GLFM Bulletin : Bulim Misraïm 02/2011

Ma Règle

La règle est un des symboles centraux de la franc-maçonnerie avec le compas et l’équerre. Elle se trouve au dessus des autres joyaux de la loge, comme pour indiquer qu’elle prédomine sur les autres. Mais que symbolise donc cette règle ?

On nous dit qu’elle est le symbole de la rectitude morale. Mais la morale qui détermine le bien et le mal est une notion subjective et dépendante de l’espace et du temps que le maçon doit transcender pour vivre ici et maintenant.

La règle est le symbole des mesures et précisions indispensables à toute forme de construction. Ici elle signifie qu’elle est absolument indispensable pour contrôler la mesure et le maniement de tous les outils avec lesquels le franc maçon doit travailler. Avec ses 24 graduations, elle évoque le temps qui passe, la présence dans l’instant afin de vivre ici et maintenant. La règle a été le premier outil qu’il m’a été donné d’utiliser en géométrie. Là, elle nous permet de tracer une droite, ou plutôt un segment de droite, car contrairement à la règle, une droite est infinie.

La règle, quant à elle, a une longueur finie, comme pour nous indiquer la route à prendre et nous laisser ensuite libre de la suivre ou de faire un écart à cette route, pour revenir ensuite dans le droit chemin ; la règle nous indiquant toujours la direction fixée au départ, afin de nous guider sur le bon cap malgré les vents et les marées de la vie. Chose étrange, dans le milieu marin où je vis, cet instrument qui indique le bon cap s’appelle un compas. Ce cap peut être ajusté et d’ailleurs nous le faisons lors de nos périodes de doute et de remise en question.

Avec une règle nous pouvons tracer une infinité de droite, tout dépend de la direction dans laquelle nous l’orientons. De la même manière, celle du franc maçon, lui indique la direction à suivre mais chacun est libre de la diriger dans la direction qui lui convient le mieux. Le principal étant de maintenir le cap, c'est-à-dire, rester fidèle à soi-même. Bien avant l’école et la géométrie, on entend parler de règle. De règle du jeu. C’est l’ensemble des directives à suivre pour jouer en bonne entente avec ses petits camarades. Celle-ci est imposée et doit être la même pour tout le monde. En tant que franc maçon, c'est-à-dire en tant qu’homme libre et de bonnes mœurs, je suis libre de choisir ma règle du grand jeu de la vie, dans le respect du Grand Architecte de l’Univers, c'est-à-dire dans le respect de son œuvre : l’Univers et tout ce qui le

compose : mes frères humains, mais aussi le monde animal, le monde végétal, le monde minéral. Ma règle à moi, c’est l’amour. Oui mes sœurs et mes frères, je vous aime. Oh, mon amour ça n’est pas je te serre fort dans mes bras et je te fais plein de bisous partout (trois suffisent amplement). Mon amour ça n’est pas t’aimer pour l’image que tu me renvoies de moi même, je tomberais vite dans le syndrome de blanche-neige (oh miroir dis moi qui est la plus belle). Mon amour ce n’est pas t’aimer pour ce que tu m’apportes, mais c’est t’aimer pour ce que tu es, sans te juger et des fois sans même te comprendre. J’allais dire avec tes qualités et tes défauts, mais c’est déjà un jugement. C’est donc t’aimer avec tes qualités que j’apprécie et celles que j’apprécie moins. Et s’il m’est arrivé, sans doute maladroitement, de te heurter en te faisant remarquer tes qualités qui me dérangent, sache que je l’ai fait avec amour. Toi-même, il t’est arrivé de me heurter, inconsciemment, maladroitement, mais ça ne m’empêche pas de t’aimer. Que dirais-je d’un homme qui a tué, torturé ? Beaucoup de mal sans doute ! Mais si cet homme est mon fils, mon propre sang, est-ce que ça m’empêcherait de l’aimer ? Alors comment ne pas aimer un frère ou une sœur dont l’égo a quelque peu dérangé le mien ? J’ai en mémoire, l’histoire d’un petit oisillon tombé du nid et qui piaillait parce qu’il avait faim et froid. Une paisible vache vint à passer et en entendant ses cris, elle prit l’oisillon en pitié et lui déposa, sur la tête, une bouse bien chaude afin qu’il n’ait plus froid. Bien sûr, d’aucun me dira, on ne défèque pas sur la tête de son prochain, ça n’est pas moral, pas plus que de piétiner le pavé mosaïque, de se suspendre à la corde à nœuds, ou de rire dans la chaine d’union. Mais je pense qu’on peut tout faire, à partir du moment où c’est fait avec amour.

