GLMFMM Bulletin : Khalam 02/2008

La sagesse des tarots
Premier arcane : le Bateleur
K024-5-1

La première lame majeure du Tarot est l'Arcane des arcanes qui porte le principe sous-jacent aux 21 autres lames majeures ; c'est la clef de tous les arcanes majeurs en ce sens qu'il sert de déclencheur à la « mécanique spirituelle » de l'enseignement cohérent et universel de l'école du Tarot et tant que les clefs qu'il délivre ne sont pas intégrées dans leur intégralité intérieure on ne peut utiliser valablement les autres lames du Livre de Thot-Hermès.

Nous sommes en présence d'un « faiseur de tours » qui agit avec une grande aisance, une habileté sans tension, ni embarras, ni hâte, c'est pour cela qu'il est l'arcane de la détente active ou de l'effort facile, de la concentration sans effort transformant le travail en jeu et allégeant le joug de la vie. Il enseigne l'art de la concentration qui s'obtient par une spontanéité parfaite, la confiance, le calme et le SILENTIUM, c'est-à-dire après avoir appris à se taire pour effacer l'intellect et l'action du cerveau au bénéfice de l'intelligence du principe rythmique et circulatoire interne.

Avec le Bateleur, l'intelligence de la tête fait place au rythme cardiaque, il y a transposition de la conscience mentale cérébrale au système vibratoire interne dont le siège se trouve dans la poitrine ; il ne fait pas quelque chose de manière « réfléchie » mais il agit par l'automatisme de l'intelligence interne partie de l'Intelligence Universelle. Ainsi apparaît la première règle de la véritable initiation selon laquelle il faut d'abord s'inscrire dans le mouvement perpétuel des mondes par intimité spirituelle avec la Conscience Universelle puis, ensuite, agir guidé par la seule intuition perpétuelle qui est alors conférée par voie de conséquence.

Symbole de la concentration sans effort, résultat du recueillement naturel et de la conscience du coeur, la volonté qui s'exprime dans cette Lame est descendue de la tête à la poitrine qui est le lieu du silence dans lequel se construit le lien avec la Conscience Universelle, le lieu où s'élaborent les véritables désirs de l'Esprit incarné et le siège de la mémoire intemporelle et collective ; la poitrine, origine de l'universalité de l'être et d'où provient la véritable volonté permettant à l'Homme de ne plus penser non par et pour lui-même mais par et pour l'ensemble de la vie incarnée. Tel est le premier commandement transmis par le Premier des arcanes ; c'est en cela qu'il est l'Alpha de la pratique ésotérique, caractérisée par ie chapeau de l'autorité du savoir et du pouvoir, orné du lemniscate symbole de l'Infini et du rythme éternel.

Avec le bateleur nous apprenons, par la concentration sans effort, dans le silence intime de l'âme, la nécessité du travail et de l'action perpétuels en liaison constante avec le monde des cieux. Et, paradoxalement, celui qui travaille de cette manière n'est jamais seul car le Bateleur ainsi réalisé est alors en intimité permanente avec la totalité des forces-entités d'en haut .

Première des lettres-nombres de l'alphabet numérique de Thot-Hermès, le Bateleur concentre en ce qui précède toutes les autres règles enseignées par les 21 lames suivantes, comme les nombres de notre arithmétique qui, à partir de 2, ne sont que des fractions ou des représentations de l'Unité. Cet Arcane véhicule à lui seul la grande loi de l'Unité de l'essence de tout ce qui existe, de l'Unité foncière de la multiplicité phénoménale du monde en tant qu'organisme vivant et cohérent dont toutes les parties sont gouvernées par le même principe. Cette parenté entre les parties diffractées du Tout est la condition d'accès à la Connaissance qui ne peut être acquise que par la méthode de l'analogie » qui sous-tend tous les rituels de la Franc Maçonnerie Égyptienne et qui est parfaitement décrite par Papus dans son Traité élémentaire de Science Occulte dont l'auteur, adepte chevronné du Livre de Thot-Hermès, n'a fait que transcrire de brillante et claire manière la Connaissance transmise aux initiés par la Table d'Emeraude attribuée à Hermès le Trois Fois Grand. Tout en retenant au passage que la même méthode analogique, les mêmes clefs de décryptage de la Connaissance Universelle, sont données très exactement de la même manière dans les textes testamentaires apocryphes, dans le Zohar et dans le Vishva Sâra Tantra indoue, notamment pour ceux qui veulent et savent les lire véritablement.

