GLFM Bulletin : Bulim Misraïm 10/2010

Impressions d'Initiaton

Je voudrais vous livrer mes impressions sur ma soirée d'initiation au sein de la RL Neter 31 à l'Orient de Paris.
Rédiger les impressions de mon initiation s'est révélé être un exercice très difficile pour moi car il ne s'agissait pas de conceptualiser ou d'essayer de partager des interprétations rationnelles à l'évènement vécu mais plutôt d'exprimer un "ressenti". Alors j'ai dû m'y reprendre à plusieurs reprises pour trouver la démarche me semblant la mieux appropriée et j'ai finalement choisi comme approche de laisser passer quelques jours pour laisser décanter et ensuite capturer tout ce qui me restait comme images et sensations fortes me disant qu'ainsi ce serait vraiment les phases qui m'avaient le plus interpellé que je vous relaterais.

En reprenant chronologiquement la suite des évènements de la soirée, le premier moment marquant a été de me retrouver dans l'entrée de la loge alors que l'on me passait le bandeau et la cagoule. Je me suis alors souvenu de ce même épisode de la soirée de passage sous le bandeau mais cette fois-ci j'avais la gorge encore plus serrée car j'avais conscience que c'était le grand jour, le jour pour lequel on m'avait dit que je vivrais une expérience unique avec les interrogations et l'anxiété suscitées par une telle affirmation. C'est donc avec perplexité et appréhension, face à l'inconnu, que je me suis laissé guider vers ce qu'après j'ai su était le cabinet de réflexion.

Le deuxième élément marquant a été de découvrir ce lieu où j'avais été conduit. J'avais bien reconnu le chemin emprunté lors de la soirée du passage sous le bandeau avec ces quatre marches d'escalier et donc, Aziz qui me guidait m'indiquant qu'il allait m'enlever le bandeau, je m'apprêtais à découvrir le petit cagibi visuellement inconnu mais néanmoins mentalement réconfortant où j'avais patienté la fois précédente. Quelle ne fut pas ma surprise de voir à quoi ressemblait le cagibi en question si tant ait que j'aie vraiment été dans la même pièce la fois précédente. J'y ai vu une décoration lugubre pour ne pas dire funeste avec squelettes, faux et crâne, qui m'ont fait sursauter et me demander ce que je faisais en ce lieu morbide digne d'un cauchemar. Je m'imagine avoir pâli et sur le moment, l'idée de sortir de cet antre m'a bien traversé l'esprit. Mais je m'étais engagé et de surcroit ce n'était que le début. Part conséquent je ne pouvais dès lors que rester et étonnamment abandonné là, seul, après avoir "fait le tour" de la décoration de la pièce, je me suis laissé gagner par la troublante quiétude du lieu et je me suis attelé à la rédaction du testament philosophique.

L'épreuve émotionnelle suivante a été lorsque l'on est venu me chercher. Déjà, me demander de remettre mes métaux m'a interpellé. Je me suis interrogé sans trouver de réponse à cet acte si ce n'est que ça me rappelait fâcheusement la situation d'un condamné se préparant à partir vers l'échafaud! Par la suite, la préparation vestimentaire, l'enchaînement des mains et le ligotage avec une corde m'ont conforté dans cette fâcheuse impression que j'avais eue. Qu'est ce que j'étais venu faire là sans avoir rien dit à personne? A ce moment là je n'en menais pas large et, sans la confiance en ceux qui m'avaient mené jusque cette épreuve et l'enthousiasme qui m'animaient en arrivant ce soir là, je me serais dit que je m'étais engagé dans une voie à l'issue bien incertaine et que j'étais maintenant d'autant plus vulnérable que j'étais sans défense ainsi accoutré et enchaîné. Alors on se met à douter mais on se rattache, naïvement ou par dépit, je ne sais pas, à cette confiance justement pour se convaincre qu'il faut continuer. Après tout les Franc-maçons que je voulais rejoindre avaient bien dû passer par les mêmes épreuves et ils semblaient s'en être sorti sans dommages! Pourtant on peut alors vraiment penser que le pire reste à venir et le cerveau bouillonne en se mettant à imaginer ce que cela pourrait être

La suite, c'est un sentiment profond d'inconfort, de déstabilisation et de perte de repères, et la sérénité s'en trouve à nouveau éprouvée.

