réflexion particulière peut permettre de répondre à la question : “À quoi reconnaît-on un hermétiste accompli ?” ; elle complète le discours de la mé­thode que doit posséder, pour le mettre en application, le pos­tulant aux mystères de la Vieille Égypte, donc aux Arcanes du Livre de Thot-Hermès, laquelle méthode permet de dérouler le processus hermétique de haute initiation comportant quatre pha­ses successives et indissocia­bles représentées et explicitées par les quatre Arcanes majeurs que sont : le Bateleur, qui nous apprend l'art de la concentra­tion détachée, la Papesse, le silence vigilant intérieur, l'Impéra­trice, l'activité subconsciente inspirée, l'Empereur, l'exemple non actif de l'Essentiel ; tous quatre formant l'expérience mys­tique, la révélation gnostique et l'aptitude magique réunies en un : Le Pape, Arcane V du Livre de Thot-Hermès, qui représente l'hermétiste achevé capable d'agir en conformité avec les Lois Naturelles ordonnant tous les mondes (1).

Les quatre premiers Arcanes apprennent au candidat hermé­tiste qu'il n'y a pas de clefs à découvrir dans les textes her­métiques que sont : Le Livre des morts des anciens égyp­tiens, l ʼApocalypse dit de Jean, la Table d'Émeraude et le Corpus Herméticum, car leur décryp‑
tage n'est possible que par la mise en œuvre opérative, la pratique au quotidien de leurs enseignements, en tant qu'exercices spirituels, pour établir en soi un état de conscience propre
à recevoir et comprendre ce qu'ils conservent et transportent à travers les âges; il faut apprendre à vivre avec ces textes, à les respirer, à participer en tant
qu’acteur aux événements qu'ils décri­vent, leur compréhension ne pouvant être ni théologique, ni intellectuelle, ni mentale, en vertu du principe selon lequel la Connaissance est le résultat de l'expérience vivante des Arcanes pour en faire des aptitudes personnelles particulières, l'idée sous-jacente étant que l'hermé­tisme n'enseigne rien, mais qu'il apprend à l'initié à demander, à chercher, à trouver et à mettre en œuvre les moyens adaptés pour l'acquérir.
 
Donc, s'agissant du IVe Arcane majeur, pour l'aborder, il faut se souvenir que dans le monde de la Tradition fondamentale, la loi est l'œuvre de ceux qui font autorité et non de ceux qui exercent le pouvoir, de ceux qui ne sont plus sous l'empire des illusions matérielles précaires, de ceux qui ne se réfèrent qu'à l'intangible et au nécessaire équilibre de l'Ensemble. Mais, se prenant pour l'élément essentiel de l'univers, renforcé en cette stupidité par les religions du Livre et les croyances anthro­pomorphiques, l'homme pro­fane a inversé à son supposé seul profit le processus de cohabitation paisible du Tout en s'arrogeant la capacité de légi­férer sur tout, de n'importe quelle manière, d'où le désordre planétaire actuel où la Terre, Mère nourricière, et les élé­ments naturels n'ont plus que la ressource de remettre l'huma­nité à sa juste place d'élément ponctuel, précaire et fractionné par l'adjonction de cataclysmes et de désastres naturels qui ne sont qu'éléments naturels de régulation des dysfonctionne­ments humains.

L'autorité est l'apanage de ceux qui connaissent les Grands Mystères de la Nature, des per­sonnes qui sont, qui savent et qui peuvent ; elle n'est jamais imposée par la force, mais recon­nue comme telle par ceux à qui elle s'adresse, alors que le pou­voir est l'expédient de ceux qui n'ont que la ressource de la contrainte pour imposer leurs règles éphémères et, le plus sou­vent, inutiles, voire préjudiciables au Bien-Être Général des hom­mes.

L'Empereur, quatrième Arcane majeur du Livre de Thot-Hermès, est dépourvu d'arme, il porte le sceptre de la Connaissance et la couronne des clairvoyants légitimés par l'en haut, il se trouve en présence de l'écu (il ne le porte pas) portant l'aigle à tête unique, aux ailes déployées, attri­but des initiés aux mystères de haute magie ; il n'est pas assis, seulement adossé au trône du Droit naturel d'essence Divine ; dépourvu d'ambition personnelle, il est le symbole parfait de cette Autorité naturelle incarnée, fon­dement de la Loi juste parce que prenant sa source non dans les intérêts humains particuliers, mais dans le Grand Livre de la Nature, dans les valeurs immuables et intangibles de l' I H V H  mystique areligieux, que cer­tains se sont approprié sans droit ni titre à des fins sectaires.

