GLMFMM Bulletin : Khalam 06/2009

Les Obédiences maçonniques
 et la tolérance


Une conjonction exclusive ?
Sans doute !
Une exclusion pétrifiée ?
Là est l'impasse !

Dans la clôture dogmatique, faisant fi d'un questionnement et d'une recherche, qui nous installe dans un psittacisme doctrinaire ravalant le débat à des escar­mouches stéréotypées de quelque catéchisme que ce soit, un endoctrinement utilitaire faisant l'économie d'une recherche intelligente de la vérité : tel est le mal de ce siècle finissant qui pourrait survivre dans le siècle qui commence.

Qui que nous soyons, cette clô­ture dogmatique nous épie.
L'ouverture, de plus en plus difficile, nous dérange dans nos trop commodes certitudes. Elle exige le courage de nos peurs surmon­tées. Disons-le, une science qui refuse le questionnement et la recherche intelligente de la vérité se dégrade en idéologie. Un Ordre Initiatique qui refuse le question­nement et la recherche intelligente de la vérité se dégrade en religion.
Il s'infère de ceci, que la Franc- Maçonnerie qui ne s'est jamais définie ni dans l'une ni dans l'autre, méprise le dogmatisme. Je reprendrai ici le propos qu'imprimait notre Très Illustre Frère Georges MARTIN en lettres capitales sur la première page des Bulletins du Droit Humain :
« Les religions s'occupent des relations que les humains doivent entretenir avec la puissance divine pour mériter et obtenir le bonheur éternel après la mort. La Franc- Maçonnerie mixte groupe sous sa bannière les humains de toutes races, toutes religions et nationali­tés afin de rechercher en commun et continuellement les moyens d'assurer chacun la plus grande somme de bien-être matérielle et de bonheur moral pendant sa vie.
Les religions divisent les humains, la Franc-Maçonnerie mixte veut les unir ».

Dans l'ouvrage intitulé « Psycha­nalyse de l'Initiation maçonnique » paru aux Éditions Dervy-Livres en 1975, le premier ouvrage sur la Maçonnerie que j'ai acquis un mois après ma Réception au Grade d'Apprenti à l'Orient de Bordeaux le 13 mai 1985 dans la Respectable Loge RAOUL DELAGE de la Grande Loge de France, notre très Illustre Sœur Grand Dignitaire de la Maçonnerie Fémi­nine Française Éliane BRAULT, écrit à la page 83 ce qui suit :
« Les religions offrent la rési­gnation, avec les promesses de récompense dans un monde hypothétique ; mais aussi avec l'obli­gation d'être rivé à un adversaire
guettant la faute en permanence. La Franc-Maçonnerie ne peut don­ner un conseil; elle apporte le soutien d'une conscience lucide et le libre choix ».

Dans le silence et la quiétude des Temples travaillant aux Rites placés sous le patronage de Saint Jean, le Maillet du Vénérable Maître vient de frapper d'un coup le plateau :
— Mon Frère, d'où venez-vous ?
— De la Loge de Saint-Jean.
— Qu'y fait-on à la Loge de Saint-Jean ?
— On y élève des Temples à la vertu, et l'on y creuse des cachots pour les vices.
— Que venez-vous faire ici ?
— Vaincre mes passions, soumet­tre ma volonté et faire de nouveaux progrès dans la Maçonnerie.
— Qu'entendez-vous par Maçonnerie ?
— J'entends l'étude des Sciences et la pratique des Vertus.

Tels sont les propos rituels du catéchisme de l'Apprenti contenu dans un manuel classique du XVIIIe
siècle: Recueil de la Maçonnerie
Adoniramite.
La Franc-Maçonnerie se pré­sente donc comme un Art, celui de bâtir un nouvel homme dans lequel les vertus s'épanouiront au maximum devenant exempt de vices.

De son côté, l'instruction au Premier Degré Symbolique nous enseigne que :
« La Franc-Maçonnerie a pour principes : la tolérance mutuelle, le respect des autres et de soi-même, la liberté absolue de conscience. Considérant les conceptions mé­taphysiques comme étant du domaine exclusif de l'appréciation individuelle de ses membres, elle se refuse à toute affirmation dogma­tique. Elle a pour devise : Liberté­Égalité-Fraternité ».

Tous ces propos sont fort précis et clairs. C'est le lieu de s'interroger sur les schismes qui déchirent la Franc-Maçonnerie, le Franc-Maçon se disant fraternel et tolérant.

Que vaut alors l'interdiction faite par une Puissance maçon­nique à ses membres de fréquenter des Frères et Sœurs d'une autre Puissance maçonnique ? Exactement ce que vaut l'excommunication de l'Église catholique romaine à l'égard de la Franc-Maçonnerie.
Cette question qui a fait couler beaucoup d'encre ici et là, pose la grave interrogation sur la capacité réelle qu'a une Obédience maçonnique, à dénier à un Frère ou une Sœur étranger à cette Obédience sa qualité d'Initié, donc de Maçon, et par là même celle de la régula­rité de sa Loge.
 En réalité, tout Maçon, à quelque Rite ou Obédience qu'il appar­tienne, ou qu'il appartienne à une Loge indépendante qui n'est rattachée à aucune Obédience, est régulier, s'il a été reçu Apprenti Franc-Maçon dans les formes requises dans une Loge régulière. Il est dès lors légitime de dire que si nous venions à rencontrer un Frère ou une Sœur dans notre par­cours, il serait simplement insensé de conditionner sa reconnais­sance comme tel à son apparte­nance à telle ou telle autre Obédience. En tant qu'Initié, il est mon Frère, elle est ma Sœur.

