GLMFMM Bulletin : Khalam 06/2010

C'est par sa conscience
que l'homme est relié au Divin


Dès la première tenue, une phrase de notre rituel a généré une onde de douces vibrations de mes oreilles à mon cœur : « C'est par la conscience que l'Homme est relié au Divin ».

Il est à noter tout d'abord que le terme conscience a de nom­breuses significations ; les phi­losophes le confirment en lui donnant des traductions variant suivant les critères de leur épo­que, conservatrice ou moderne.

Dans son recueil “Les Châti­ments”, Victor Hugo en propose une fort belle version :

Rien ne dompte la conscience de l'Homme, car la conscience de l'Homme c'est la pensée de Dieu”.

Faculté à percevoir sa propre existence, celle du monde exté­rieur, des êtres et des choses dans leur environnement, senti­ment intérieur d'une norme per­mettant d'apprécier la valeur de la conduite humaine, elle est conscience morale, à la fois témoin et juge, souvent évoquée comme une voix qui murmure tout bas, interroge, mais sait répondre, elle est à la fois l'arène où se déroule le combat et l'ar­bitre suprême et absolu.

Cette voix universelle, car la même en tout homme, ne trompe jamais celui qui a choisi de l'écou­ter, d'après J.-J. Rousseau qui écrit dans Émile : “Conscience, instinct divin, immortelle et céleste voix ! Guide assuré d'un être ignorant et borné, mais intel­ligent et libre, juge infaillible du bien et du mal, qui rend l'Homme semblable à Dieu...”

Au commencement, on s'ac­corde à reconnaître tous les cul­tes, l'Homme, hôte de l'Eden, est en relation directe avec le Divin.

Exclu du royaume de la lu­mière, il perd dans ce renverse­ment la notion du sacré, oublie son unité, tombe dans les ténè­bres et connaît la dualité ; dans le rituel de Réception, cette chute est matérialisée par le Maître châtié, le pentacle inversé.

À la création, l'Homme a reçu le souffle divin qui l'a animé, lui a donné une âme, que le rituel qualifie comme “l'impérissable réalité de l'Être” et ce dépôt d'amour universel, il l'a mémo­risé en conscience.

En scindant ce mot en deux parties, il devient “avec science”, avec connaissance, une connais­sance innée : l'information archi­vée en amont de l'empreinte divine, certes éloignée de la source, mais bien présente, impliquant le devoir de l'Homme envers la nature dont il est issu.
En sa qualité de “Régent et Responsable de l'Univers” – tra­duction du mot de passe de l'Apprenti, Tubalcaîn – il doit s'efforcer d'être, ici-bas et main­tenant, le médiateur, le pont d'in­telligence, d'harmonie et d'amour entre l'Être Suprême et les autres règnes vivants, pour le bien de tous les êtres.

René DUBOS (Biologiste amé­ricain) dirait à propos de ce comportement en conscience éveillée : “agir local/penser glo­bal”, car rien n'est inerte, tout fluctue et la connaissance de soi et du Monde n'est jamais tout à fait complète.

Une mauvaise connaissance de soi a assurément un impact direct sur celle du Monde selon Socrate, qui affirmait “Connais- toi toi-même et tu connaîtras la nature et les Dieux”.

L'Homme ressent le besoin impérieux, mais plus ou moins perceptible, d'un idéal de paix, et aspire de tout son être en un monde meilleur.

Les changements qu'il sou­haite trouver chez autrui et dans l'environnement qui conditionne sa qualité de vie, c'est d'abord en lui-même qu'il doit les pro­duire, dans l'harmonie des opposés transformés en com­plémentarité, dans le change­ment de son mode de penser privilégiant le pluriel au singu­lier, le général au particulier et abandonnant l'individualisme au profit du collectivisme le plus glo­bal, l'Humanité.

La partie divine est le noyau essentiel, la conscience, l'élé­ment de l'entité personnelle la plus pure, celle qui est reliée au-delà du temps et de l'espace à la conscience ultime : le soleil central.

Il importe, en premier lieu, de faire un retour au plus profond de soi, avec l'humilité pour guide, et c'est le sens dévoilé d'une inscription mystérieuse, qui sus-cite la curiosité du Récipiendaire dans la Chambre de Réflexion :

V.I.T.R.I.O.L.: Visite l'intérieur de la Terre et en Rectifiant tu trouveras la pierre cachée.
Ce voyage intérieur, l'éternel retour auquel aspire l'Homme, le retour vers l'Éternel, est diffi­cile car inhabituel.

L'Être humain a négligé le tem­ple intérieur de sa conscience ; il tourne plus facilement son regard vers l'extérieur où il juge, com­pare, prend modèle, imite et fina­lement se perd.

Connaître vraiment, sans com­plaisance ni faux-semblant, ses forces et ses faiblesses, accep­ter sa véritable personnalité et son milieu naturel, s'aimer et se comprendre d'abord, pour pou­voir aimer et comprendre l'autre, son frère, son égal, son double, voilà ce qu'il doit entreprendre.

Dans sa recherche d'authen­ticité, il doit retourner au point le plus élevé et le plus profond en lui : la source primordiale, y mou­rir à ce qu'il est devenu et retrou­ver, prêt à ressurgir régénéré, l'être unique de sa conception, l'enfant nu, primitif, vrai.

