GLDF Revue : Bulletin Officiel 02/1914

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PARTIE DOCUMENTAIRE
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ACTION MAÇONNIQUE
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LE DIMANCHE FAMILIAL
MATINÉES EDUCATIVES ET ARTISTIQUES ORGANISÉES PAR LA G.•. L.•. D.•. F.•.
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28 Séance (1913-1914) — 25 Janvier 1914
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LE MATÉRIALISME - LE CORPS ET L'AME

La séance est présidée par le F\ Harrent, Gr\ Orat\ de la G\ L\ de F\, assisté des FF\ Niade et Platel.

Le président salue l'auditoire et, au nom du Cons\ Féd\, remercie chaleureusement le conférencier, le F\ Dr Paul-Vital Badin, du concours dévoué qu'il a bien voulu nous apporter.

La conférence est la première d'une série sur le Matérialisme, qui a été annoncée dans le Bulletin n° 7. Elle a pour titre : Le Corps et l'Arne.
Le conférencier fait tout d'abord remarquer que la théorie matérialiste a des racines très anciennes dans l'histoire de la philosophie.
Cette théorie pourtant s'est vraiment définie et précisée au xvme et luxe siècle. Pas de force sans matière, pas de matière sans force, telle est sa formule.
Le conférencier se propose aujourd'hui de définir et de carac­tériser dans leurs rapports ces deux termes : corps et âme.

La science moderne situe nomme en le liant intimement à toute la nature ambiante. L'Observation de l'évolution des espèces géologiques et de l'évolution de l'espèce humaine, l'étude moderne de la biologie, apportent des arguments nombreux à l'appui de, cette conception scientifique et philosophique que l'homme ne saurait être considéré comme isolé du milieu.

Le corps humain est constitué, comme tous les corps vivants, par des cellules protoplasmiques. Le protoplasma chimiquement est à la base de la structure de tous les organismes.

Du protozaire (être unicellulaire) à l'homme, il y a une série continue d'êtres qui vivent d'une vie végétative identique. A me­sure que l'individu devient plus complexe, les manifestations de la vie ne changent pas, mais seulement se compliquent.

Au cours de son évolution individuelle de sa forme première à sa forme définitive, l'homme passe progressivement de la vie uni­cellulaire à la vie organisée par une série de formes embryonnaires qui rappellent plus-ou moine les êtres les plus simples du monde vivant. L'homme fait est une collectivité cellulaire organisée.

La mort de l'être est une mort sticcessive des individualités qui constituent la société cellulaire qu'est l'homme.
Qu'est-ce donc que l'âme ?
Quelque chose d'indépendant du corps? Vie intellectuelle, phé­nomènes psychiques, dépendent de facultés innées, disent les spiritualistes.
L'âme est quelque chose qui se superpose au corps matériel et lui survit, parce que d'essence divine et mystérieuse, disent encore les religions révélées.

Or, toutes les études sur le cerveau démontrent qu'il y a rapport direct entre la structure anatomique du cerveau et le développement progressif de l'être humain.
Il en est ainsi aussi bien dans l'échelle de la série animale que dans le développement progressif de l'être humain.
L'examen des cerveaux des races humaines plus ou moins déve­loppées intellectuellement, aboutit aux mêmes constatations.

L'observation des faits pathologiques nous apporte encore des preuves importantes des relations intimes qui existent entre la matière cérébrale et la vie morale et intellectuelle.

Volonté, intelligence, conscience, s'atrophient ou disparaissent là où l'organe cérébral est incomplètement développé.

Le cerveau serait-il simplement l'instrument nécessaire de la pensée qui, pourtant, n'en existerait pas moins en dehors 'de lui, entité toujours identique à elle-même, individuelle, immortelle, comme on l'a avancé.

Comment concilierez-vous, nous dit-on en effet, l'identité du moi avec la transformation continue des cellules vivantes ?
Les cellules, remarquons-le, en se renouvelant laissent subsister les organes formés de leur association.
Du fait que le cerveau est divisible en de multiples parties qui se renouvellent, il ne faut pas déduire qu'il ne peut être le siège de l'âme qui, elle, serait indivisible.

D'ailleurs, l'identité du moi n'est pas absolue : pensons aux effets de l'état d'hypnose, aux effets de certaines maladies qui annihilent plus ou moins longuement la conscience, laquelle ne renaît qu'après la guérison. Que fait l'âme dans ces intervalles de temps?

L'âme, Kant lui-même le remarque, est susceptible de se trans­former, de dépérir ou de croître'.

En réalité, de même qu'on ne peut séparer, la fonetion diges

tive de l'organe digestif, il est impossible de séparer la fonction de Pâme, prétendue immortelle, de son organe nécessaire : le cerveau. Rien ne permet de considérer la fonction intellectuelle comme seule digne de l'immortalité, comme si différente des autres fonctions.

Est-ce encore une fonction propre à l'homme exclusivement. Rien n'est moins prouvé : volonté, intelligence, conscience, se ma­nifestent sous des formes variables chez les animaux.

L'orateur dégage de tes constatations scientifiques les conclu­sions philosophiques qu'elles imposent. Il le fait avec une admi­rable élévation de pensée qui soulève souvent les applaudissements de ses auditeurs.

La matière et l'énergie, disent les matérialistes, sont éternelles, seules les formes sont changeantes. La mort de l'être vivant en­traîne la libération d'énergies associées, qui ne mourront pas, de même que la matière qui se transforme par la mort ne saurait disparaître. Rien ne se perd, rien ne se crée — tout se transforme : c'est la loi.

Pourquoi l'énergie pensée échapperait-elle à cette loi commune ? Du vivant de l'être l'énergie intellectuelle se transmet d'être à être en se modifiant et se développant ; après la mort, elle change, elle se transforme, mais elle reste immortelle dans l'immortel Univers.

Tout est plein d'âmes dans l'Univers, dit de la Mettrie, savant du xviiI siècle, et dit Mmtterlink, philosophe moderne, dans sou puissant livre, L'Oiseau Bleu. Celui-ci nous montre les enfants Tyllil et Mytil, au cours de leur voyage vers l'Idéal, entrant au cimetière. Ils trouvent les tombes vides, ils n'aperçoivent que la grande âme de la Terre. Il n'y a pas de morts, tout est vivant rien n'est mort, la vie est universelle et éternelle, l'immortalité de la forme dépend de notre fidélité, elle seule meurt si nous l'oublions.

La conception de l'Immortalité du Tout matériel et immatériel seule peut nous élever à la pleine conception de l'Idéal, satisfaire notre Raison, et nous faire concevoir, sans égoïsme, le sens profond de la Vie  en nous associant par l'effort voulu, conscien­cieux, à la Vie Universelle Eternelle.

Les applaudissements retentissent longuement, et le Président remercie le F\ Badin de cette superbe conférence si documentée scientifiquement, si belle de forme, si profonde philosophiquement, et qui précise d'une façon si parfaite notre Idéal, notre raison de Vivre et d'Espérer.

Le concert qui suivit eut un légitime succès, grâce nu dévoue­ment de nos organisateurs, les F\ Rosien et Gratis, grâce au talent franchement apprécié de Merles Dagnelli et Renée Fleury, de MM. Gaston Lainé, Rosien, Lemercier. 


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