Le Bateleur est le symbole archétype de la correspondance de l'Unité du temps et de l'espace et de sa transcription dans le monde phénoménal d'en bas malgré le caractère fractionné de ses manifestations. C'est en cela qu'il est le prototype de « l'Homme- Esprit » assurant la synthèse d'Adam et Eve, de Jésus et de Marie-Madeleine, de Simon et d'Hélène. Il nous indique de quelle manière passer de la croix, symbole du temps horizontal et de l'espace vertical, au cercle, synthèse des deux, puis au point, suppression des deux ; ou, en d'autres termes plus profanes, comment ramener les faits aux lois, les lois aux principes et les principes à l'Essence Cosmique ou Universelle de l'Être.

Alpha et Oméga spirituel du Grand Livre de la Nature, le Bateleur n'en comporte pas moins des enseignements d'ordre pratique indispensables à la progression de l'initié. Symbole de la « méthode analogique », il nous donne la méthode à appliquer sinon au quotidien, du moins dans les sphères et moments importants de la vie de l'initié : 

1) La Classification des objets qui se trouvent devant lui par ressemblance ou « assemblance » dans un but ou une recherche donnée une réalité des idées, des éléments matériels, spirituels, de tout ce qui fait la vie d'un homme dans la dimension finie de l'espace temps, 

2) Recensement des hypothèses, des usages possibles pour les outils à disposition, des projections envisageables quant au résultat de l'action à entreprendre sans en écarter aucun à priori, puis penser l'acte suivant sans dogme, agir pour transformer les hypothèses en expérience pure sans volonté particulière ni objectif prédéterminé, 

3) Agir dans le seul but d'agir sans vocation à un résultat quelconque, ce que les occultistes appellent «  l'induction pure », 

4) S'emparer du résultat obtenu non comme une vérité intangible mais comme la base, le support, d'une nouvelle phase analogique à mettre en oeuvre au moment approprié, c'est-à-dire lorsque le bateleur qui sommeille en chaque initié sera à nouveau prêt pour franchir une nouvelle étape dans son propre espace temps jusqu'à la suppression définitive de celui-ci.

Le merveilleux dans ce qui précède est de croire qu' il s'agit d'une méthode scientifique mise au point par des scientifiques, pour des scientifiques, alors qu'il s'agit d'un processus d'alchimie transcendantale aussi vieux que la pensée humaine qui a été mis au point et élaboré dans les temples de Sumer, de Babylone, de l'Égypte Ancienne et d'Inde, qui est véhiculé par les textes sacrés aussi anciens que vénérables et qui est synthétisé de parfaite manière dans notre petit bonhomme au chapeau magique de la Première Lame du Tarot ; méthode adoptée presque en catimini par les scientifiques des temps modernes comme monsieur Jourdain le fit avec la prose et qui a fait faire des progrès considérables à la science à partir du moment où son usage à été admis et généralisé.

Arcane de la méthode spirituelle à la fois théorique et pratique de la concentration sans effort ou de l'effort rendu facile par le méthode analogique, le Bateleur nous enseigne que le travail est un jeu lorsque, après un usage persistant et approprié des outils, il confère l'habilité permettant la réalisation sans souffrance (sans effort). Transposé au plan spirituel, nous devons tous devenir des bateleurs, des jongleurs d'éternité, afin de postuler les leçons de la vie et l'usage de ses outils pour atteindre, par les nécessaires expériences acceptées et comprises, la perception immédiate des analogies fondamentales que seule la recherche persévérante, l'action intelligente et la méditation paisible peuvent procurer lorsqu'elles sont conjuguées dans de nobles buts.

