GLFM Bulletin : Bulim Misraïm 12/2010

Etoile 

Mon vieil ami physicien m’a conté un jour lointain que je suis poussière d’étoile comme nous tous ici –bas. Nous sommes constitués d’atomes qui viennent directement des étoiles : hydrogène, oxygène, carbone, azote et n’oublions pas le calcium, le phosphore et le souffre. Nos énergies ainsi faites restent plus de un milliard d’années en se recyclant et puis retournent à la source en redevenant étoile. Je médite souvent sur les diverses formes que nous pouvons emprunter en un milliard d’années. Je m’imagine, mes cendres jetées dans le désert et mon vieil ami m’a dit de planter un acacia ou un palmier, celui-ci se verrait fortifier par tous les atomes que mon corps contient. Je peux être un tout petit peu sable, beaucoup plante ou pierre et pourquoi pas pierre de lune.

Mais il me semble aussi que j’arrive à la lettre G comme génération...

Génération : féminité, fécondité. La vie n’est qu’une chaîne sans fin, un maillon engendre un autre. Je sais maintenant que rien ne disparaît complètement, je suis éternelle. Alors le cycle de la mort appelle à une ritournelle : force, matière, mouvement. Le corps n’est qu’une alchimie, il se décompose et renaît sous une autre forme.

Mais que devient la pensée ? Je dois trouver une explication peut être dans la gnose ou certainement dans la génération ?

Mon cœur éprouvé par tant de deuils m’indique que pour qu’il y ait génération, il doit y avoir mort. Je me rappelle ce moment éprouvant et pourtant si merveilleux de ma mort profane pour renaître à la lumière. L’apprenti représenterait donc la première génération. Mon cœur me dit que c’est l’acceptation de cette mort du profane, lourde de conséquences mais pesée et réfléchie qui peut me faire grandir aussi bien dans le sacré que dans le profane. Alors, aurais-je moins peur lorsque l’heure sera venue de me présenter devant la porte voilée.

L’enveloppe charnelle qui est le paraître, on peut, je pense s’en dégager petit à petit, surtout lorsque la souffrance l’anime et la fouraille. Mais qu’est-ce que la pensée ? Existe –t-il une âme ? Ou vont-elles puisqu’elles sont énergies, vibrations ? Alors qu’est-ce que la mort ?

Tous nos ancêtres ont reçu à leur naissance la grâce de l’immortalité. Ils l’ont perdue : Adam en croquant la pomme de l’arbre de la science, les descendants du grand Nommo Silure et de son jumeau le renard pâle en pénétrant dans la fourmilière, sexe de la terre, pour voler le verbe d’Amma et donc sa science. Peut-on dire qu’il s’agirait là ; comme on nous le dit, du péché originel ? Amma ou Dieu serait-il le père fouettard des hommes ?

De par la structure de sa création, je perçois mal ce caractère qu’aucun ne lui prête.

Je choisis de larguer les amarres : de hisser les voiles à la rencontre de Amma.

Amma créa la première génération avec les jumeaux : Ogo le renard pale et le grand Nommo qui de par la volonté de son père va engendrer les huit ancêtres parfaits. Ils sont à l’image de la clavicule d’Amma. Eh oui ! Certains sont nés d’une cote, alors pourquoi pas d’une clavicule qui de plus contient les huit paroles et les huit graines primordiales. Debout la tête vers les cieux, les pieds plantés dans la terre, dans cette verticalité qui est le propre de l’homme. Ils sont composés des quatre éléments et dotés du Verbe d’amma. Le Dieu créateur a confié une partie de la gestion de l’univers aux deux premiers, le troisième est le père des hommes, il fut sacrifié pour réparer les fautes de son jumeau : Ogo. Les quatre autres sont les ancêtres fils du Nommo sacrifié et ressuscité : ils sont responsables de la marche du monde. Ils font l’objet du culte des ancêtres. Tout homme chez les Dogons a une relation directe avec un ancêtre et un culte particulier, garant de la cohésion des divers clans. Il s’adresse de façon précise à des principes spirituels de l’être et c’est par son intermédiaire qu’est transmise à certains descendants la force vitale du défunt.

La pensée des Dogons s’appuie sur l’analyse du monde qui les entoure. Celui-ci est conçu dans son ensemble, lui-même pensé, réalisé et ordonné par un Dieu créateur unique dans un système complet qui inclut le désordre. L’initié dogon peut dire : « le savoir est connaissance de l’homme mais aussi de tout ce qui n’est pas l’homme car il lui a été donné de connaître ce qui n’était pas lui »proverbe Peul. Le développement de la pensée des dogons et l’élaboration des concepts procèdent par analogie et s’appuient sur le symbole. Pour que vivent les hommes le Nommo a fait don de la sienne. Eh bien Osiris, Jean le baptiste, Jésus... ne seraient pas des cas isolés ! Voilà je cherche où va la pensée, j’explore la cosmogonie des Dogons pour ne pas trop m’impliquer et voilà que j’ai le bout de mon nez dans des analogies avec ma propre culture : le Christianisme. Voyons, reprenons depuis le début.

Amma Dieu créateur mit en croix son fils le Nommo annagono, il l’attacha à un arbre le Kiléna, par une spirale de fer que les dogons appellent « hélice de vie », elle est le symbole des quatorze mondes d’Amma. Le nommo est debout face à l’est. Il meurt debout devant la porte du monde. Ce sacrifice renouvelle le monde et rachète la faute du renard pale qui est par essence le symbole de l’homme. Le dieu arrache le placenta de son fils et l’émascule, de cette éviration naît Sigi Tolo(Sirius). Ce placenta et le sexe contenant les huit graines primordiales sont placés à l’ouest. Puis Amma dépèce le corps supplicié. IL est décapité de cette blessure sort l’étoile rouge de la constellation du taureau(venus) ; le sang coule sur le placenta,ces traces c’est la voie lactée , Jupiter et Polo Tolo(satellite de Sirius) qui naissent.

