GLMFMM Bulletin : Khalam 06/2000

Le Un et le Multiple

K003-3-1

Dans le Rituel d'ouverture des travaux, il est dit que » nous conservons précieusement et maintenons le dépôt de la terre de Memphis ». Je vous propose de nous servir de cet héritage et de repartir en Egypte ancienne pour approcher « le Un et le Multiple ».

Dans la vallée des Nobles à Thèbes, sur le sarcophage du prêtre Pet Amon, grand prêtre de Karnak au nouvel empire, on a retrouver cette formule :

Je suis UN qui se transforme en
DEUX
Je suis DEUX qui se transforme
en QUATRE
Je suis QUATRE qui se transforme en
HUIT
Je suis UN après cela.

Au temps des pyramides, il y a 4700 ans, les prêtres d'Héliopolis enseignaient que la création fut conçue et accomplie par un dieu Unique dont les nombreuses divinités du panthéon représentaient différentes manifestations. Ce dieu unique, Créateur du Tout, raison suprême de toute vie était appelé Tem, Toum ou Atoum. En hiéroglyphes, la traduction varie en fonction du déterminatif qui l'accompagne : Tem peut vouloir dire : « l'Etre et le non­Etre », « l'indéfini », « l'Architecte Divin », « Celui qui se transforme en millions »...

Toum représente l'Unité qui contient en elle, en potentiel, toutes les manifestations jusqu'à l'infini. Toum est l'Unique, celui qui existe avant la création et de ce point de vue, il est le dieu de la Genèse. Cet Enseignement de l'Ancienne Egypte servit sans doute de base aux religions monothéistes postérieures. Il est vrai que toutes les traditions qui suivirent se rejoignent sur la reconnaissance d'un principe indéfinissable et invisible qui précède la création. Il est dit (dans le rituel) « je suis la source des existences et de tous les êtres...) ». Pour les Egyptiens, l'essence de la vie était présente dans la Pensée qui a précédé la première qui devait servir à formé tous les divers corps et les forces constructives de la nature qui « une fois déclenchées » exécuteraient le mouvement nécessaire pour conserver la promatière en vie.

Cette substance, source infinie de l'Univers , hors de toute notion d'espace et de temps, les Egyptiens l'appelaient le Noun, la mer cosmique indéfinissable (« les Eaux d'en Haut »), l'Océan primordial. Le Noun, c'était l'état d'inactivité, de repos, l'état inerte.

Le Noun était inhérent à Toum et Toum flottait dans le Noun. Il restait à l'état informe, inconsistant, instable mais portant en lui la sommes des existences futures. La première impulsion fut donnée lorsque Toum eut le désir intérieur de se connaître. Le Un « se regarda », il y eu « Lui et l'autre » , deux opposés. C'est par la projection de ce désir de se connaître que Toum sortit les forces cosmiques du Noun et les mis en mouvement. Le regard conscience du Un porté sur le Un venait de faire apparaître le Deux. Ce passage du Un au Deux fut le premier dédoublement de l'unité originelle qui se traduisit aussitôt par une polarisation. Nos physiciens contemporains représentent ce phénomène comme une sorte de champ N que le dénombrement des phases de la création devient possible. « C'est par la métamorphose du nombre que le processus de la création est multiplication et non pas division de la semence initiale ».

Si nous récapitulons :

Toum, l'unité primordiale se dédoubla et son Vebe-Râ émana afin de réaliser sa volonté. Râ, en suivant le prototype donné par le démiurge commença la manifestation du pouvoir créateur et se dédoubla successivement.

Son premier dédoublement fut :
Shou — l'air, la force expansive qui brise la passivité de la promatière et tend à se répandre partout (actif, sec et chaud).
Tefnout — l'espace vide, principe qui s'oppose et va limiter cette expansion (passif, froid et humide).

Le second dédoublement présente les cadres matériels dans lesquels doivent se dérouler toutes les manifestations de la nature créée. Ce sont Geb, la terre et Nout le ciel, la voûte céleste. Ces limites montrent que l'homme doit penser autant à la terre qu'aux cieux. Pour peupler le monde créé et rendre réelle la création, deux couples surgirent simultanément :

manifestation concrète. Elle était la volonté du Principe qui est l'Unité intangible et indifférenciée. Le premier acte de Tem-Atoum qui existe avant le commencement de la Création fut de préparer une substance contenant en elle simultanément la promatière vibratoire, une onde énergétique qui circule entre deux pôles fonctionnellement différent, entre deux forces, l'une positive, l'autre négative.

