GLMFMM Bulletin : Khalam 06/2008


La sagesse des tarots

Deuxième arcane: la Papesse
K025-6-1
 

Selon la Tradition Primordiale consignée dans les livres de l'Ancienne Égypte (Livre des sarcophages, Livre des pyramides et Livre des morts), eux-mêmes transcrits dans la Cabbale sacrée, notam­ment, nous avons une vision claire du plan d'ensemble parfait de ce qui est créé et de ce qui ne l'est pas :

          La Source, mystère inconnaissable ou Idée primordiale
          Le Créateur ou « Suprême Architecte de tous les mondes », dispensateur de l'acte pur, le plan mystique
          Le monde des émanations ou monde gnostique
          Le monde de la création ou monde de La magie hermétique
          Le monde de la formation ou démiurgique du dieu de l'ancien testament, no­tamment, le plan philosophique
          Le monde de la manifestation ou des faits.

Nous pouvons alors constater que, dans cet ensemble, le dieu exotéri­que et anthropomorphe de l'ancien tes­tament et de toutes les religions profanes n'est que celui du deuxième des mondes en partant du bas et qu'il ne saurait être assimilé au Créateur ou « Suprême Ar­chitecte de tous les mondes » qui est le Maître d’œuvre du Mystère primordial la­tent par l'accomplissement de l'acte pur, sans objectif ni raison raisonnante, et dont l'unique vocation est de manifester l'Idée. Dans ce plan parfait, le dieu communé­ment admis par les hommes n'est pas l'auteur ou le Créateur du monde, mais il n'en est que l'artisan par l'usage appro­prié ou non des Lois Naturelles Universel­les dont il n'est pas l'auteur, qu'il ne peut modifier et ne peut qu'utiliser pour ia ma­nifestation ; c'est en ce sens que le bien et le mal peuvent exister, non de manière intrinsèque ou immanente mais par usage approprié ou non des Lois cosmiques ou primordiales dans le plan de la manifesta­tion ou des faits. Le bien et le mal ne sont donc pas l’œuvre du Créateur, pas même son résultat ou sa conséquence, mais ils sont le fruit du mental et des actes du dé­miurge et des hommes.

La compréhension de cela n'est pas seulement utile mais elle est indispen­sable à tout chercheur sincère qui sollicite la complicité du Livre de Thot-Hermès, plus communément appelé Tarot, et de ses Arcanes.

Ensuite, si nous voulons commencer du bon pied notre cheminement au sein du Livre de Thot-Hermès et converser en bonne intelligence avec ses Arcanes, il est nécessaire de replacer chacun des quatre premiers d'entre eux en relation avec le niveau qui lui correspond dans le plan parfait rappelé plus avant. Ainsi :

  Le Bateleur, comme nous l'avons pré­senté dans notre précédente synthèse, est celui qui accomplit l'acte de pure intelli­gence, et il est en relation directe avec le « Suprême Architecte de tous les mondes et le plan mystique »,
  La Papesse est en relation avec le mon­de des émanations ou monde gnostique et nous verrons son rôle spécifique à cet égard dans les lignes qui suivent,
•  L'Impératrice est la représentante du monde de la création ou monde de la ma­gie hermétique,
  L'Empereur est le représentant du mon­de de la formation ou dérniurgique (c'est en réalité le pur symbole du démiurge).

Notre Papesse ayant trouvé son exacte place dans ce Grand Ordonnance­ment Général, il convient de l'observer elle tient un livre sur les genoux coiffée d'une tiare à trois étages, ce qui signifie qu'elle symbolise les trois degrés de la ré­vélation du plan mystique situé au dessus de la tiare réceptacle, au plan gnostique, puis au plan hermétique ou magique, et enfin au plan philosophique où est déposé le savoir ; elle est donc le symbole achevé de la connaissance gnostique (c'est-à-dire de l'union parfaite de la science analyti­que, en tant que recherche humaine et cérébrale,. et de la spiritualité synthétique, en tant que connaissance accessible par l'intuition elle-même résultat de la médita­tion), connaissance émanée qui se trouve intégralement transcrite dans le Livre de la Sagesse ou de Thot Hermès pour ceux qui ont des yeux pour voir, des oreilles pour entendre et un cœur pour compren­dre ». La Papesse est la Grande Prêtresse, gardienne sacrée du processus de la Ré­vélation, et celle qui peut le rendre acces­sible aux initiés en expliquant les étapes nécessaires qui mènent à elle. Elle est le miroir intermédiaire réfléchissant l'acte de pure intelligence, le feu ou souffle de l'Esprit divin, le principe actif, symbolisé par le Bateleur pour qu'il devienne ac­cessible aux initiés par apprentissage du Livre posé sur ses genoux et qui pourrait bien être en l'occurrence celui de Thot Hermès. La tiare à trois étages symbolise donc les trois mondes de l'émanation, de la création et de la formation, en suggé­rant ce qui est au-dessus, c'est-à-dire le plan mystique et la Source, pour aboutir au Livre de la Tradition à transmettre dont elle est la gardienne.