Déjà, il a fallu se mettre à genoux à l'entrée du temple et avancer douloureusement pratiquement en rampant avec les mains enchaînées, comme si au delà de l'humilité il fallait endurer une certaine humiliation pour prouver sa sincérité et espérer être autorisé à continuer. Puis être confronté au vacarme environnant de ces bruits de tôles comme dans une forgerie, être balloté dans tous les sens par des personnes que l'on ne voit pas, passer sur des planches qui se défaussent sous vos pieds perturbant votre équilibre, trébucher sur des obstacles manquant de s'affaler on ne sait où. Et puis il y a le thème annoncé des épreuves elles-mêmes qui est source d'interrogation: qu'y a-t-il dans cette terre on je dois plonger la main, combien de temps vais-je avoir la tête plongée dans ce récipient d'eau, de quoi est constituée cette boisson de l'oubli au goût âcre que j'ingurgite, que va-t-on me faire avec cette source de chaleur dont on m'a laissé sentir la présence, va-t-on me marquer au fer rouge, va-t-on m'ouvrir les veines

Du fond de l'obscurité, seul avec soi-même, on est aux aguets du moindre bruit et du moindre indice tactile susceptible de permettre de visualiser la scène, de se reconstruire des repères et peut-être de retrouver un peu de sérénité. Et pourtant paradoxalement, à la ponctuation des interrogations demandant si l'on veut continuer on répond oui spontanément et volontairement peut-être par témérité mais probablement aussi parce qu'au fond de soi, épreuve après épreuve on se convainc que rien de fâcheux n'arrivera. Ayant repris un peu d'assurance et pensant être au bout de ses émotions on est à nouveau bouleversé et renvoyé à ses doutes à la vue furtive de ce corps, allongé dans l'obscurité du temple, ayant manifestement trépassé d'une mort violente suite au manquement de son serment. Alors, à nouveau dans l'obscurité, on cogite et, le choc passé, on se reprend convaincu que la scène entrevue ne peut être qu'une mise en scène destinée à nous faire appréhender la sincérité nécessaire et la fidélité requise aux principes de la Franc-Maçonnerie à laquelle on est en train d'être initié.

Le moment mémorable suivant a été le soulagement d'être reconduit au cabinet de réflexion pour me revêtir. Initialement déroutant, celui-ci était maintenant un lieu connu et réconfortant puisque faisant partie des repères retrouvés. Tout à coup on relit les questions posées au mur et on se réattribue la décoration à la lumière de toute cette première partie de l'initiation que l'on vient de traverser. On comprend un petit peu que les notions de sincérité, de persévérance, de courage, d'humilité, de relativisation de notre présence sur terre seront des éléments clé de notre engagement de Franc-maçon.

Vient ensuite le retour au temple avec la levée du bandeau. Enfin de la lumière, même si celle- ci est d'abord gênante puisque éblouissante après cette longue période dans la pénombre totale. Et puis des visages, de la vie, une assemblée de laquelle émanent sérénité et une sorte de recueillement intimidant. C'est alors que l'on scrute autour de soi, perplexe, pour voir si on n'y trouve pas d'ennemi, que l'on se retourne, et que l'on voit comme ennemi sa propre image reflétée dans un miroir. C'est là une représentation limpide et puissante, une prise de conscience de ce que j'appréhendais avec moins de discernement jusqu'alors, à savoir que c'est sur moi-même avant tout qu'il faudra travailler car je suis finalement mon propre ennemi. Et, le miroir se baissant, c'est avec surprise et joie que l'on découvre un visage connu, le visage de son parrain, cette personne qui au cours de cette cérémonie a tragiquement révélé au futur nouvel initié que je suis cette vérité du besoin du travail sur lui-même, travail que dès lors elle aidera à accomplir par son indéfectible et fraternel soutien.

Le temps fort suivant a été le serment, l'adoubement et la remise du tablier et des gants. On ressent à ce moment là un sentiment d'appartenance fort et l'on réalise alors que l'on a enfin été fait Franc-maçon et que l'on s'inscrit dorénavant, au delà de son espace éphémère, en tant que nouveau maillon dans la continuité d'une chaîne établie depuis des siècles. Sentiment qui se retrouve immédiatement renforcé par l'insertion dans la chaîne de l'union et les accolades de celles et ceux qui me reçoivent comme Frère et dont émanent une émotion et une joie palpables bien que contenues.

Pour conclure en quelques mots, je retiendrai que cette soirée d'initiation m'a fait passer part toutes sortes d'émotions et de sentiments contradictoires tels que l'appréhension et le volontarisme, la perplexité et l'enthousiasme, la peur et le courage, le doute et la confiance, l'inconfort et le réconfort, la sérénité et le dénuement, l'isolement et la communion, l'ignorance et la révélation,  toutes choses qui me confortent dans l'idée que j'ai eu raison de m'engager et que le meilleur est à venir. Je tiens aussi à souligner qu'à travers ce parcours de quelques mois ayant culminé par cette cérémonie d'initiation, je n'ai jamais été seul. Il y a d'abord eu celui qui est devenu mon parrain, Benjamin, il y a eu les enquêteurs, il y a eu Aziz et puis il y a eu ma désormais sœur jumelle Gloria qui a traversé les mêmes épreuves que moi et qui de ce fait m'a accompagné et soutenu sans probablement le réaliser. Je leur exprime ma profonde gratitude. Enfin, merci à vous tous mes chers Sœurs et Frères de m'avoir accepté comme l'un des vôtres. Je m'efforcerai de me montrer digne de votre confiance.

J'ai dit

S\Y\ - RL Meter 31 à l'O de Paris

Publié dans le Bulim - Bulletin N° 21 - 31 octobre 2010  -  Abonnez-vous

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