GLFM Bulletin : Bulim Misraïm 04/2011


Editorial du Sérénissime Grand Maître

La franc-maçonnerie française ne se caractérise pas par un nombre pléthorique d’adhérents. A contrario des pays anglo-saxons. Les brimades voire les tentatives d’extermination, subies par les franc- maçons, lors de périodes troubles de notre histoire durant les siècles derniers, ajoutées à certains scandales dont la presse est friande, ne présentent pas un attrait, une séduction, un engouement. Le profane qui frappe à la porte du temple, si l’on exclut d’emblée les profiteurs, les affairistes, les noyauteurs politiques, etc. présente donc un profil très particulier. S’intéresser à la franc-maçonnerie traditionnelle et symbolique requiert une démarche, une détermination singulière peu commune. Elle aura pour origine, en général, une volonté de rompre avec le quotidien et de se consacrer à des travaux, selon les cas, sociaux, philosophiques, spirituels. Le déclic s’opérera suite à une rencontre suivie de discussions, d’échanges, de découvertes de complicités, de zones d’intérêts communs, de partages d’idéaux pour finalement déboucher sur

une cooptation, un parrainage. D’autres demandes d’initiation se feront spontanément à l’issue de recherches personnelles ou de participation à des conférences ou encore de ce que nous avons coutume d’appeler des tenues blanches ouvertes. Une fois ce processus engagé, le profane accepté et initié découvrira les spécificités de l’endroit où il se trouve. C’est par cette alchimie particulière qui relie les hommes entre eux que les choix s’opèreront et s’orienteront, souvent au gré du parrain et non du filleul vers telle ou telle obédience. Beaucoup de membres de notre obédience ont suivi cette voie sans en connaître les tenants et les aboutissants. L’ancienne Égypte, si elle peut représenter souvent une fascination, une source d’étude voire d’inspiration est difficilement « traductible » dans la franc-maçonnerie moderne pour le profane. Certes, l’avenir se nourrit de traditions et d’expériences, mais de là à remonter à des milliers d’années avant Jésus Christ !!! Comment cette société résolument polythéiste (en apparence), reposant sur une organisation sociale complexe, vivant au rythme des crues d’un fleuve, peut-elle s’insérer harmonieusement dans nos raisonnements, nos occidentales ? Je n’aurai pas l’outrecuidance d’imaginer un instant pouvoir répondre à cette question. Mais je pense intimement que les deux aspects sont dissociables : l’intérêt pour l’Égypte et ses mystères, pour la franc-maçonnerie et ses traditions. On peut être passionné par ce pays et son histoire sans pour autant être franc-maçon, on peut tout à fait se rendre au temple maçonnique plusieurs fois par mois sans exprimer le moindre intérêt pour les pyramides, Karnak et Abou Sim bel... Nous avons parmi nos membres, certains frères et sœurs qui font preuve de frilosité vis-à-vis de l’Égypte, nous en avons aussi qui sont tellement passionnés par cette civilisation qu’ils en oublient qu’ils sont en franc-maçonnerie ! Je me garderais bien de donner raison à l’un ou à l’autre, tout ce « beau monde » cohabite dans une ambiance fraternelle sans faille et il serait ridicule de vouloir les opposer. Le juste milieu fait, notamment à travers le symbolisme du pavé mosaïque, partie intégrante des valeurs recherchées et prônées par la franc-maçonnerie. Je reste néanmoins persuadé que les deux sujets sont des sources inépuisables de recherche et d’enrichissement... De plus, se résoudre à étudier l’Égypte dans le cadre initiatique proposé par la franc-maçonnerie est tout aussi stimulant que de rapprocher, à fortiori, l’initiation maçonnique aux connaissances préalables du profane sur l’Égypte. Alors, où est le lien ? 

Comment expliquer que Platon, Socrate et autres philosophes aient éprouvé le besoin de recueillir les fruits d’une initiation égyptienne secrète ? 

Comment se fait-il que Cagliostro est exercé cette fascination partout où ses pas l’ont mené ? Mozart fut-il à ce point magnétisé par les rites égyptiens qu’il éprouve le besoin de s’y référer dans plusieurs de ses œuvres dont l’extraordinaire « flûte enchantée » ? D’où viennent ces grades mystérieux qui allient le symbolisme, la philosophie et l’alchimie ? Cette antériorité du rite de Misraïm est-elle étrangère à l’attitude de mise à l’écart parfois constatée ? Une fois copié... on le rejette, en toute fraternité évidemment. Autant de questions, et elles sont nombreuses, qui, sans répondre complètement, sont autant d’indices qui expliquent en partie pourquoi les frères et les sœurs qui pratiquent le rite de Misraïm au sein de notre obédience ont cette petite lueur au fond des yeux. Cette passion que nous rêvons de partager avec le plus grand nombre n’a pas son pareil ailleurs. 

Gardons nous bien de gâcher cette formidable opportunité et peu importe que nous ne soyons pas des milliers à la partager pourvu qu’elle perdure ad vitam aeternam.

Eric JACQUES

Publié dans le Bulim - Bulletin N° 27 - 30 Avril 2011  -  Abonnez-vous

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