L'Empereur-Arcane explique que le détenteur humain de l'auto­rité, en raison des caractères précités, ne se substitue pas à l'autorité du Suprême Architecte de tous les mondes, mais qu'il en est le correspondant sur Terre dès lors qu'a priori il a renoncé à la contrainte et à l'arbitraire pour légiférer par l'exemple avec comme seule préoccupation l'impérieuse nécessité d'équili­bre et d'harmonie de l'ensem­ble, et qu'il a renoncé à toute mission personnelle pour que le spirituel se manifeste dans les lois qu'il va transmettre. Sa posture montre qu'il est la sen­tinelle, le gardien, l'agent de la magie sacrée qui a volontaire­ment renoncé à l'action impul­sive et instinctive pour ne plus se consacrer qu'à l'énonciation de l'Essentiel. Sa tâche, comme la couronne qu'il porte, est lourde de conséquences et doit être exempte d'intellectualisme et d'intérêts individuels. Il est Empereur-Autorité parce qu'il a fait le vide en lui en renonçant à toute mission, toute action, toute vie personnelle, pour n'être que le représentant de La Source, que l'agent du divin qui peut enfin remplir le vide fait en lui par l'abandon du superfétatoire et s'exprimer de manière intelli­gible pour les mortels attentifs.

L'Empereur porte donc les caractéristiques de Celui qui gouverne le monde, non par la force et la peur, mais par l'Autorité librement reconnue et accep­tée, une Autorité qui n'est acces­sible qu'à celui qui est libre parce qu'il a renoncé à l'action, c'est-à-dire à l'appropriation (de la planète Terre, des biens, du pouvoir, tous attributs humains dévoyés) qui aliène par nature ; c'est une autorité qui transmet perpétuellement aux humains qui savent voir et entendre ; il incarne à lui seul les allégories de la crucifixion (de l'être subor­donné au pouvoir), du renonce­ment (non à la vie, mais à l'aliénation de l'esprit à la matière), de la retraite (en soi et non dans un désert de sable), dont le sens véritable est celui du nécessaire dépouillement de l'inutile pour accéder à l'Essentiel (trois métaphores mystiques que les “non voyant et les non entendant” ont traduit par de pseudo réalités anthropomor­phiques, sous couvert de faits historiques inventés ou mésin­terprétés qui ont, durant des siècles, égaré sur d'inutiles che­mins de traverse certains cher­cheurs pourtant sincères).

Cette Autorité incarnée est traduite en l'Idéal de résurrection (des âmes et non des corps) qui est le but des hermétistes authentiques (ou Voie du salut des gnostiques), en ce qu'elle enseigne et non en ce qu'elle impose. Mais les usurpations de qualités et les mystifications de circonstances sont nombreuses, y compris dans le domaine de l'hermétisme et de la gnose, pour nous faire prendre pour des empereurs des personnages qui se croient autorité alors qu'ils ne sont qu'autoritaires, qui se disent dépouillés alors qu'ils regorgent d'orgueil à peine dissimulé, qui assurent avoir été crucifiés par la vie alors qu'ils n'ont fait que crucifier l'existence des autres, qui se prennent pour des surhommes alors qu'ils ne sont que des humains démunis ; l'Empereur nous apprend à nous défier des faux mages, des vrais gourous et des pseudo hiérophantes que l'on reconnaît aisément en ce qu'ils sont dépourvus des attributs de l'Autorité naturelle symbolisée par le port du scep­tre et de la couronne, et la pré­sence l'aigle-écu identitaires. Tous ces maîtres et pontifes auto- proclamés présentent la même caractéristique : celle de ren­voyer Dieu dans les hautes sphè­res pour s'en approprier la représentation sur Terre, celle de renvoyer dans un ailleurs inac­cessible la Grandeur Divine pour qu'elle ne fasse pas d'ombre à leur “petite grandeur” personnel­le, alors que l'Empereur-auto­rité nous permet de comprendre que la Divinité est là, sous nos yeux, en nous, qu'elle imprègne la Création toute entière et que le vrai pont en Elle et nous, c'est notre conscience libérée et éclairée par Sa présence per­manente et Ses enseignements intimes. Voilà la seule et vraie signification de l'Empereur-Auto­rité qui ne peut chuter parce qu'appuyé sur la cathèdre de la Connaissance, alors que les petits empereurs issus du pou­voir imposé ou des manipulations mentales mettront immanquable­ment en œuvre à leur détriment (et, malheureusement, au détri­ment de leurs affidés) la chute terrestre de l'Arcane XVI desti­née, précisément, à ceux qui se sont temporairement fourvoyés.