Mais au fait qu'est ce qu'une Loge régulière ?
Vouloir affirmer la régularité d'une Loge à partir de son souchage à une Obédience me paraît être une hérésie, une aberration.

Le Frère Jules BOUCHER, s'insurgeant contre les censeurs de la régularité maçonnique écrivait :
« Ceux qui parlent de régularité sont obligés de jeter un voile dis­cret sur leurs propres origines, car l'histoire n'a pas les complaisances des fabricants de Rituels et elle remet cruellement à leur propre place les “excommunieurs” d'aujourd'hui qui furent souvent,
sinon toujours, les irréguliers d'hier»
(J. BOUCHER, La Sym‑ bolique maçonnique, chez DERVY 1991 page 196).
En effet, en juin 1717, au jour de la Saint-Jean, quatre Loges londoniennes se réunirent et approuvèrent une Charte. En 1721, cette Charte fut présentée et acceptée par Lord Montaigu qui devint leur Protecteur, et en 1723, elle est publiée sous la signature de: Anderson Author. Anderson, commandité par le Roi George, traita avec un imprimeur en acco­lant son nom à ce document connu désormais sous le nom de Constitutions d'Anderson, qui fut depuis légué à la postérité, comme acte fondateur de la première Obédience maçonnique : la Grande Loge Unie d'Angleterre.
Et sur ce point, Marius LEPAGE, qui a fréquenté les Loges anglaises distributrices de la régularité, reconnaît et déclare ce qui suit :
« Quand on étudie l'histoire de la Grande Loge d'Angleterre en toute impartialité historique, on voit que les Landmark ne sont pas autre chose qu'un mot bien frappé, derrière lequel il n 'y a rien, mais qui est très utile pour sortir d'une situation embarrassante quand on ne sait plus logiquement quoi répondre. Naturellement la Grande Loge d'Angleterre, en toute bonne foi, a cru bien faire en altérant les inaltérables Landmark ».

Henri JULIEN in Régularité exo­térique et Tradition ésotérique en Franc-Maçonnerie, page 24, écrit à son tour: « Landmark, Constitutions d 'ANDERSON, nous restons dans un plan réglementaire ? Cela est peut-être pratiquement utile, mais cela n'a rien à voir avec l'essence initiatique de la Maçonnerie ».

La régularité en réalité ne pro­vient que de la reconnaissance et de cette spiritualité bien personnelle qui ne s'édicte pas; seuls les principes sont transmissibles dans la grande chaîne d'union, et dans les règles traditionnelles régies par la tolérance et la fraternité. Et pour reprendre le propos de notre Frère
Rémi BOYER in Secret de la Franc- Maçonnerie Égyptienne, Denis LABOURE aux Éditions Chariot d'Or, page 10 :
« Depuis quand la reconnais­sance initiatique est–elle obtenue autrement que par un acte parfait sans autre témoin que le Réel ? »

N'ayant pu, hélas, par l'effet de mode résister aux sirènes de la reconnaissance profane, ce virus de la Maçonnerie spéculative a fait irruption dans les Temples où l'on prétend travailler au Rite Égyptien, oubliant que le Rite Égyptien dont la finalité demeure sacerdotale au sens alchimique, a pour caractéristique d'être de nature vibratoire, ce qui nécessite un travail réel sur soi, autrement dit la Gnose, et que ce travail nécessite la présence d'un pyramidion initiatique secret mais bien réel : la HIEROPHANIE des écoles de mystères, ce para‑
tonnerre, véhicule de l'énergie vitale seule capable de donner vie à nos travaux, qui guide les esprits sans pouvoir s'incarner de manière apparente. De nos jours, il faut le déplorer, la fonction de HIEROPHANIE se trouve « récupérée » sans droit ni titre, de manière publique personnelle par certains individus, alors qu'il s'agit d'une fonction ésotérique et mystique sécrète, et cela au prétexte de l'introduction dans les structures à caractère initiatique de cette
notion étrangère à l'Initiation : la démocratie de demos crates, le pouvoir de la masse, hérésie qui a permis l'élection ou la désignation dans le domaine initiatique de certains personnages sans réelle vertu initiatique voire philosophique, ce qui a conduit notre Rite dans la situation de turbulences dans laquelle il se bat depuis quelques années.

J'ai dit !

Daniel NKOUTA, Premier Surveillant de la Loge :
LE SANCTUAIRE DE L'ARCHE D'HATHOR N° 911, Orient de Pointe- Noire (République du Congo.)

Publié dans le Khalam - Bulletin N° 28 - Juin 2009

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