GLFM Bulletin : Bulim Misraïm 05/2011

C'est par sa conscience que l'Homme est relié au Divin

Le yoga est la philosophie de la conscience. Depuis une époque très ancienne, les maîtres yogis en ont fait une étude approfondie et ce, bien avant la psychologie et la philosophie occidentale. Pour cette antique ascèse, les notions d'inconscient et de subconscient faisaient l'objet de l'étude et de la pratique des adeptes, car ils devaient apprendre à rendre conscients des phénomènes inconscients. Ceux-ci  appartiennent à l'ordre physiologique, le fonctionnement de notre corps et de nos organes. Tout ce qui a trait aux phénomènes organiques échappe à notre conscience, sauf en cas d'accident ou de maladie. Ces phénomènes appartiennent au monde objectif, au monde sensible connu seulement par l'intermédiaire de nos sens, alors que le monde subjectif est du domaine des pensées ; seules les idées peuvent être perçues directement par la conscience sans que les sens interviennent. Mais pas toutes car le monde subjectif comprend à la fois le conscient et le subconscient, c'est à dire tout ce qui est au-dessous du seuil de la conscience.

Étymologiquement,  la conscience est tout à la fois la perception que l'on a de notre propre existence et du monde, de la vie, mais aussi un jugement de valeur, au sens moral, que nous donnons à nos actes ; la conscience du moi, comme disent les métaphysiciens. C'est la conscience d'être, d'être relié à soi et au monde, en pensée et en action ; être présent à nous-mêmes. La difficulté est là, dans le passage des concepts, fruits de l'intellect à l'être, de l'existence à l'essence, de la croyance à un monde extérieur et étranger à nous-mêmes à l'essentiel, l'essence du Ciel ! On peut passer toute sa vie à côté de l'essentiel !  Et cependant cette conscience en nous n'est pas autre que nous, nous sommes cette conscience ! 

Si le cerveau est le siège des pensées, le cœur est considéré comme celui de la conscience. Mais n'est-il pas paradoxal de constater que le travail de notre conscience advient par la mise en silence de nos pensées afin de nous recentrer et rejoindre notre maître intérieur ! Nos pensées existent-elles ? Ne sont-elles pas le produit de notre mental via notre ego ?  Sommes-nous nos pensées ? Ne pensons nous pas dans notre tête, malgré nous comme dehors il pleut ?   Notre chemin initiatique commence toujours par une prise de conscience. C'est ainsi que l'on se retrouve un jour dans le cabinet de réflexion pour trouver des réponses à nos questions existentielles et un sens à notre désir d'être. Nous avons toujours le choix par la grâce et l'exercice de notre libre arbitre. Nous devons juste décider d'être, pas demain, mais maintenant, dans le moment présent.

Mais être ne s'apprend pas, puisque l'on est déjà ! Nous ne somme pas nos egos mais des êtres humains. Un arbre ne se demande pas s'il doit être, il est tout simplement. La vie ne calcule pas, elle agit et elle crée. Si nous voulons être, nous devons agir et créer avec le cœur, car le cœur ne calcule pas. Nous devons consciemment choisir la Lumière que l'on entrevoit au bout de notre nuit, celle qui luit dans nos ténèbres intérieures, notre Athanor, notre labyrinthe. Mais pour ne pas se perdre en chemin, nous devons avoir confiance dans  la vie en acceptant l’insécurité, c'est-à-dire lâcher-prise, nous obligeant à faire face  à nos peurs. Comme ce randonneur qui, un jour longeait une falaise. Tout à coup  la terre cède sous son pied et il tombe dans le gouffre. Il se rattrape de justesse à une branche et se retrouve pendu dans le vide avec trois cent mètres au-dessous de lui :
-        Au secours ! Au secours ! Il y a quelqu'un ?
-        Oui, qu'y a-t-il, répondit une voix puissante ?
-        Aimez-moi !
-        Crois-tu en moi ?
-        Je suis Dieu !
-        Dieu ? Ah ben tu tombes bien, Aide-moi !
-        Tu ne m'as pas répondu, crois-tu en moi ?
-        Mais bien entendu !
-        Totalement ? Sans conditions ?
-        Bien sûr ! Vite, je fatigue ! Aide-moi !
-        Très bien, je vais t'aider. Pour cela tu dois lâcher la branche.

Court moment d'hésitation !

Au secours ! Il n'y a pas quelqu'un d'autre !