Mais l'idole de la puissance, contre laquelle l'Autorité de l'Ar­cane IV nous préserve, possède quelques attraits sournois en ce qu'elle suggère à son admira­teur profane une identification qui laisse accroire qu'il est passé de l'état d'humain persécuté à celui de surhomme dominant. La foi controuvée de ces sur­hommes présupposés ne réside que dans l'attrait de la puissance du dieu anthropomorphique transposée par une pensée dévoyée qui permet une identi­fication temporairement rassu­rante aussi précaire qu'illusoire. C'est par et pour ce pouvoir irréel qu'ont été commises au nom de dieu toutes les atrocités hu­maines passées et récentes, c'est en raison de cette puis­sance intermédiaire que les églises et leurs inutiles hiérar­chies sacerdotales ont pu cau­tionner, voire susciter ou pratiquer elles-mêmes de telles absurdi­tés, c'est parce que le pouvoir et la puissance ont été substi­tués à l'Autorité naturelle que le bien et le mal furent créer pour justifier l'injustifiable, alors que Dieu n'est pas plus amour qu'Il est courroux, Il se contente d'Être Origine, harmonie et équilibre, pour celui qui peut réellement l'approcher. Si le mythe de la chute de l'homme devait trou­ver un sens, c'est uniquement en raison de l'imbécile inversion, dans le comportement humain et pour le fonctionnement des sociétés humaines, entre Autorité et pouvoir, si la Loi naturelle universelle d'évolution possède un sens, c'est bien dans le pro­cessus de rétablissement de la hiérarchie naturelle entre Autorité et pouvoirs. C'est en cela que l'homme possède un libre arbi­tre résiduel, et uniquement en cela : Il peut choisir entre l'exis­tence réelle d'une adhésion consciente à l'Autorité Divine ou l'illusion d'une vie articulée autour de son pouvoir et de celui des autres, tout aussi fac­tice qu'improductif en quoi que ce soit ; il peut adhérer libre­ment à l'Autorité régénératrice du Dieu régnant enseignée par le IVe Arcane majeur ou être crucifié pour l'abus d'adoration de l'idole Pouvoir; il peut gagner, seul, le paradis de la paix qui insère la particule humaine dans le Tout universel, ou construire en lui son enfer compensatoire à perpétuité, car personne ne nous envoie nulle part, que ce soit au paradis, au purgatoire ou en enfer ; paradis et enfer qui ne sont que des états d'être mentaux librement déterminés et actionnés par l'individu.