Nietzche explique clairement cette transmutation nécessaire dans sa célèbre formule : “de­viens ce que tu es”.

Ce processus est un éveil amorcé dès la Réception, pas­sage irréversible du profane au sacré, voie de communication avec son prochain et ouverture sur le Monde.

Monde est la traduction en sanskrit du mot Loge où se vit le rite par la lente imprégnation du rituel dont la fonction essen­tielle est de faire émerger la na­ture divine dans la conscience humaine par l'introspection.

Ce chemin du moi vers le soi est celui du labyrinthe où Thésée dépasse sa dualité, symbolisée par le Minotaure. En le tuant, il passe des ténèbres à la lumière, de l'horizontal profane au verti­cal de la voie spirituelle où il doit travailler sans relâche pour demeurer dans l'axe, en droite ligne du Divin.

Pour l'Homme véritable en devenir, naît le besoin impérieux de rétablir la connexion avec la petite étincelle divine interne, lumière primaire, lumière d'une vérité qui évolue avec la cons­cience en s'ouvrant à l'énergie divine.

Confinée, endormie, latente, elle réchauffe peu, éclaire fai­blement et ne demande qu'à s'éveiller, prospérer, passer de l'état de minuscule graine en un beau fruit à maturation, qui se distingue, porte vers l'échange, le partage et suscite l'envie.

Manifester la conscience, c'est presque montrer Dieu”, af­firme encore Victor Hugo.
L'initiable devra manifester cet état de vigilance perma­nente dans sa manière de vivre, il devra d'abord compren­dre pour progresser, se dépas­ser en puisant dans l'énergie créatrice avant tout acte, toute parole, toute pensée.

Seul un comportement con­trôlé aboutira à l'harmonie par la modération, jusqu'au juste milieu, au milieu juste pour donner vie aux Trois Grandes Lu­mières sur lesquelles il a pris appui pour formuler le Serment d'Apprenti : son engagement solennel envers sa conscience.

Quelle que soit sa différence de race, de culture, de couleur, chaque être humain a reçu, sur une fréquence unique, les mê­mes ondes vibratoires de vie dans son réceptacle. Pour pour­suivre la connexion et obtenir une réception dépourvue de parasite, de plus en plus claire, il lui importe de moduler la direction des antennes de son poste récepteur, en les mainte­nant toujours élevées, bien droi­tes, tout au long de son parcours transcendantal pour relier la part de conscience divine en lui à la conscience universelle.

Sur ce chemin, il est compara­ble à un véhicule dont la carros­serie n'a pas grande importance. La phrase du rituel : “le zèle à apporter en marchant vers celui qui nous éclaire” joue le rôle du moteur/motivation ; le seul car­burant utilisable sur la voie du Divin est l'Amour qui renferme toutes les vertus nécessaires à une progression permanente : tolérance, indulgence, humilité, solidarité, compassion, compré­hension, respect de soi-même et de l'autre.

La conscience, fiable G.P.S., permet d'évoluer, de passer pro­gressivement d'un état consi­déré inférieur vers d'autres supérieurs, et assure la péren­nité d'un voyage jusqu'au plus près du “Devenir lumineux”.

Vaste programme que ce but absolu, idéal, sûrement illu­soire, mais qui a le mérite de jouer le rôle de guide, le phare qui concentre sa clarté sur le chemin à suivre.

Notre F.¡. Goethe, qui aimait à dire “j'aime celui qui rêve l'impossible”, évoque le caractère essentiel de l'humanisme avec un grand H, en prônant sur son lit de mort : “mehr licht : plus de lumière”.
 
C'est par un regard sur deux univers bien différents que je terminerai mon propos :

Dans la société contempo­raine, il est notoire d'aduler des idoles de papier d'argent qui bril­lent sous les projecteurs palots d'une notoriété éphémère, ambi­tionnée comme l'objectif su­prême : faire son chemin, avoir réussi, être arrivé...

Par contre, dans le monde constructif de l'infiniment petit, l'un vit pour l'ensemble, telle la fourmi qui s'active et œuvre tout au long de sa vie pour conser­ver la prospérité de sa commu­nauté et le bien-être de chacun de ses membres, la luciole dont la lumière intérieure intense irra­die son environnement et béné­ficie à son entourage.

En Égypte ancienne, l'orga­nisation de la société humaine est comparée à celle de l'abeille vivant sous une tutelle royale. Le mythe fait d'elle une larme versée par le Dieu Soleil RÉ. Pour Virgile, cet insecte qualifié de social, “renferme une par­celle de la Divine Intelligence”, et Victor Hugo de la sublimer en écrivant : “Rien ne ressemble à une âme qu'une abeille : elle va de fleur en fleur comme une âme d'étoile en étoile, elle rap­porte le miel comme l'âme rap­porte la lumière”.

Si j'arrive un jour à leur être tant soit peu comparable, je pour­rai me réjouir d'être parvenue à un plan de conscience élevée propice à mes proches, sur un chemin pavé d'harmonie, de joie, d'amour et surtout d'avoir réussi ma vie.

26 novembre 2009
Danielle Chapuis, Maître,
Respectable Loge L'Étoile d'Égypte, Orient de Marseille

Publié dans le Khalam - Bulletin N° 31 - Juin 2010

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