C'est ainsi que Toun forma le groupe des 9 principes divins (huit + lui-même) appelé « la grande Ennéade »(le triangle créateur) qui dirigèrent le Devenir. Il est écrit dans un texte des Pyramides (PT 1655) « qu'aucune de ces entités n'était séparée de lui ».

Je suis UN qui se transforme en DEUX
Je suis DEUX qui se transforme en QUATRE Je suis QUATRE qui se transforme en HUIT
Je suis UN après cela.

Cette formulation ne prétend pas expliquer le mystère de la création, mais elle nous rappelle que c'est par les Nombres que les sages ont toujours formulé l'inexprimable et que c'est à partir du Un

Osiris-Isis ; Seth-Nephtys.

Osiris, principe fécondant la terre et Isis fécondée portant de fruit son le symbole de la vie végétative et de la force évolutive.

Seth et Nephtys sont le symbole de la force involutive, force coagulante durcissante qui permet à la matière de rester stable et inéchangeable.

Le choc de cette double manifestation produisit la réalité de la vie, cette vie qui réside dans la lutte de deux forces opposées tendant chacune à prendre le dessus. Cette lutte qui se perpétue de nos jours fut symbolisée par la bataille d'Horus, fils d'Isis et d'Osiris contre son ennemi mortel Seth.

Seth concentre en lui toutes les forces du désordre et de la perturbation. Il fait remonter à la surface de l'homme, ses passions non maîtrisées, ses pulsions incontrôlables, tout ce qui peut le diviser et le plonger dans l'ignorance. (dans le rituel d'initiation, il correspond au chaos de l'épreuve de la terre). Horus, successeur unique de son père Osiris est l'héritier de toutes la facultés développées par les multiplications successives. Il est le symbole même de la lumière intérieure et incarne la perfection, le degré suprême de l'initiation royale. Il met en évidence l'idée du retour à l'unité, de l'élévation, de la libération des emprises de la matière dans laquelle fut plongé l'être humain. Je suis UN après cela.

K003-3-2

La multiplicité est donc porteuse du UN en son essence, elle est comprise dans l'Unité primordiale et « elle ne cesse d'y être comprise par le fait de son développement en mode manifesté ».

Les Egyptiens en avaient parfaitement conscience. Pour eux, l'homme était un être raisonnable qui fut créé en équilibre juste pour pouvoir contenir en lui les deux parties le composant : celle de la matière qui l'attachait à toutes les manifestations de l'univers et celle de la raison (cause) qui l'élevait vers l'esprit. Ainsi l'homme présentait l'union des deux principes involutif et évolutif dont la lutte constitue sa vie sur la terre. Par « l'homme créé à l'image du dieu » l'infiniment petit de l'involution retournait à l'infiniment grand, à Toum, l'unité qui se dédouble pour se manifester mais qui reste toujours UN après cela.

En ces temps, où le monde terrestre est aux prises des forces involutives, où Seth l'ennemi qu'il faut combattre est au mieux de sa forme et de sa force, il est bien difficile de ne pas se révolter face aux agressions et injustices de tous ordres, de ne pas fuir devant ses peurs et ses angoisses, de ne pas se comporter comme un profane enchaîné à ses passions.

Parler du « UN et du Multiple » est un message de Paix et de Fraternité. Cette expression rappelle que nous avons en nous, potentiellement tous les comportements possibles de l'homme (des pires aux meilleurs), toutes les facettes de l'humanité puisque c'est de l'Unité que nous sommes issus et que c'est la même terre qui nous a formés.

La vie de l'homme n'est qu'une oscillation entre le bien et le mal, aussi la lutte constante que nous devons mener n'est-elle pas un combat envers les autres humains quels qu'ils soient mais envers nos propres forces involutives qu'il nous faut constamment maîtriser pour nous libérer des emprises de la matière, retrouver notre équilibre intérieur et retourner à l'Unité. Car « c'est en retrouvant notre propre équilibre que nous pourrons parvenir à la fusion des deux polarités qui nous animent, que nous pourrons donner naissance à un être nouveau au service du ciel et de la terre, un être qui aime ce monde, le connaît et l'aide tout en manifestant l'unité universelle ».

Lorsque le principe divin s'est pensé, il a créé dans l'instant l'union des deux parties : Lui et sa Pensée. C'est dans l'archétype de cette dualité créatrice que se trouve notre possibilité de retour à l'union dont lui ne s'est jamais départi.

Je suis UN qui se transforme en DEUX
Je suis DEUX qui se transforme en QUATRE
Je suis QUATRE qui se transforme en HUIT
Je suis UN après cela.

F. MYR

K003-3-3

Publié dans le Khalam - Bulletin N° 3 - Juin 2000

K003-3 L'EDIFICE  -  contact@ledifice.net \