GLDF Revue : Bulletin Officiel 02/1914

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NECROLOGIE
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Fernand FOUREAU
CONS\ FÉD\ DE LA G\ L\ DE FRANGE
ET MEMBRE DU SUP\ CONS\ DU RITE ECOSS\ ANCIEN ET ACCEPTÉ

Les obsèques de notre très regretté F
\ Fernand Foureau, ont eu lieu le 22 janvier.
Elles furent imposantes et dignes du grand Français qu'était Foureau.

Un régiment, avec musique et drapeau, rendit les honneurs et encadra le long cortège, de la maison mortuaire, au cimetière du Pére-Lachaise.

Sur le drap noir qui recouvrait te cercueil, la famille, par une pesse dont nous apprécions la délicatesse, avait fait placer les dignitaires maç\ du Cons\ Féd\ et du Supr\ Cons\.

M. Lebrun, Ministre des Colonies, prononça surfa tombe le premier discours : il glorifia l'homme d'action disparu si prématurément, dont l'exemple reste, si beau, si digne d'enthousiasme, « que les cœurs et les cerveaux de nos jeunes gens continueront à s'imprégner de cette lumière, de se réchauffer à cette flamme ». L'orateur, en termes émus, raconta ce que fut la vie de Foureau, ce qu'il réalisa avec une énergie indomptable, qui triomphait de tous les obstacles, avec une bonté qui lui gagnait tous les cœurs.


Le colonel Reibell, ancien collaborateur de Foureau, qui a partagé sa vie parmi les peuplades africaines, rappela cette admirable odyssée à travers l'Afrique Occidentale. Il le fil en phrases d'une belle et éloquente simplicité, et ceux qui ont bien connu Foureau n'ont, pu se garder d'une vive émotion lorsque le compagnon des heures de souffrance, de dangers ou d'espoirs, évoqua, toute vibrante, la belle figure de ce chef qui mérita l'admiration de tous, autant par sa charmante modestie que par son courage et son abnégation.

Des discours qu'il serait trop long de résumer, furent prononcés encore au nom du Comité d'Action Républicaine aux colonies par M. Roger Trousselle, au nom de la Société de Géographie par M. le baron Mulot, au nom des Coloniaux par M. Alcide Dehnont.

Notre T
\ F\ Coutaud, avec émotion, adressa au F\ Foureau, au nom du Supr\ Cons\ de France, les paroles d'adieu, il le salua comme le type du Vrai Maçon.
Notre Vénéré Gr\ M\ le Fr\ Général Peigné, prononça le discours que nous croyons utile de reproduire ici ; les jeunes Maç\ pourront, avec fruit, méditer ces nobles paroles, inspirée par une, profonde affection, ce suprême hommage rendu à un vrai Maçon par un autre Maçon bien digne de le comprendre.
Le T\ C\ F\ Lebey parla au nom du Cons\ de l'O\ du Gr\ O\ de France : il assura les FF\ Ecos\ de l'affectueuse sympathie du Cons\ de l'O\ devant cette perte si douloureuse pour notre Rite, il exalta la pensée maç\ toute imprégnée de fra­ternité, de tolérance, de bonté, que Foureau a si bien réalisée par l'action.


Discours du F\ Général PEIGNÉ
GR\ M\ DE LA GR\ L\ DE FRANCE

Monsieur le Ministre, Mesdames, Messieurs, et vous tous, mes TT
\ CC\ FF\.

Le grand explorateur Fernand Foureau, dont nous accom­pagnons la dépouille mortelle à sa dernière demeure, était un conquérant pacifique, bon et juste par excellence, un de ces hommes rares, dont l'humanité entière a le droit, de s'enorgueillir.


Des voix plus autorisées que la mienne vous rappellent l’œuvre immense accomplie par lui.


Son amour pour la France, son dévouement, pour la Patrie, datent de loin, car, n'ayant pas encore vingt ans, il s'engageait en 1870, et, le 19 janvier 1871, était fait prisonnier de guerre à la bataille de Saint-Quentin.

Peu d'années après, il commençait ses voyages d'exploration sur cette terre d'Afrique, dont nous connaissions certaines régions côtières, mais dont presque toute la partie centrale était restée mystérieuse !

Ces voyages se succédaient sans relâche. Il descendait de plus en plus vers le sud, et arrivait, à force de persistance, à par­courir, pendant plus de vingt années presque consécutives, des territoires immenses qu'ignorait, avant lui, l'Européen.

Il en étudiait toutes les ressources, voulait en faire un hommage à la France, sa patrie si chère qu'il adorait et à laquelle il a sacrifié sa jeunesse, sa fortune, sa vie toute entière.

L'intrépide voyageur ne-parcourait pas moins de trente mille kilomètres au cours de ses missions scientifiques. Il faisait la carte détaillée du pays reconnu par lui, rapportait une quantité prodi­gieuse de documents précieux : observations météorologiques et magnétiques d'une grande importance, détermination précise de la position de plus de mille points par leurs coordonnées géogra­phiques et leur altitude ; étude sur la flore, la faune, et, Buttant, sur - 137 -
la mentalité des tribus qu'il rencontrait sur sa route, et dont il faisait des amies de la France,
De 1898 à 1900, à la tête de l'immortelle Mission Foureau-­Lamy, il accomplissait ce raid merveilleux, jusqu'alors sans exemple dans l'histoire.

Partant de l'Algérie, il traversait le Sahara, le Tehad, le Chari, l'Oubanghi et le Congo, où il arrivait an bout de dix-huit mois, pendant lesquelles on n'avait reçu aucune nouvelle.