« Seul, tu es responsable de tes actes devant toi-même et ta conscience est le maître redouté de qui tu dois toujours prendre conseil » (Papus). Notre maître intérieur est celui qui se trouve au fond de notre cœur et  représente le principe supérieur en nous, notre étincelle émanée du Divin.

Le chemin initiatique est tout à la fois la perte de nos illusions, champ de bataille de notre destinée humaine. Les épreuves que l'on subit nous aident à lâcher prise, à nous libérer du poids des émotions et de toutes les attaches terrestres. Ce ne sont pas les épreuves qui importent mais la force que l'on trouve au fond de soi, lorsque l'on est au fond du gouffre pour remonter. On n'est plus alors dans l'épreuve, mais dans notre expérience intérieure.

En nous se trouvent les germes de notre transformation. Car c'est dans notre regard que le monde se transforme.  Nous sommes là pour apprendre à nous découvrir, à nous aimer, à reconnaître nos qualités et nous élever. C'est par amour que nous sommes là. L’Amour est la clef de tout.

« La vie vous donne le miel sur la lame de rasoir et le goût de miel se transforme en goût de sang dans la bouche » (swami  Pradjnanpad) ; c'est un travail de conscience sur nous-mêmes dans l'Amour et la compassion  que nous devons faire seul, car nous sommes notre propre guide.

Mais pour commencer à être, nous devons d'abord et encore toujours faire face à nos peurs, notre part d'ombre, nos ténèbres. Comment nommer ces peurs impossibles à échanger qui nous hantent ? Comment les dépasser sinon en les reconnaissant et en les nommant pour retrouver confiance dans la force de vie qui nous porte ! C'est à ce prix seulement que nous pouvons espérer accomplir notre vie. On doit tout prendre, tout compte dans cette œuvre, la fin comme le commencement, les joies, les espérances comme les pertes et les souffrances ; chaque seuil, chaque épreuve nous enjoint de mourir à nous-mêmes et à nos illusions afin de devenir toujours plus conscient.  Cette ombre, notre ombre, révèle tout ce que l'on a refoulé, rejeté, mais aussi ce qui n'a pas eu la chance d'être développé en nous. L'ombre contient tout le négatif en soi, mais aussi tout le potentiel. Il est donc très important d'en prendre conscience, et peu importe la manière dont nous faisons ce travail ; là réside notre véritable liberté, celle de

la conscience. En cessant de subir la vie, en en devenant acteur, on se l'approprie. Comment pardonner aux autres nous-mêmes leurs défauts et erreurs si nous ne nous pardonnons pas d'abord nos propres fautes, égarements et manquements ! Accepter et revendiquer de se tromper pour apprendre à ne pas reproduire les mêmes erreurs et cela sans jugements. Transmuer ses défauts en qualité en un mot se régénérer afin d'acquérir les vertus qui font notre dignité d'être humain.

On ne naît pas qu'une fois dans notre vie, on naît à l'enfance, à l'adolescence, à l'âge adulte, à la vieillesse ; mais la plus belle naissance qui soit, est celle que l'on fait à soi-même, à son âme, à son être intérieur ; la vie prend alors tout son sens. Quand on est né à soi-même, on vit parce que l'on veut vivre et non parce qu'on y est obligé. On prend enfin part à la vie et à l'univers. La vie, la liberté, la conscience et l'Amour sont Une seule et même chose. Comme le dit Épictète :« l'Homme est celui par qui l'univers devient conscient ». Le sens de la Vie est dans la vie même ! À nous de la vivre pour devenir ce que nous sommes, des vivants. C'est l'amour qui nous fonde ; bien au delà des sentiments, c'est la substance même de la création !

Là est notre lien et notre mission : entre le ciel et la terre ; le seul voyage qui vaille la peine d'être entrepris … Celui de notre conscience sur la voie spirituelle. Comme l'a écrit St Jean de la Croix dans le Cantique spirituel :

« Éteins mes tourments, puisque nul ne sait les réduire,
Et que te voient mes yeux, car tu es leur Lumière,
Et je ne veux que pour toi les avoir,
Découvre ta présence, et que me tuent ta vue et ta Beauté,
Vois, que la douleur d'Amour
Vois, qu'elle ne guérit que par la Présence et par la figure ».

J'ai dit

Une Sœur d’Athanor – GLFMisraim

Publié dans le Bulim - Bulletin N° 28 - 31 mai 2011  -  Abonnez-vous

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