GLFM Bulletin : Bulim Misraïm 03/2011

Message de 'L'EDIFICE KHEOS'
 sur la crise sociopolitique en Côte-d'Ivoire


« L’ÉDIFICE KHEOS »est une association d’hommes et de femmes, nés libres, épris de Paix et de Justice, vivant et ayant des intérêts en Côte d’Ivoire. C’est donc en tant que tels que nous sommes interpellés dans la crise sociopolitique que traverse notre patrie.
« L’Edifice Khéos » n’a évidemment de leçon à donner à personne, et nombreux sont certainement des ivoiriens qui sont bien plus méritants de s’exprimer. Il nous faut réfléchir à la Lumière de valeurs, dont la première doit être la valeur de l’Autre. Défendons ce qui inclut et intègre, dans le respect de la dignité de la personne et de sa différence. Au moment où le bouillonnement des passions s’agite, « L’ÉDIFICE KHEOS» voudrait rappeler que toute construction humaine qui se veut viable, se fait dans la Paix mais aussi dans l’Union, et la Vérité.

« L’ÉDIFICE KHEOS » observe que de façon didactique, l’allégorie de la caverne de Platon rappelle la nuit longue que nous traversons et peut nous aider à une compréhension de ce qui nous arrive en Côte d’Ivoire. « La Caverne de Platon » fut écrite à un moment où Athènes est sur le déclin, où la vie est renversée et où il convient de redresser l’agencement de la vie en toutes ses modalités, d’assurer à l’existence publique vitalité et verticalité, afin que plus jamais aucun Socrate ne soit assassiné. Il nous y est demandé de nous figurer des hommes enchaînés et immobilisés dans une demeure souterraine depuis leur enfance.

Ils ne peuvent ni bouger, ni voir ailleurs que devant eux, les ombres projetées sur la paroi de
la caverne par le feu qui est allumé sur une hauteur derrière eux. Pour pareils hommes, n’est réel que ce qu’ils voient sur le mur.

Prisonniers de l’immédiateté de l’ici et du maintenant, et ignorant même qu’ils sont prisonniers, comment pourraient-ils savoir qu’il existe un ailleurs, un monde s’étendant derrière eux, duquel provient la lumière, par quoi des objets sont réfléchis sur la paroi de la caverne ? En un mot, ces hommes voient sans voir, entendent sans entendre. Des choses, ils ne voient que les ombres, et des sons, ils ne connaissent que les échos !
Qu’est ce que la caverne, sinon le monde dans lequel nous vivons ? Un peu Notre Côte d'Ivoire, où nous nous attachons à nos habitudes acquises dans le monde sensible et matériel, à nos préjugés qui nous aveuglent et nous éloignent de la vérité. L’enseignement de cette allégorie nous indique aussi combien nous demeurons réticents et résistants au changement d’où qu’il vienne.

Platon décrit la très pénible ascension de l’âme vers l’intelligible, pour se mettre en appétit de l’idée du BIEN. Le philosophe souligne qu’on ne saurait voir cette idée du BIEN sans la vouloir, sans conclure qu’elle seule permet de nous « conduire avec sagesse dans la vie privée et dans la vie publique ».

Mais le prisonnier libéré de la caverne doit y retourner pour éclairer les autres, car il a vu la lumière et il importe que la lumière se répande. Ceux qui veulent nous gouverner sont en guerre, et les droits de l’homme commencent à devenir des requis plutôt que des acquis.
Nous restons fondamentalement persuadés, que la situation difficile que nous connaissons interpelle tous les citoyens que nous sommes et nécessite une remise en ordre correspondant aux exigences légitimes de tous. Il convient, pour aller dans cette voie, de contenir nos passions et privilégier la raison. La devise de notre cher pays est porteuse d’un idéal de Paix, garant de la cohésion de la Nation. Portons alors sur la situation de notre pays, un regard citoyen éclairé par les trois valeurs de notre devise : Union, Discipline, Travail. Le citoyen doit en effet, revendiquer l’Union.

De ce fait son combat doit être d’abord celui de la fraternité, de la tolérance, de l’égalité, de la liberté individuelle et collective, dans l’Amour. Ce combat doit se faire dans la paix et par le dialogue. Le citoyen doit ensuite s’inscrire résolument dans la Discipline. Rien ne peut être construit dans le désordre, dans le chaos. Enfin le citoyen doit s’inscrire dans la marche vers le progrès par le Travail, qui seul libère l’individu. C’est donc dans la claire perception de ces valeurs fondamentales, que nous devons engager notre réflexion sur la crise que nous traversons. Si la politique n’a d’autre loi que l’efficacité, celle-ci justifie- t’elle qu’on sacrifie les principes éthiques sur l’autel de la raison d’Etat ? Dans l’absolu, il n’est pas souhaitable de discuter sur les mérites respectifs des entités en présence. La valeur de chacune d’elle doit être prise en considération en référence à la conjoncture particulière où interviennent des facteurs internes ainsi que des données externes. Mais, les actes posés et les propos tenus par ceux qui veulent nous gouverner, reposent sur une erreur et constituent une menace. L’erreur est celle d’ignorer l’héritage de paix, de dialogue et d’union fraternelle de l’histoire de la Côte d’Ivoire. Vouloir tirer un trait sur l’histoire, c’est refuser le progrès de la société et le bien être des populations. Car la paix est une valeur universelle qui permet l’intégration de toutes les différences pour mieux vivre ensemble.