La Papesse du deuxième Arcane correspond au féminin supérieur, à la fois passif et fécond, celui qui reçoit et trans­met. C'est Isis l'égyptienne, Notre Dame des chrétiens, la Dana des celtes, Kali des indous. Elle est la gardienne de ia porte qui donne accès au sanctuaire de la sa­gesse et de la connaissance symbolisée par le voile situé derrière elle qu'il faut lever pour accéder au lieu où se révèlent les mystères.

Par le processus divin qu'elle enseigne, la Papesse nous donne la signi­fication du Tétragramme divin qui est lui- même une synthèse de la réintégration par la mise en oeuvre des quatre étapes de la Révélation : lod, la mystique, Hé, la Gnose, Vav, la magie hermétique, Hé, la philosophie. Ces quatre paliers, ou «sens internes», correspondent aux qua­lités que l'initié doit acquérir et maîtriser pour atteindre l'état d'Être réalisé ; celui qui croit, qui comprend, qui agit et qui pense. Ainsi, la Papesse nous fait prendre conscience que notre effort doit porter sur le développement du « sens gnostique » permettant seul l'acquisition de la con­naissance par intuition puisque apprendre ce n'est que la science du souvenir pour se projeter ailleurs (l'avenir) dès lors que tout a été, est et sera. L'initié ou Être réa­lisé a ainsi la vocation d'enrichir le Livre de la Tradition par sa propre expérience et d'en perpétuer la transmission en ayant compris au préalable que cette mission se réalise dans le silence de la méditation active, indispensable condition pour que le passé, qui n'est que la somme de la vie emmagasinée dans les archives universel­les, puisse se refléter dans le miroir interne afin de se transformer sous forme actuali­sée en ce que nous appelons le présent.

Nous l'avons vu, le Bateleur est l'Arcane de l'acte pur, l'Essence insaisis­sable, qui fait ensuite place à un autre acte lorsque que le souffle qui l'anime s'est apaisé. La Papesse est l'Arcane de la sagesse bâtisseuse par assemblage actif : de l'acte pur, de la réflexion intérieure qu'il induit, de son archivage dans la mé­moire et de sa transcription en parole et en écriture pour restituer le fruit de l'en­semble du processus de création ainsi mis en oeuvre dans le Grand Livre de la Na­ture qu'elle porte sur ses genoux. Miroir nécessaire à l'expression du principe actif originel, elle est indispensable à la per­ception de celui-ci car si le miroir n'existe pas ou, s'il est déformé, l'image du souf­fle divin actif n'est pas perçue et l'action existe sans effets.

Il nous est ainsi enseigné qu'il nous faut. un miroir interne (principe de l'Eau réfléchissante) pour être conscient et décrypter le souffle de l'Esprit se tradui­sant dans l'acte pur (principe du Feu ac­tion) démontrant de cette manière qu'un acte acquière sa portée véritable et utile que s'il est transcrit dans la conscience par le miroir réfléchissant qui lui corres­pond. C'est en cela, aussi, que l'acte pur d'intelligence (Le Bateleur), le principe actif divin perceptible par la conscience de l'âme, se distingue de l'activité arbi­traire de l'instinct agité, fruit des seuls dé­sirs et passions, et qu'il peut correspondre ensuite à la véritable incarnation du Verbe divin rendu intelligible par le processus porté par la Papesse.