L'adepte de l'Autorité Divine, à l'image de l'Empereur, est libre et indépendant dès lors qu'il ne relève plus d'aucune hiérarchie, qu'il n'existe plus dans le seul objectif d'avoir, alors que l'ad­mirateur de l'idole pouvoir et puissance est asservi par son obligatoire adhésion aux hiérar­chies humaines et démiurgiques, et par son besoin jamais assouvi du toujours plus sans être ; sans la tour de Babel, le suppôt du pouvoir, de la puissance et de la gloire n'existe pas étant tribu­taire du carcan physique et céré­bral annihilant de cette tour infâme, et c'est parce qu'un seul des adeptes de l'Autorité, agent du quatrième Arcane, pénètre dans la tour de Babel que celle- ci s'effondre en raison, tout sim­plement, de ce que l'Autorité de l'Empereur place son adepte sous la seule dépendance de son âme, partie consciente de la Divinité en lui. L'admirateur du pouvoir n'est qu'un agent à la spiritualité éteinte, coupé des autres maillons de la Création et de la chaîne globale et insé­cable de l'Ensemble. L'adepte de l'Autorité divine est le vérita­ble hermétiste, à la fois dégagé de toute religion particulière pour n'adhérer qu'à la Religion naturelle primitive ; cet hermé­tiste-là est étranger à tous les systèmes politiques humains pour ne se référer qu'à la révé­lation venue d'en haut, c'est un homme initié qui est à la fois mystique, gnostique, magicien des arts sacrés et philosophe idéaliste, parce qu'il a réalisé la synthèse de la mystique, de la gnose et de la magie sacrée, c'est-à-dire qui a accès à ce qui est essentiel pour la vie spiri­tuelle, car l'hermétisme n'est pas une science ou un système éso­térique parmi les autres, mais il les comprend tous dès lors qu'il repose sur des Arcanes fonda­mentaux (transcrits de manière cryptée dans l'Apocalypse, la Table d'Émeraude, le Corpus Herméticum et le Livre des morts des anciens égyptiens) et non plus sur des dogmes, des sym­boles ou des concepts particu­liers ; Arcanes principiels cryptés qui portent toutes ensemble les sciences occultes que sont la Cabbale mystique, l'Astrologie sacrée et l'Alchimie transcen­dantale. Dans cette entreprise de l'hermétisme, de la Connais­sance par l'expérience des Arca­nes majeurs, le but poursuivi par l'hermétiste est déterminant pour le résultat de sa quête, d'où l'obligation pour lui de le définir précisément, a priori, pour que le Suprême Architecte de tous les mondes puisse s'assurer que cet objectif personnel de son agent sur Terre s'inscrit en har­monie dans l'ordonnancement global de Son Grand Œuvre.

Par son attitude et avec ses attributs authentiques, l'Empereur du Livre de Thot-Hermès règne sur les êtres libres en esprit par le sceptre (revêtu de la boule du Monde surmonté de la croix de la Création réalisée) et non par le glaive ; il permet de pren­dre conscience que l'adhésion consciente en l'Autorité Divine permet le miracle de la guéri­son définitive en esprit, alors que l'adoration de l'idole pouvoir (ap­propriation abusive du superfé­tatoire) est un agent de maladies mentales, de guerres, de des­tructions violentes en leurs effets (plus “soft” aujourd'hui, car le plus souvent par indifférence, ou par abstention, ce qui est tout aussi coupable au regard du né­cessaire équilibre de l'ensem­ble) ; il nous permet également de comprendre la métaphore du Sacrifice Divin incarné par Jésus devenu Christ, dont la portée cosmique, plus que mystique, permet de comprendre la néces­saire libération de l'être vivant incarné par une adhésion à l'Autorité Divine plutôt qu'à la reconnaissance des hommes ; l'Empereur transmet aux hom­mes le message de la néces­saire construction des sociétés et des assemblées humaines organisées sur le modèle de l'ins­titution universelle, du Sanctum Impérium dont font état tous les mystiques et ésotéristes des temps passés; l'Empereur règne donc à l'intérieur de la grande pyramide, reflet de l'univers com­plet et parfait, tel qu'ont voulu le transcrire sur Terre les anciennes dynasties de la Vieille Égypte en construisant leurs pyramides terrestres, dans la plus grande desquelles Pharaon-Empereur se rendait une fois l'an pour réactiver (retrouver ? se remé­morer ?), par l'expérience mys­tique, les nécessaires principes d'abandon, de sacrifice, de renoncement et de crucifixion au sens exposé plus avant, pour mettre en œuvre la magie des profondeurs spirituelles seule capable de faire correspondre ce qui est en haut (l'Autorité céleste) avec ce qui est en bas. Là-dessus, les hommes ont cru pouvoir comprendre que les so­ciétés terrestres devaient être constituées autour du pouvoir temporel de rois, d'aristocraties de papes, de prêtres de toutes natures et obédience, transcri­vant encore une fois de manière erronée au premier degré ce qui était pourtant un enseignement fondamental transposable à titre intime, en esprit, pour assurer la permanente conjonction de l'in­dividuel au cosmique.