T’aimer, c’est aussi être vrai, être moi même, sans hypocrisie, sans faux semblant, afin d’éviter de t’influencer, voire même de te manipuler, pour t’éloigner de ta route, pour te prendre ta règle et essayer de te faire suivre la mienne. T’aimer c’est te laisser vivre ta vie, avec tes joies et tes épreuves, dont tu tireras un enseignement. C’est cet enseignement qui te sera bénéfique pour ton évolution, Ai-je le droit de t’en priver ? Mais mon oisillon continua à piailler de plus belle, sans doute incommodé par l’odeur. Un renard, par les cris attiré, s’approcha de lui en souriant, le tira délicatement de sa bouse, le nettoya avec une infinie précaution. Puis le mangea. La Fontaine aurait très bien pu écrire cette fable, pour nous mettre en garde contre les apparences. Un acte immoral pouvant

être fait avec amour, et un acte de charité par appétit (du gain, du pouvoir ... les appétits sont nombreux chez l’être humain) Mon amour c’est également le détachement. J’entends par là, de te laisser suivre ta propre règle, même si elle n’est pas orientée dans la même direction que la mienne. Ne rien attendre de toi, car mes actions seraient tournées vers moi, vers l’attente d’une reconnaissance, alors que mon amour est uniquement tourné vers toi. Et surtout, pourquoi attendre quelque chose de toi puisque le divin est en moi, comme en toi d’ailleurs, et que j’ai toutes mes réponses en moi. Mon amour c’est aussi, l’amour de notre mère nature. La société que nous connaissons nous pousse à toujours consommer plus. Consommer les ressources que la terre nous offre généreusement. Mais ces ressources ne sont pas inépuisables. Et l’avidité de confort que nous connaissons aujourd’hui nous entraine vers notre perte programmée. L’effet pervers de cette surconsommation, est la production à outrance qui nous est imposée. Plus le temps de vivre, de regarder nos enfants grandir. Alors le mode de vie, quelque fois mal compris, que j’ai choisi, est de rompre ce cercle vicieux. Moins de consommation pour moins de production. A bord du bateau, nous vivons dans une pseudo-autonomie. Nos ressources limitées à une taille humaine, facilement mesurable, nous poussent à utiliser à bon escient l’eau et l’électricité. Nous essayons de vivre en conscience de la fragilité de l’équilibre naturel. Et puis le temps que nous ne passons pas à produire, afin de nous offrir la dernière console de jeux à la mode des trois prochains mois, nous essayons de vivre en fonctions des valeurs qui sont les nôtres, et non pas celles de notre société presse-bouton, où l’on perd le gout de l’effort et du travail, de notre société aux solutions standardisées et toutes prêtes où l’on oublie les bienfaits du doute et de la réflexion. Nous essayons tant bien que mal de semer la graine que nous aimerions voir pousser.

Par contre, si vous ne me trouvez pas de signes extérieurs de richesse, ne me plaignez pas, je suis riche de cet amour, qui m’a porté jusqu’ici et que je partage bien volontiers avec vous tous. Je sais que j’ai raison de suivre la direction que j’ai voulu donner à ma règle, ou plutôt qu’elle a choisi pour moi, et je sais aussi que vous tous avez raison de suivre votre règle, alors je ne dirais pas qui m’aime me suive, mais qui s’aime continue à suivre sa propre route.

J’ai dit.

Un Frère de la RL\ Athanor\ - GLFM


Publié dans le Bulim - Bulletin N° 25
- 28 février 2011  -  Abonnez-vous

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