La Papesse constitue aussi par voie de conséquence la clef du binaire et de sa portée car, assemblée au Bateleur, nous sommes en leur présence confron­tés au choix qui se présente à la réflexion humaine depuis que l'humanité existe : sommes-nous dans la création en présen­ce d'un seul Être, d'une seule substance à l'origine de tout et où tout retourne (le monisme) ou de deux principes, le bien et le mal, l'esprit et la matière, guidant et conditionnant tout le monde créé (le ma­nichéisme ou dualisme) ? Notre réponse à cette question dépendra de ce que nous aurons été en situation de comprendre à partir de notre conversation avec les deux premiers Arcanes du grand Livre de Thot- Hermès. La réponse des Gnostiques-Her­métistes sur ce point est que le Binaire divin ne se réduit pas à une diffraction de l'Unité mais qu'il correspond aux deux aspects consubstantiels de la Réalité : le Souffle de l'Esprit divin actif et son miroir réfléchissant sans lequel il n'existe pas (Le Bateleur et la Papesse) ; le Binaire Divin, c'est donc à la fois : le feu et l'eau dont l'action est intrinsèque pour permettre à La Connaissance de vivre, c'est l'amant et l'aimée du Hiéros-Garros ou Jeu Sacré de la création. C'est en cela que les adeptes de Thot-Hermès se distinguent de ceux qui pensent que l'eau ou bien le feu sont à l'origine de tout, individuellement, alors que l'alliance des deux est indispensable en tant qu'origine, et que ces adeptes se distinguent aussi de l'enseignement du Maître Louis-Claude de Saint Martin qui pensait, à tort, que la dualité serait illégi­time car il ne la considérait que comme diminution, fractionnement, de l'Unité. Notre deuxième Arcane nous rappelle donc que l'Être est neutre, indifférent, et que sans l'amour, principe vivifiant, il n'a pas d'activité, que cet amour johannite (le feu-soleil du cœur) est le Bien, le Beau, le Bon platonicien, que la voie de l'Être réalisé est celle qui permet l'expérience librement consentie de la fusion de l'Es­sence Une et immuable et des substances (existences) séparées pour permettre à la première d'exister en mettant fin à l'illu­sion des secondes. C'est là l'expression de ce que les ésotéristes véritables appellent le Binaire légitime ou Binaire Divin sans lequel l'Unité ne peut être appréhendé car on ne voit pas Dieu, on le vit (on en fait l'expérience) ; binaire légitime qui peut se résumer à : Essence-substances, Réalité-actualité, Être-Amour Idée-action, et qui ne s'oppose pas à l'Unité fondamentale mais la compose et la rend compréhen­sible en lui permettant d'exister au sens humain.

Nous apprenons à ce stade de l'immersion dans le jeu divin de la créa­tion que l'Être (eau) sans l'Amour (feu) n'a aucune chance d'exister et d'évoluer, et réciproquement puisque l'Être (miroir) n'a que la vocation de permettre à l'Amour (acte pur d'intelligence) de se manifes­ter. Cela est parfaitement transcrit dans le « Ego Sum qui sum » qui signifie que l'Être, sans autre objectif que de s'inscrire dans la Grand Ordonnancement Universel, ne trouve son expression, sa réalité, que dans sa transcription par la conscience gnosti­que.

La Gnose mystique, ou opération magique transformant de manière cons­ciente l'acte pur du Bateleur en Connais­sance, permet en réalité à ce qui est en haut de se réfléchir dans le monde d'en bas, sans intermédiaire autre que le miroir révélateur, donc sans altération pour être consciemment perçu par les adeptes sin­cères et persévérants des sciences sacrées, dont celle de l'apprentissage du Livre de Thot-Hermès qui est une parfaite synthèse de toutes les autres.

La Papesse est aussi la gardienne de la porte qui donne accès au sanctuaire de la sagesse et de la connaissance symbo­lisée par le voile situé derrière elle et qu'il faut lever pour pénétrer dans le lieu où se révèlent les mystères. C'est donc bien un miroir cosmique, une interface entre le monde d'en haut (derrière le voile) et celui d'en bas (le Livre sur les genoux). La rencontrer sur son chemin d'initié signifie que les qualités requises (sérénité, pureté, lucidité intérieure) pour pénétrer dans le sanctuaire sont apprises et à portée de mains pour les utiliser au bénéfice des autres. Car n'oublions jamais que la Con­naissance ne se laisse approcher que dans le désintéressement, donc en l'absence de toute appropriation à des fins personnel­les et/ou mercantiles.

Marguerittes, le 2 mai 2008.
Patrick-Gilbert FRANCOZ  Maçon de la Vieille Egypte
Publié dans le Khalam - Bulletin N° 25 - Juin 2008

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