L'Empereur, roi du royaume des adeptes de l'Autorité trans­cendantale tel que conçue par le Grand Livre de la Nature cos­mique transcrit dans le Livre de Thot-Hermès, est le seul qui puisse donner leur légitimité aux gouvernants qui s'en inspirent ; par son absence, il obscurcit toute forme de pouvoir non ins­piré par l'en haut universel, d'où l'absence récurrente de légiti­mité sur la durée, leur imperma­nence, leurs échecs successif, de toutes les formes de pouvoirs que les hommes ont été capa­bles de concevoir au cours de la courte histoire de l'humanité. L'empire, la royauté, la no­blesse, les institutions, dont il est question dans la “théocratie démocratique” incarnée par l'Empereur-Autorité (2) ne con­cernent pas des empires, des royaumes, des noblesses et des institutions physiques et sociales, mais des transpostions en esprit des colonnes célestes de la par­faite organisation occulte des mondes. La fonction d'Empereur sur Terre ne peut procéder ni du glaive-force ni de la volonté humaine, fut-elle collective, mais du choix occulte du ciel officiant à travers les cénacles d'initiés dépourvus d'ambitions person­nelles et soustraits au despo­tisme de l'appropriation matérielle, qualités symbolisées sur notre Lame majeure par la solitude de l'Empereur, l'absence de palais et de courtisans, sa disposition au sein même de la nature dans un champ pas même “cultivé” (l'herbe touffue à ses pieds), sans autres témoins que le Ciel et la Terre, dans un environnement dépouillé, symbole parfait de l'Autorité volontairement exempte de pouvoir. La fonction Impériale, au sens de notre IVe Arcane, est donc la réalisation du Nom Divin en l'homme, elle correspond à l'état de conscience capable de faire la synthèse entre toutes les sciences sacerdotales (celles qui se rapportent à la compréhen­sion et à la mise en œuvre des Lois Naturelles Universelles), elle correspond à ce que les Mages des anciennes civilisations appe­laient l'Initiation aux grands mys­tères de la Nature dans lesquels l'espace et le temps sont confon­dus, car sans définition ni limite.

Archétype de l'hermétiste ayant réalisé en lui les quatre étapes de la Haute Initiation, l'Empereur doit son autorité non à une surhumanité hypothétique, mais parce qu'il est l'Être humain accompli, parce qu'il représente tout ce qui est humain, parce qu'il est l'homme qui est plus humain que les autres ; l'Empereur concrétise en son humanité achevée le “miracle hermé­ tiste”, et il permet de faire la dif­férence entre les croyants et les idéalistes de toutes tendances et les tres d'Autorité que sont les vrais adeptes de la Science de Thot-Hermès qui se distin­guent en ce que : le croyant invoque Dieu sans cesse, sou­vent désespérément, l'hermé­tiste est confiant en Dieu, car il sait, non pas qu'il est Dieu, mais qu'il manifeste la Divinité sous-jacente dans celui qui est véritablement humain ; le croyant cherche à ressembler à Dieu par toutes sortes d'inutiles ascèses déshumanisantes, l'hermétiste sait que plus on est humain dans le sens des sciences sacrées, plus la Divinité est présente ; le croyant croit aux anges et aux puissances supérieures, l'her­métiste les sait réels, car il vit à leur contact ; le croyant croit aux miracles, l'hermétiste vit Le Miracle permanent ; le croyant prie pour les vivants et les morts, l'hermétiste met ses compé­tences, dont la magie sacrée, au service quotidien des vivants et des morts. Le miracle hermé­tiste permet aussi de prendre la dimension illusoire, et l'inutilité, des surhommes inventés par cer­tains penseurs ou systèmes reli­gieux égarés (tels l'indouisme), il permet de se méfier des hiéro­phantes sui generis, usurpateurs de pouvoirs illusoires au nom de systèmes sans sciences ni conscience hermétiques. Et s'il fallait trouver un symbole à cette opération de sublimation de l'Homme accompli en son huma­nité achevée, c'est bien à celui de la Rose sur la Croix qu'il fau­drait penser, Rose+Croix carac­térisant la réalisation de la nature Divine en l'Homme, d'où son importance dans le processus ini­tiatique de la Franc-Maçonnerie de Rite égyptien.