Le Bateleur ne travaille pas mais il joue de manière sérieuse, c'est-à-dire avec concentration pour ne pas perdre un instant de vue que son jeu s'inscrit dans l'Unité cosmique des êtres et des choses ; en cela il est animé non par l'intelligence de l'intellectualité mentale mais par la vision interne de l'harmonie universelle : c'est ce que l'on appelle un génie pur qui ne se retrouve que chez les enfants ou les êtres simples qui savent et peuvent encore jongler sans effort avec les éléments naturels ; il est une synthèse du conscient et de l'inconscient, de l'intelligence et du coeur, de la spontanéité créatrice et de l'action pratique ; ce que C. G. Yung appelle la synthèse du Soi. Le Bateleur, en voyant la beauté de ce qu'il sait être vrai ne peut qu'aimer ce q'il voit et par l'amour faire disparaître la contrainte, et c'est ainsi que et le devoir et le travail deviennent un agréable jeu sacré concourant à l'édification harmonieuse du Tout.

Mais attention car notre jongleur en esprit et en actes nous transmet également un double avertissement : tout d'abord quant à l'usage de la « méthode analogique » qui peut engendrer des illusions graves dès lors qu'elle ne serait fondée que sur une mise en oeuvre à des fins privées et/ou personnelles et sur la superficialité des objectifs attendus et dont l'efficacité dépend de l'ampleur, de la répétition, de la sincérité et du caractère désintéressé des expériences entreprises ; ensuite, il nous met en garde contre l'usage de la concentration sans effort à des fins frivoles temporelles, de sa confusion avec les associations mentales inutiles ; il nous montre comment la méthode et la logique mal employée à des fins uniquement matérielles et égoïstes peuvent transformer un jongleur sacré en charlatan ; par son aisance dans l'usage des outils-symboles, il montre comment faire la différence entre celui qui essayen, pour la gloire de montrer son savoir et qui se complait à son insu dans le monde illusoire des mirages et celui qui travaille véritablement avec constance et rigueur dans l'unique but de savoir pour se régénérer ; c'est une espèce de gardien du seuil qui indique la frontière, ténue entre le véritable mage possédant l'usage des sciences sacrées à seule fin de faire progresser l'Humanité dans son ensemble et les sorciers qui emploient des bribes de connaissance à des fins futiles, immédiates et inutiles, contre rétribution. En donnant La Méthode, notre Bateleur prévient le chercheur des difficultés de l'entreprise en ce sens que plus nous franchissons d'obstacles, plus nous avançons en direction de la Connaissance, plus nous franchissons de portes, plus le travail et l'expérience doivent être renouvelés, répétés, densifiés pour tendre à la Réalité. Le charlatan sorcier agit de façon désordonnée dans le monde fictif de l'actualité immédiate et illusoire, le jongleur sacré, véritable mage détenteur du magistère, tend à la Réalité de la vérité intangible et permanente.

Rencontrer le Bateleur, jongleur sacré maîtrisant l'usage des outils universels, sur son chemin personnel, c'est avoir l'indication que nous sommes désormais en situation d'accéder à la méthode analogique » de l'Art Sacré, indispensable à la poursuite du chemin dans une autre dimension ; c'est aussi être mis en garde contre le piège des illusions qui guette en permanence tout chercheur non sincère et non préparé, et cette rencontre nous précise que pour cela seul l'usage approprié et désintéressé des outils du temple est à notre disposition. Par sa présence, le Premier Arcane indique que nous sommes en situation de réaliser valablement les expériences tant de la vie horizontale terrestre de l'acquis et celles de l'hérédité verticale céleste de l'inné, à condition de ne pas privilégier les unes par rapport aux autres afin d'éviter de sombrer dans la matérialité illusoire ou la spiritualité désincarnée sans intérêt car, lors de notre passage ici et maintenant, nous avons non pas à choisir entre l'une ou l'autre mais à les rendre compatibles entre elles afin d'atteindre à la synthèse existentielle permettant d'échapper au retour permanent.

Margueritte.s, le 25 décembre 2007
Patrick-Gilbert FRANCOZ - Maçon de la Vieille Egypte
Publié dans le Khalam - Bulletin N° 24 - Février 2008

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