GLFM Bulletin : Bulim Misraïm 01/2011

Chemin

Nous y voilà, nous sommes enfin hors du temple. Ce moment nous l'avons attendu depuis une année. Nos balluchons sur le dos, accrochés à notre bâton, nous observons les chemins qui s'ouvrent devant nous. Quel chemin allons-nous prendre ? Nous décidons de prendre la belle route en terre qui glisse à travers la forêt. Nous sommes une bande de joyeux enfants, gais insouciants et curieux. Il faut dire que nous venons d'avoir cinq ans, et nos maîtres ont rabattus notre tablier, pour nous autorisés à voyager "comme des grands".

Nous sommes cinq. N'est ce pas un nombre parfait pour des compagnons. On nous a révélés que c'est le nombre de notre grade. Celui qui nous mènera à l'étoile, le bout du voyage d'apprentissage, la quintessence. Nous nous enfonçons donc dans la forêt. Groupe, joyeux et unis.

Qui donc est là? Derrière, flânant se trouve « la rêveuse ». La tête dans les étoiles, elle traine le long de la route, allant d'un coté à l'autre, son esprit dans sa nébuleuse colorée. Je la regarde, et je me demande si elle va voir l'ornière qui se trouve un peu plus loin ? Ma voix se crispe dans ma gorge:

"Attention !!!" Trop tard, elle ne l'a pas vue et tombe.

Je reviens sur mes pas. "Allez, viens, relève toi". Non, je reste là, j'ai envie de me reposer. J'ai mal aux pieds et puis je ne sais pas où l'on va arriver. Il me parait inutile ce voyage. On risque de se perdre, d'avoir froid. Non, décidément je reste !!! « Mais, viens donc, les autres s'éloignent. Non, ou bien ... porte moi. Je ne peux pas, je regrette. Notre chemin est initiatique, personne ne peut le faire à ta place. Peut-être que le moment n'est pas encore venu pour toi. Je dois continuer, au revoir petite sœur ». Je reprends ma route le cœur un peu lourd. J'ai pris du retard, et il va me falloir courir pour rattraper mes frères. Je cours à en perdre le souffle. Au bout d'un instant, je m'accoude à un arbre essayant de respirer, lorsque soudain, un gland puis un autre, me tombe sur la tête. « Aie

!!! Mais que fais-tu donc là, grimpé sur cet arbre?

«Je prends de la distance, pour essayer de comprendre qui tu sais. Je médite mais franchement, il m'agace le G.A.D.L.U. Mais comment avanceras-tu dans ton arbre ? Ne devons-nous pas rester en contact avec la terre pour avancer ? N'as-tu pas peur de perdre le contact avec le monde d'en bas, et de ne jamais atteindre le monde d'en haut si tu restes ainsi ? Peut-être vais-je redescendre et reprendre la route un moment pour y réfléchir.» Ouf !!! J'ai bien crue que nous allions n'être plus que trois. « Mais où sont donc les autres? De mon arbre, tout à l'heure, j'ai aperçu de la fumée. Là, un peu plus loin dans le bois. » Nous pressons le pas. Ah ! Oui les voila !!!

Mais que font-ils? Le premier, debout accoudé sur une branche, mâche un brin d'herbe. Le regard dans le vide, avec sur son visage une tristesse infinie.

Que peut-il avoir ? De chaudes larmes coulent le long de ses joues. J'ai envie de me précipiter pour le prendre dans mes bras et le consoler. Mais, en y réfléchissant, je ne le ferai pas. Je m'avance vers lui et simplement lui dit: «Je suis là '»

Il hoche la tête. Il a entendu, et replonge dans sa douce mélancolie. C'est son chemin intérieur qu'il observe ainsi, je ne dois pas le déranger.

Mon regard se tourne vers le second. Il est affairé sur son feu qu'il attise avec une passion fiévreuse, tournant autour, retouchant par ici la position d'une branche ou d'une autre à la recherche d'une perfection de combustion. Il place son athanor un peu plus à droite, ou a gauche. Il semble habiter, presque dévoré par sa tâche. Je me dis que j'aimerais bien maîtriser le feu comme lui le fait, ou tout au moins connaître son art, mais, en même temps il m'effraie un peu.

Sa passion est si dévorante qu'il me semble que ni son regard ni son esprit ne sont ici et maintenant. Il ne semble pas préoccupé du

chemin que nous avons à parcourir. Mais qui suis-je pour le déranger ? C'est sa façon à lui d'avancer. Pendant ce temps là, mon grimpeur est reparti à la recherche d'un arbre. Ne faudrait- il pas pourtant que nous réunissions ce qui est épars pour espérer arriver quelque part un jour ? Bon sang que c'est difficile d'être dans la bonne mesure. Je prends conscience que même si nous sommes partis ensembles, là au milieu de cette forêt, se trouve des milliers de petits sentiers qui se découvrent en étoile devant nous, et que chacun se doit de suivre son propre chemin.

Celle, qui est là-bas assise dans son ornière, c'est très bien. Elle se relèvera et reprendra sa route lorsque le moment sera venu, ou pas. C'est son chemin, nous nous devons de ne pas l'attendre. Le mélancolique fait son chemin sur le sentier de gauche, et ce n'est pas le mien.

Le maître du feu, lèvera sa tête et tout seul prendra le sentier juste à côté et poursuivra sa route un grand sourire aux lèvres. Détenteur de son secret.

Quant au grimpeur, et bien sa route est de passer de branches en branches, même si je trouve cela un peu périlleux, je me dois de l'accepter. Il prendra le sentier de droite, ou plutôt celui à la droite de... et il trouvera.

Je les regarde et je décide enfin de reprendre ma route. Je vais continuer sur le sentier du milieu à ma façon, un pied devant l'autre, tranquillement pour ne pas m'essouffler. Je les sens autour de moi. Ils sont enfin devenu le feu, l'air, l'eau et moi la terre, l'alchimie peut commencer son œuvre. Seul, mais ensembles, nous poursuivons notre lente maturation. Peu importe où nous sommes sur notre route, nous sommes liés par la même quête. Je n'ai plus peur de les voir s'éloigner, car nous avons pris place sur les chemins qui nous sont propres. Ces derniers sont autant de sillons qui en se rejoignant formerons l'étoile.

J'ai dit.

Un F/S\ ATHANOR

Publié dans le Bulim - Bulletin N° 24 - 31 janvier 2011  -  Abonnez-vous

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