Notre Empereur, quatrième phase du processus d'acquisi­tion de la Connaissance hermé­tique, est le résumé de ce que les Francs-Maçons de toutes obé­diences décline à longueur de tenues en s'inspirant de l'évan­gile synoptique selon Luc:
Demandez, et l'on vous donnera ;
Cherchez, et vous trouverez ;
Frappez, et l'on vous ouvrira
(sous-entendu, à condition d'avoir acquis les qualités requises ainsi que la méthode des qua­tre premiers Arcanes) ; il est donc l'incarnation, vivante mais pas­sive car modèle, du Grand Nom Divin, autrement appelé Grand Arcane magique par les hermé­tistes et Pierre philosophale par les alchimistes ; l'Empereur est l'image de l'Unité retrouvée, ici et maintenant et non dans un ail­leurs impalpable et insaisissable. Seconde passerelle temporelle entre le haut et le bas (après l'Impératrice), ordonnateur-légis­lateur de ce monde sur les Prin­cipes que lui a communiqué le Suprême Architecte de tous les mondes (à ne pas confondre avec le Grand Architecte démiur­gique et limité à notre univers restreint, ni avec le dieu anthro­pomorphique des religions du Livre), il n'est pas actif, se conten­tant de libérer l'Énergie et son
principe ; notre Empereur, image perceptible, reflet compréhensi­ble du Suprême Architecte de tous les mondes, ne construit pas ce monde-ci et il ne cautionne pas l'organisation humaine selon des principes anthropomorphi­ques (car il est, à l'opposé de cette conception, l'incarnation Di­vine par excellence), mais il ap­prend aux hommes qui le souhaitent à se construire et s'organiser selon les schémas cosmiques intangibles et immua­bles, en raison de la compréhen­sion acquise à son contact et par application des Lois Naturelles Universelles. Donc, l'hermétiste réalisé est celui des initiés qui pourra redevenir actif (en étant le Pape du Vème Arcane) après être passé par les quatre phases préparatoires indiquées par les quatre premiers Arcanes, celui des initiés qui peut alors rendre perceptible par l'exemple actif Le Principe gouvernant tous les mondes et devant fonder toutes les lois. Le danger, car danger il y a, est d'occulter ou de rater l'une de ces quatre étapes et de ne pas s'apercevoir que l'on est alors en présence, non d'un her­métiste accompli (d'un Pape au sens du Livre de Thot Hermès), mais d'un simple métaphysicien dont l'expérience languissante reste captive d'un intellect frus­tré au service d'une personnalité initiatique inachevée.

Lorsque le lecteur attentif du Livre de Thot-Hermès rencontre sur son chemin l'Empereur, qua­trième des Arcanes, cela lui signi­fie qu'il se trouve en situation d'acquérir l'Autorité naturelle par révélation, accomplissement, de la parcelle Divine en lui ; c'est un signe de détachement néces­saire et constructif, de retour vers l'essentiel, et ce peut être aussi la précision de la présence fon­datrice et rassurante du Père, également frère et époux cos­miques réunis en Un, de l'ac­quisition de la clairvoyance transcendantale, de la capacité à “légiférer hautement” pour les autres, c'est-à-dire d'être un réfé­rent par le comportement, un meneur d'hommes par l'exem­ple : C'est par définition l'Arcane des avatars éclairés, non vio­lents et non possédant.

Uzès, février 2010.
Patrick-Gilbert FRANCOZ, Maçon de la Vieille Égypte.


(1) S'agissant des trois premiers Arcanes majeurs du Livre de Thot-Hermès : cf. les numéros 24, 25 et 28 du Khalam.
(2) Cet oxymore occulte, désignant le sys­tème de gouvernance inspirée des socié­tés humaines fondée sur le seul Bien-Être Général de l'humanité par transposition au plan humain des Lois Naturelles Univer­selles, est explicité dans l'ouvrage : “Les nouveaux Compagnons de la HiérophanieÓ, publié aux éditons Lacour-Ollé (Nîmes).
Publié dans le Khalam - Bulletin N° 31 - Juin 2010

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