GLMFMM Bulletin : Khalam 06/2010

La Chambre de Réflexion creuset alchimique

“Nel mezzo del cammin
di nostra vita
Mi ritrovai per
une selva oscura,
Ché la diritta via avea smarrita”

“Au milieu du chemin
de notre vie
Je me retrouvai
dans une forêt obscure
Alors que j'avais quitté la droite voie”

C'est en ces termes que dé­bute le périple de Dante dans la “Divine Comédie”, c'est ainsi éga­lement que nous tous ici avons débuté notre parcours initiatique.

Si cette expérience nous est commune, elle n'en demeure pas moins unique.

Commune parce que c'est par la même porte que nous sommes arrivés dans l'antre de la Chambre de Réflexion, pous­sés par notre désir de connais­sance, par notre volonté de trouver le chemin, nous qui nous étions perdus en route.

Unique parce que c'est bien par des galeries différentes que nous sommes arrivés au fond de ce puits abyssal, charriant avec nous notre histoire, nos senti­ments, nos craintes et nos es­poirs.

Unique également, car il n'y a pas de chemin tracé vers l'ini­tiation, le chemin, nous le cons­truisons en même temps que nous l'empruntons. C'est là le premier enseignement de la Chambre de Réflexion: les mys­tères de l'initiation sont indici­bles, il nous faut les découvrir par nous-mêmes – et en nous- mêmes – pour les posséder.

La Caverne

L'épreuve de la Chambre de Réflexion, bien que se déroulant hors du temple, est le pre­mier acte initiatique, le premier voyage de l'apprenti Maçon. Il symbolise la classique épreuve de la Terre, “classique” car figu­rant dans les mythes de renais­sance et d'initiation de nombreux peuples et de nombreuses cro­yances : c'est la descente aux enfers de Dante, l'incarnation du mythe Osirien de mort et de résurrection.

L'initiation antique s'est dérou­lée dans le monde souterrain, chambres funéraires au sein des pyramides, grottes d'Eleusis, cavernes préhistoriques ..

La Chambre de Réflexion, en tant que ventre de la terre, est un lieu de gestation, de re-naissance. C'est un lieu d'éveil ou de réveil: éveil des sens et réveil de soi.

C'est ce que traduit l'allégo­rie de la Caverne de Platon : dans la pénombre de la grotte, des hommes vivant enchaînés ne connaissent du monde que des ombres et prennent ces images pour la réalité. Mais lorsque l'esclave se débarrasse de ses chaînes, et parvient à atteindre le sentier, bien qu'aveu­glé de prime abord par la lumière, il perçoit ensuite lentement la réalité du monde qui l'entoure.

Seule dans la Chambre de Réflexion, j'ai dû renoncer à mes illusions : faire le vide en moi, me libérer de mes croyances, de mes préjugés, en somme me défaire du monde extérieur.

Me vider pour mieux me rem­plir : en me repliant sur moi- même, j'ai suivi le chemin de mes pensées. Suivre la voie du fil à plomb pour descendre au fond du puits obscur en tentant d'écarter les ombres.

Arrivée au fond du gouffre, une faible lueur me redonne espoir. Un espoir que j'avais jugé alors irraisonné. Certes, nous avons tous et toutes mesuré que l'as­cension de ce puits serait fasti­dieuse, que sans échelle, nous ne serions pas de taille. Mais ce n'est que depuis que je suis entrée dans le Temple que la certitude que les frères et sœurs de la Loge seraient là pour me faire la courte échelle, eux qui ont gravi les marches bien avant moi, s'est imposée à moi, ras­surante. Et c'est là, à mon sens, le second enseignement de la Chambre de Réflexion : comme l'homme de la caverne platoni­cienne comprend qu'il doit retourner dans la grotte afin de libérer ses anciens compa­gnons toujours enchaînés, l'ini­tié a le devoir d'éclairer autrui dès lors qu'il a trouvé la lumière.

Le Creuset Alchimique

Si le symbole de la Caverne est la descente aux enfers, il présuppose également l'éléva­tion de l'âme, ou, pour repren­dre l'analogie avec la Divine Comédie, l'ascension au Purga­toire et l'accession au Paradis.

Toutes les traditions enseignent qu'il faut descendre aux enfers avant de pouvoir commencer une ascension vers le ciel.

Autrement dit, la Chambre de Réflexion est un athanor dans lequel est annoncée la promesse du Grand Œuvre.

En effet, est présent dans la pièce le ternaire alchimique Sel­Soufre-Mercure, principes néces­saires à la formation de la Pierre Philosophale.

Nous avons vu s'opérer l'œu­vre au noir, la mort à la vie pro­fane, la mise à nu de l'impétrant.

Le Coq annonce l'œuvre au blanc, la résurrection, la victoire prochaine de la lumière sur les ténèbres. C'est l'union de l'Âme et du Corps, la chose double, le Rébis Hermétique.

Le soufre est la dernière étape, celle de l'œuvre au rouge. C'est le feu qui va cristalliser la matière. Véritable force vertica­lisante, il promet, pour peu que nous nous en donnions la peine, de nous donner la faculté de rassembler ce qui est épars : l'homme dans sa tri-unité corps, âme et esprit.

Trois symboles alchimiques, trois phases du Grand Œuvre, trois grades dans les loges bleues de la Franc-Maçonnerie...

Dans mes derniers travaux sur le sujet du “Coq”, j'écrivais que ma première impression était que la Chambre de Réflexion annonçait à la fois un commen­cement et un dénouement, com­me si tout était dit en ce lieu, mais que l'obscurité environ­nante ne me permettait pas d'en saisir le sens.

Il me semble aujourd'hui que la Chambre de Réflexion nous montre surtout la Voie à défaut de nous donner le Chemin : VITRIOL nous indique à la fois le point de départ, notre intério­rité, et le but recherché, la Pierre Philosophale. De l'un à l'autre, Vigilance et Persévérance pour nous guider dans notre recher­che.

La Chambre de Réflexion est donc le commencement du par­cours initiatique du Franc-Maçon qui arpentera le pavé mosaïque en suivant son fil à plomb pour pouvoir atteindre la voûte étoilée.

Pour autant, sort-on jamais vraiment de la Chambre de Ré­flexion ?

J'ai le sentiment, quant à moi, que la Voie de l'initiation me con­duira à nouveau dans l'antre de la grotte que depuis lors j'ai conscience de porter en moi.

Le 15 mars 2010

Aline Motechic,
Apprenti,
Respectable Loge Philae-Isis, Orient de Paris

Publié dans le Khalam - Bulletin N° 31 - Juin 2010

K031-3 L'EDIFICE  -  contact@ledifice.net \