Le sang coule, il nourrit la terre. C’est la vie du monde qui se régénère. Ce sang est comme les menstrues de la terre, il assure la vie future. Le sang vivifie comme l’eau purifie. Le nommo Annagono perd son sang et ses graines contenues dans son sexe et sa clavicule, il perd sa force vitale. Il donne tous ses principes de vie à l’univers et aux hommes. Il est celui qui fait boire et manger l’homme ; il assure l’existence de l’homme et des animaux en donnant sa force vitale. Comme le Kilena qui meurt avec lui pour permettre la résurrection des végétaux. L’homme avale les graines, elles passent dans son sang, elles le vivifient, le nourrissent et lui donnent la force vitale. Le proverbe dogon dit : « la nourriture que tu manges, la boisson que tu bois, qu’Amma les transforme en sang rouge, le sang blanc est une mauvaise chose ».

Mais me direz vous ou est l’analogie promise si vous ne l’avez pas déjà remarquée ?

Le sacrifice du Nommo ne vous rappelle pas quelque chose ?

Le fils de Dieu n’a-t-il pas été sacrifié ?

Cette mort n’entrait-elle pas dans son Plan, pour permettre le rachat de toutes nos fautes et permettre notre résurrection ?

Le choix de la mise à mort me laisse également perplexe ? Cette position verticale est pour moi la promesse de notre ascension spirituelle.

Le symbolisme de la communion : le pain et le vin que l’on prend dans l’hostie pour nous purifier, nous vivifier ressemble étrangement à la croyance des Dogons.

Vous ai-je dit que le Nommo est un silure...Un poisson !!! Quoi comme la pêche miraculeuse et signe de reconnaissance des premiers chrétiens...

D’autre part le dépeçage du corps du Nommo me rappelle aussi celui d’Osiris en quatorze morceaux. Mais nous pouvons aller plus loin dans la similitude. Tous les deux ont un jumeau : Ogo et Seth. Leur gémellité est parfaite car ils symbolisent l’ordre de la création et son désordre. Il ne peut y avoir Nommo sans Ogo et Osiris sans Seth. Il y a la pluie puis le soleil comme il y a la terre fertile et le désert. La mort d’Osiris et du Nommo vont être le signe de la Génération. Celle de la fécondation, symbole de la renaissance. Tous les deux reliés à l’étoile Sirius sont alors les dieux du renouveau, alors, le vert prédomine dans leur représentation picturale. Le symbole de l’eau est primordial : Osiris est le Nil, Nommo est le silure. Eau symbole de la fécondité mais également celui de la matrice originelle. Dans le placenta du Nommo se trouve l’univers, le monde est dans la colonne vertébrale d’Osiris et son phallus jeté dans le Nil qu’il féconde va devenir la matrice de toute vie.

Ils sont également les maîtres du monde souterrain, les gardiens des morts et ils permettent la renaissance de leurs âmes. C’est la barque d’Osiris qui conduit les âmes vers les quatorze régions de RA. Comme c’est le Nommo qui prend les chairs des défunts pour qu’ils puissent renaître et connaître les quatorze mondes d’Amma. Ils sont les rois des quatre éléments, les guides des hommes, par leur sacrifice ils ont donné à l’homme la vie, l’agriculture, la médecine et l’astronomie.

Osiris et Nommo avec leurs jumeaux représentent bien la dualité du monde dans lequel nous vivons : l’ordre qui oscille entre harmonie et chaos. C’est bien aussi l’image de notre moi ou à la traversée du désert qui permet la méditation, alterne la phase de l’éveil. La mort appelle ce dernier par l’ouverture des sens qui ne passent plus par notre corps fait de chair. Osiris comme Nommo nous mettent au centre de la lumière. Ils sont les axes du monde, ils permettent la montée vers Atoun ou Amma, ils sont la colonne vertébrale, les Djed qui redonnent la vie en Dieu. Ils sont la quatrième colonne du temple. Le un et quatre du quatorze.

La génération me conduit inexorablement à la gnose. Je vois bien que la pensée est en partie collective et pour une autre individuelle. C’est cette partie qui pourrait être une part de l’âme. Vous voyez comme la différence entre le BA et le KA. Alors nous aurions deux âmes. La croyance des Dogons qui dit que nous naissons avec en nous la gémellité, notre jumeau étant notre placenta, cela me ravit car elle me fait pressentir mes deux âmes. Elle me donne également une réponse : la recherche du jumeau parfait serait une descente dans notre moi profond pour nous retrouver deux en un. Les symboles sont là apparents et pourtant nous ne les voyons pas et ceci dans toutes les civilisations. Je sens bien que TOUT est esprit, l’univers est mental et tout ce qui est apparent est esprit de TOUT.

Je crains mes sœurs et mes frères que vous me compariez au géographe du Petit Prince. Mais je peux vous assurer que j’ai été un petit peu explorateur. Oui j’ai vu une étoile qui brillait non pas au firmament mais au centre de moi. L’essentiel est bien invisible pour les yeux.

J’ai dit.

Une Sœur d’Athanor

Publié dans le Bulim - Bulletin N° 23 - 31 décembre 2010  -  Abonnez-vous

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