Plus gravement que de reposer sur une erreur, ces actes et ces propos constituent une menace. C’est d’abord une menace quant à l’indivisibilité de la République. L’introduction du religieux et l’indexation ethnique dans la sphère publique porte en effet le risque réel des divisions communautaires. La culture de paix et de tolérance peut en revanche, protéger contre les surenchères des conceptions qui rivalisent.
Ces propos et ces actes constituent ensuite une menace sur le lien social. Les citoyens de ce pays, et en particulier les premiers d’entre eux, ne doivent rechercher que ce qui unit et intègre et non ce qui rompt le lien social.
Enfin, les propos et les actes de nos politiciens constituent une menace sur la liberté de penser et celle de s’exprimer.

Bien sûr chacun agit dans la sphère publique selon ses convictions, ses choix et ses projets. Mais ce qui se décide dans la sphère publique concerne le bien de tous. Nous croyons en la possibilité pour chacun de mettre son intelligence au service du bien de tous. Et le premier bien dont doit disposer chaque citoyen, est la liberté de conscience. Seuls, face à nous- mêmes, privés de la lumière physique, nous n’avons plus que nous-mêmes comme référent. Toute notre réflexion doit alors nous conduire vers un Idéal au service du bien, du juste et du beau, réunis en dépit de nos différences et de nos doutes. Platon à travers le mythe de la Caverne, invite les hommes politiques et les citoyens à briser les chaînes qui les maintiennent dans la caverne pour affronter la vérité avec courage et abnégation. Il est temps pour nos dirigeants politiques, d’adopter avec humilité, une attitude sage pour épargner le peuple des conséquences désastreuses d’une malheureuse aventure. Soyons donc des hommes et des femmes responsables pour ne pas être demain des coupables d’erreurs ou de fautes sciemment commises. Nous sommes responsables de nos compétences, de nos connaissances, de nos engagements, de nos actes, de nos idées, au passé, au présent et au futur, ce qui nous impose prudence, discernement et bon sens.

Pour redonner un rôle actif au citoyen et l’inciter à s’engager avec responsabilité, pour l’éduquer à ses droits et devoirs, les médias sont interpellés. Ils doivent diffuser des informations justes, pertinentes et de qualité. Ils doivent initier des débats publics et contradictoires, et être le porte- parole des sans voix. Aujourd’hui on médiatise avec complaisance, les déviances, les incivilités, les violences...et on occulte trop souvent les violences institutionnelles de la République, qui inciteraient à toutes autres violences réactionnelles. Le rôle de chacun, si minime soit-il, est fondamental. Mais cette initiation au pacte républicain ne sera pleinement efficace que si la politique est revue et que les frustrations qu’elle induit disparaissent, si les services publics le deviennent effectivement, si les principes républicains et les idéaux de tolérance et de fraternité s’inscrivent dans les cœurs et dans les faits. Les politiciens, devraient se souvenir que le peuple est infiniment patient, qu’il a de la mémoire, qu’il sait supporter l’oppression, mais que sa soif de justice finit toujours par lui faire reprendre ses droits naturels, inaliénables, sacrés et imprescriptibles. Les voici aujourd’hui, heurtés au pouvoir et à l’ambition, à l’ignorance, au mensonge et au fanatisme, qui est une certitude stérile, un déni de l’espérance et de la liberté de l’Homme. Après avoir fait l’analyse de l’erreur sur laquelle repose les actes et les propos des politiciens, il y a lieu d’aller plus loin et de se demander si leur entreprise de conquérir ou de conserver le pouvoir ne repose pas sur quelques illusions. L’illusion n’est elle pas plus dangereuse que l’erreur ? Les apparences sont souvent trompeuses.

Si l’humilité et la sagesse nous habitent tous, si nous nous départissions de l’ignorance qui nous rend prisonniers des apparences, si la lumière tirée de l’enseignement dispensé par l’allégorie de la Caverne de Platon nous éclaire suffisamment pour nous rapprocher de la réalité, nous saurons nécessairement dépasser nos différends et différences, pour élever l’Amour de l’Autre au-dessus de tout.

La fin ultime que nous devons rechercher est de bâtir une Cité juste et harmonieuse et prospère, dans une République en paix.

La nuit est tombée sur la Côte d’Ivoire, mais le Sage sait qu’il y a une aube au bout de toutes les nuits.

J'ai dit VM

L’ÉDIFICE KHEOS Salomon

Publié dans le Bulim - Bulletin N° 26 - 31 Mars 2011  -  Abonnez-vous

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