GLMFMM Bulletin : Khalam 10/2007

Aprézan !

Les moments chaotiques sont souvent des lieux de renaissance. Toute régénération surgit toujours d'une perturbation. Plus la perturbation est sévère, plus le renouvellement qui s'ensuit est profond, puissant, parfois jusqu'à la limitation. La nature sait utiliser ses effondrements pour expérimenter d'inédite vivacités... L'écosystème meurtri s'ébroue pour redistribuer les possibles en des intensités variables. 1717 fait, le désastre ou la crise sont aussi, et surtout, des opportunités. Quant tout s'effondre ou se voit bousculé, ce sont aussi des rigidités et des impossi­bilités qui se voient bousculées. Ce sont des improbables qui soudain se voient sculptés par de nouvelles clartés. Ce sont des interdits, des paresses, de stériles habitudes. qui Iodlent et appellent à se faire soulager,..

Il serait absurde de ne retenir de la crise que le gémissement ou le frisson de crainte. Il serait dommage de faire moins que le biotope Ici plus élémentaire; moins que les animaux, pour simplement restaurer l'ordre ancien que la crise a défait. Comme si l'arbre...aux ramures impatientes, s'échinait à retrouver, à regretter, celles qui ont suivi le vent.

Dans toute crise un maintenant s'ouvre d'emblée. An aprézan.

Aprézan profiter de cette calamité pour assainir ce qui peut l'être...Aprézan pérenniser une lumière là ou ruptures et brisures ont ouvert des possibles, toute renaissance est précieuse, il n'en existe pas d'inutile ou de dérisoire. Toute refondation émerge d'un brouillard d'infimes reviviscences...

C'est peut-être l'aprézan de revoir notre rapport aux grands arbres, comprendre que l'âge les remplit de mystère et de magie, qu'ils font partie du patrimoine naturel inestimable et que tout arbre qui vit longtemps s'entretient, se soigne, s'élague, se nourrit et qu'il ne tombe ou se démembre que lorsqu'il est négligé...

Il n'y a pas d'aprézan dans ces compassions là. À force de répondre à l'urgence, on oublie l'essentiel. On oublie surtout ce que toute politique conséquente n'ignore pas que rien n'est jamais plus urgent que l'es­sentiel...

...quitte à recevoir des tombereaux de secours bienveillants, pourquoi les affecter au seul réamorçage cycle de la dépendance ? Pourquoi ne pas en faire le souffle d'une renaissance en les affectant à une restructura­tion déterminante ?...

1.000 kilomètres carrés, cela peut se saisir; se ressaisir, cela peut se nettoyer; se maîtriser; se soumettre à une volonté claire, une intention globale qui nous ferait renaître et surtout naître au monde. Aprézan (2).

Patrick Chamoiseau et Edouard Glissant, écrivains Antillais.

(1) Terme créole martiniquais figurant clans un lexie dont est extrait ce qui suit publié, après le passage du cyclone Dean.

(2) Toutes proportions gardées et avec beaucoup de respect pour la souffrance et le désespoir de nos frères Antillais après la catastrophe qui les a frappés au mois d'août 2007, rie pourrions nous pas, en tant que membres de notre Ordre Maçonnique de Memphis-Misraïm lui même en piètre état depuis tant d'années, tirer profit de ces belles et sages pensées d'espérance. Essayons de transformer cette folie autodestructrice qui caractérise nos comportements depuis I 998 en processus sain de des­truction créatrice comme le fait la Nature lorsque chacune de ses phases de renouvellement dénommée catastrophe naturelle. Mettons en oeuvre au bénéfice de notre propre régénérescence ce processus d’alchimie philosophique que nous enseigne à. longueur de rituels notre Maçonnerie. Nous n'avons pas le choix, il n'est pas trop tard.

Publié dans le Khalam - Bulletin N° 23 - Octobre 2007

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