GLFM Bulletin : Bulim Misraïm 10/2012

Le Pas de coté

Trois pas, puis deux. En levant les yeux, à peine entrée dans le temple, ma première impression est d'être a l'air libre, de marcher à la belle étoile. Avec les outils sur l'épaule, je deviens vagabonde, errant comme le fou du tarot, sans savoir bien ou je vais. Le monde est vaste.
Et le sentier commence. D’abord les trois pas d'apprenti; puis deux vers l'inconnu. Cinq pas.

Effectivement, sympa, ce pas qui, dans la continuité de l’apprentissage, bifurque vers la decouverte. Est-ce la liberte qui me grise et me fait zigzaguer ? Au bout des trois pas, du trepas, de la mort du passé, c'est le présent. Le cadeau du choix : Vais-je a droite ? Vais-je à gauche ?

Invitée à marcher, à voyager et à decouvrir, j'arpente l'atelier au gré des quatre points cardinaux, comme pour un allegorique tour de France. Randonnée initiatique. Au bivouac, la pomme que je tranche a dans le cœur une etoile de cinq pépins. Cinq orientations. Cinq sens
comme les miens ; Voir, ecouter, sentir, gouter, toucher, aborder tous ces domaines dont mes frères et sœurs me parlent : les styles architecturaux de colonnes, les grands courants de pensée, les arts libéraux. C'est beaucoup, tant de domaines a parcourir.

Ce tracé en bifurcation me fait songer à un carrefour, l'alternative du chemin entre les jours heureux et les jours sombres, le moment où il faut choisir, l'instant où je tranche entre ma part de lumière et mon coté obscur. Mes pas sont hésitants. Ils deviennent baguette de sourcier,
attentifs au perceptible, sensibles à l'invisible.

Ils pèsent le pour et le contre avant de s'engager. Discemement. Faire attention mais continuer à marcher. Alors je me souviens des deux mots écrits sur le mur noir du cabinet de rétlexion : vigilance et persévérance. J'ai besoin de me recentrer. D'où le pas à dextre, puis le pas à senestre : pour éviter les faux pas, revenir sur l'axe et trouver un équilibre. Ressemble à ce que font tes pas, rassemble ce qui est épars..

Je pense au cinq. Un point central et puis l’éclat. Se tenir debout puis rayonner. J'ai cinq ans, cinq sens, je marche cinq pas, trois plus deux.
Mais cinq, c'est aussi quatre et un. Quatre points cardinaux et le centre, quatre éléments plus un, la cinquième essence, la quintessence de l'âme des choses.
Quatre comme les angles que forment le tablier et le coin du repli, quatre comme les faces de la pierre à tailler plus la pointe. Pour tracer un carré, j'ai l'équerre. Son nom vient du latin « exquadrare ›› qui signifie équarrir, rendre carré.
Mes jambes d'apprentie etaient la régle : trois pas tout droit. Mes jambes de compagnon deviennent l’équeire : deux pas qui forment un angle. La mesure de la régle et la rectitude de l'equerre me guident. Voir mais aussi entendre.

Le pas est dans le compas. Il se peut que je me perde, que je tourne en rond. J'entends mon compas comme la compassion, la reprise du souffle, la maitrise des battements cardiaques.

En plein cœur de l'étoile flamboyante, je lis la lettre G. Septième dans l'alphabet comme l'initiale de sages grandeurs : G comme GADLU, comme Gravitation, comme Géométrie, comme Génération, comme Génie, comme Gnose. Des concepts difficiles dont le sens m'échappe. Là, le chemin devient abrupt. G comme l'axe du degré à gravir.

Marcher devient un reflexe. Pendant ce temps, ma tête s'évade. Ma mémoire replonge dans ce film de science fiction où quatre éléments, complétés du cinquième, sauveront le monde.

Les Mondo-Shawans, forces du bien, cachent les Cinq élements. Mais les Mangalores, émissaires du Mal, les exterminent. Enfin, pas tout à fait ! Au milieu des décombres, il ne reste  qu'un gant. Ce gant, placé dans le secret d'une machine, va reconstituer un être nouveau : d'abord le squelette comme une colonne née de l'invisible. Puis les muscles comme formes par la colonne de force. Ensuite les organes comme insufflés par la colonne sagesse. Enfin la peau comme nee de la colonne beaute. Et l'être se lève, mu par une invisible loi naturelle, qui le fait tenir debout comme la fumée se dresse de la terre vers le ciel. Par la fumée, per fumare, parfum. Je respire. Retour sur terre.

Quelque chose m'a éveillé. Une main sur mon épaule. Nous les faisons tous ensemble, ces voyages. Cette main qui m'épaule, c'est un fil d'Ariane dans le dédale, une ótoilc qui rayonne dans la nuit, une chaleur fraternelle qui unit. A la fois seule et reliée au monde. Je me souviens de cette statue, dans l'église de mon village.

Une statue de St Roch au bas de laquelle un chien porte un pain dans sa bouche. Il se tient là, avec le pain, cum panem, compagnon. Et je me retrouve dans l'errance de ce chien, dans sa fidelite, dans son desir de partage, dans sa soif de découvrir le monde.
Au beau milieu de ce grand labyrinthe, mes pas cherchent leur voie. Leur dessin en Y voudrait suivre ce vieil adage de l'Antiquité : « Donne
moi le courage de changer ce que je peux changer, la force de supporter ce que je ne peux pas changer et le bon sens de faire la différence entre les deux ››

J’ai dit,
Publié dans le Bulim - Bulletin N° 41 - 31 octobre 2012  -  Abonnez-vous

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