GLFM Bulletin : Bulim Misraïm 04/2012

Le Rythme de la vie

Comme les perles d’un chapelet, les heures s’égrènent lentement. Corps de plomb, esprit embrumé, je respire. Alors est ce que je vis ?
Mes membres s’enfoncent dans un épais brouillard.
Est ce que je somnole ou peut-être que je rêve ?

Qu'importe, puisque de nouvelles sensations surgissent. Par intermittence, je sens sa main qui me caresse, son odeur me provient: un mélange de tabac indissociable de son eau de parfum. Il ne parle pas, il est là, tout simplement, sa présence me rassure et m’apaise.
Je flotte, non pas tout à fait, mon esprit flotte entouré de ce que j’ai eu de plus chers.

Est ce que je suis dans l’au-delà ?
Non, car j’entends la voix chaude de ma tante qui me rappelle et me conduit avec une douce sollicitude.
Je m’imagine traversant le Styx, je ne rencontre personne. C’est peut-être ça le NEANT ?
Dans Penfermement de tout mon corps, seul l’esprit navigue. J 'ai une compréhension physique du Peyotl. Mais où est le shaman.
J’entends bien les tambours, le tintamarre de mon premier voyage initiatique. La lumière se mérite, elle s’accroche comme un filament aux aspérités de la caveme et de la roche.

Mon univers soyeux s'effiloche, des fils de certitude tombent, la matérialité n’existe plus.
Je suis seule dans un désert brûlant et je ne vois pas l’ombre légère de l’oasis. Mon esprit est en veille. Alors, apparaît le Renard, il est moi, je regarde le monde à travers ses yeux d”agates.

Les oreilles frémissent, il scrute, avance d”un pas prudent. Ses pattes effleurent le sol, je suis légère en lui, ma peur du monde inconnu est sa peur. ll est vigilant, prudent, patient. Comme pour la table de divination, il va et vient entre les rochers aiguisés. A chaque pierre, je retrouve une étape de ma vie. Je ressens de la douleur, du désespoir parfois. Mais ce qui m’enveloppe c’est l’amour des miens. Les épreuves aussi cuisantes soient-elles, m’ont fait grandir, elles ont trempé mon amour qui est comme la vague de l'océan : haute, forte et qui relie les eaux d’en haut vers les eaux d’en bas.
Tel l’arc en ciel qui relie la voûte céleste à la terre. Je sens grandir en moi l’amour universel.
Les pattes du Renard égrénent le sable, comme une myriade d'e'toiles ; il s'éparpille comme s’éparpillent mes peines et mes joies. Seul l’amour m’habite. Une grande sérénité me submerge, le Renard s’interroge et de ses yeux coulent un flot de miel.

Où dois-je aller ?
Comment aller vers la vie spirituelle ?
Il se demande qui est le vieux sage, gardien de Lausanne ?
Pourtant il sait que c’est un druide celte, il n’a pas besoin du Peyotl ni du Datura. La sauge, l'ortie, le millepertuis et le gui sont à sa portée.
Mais les gestes sont les mêmes. Cueillettes savantes, séchage, pilage...Et pendant ce temps, l’âme incamée voyage au-delà des monts et des vallons.

Tout se rejoint ; l’âme est universelle. La connaissance est Pexpérimentation de son MOI.
Pas de livres, pas d’Intemet juste les cinq sens réincamés, la nature pour dictionnaire et le désir de vérité.
Mes pattes brûlantes me rappellent le difficile chemin de la Vie. Et pourtant, je marche, je marche, écrasée de fatigue. La mort n’est qu’une parenthèse pour mieux revivre. Mais où est la vie ?

Patience, prudence, cheminement solitaire, amour, compassion pour tous les êtres vivants...J'entends la respiration du chêne, j’entends ses glands mûrir et tomber au sol pour que d’autres chênes naissent et que vivent des animaux.
Il me semble que la vie terrestre de certaines personnes ressemble à ce chêne cemé par le béton qui produit encore des glands mais qui sont vite balayés et ne serviront à personne.
Renard suis-je comme le chêne, avec une belle frondaison mais dont les fruits restent stériles ?
Pourrais-je un jour répondre à cette question ?

Je sens, le Renard a pitié de moi car il sait depuis longtemps que seule l'harmonie de la vie est essentielle.
Doucement, il me conduit, mes sens confondus avec les siens. Je hume au loin la fraicheur de l’oasis ; je perçois le bruit de l’eau qui ruisselle comme une symphonie. Mes pattes touchent le tapis enfin retrouvé du trèfle. J’entends avec une grande intensité le concert des oiseaux.
Puis je goûte l’eau cristalline, ma langue râpeuse retient les gouttes de la vie.

Alors, un torrent de vie m’engloutit, toutes mes douleurs sont emportées, mon corps lavé retrouve une pureté perdue. Un flot d’amour et de reconnaissance m’envahissent. Je suis au centre du monde et comme un enfant émerveillé, j’apprends à pas comptés à EPELER...

J 'ai dit.
Athanor
Publié dans le Bulim - Bulletin N° 36 - 30 avril 2012  -  Abonnez-vous

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