Personne ne savait ce qu'était devenue cette vaillante poignée d'hommes. On la croyait massacrée, lorsqu'on apprit tout à coup l’arrivée de Foureau sur le littoral du Congo.
Ce fut alors, dans tout l'univers, un immense soulagement. Tous les peuples du globe éclatèrent en bravos enthousiastes.

Hélas, on avait à déplorer la mort du commandant Lamy, mais le chef de la mission, l'admirable Foureau, avait accompli' son programme.
Il avait réussi, mais comment ? et par quels moyens ?
C’est qu'il avait toujours conformé ses actes à ses principes philosophiques et moraux, qu'il avait agi, vis a vis de tous, Touaregs, Africains du centre, de toutes races et de toute couleur, comme un frère vis-à-vis de ses frères.

Il me disait encore, il y a quelques jours à peine :


« J'ai puisé dans nos Loges, dans nos conférences maçonniques, l'amour profond que j'ai pour la justice, la bonté et la tolérance.

Qu'il soit civilisé, qu'il soit le plus borné de sauvages du désert, l'homme en présence de qui je me trouve, est mon sem­blable.
Il a le droit d'attendre de moi des actes justes, humains, bienveillants ; j'ai le devoir d'agir vis-à-vis de lui, avec justice, humanité, bienveillance.
Je dois respecter ses croyances, sa mentalité, encourager et confirmer ses aspirations vers la justice, justice dont il a parfait ment conscience, quel que primitif qu'il puisse être. »
Et:Foureau ajoutait :
« Des peuplades dont je traversais le territoire, je n'ai jamais rien voulu obtenir par la violence, le coup de fusil, la terreur. J'ai cherché à faire, de ces grands enfants, parfois cruels, mais tou­jours sensibles aux bons procédés  et à la justice, des amis de la France.
Je n'ai eu que de très rares mécomptes ; la nouvelle des traités d'amitié contractés en appliquant ces procédés si naturels et si humains de pénétration pacifique, précédait notre mission dont la marche se trouvait 'd'autant plus, facilitée, que nous avancions davantage. »

Je me fais un devoir de vous lire la lettre dans laquelle en termes émus et éloquents, notre F.•. narrent me dépeignait, avant-hier, le Juste dont nous déplorons la perte :


« Tout ce qui anime cette oeuvre, tout ce qui inspire cette vie, se résume et s'explique par notre idéal maçonnique. C'est une des grandes vertus do cet idéal, que de réaliser l'accord et l'harmonie entre des hommes dont les idées, les aspirations, les doctrines, sont parfois si différentes.

Et cette même vertu opère, chez le franc-maçon lui-mine, la même apaisante harmonie.
Foureau en est un exemple parfait.

Il avait toute l'âme d'un conquérant, tout le cœur d'un pacifi­cateur. Sans affaiblir son énergie débordante, sans restreindre ses belles audaces, la bonté de l'homme et la fraternité du maçon les orientaient toujours vers la grande étoile de justice, qu'il saluait dans nos temples.

Il avait 1'organisation d'un de ces hommes d'affaires presti­gieux, qui étonnent le monde. Il a ouvert la route, où passeront, hélas, parfois, après lui bien des appétits, déchaînés, ... mais, en vrai maître, il gardait la règle et la mesure, et la sûreté de l'impu­nité, grâce au prestige de la force, ne le font ,pas quitter d'un pie) le chemin de rectitude qu'il s'est tracé.

Un maçon n'enrichit pas sa demeure avec la dépouille des faibles, et, de sa longue randonnée an milieu des faibles, Foureau rentre pauvre.
Quelle leçon, dont l'utilité est grande pour notre temps !
Nous pourrions continuer ce parallèle saisissant d'instincts qui prédominent, se 'muent en passions, mais qui, tenus en bride par-la raison de l'homme, se muent en qualités admirables.
Nous nous reprocherions de ne pas signaler aussi, comment l'admirable maçon que fut Foureau, sut concilier le grand 'amour de l'humanité avec l'ardent amour de la Patrie, de la France. Il la voulut plus grande, et, pour qu'elle fût vraiment plus grande, il la voulut aimée.
Il la montrait en sa personne, toujours loyale, toujours créatrice de pitié et de justice.
Cette France n'est-elle pas celle que notre maçonnerie veut voir vivre, grandir et rayonner. 
Foureau avait retenu les leçons de nos temples. Il les a réalisées au dehors !
Elles ont fait de lui l'honnête homme parfait, le frère affec­tueux et sûr, le fils, l'époux, le père modèle; et nous permettent de saluer en lui, avec les grandes vertus maçonniques, les grandes qualités françaises. »

Telle est la lettre que m'écrivait notre F
\ Harrent.
Bien cher F\ Foureau, bien cher ami, ouvrier merveilleux de civilisation, vous venez de nous quitter subitement, de vous endormir sans souffrance, au moment où vous alliez pouvoir jouir, comme vous le méritiez tant, des joies familiales dont tous vous étiez volontairement privé pendant un quart de siècle, sacrifiant votre intérêt particulier à l'intérêt général- po& vous consacrer, sans réserve, à la gloire de la France, gloire pacifique, triomphe des vertus humanitaires !
Au nom de la maçonnerie toute entière, je vous salue, elle est fière de vous!
Nous adressons nos respectueuses et sympathiques condo­léances à votre mère désolée, à votre vaillante compagne, à vos chères filles, à votre famille.
Puissent-elles se consoler de cette perte irréparable, puissions- nous nous consoler nous-mêmes, en pensant que vous avez donné pendant une vie toute de sacrifice, le grand exemple de ce que peu­vent produire la bonté, la justice, la loyauté, la tolérance.

Votre exemple ne sera pas perdu!


Adieu, mon cher F... Foureau, au nom de la Maç... Ecossaise. Adieu, adieu,


Reposez en paix !!!

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