GLFM Bulletin : Bulim Misraïm 05/2010

Impressions d’initiation

Mon initiation est une expérience singulière, impressionnante et bouleversante en ce sens quelle provoque toutes sortes de chamboulements            psychologiques et émotionnels.

Lorsque je suis rentré à la maison après la soirée d’initiation, j’ai tout de suite offert ma rose posée dans un petit vase à côté du cadre de ma défunte mère, celle qui m’a mis au monde et avec qui nous avons souffert ensembles de cette expérience traumatisante, notre accident de circulation du 09 avril 1999 au Cameroun. Je trouvais cela normal puisqu’après ma mort profane, je suis maintenant né Apprenti Franc Maçon. Et puis ces différents voyages symboliques que je venais de vivre durant mon initiation devaient être, par analogie, ceux qu’elle avait du entreprendre lorsqu’elle m’a quitté pour rejoindre la Lumière.

Ensuite, j’ai mis en hauteur dans mon salon, sur une étagère de la bibliothèque, mon urne funéraire, celle contenant les cendres de mon testament philosophique. Mais revenons à l’initiation, au cabinet de réflexion, sombre comme une cellule de prison. Je revois ces différents objets sur la table qui semblaient danser par les mouvements d’ombre provoqués par les tressautements de la petite flamme de la bougie. J’étais concentré sur la rédaction du testament (celui que l’on fait lorsque que l’on se met en perspective avec la mort) mais celui-là était philosophique. Cependant tous ces objets me regardaient et attiraient de temps en temps mon attention. Certains de ces objets avaient une symbolique évidente tel que le crâne (la mort), le sablier (le temps qui s’écoule inexorablement), le coq (animal qui annonce la lumière du jour après la nuit, l’alternance du jour et de la nuit, du perpétuel recommencement).

D’autres objets n’évoquaient rien d’autre que leur sinistre représentation, tels que le vitriol, le sel ou le pain sec.

C'est vraiment l’impression de désolation, d’être prisonnier, d’être condamné (pour égarements profanes) et de mort.. symbolique bien sûr ... qui se dégageait mais je me sentais anxieux, inquiet de ce qui allait m’arriver. Ces francs maçons après tout, des gens de bonne mœurs, d’accord, mais qu’allaient ils me réserver ? Le fait de se dévêtir l’épaule questionne.
Le passage de la corde au cou et des chaines est assez impressionnant, mais plus encore le bruit métallique des ces mêmes chaînes qu’un frère a pris soin de claquer ou frapper contre les parois du cabinet de réflexion avant de me les passer autour des mains. Cette mise en scène fait sursauter, c’est très marquant et met bien en condition.

Cette terre que l’on fouille à la sortie du cabinet de réflexion est vraiment sèche. Elle a renvoyé mes pensées à mon plus jeune âge lorsque je jouais dans la terre, mais aussi vite, je me suis remémoré la terre que l’on jette sur les cercueils lors des inhumations en guise d’Adieu, la terre qui nous a vu naître et où nous retournerons poussière. Et puis on rentre dans ce temple qui à cet instant n’a que la représentation mentale d’une arène dans laquelle on fait entrer les taureaux (allégorie à la tauromachie du fait de mes origines basques), nous profanes, qui avons osé taper à la porte. On va nous mettre à mort et en cagoule de surcroit, ce qui attise notre sens de l’ouïe, du toucher, l’odorat et notre représentation spatiale, laquelle finira par être fortement perturbée au fur et à mesure des tiraillements de droite à gauche par nos frères... geôliers. La cagoule me renvoie dans mon intérieur, à mes trippes. Les voyages ou épreuves commencent. La voie de leur maître, qui deviendra mon maître résonne alors comme un marteau dans ma tête.

L’épreuve de l’eau me renvoie à mon baptême catholique, cette eau qui purifie et lave toute trace des erreurs et mauvaises conduites humaines. L’épreuve du vent n’a rien suscité en moi de spécifique sinon de rafraîchir ma tête ... déjà chauffée et perlant de sueur sous la cagoule.

Les chemins d’embûches par lesquels on nous fait passer pour y arriver dans un vacarme assourdissant métallique environnant créent des frissons et par analogie transportent l’esprit vers le moyen âge et ses fameuses salles de tortures aux bruits et grincements caractéristiques des instruments en tous genres. Je pense aussi, à cet instant, à la souffrance des êtres, pas uniquement physique mais aussi morale, que les Hommes infligent aux Hommes (jalousie, cupidité, ignorance). Les palpitations augmentent à l’annonce de l’épreuve du feu. Et le maître qui nous dit que nous pouvons encore renoncer.

Je ne suis pas une mauviette, mais qu’est que l’on va me faire. Deux sentiments se mêlent :
détermination d’y parvenir, par solidarité pour mes compagnons d’infortune comme moi embarqués dans les mêmes pérégrinations et peur d’une mutilation quelconque. Qui sera le premier ? D’ailleurs nous y passerons tous, allez qu’on en finisse. On sent bien la chaleur proche... que va-t-il se passer ? Et ensuite, c’est le fer rouge (dans la tête) une fraction de seconde la brulure ou un morceau de peau que l’on m’arrache, une puce qu’on nous incère sous cutanée, je ne saurais pas dire à cet instant. Et puis, un soulagement d’accomplissement lorsqu’on nous ramène à genou ... plus de peur que de mal comme dirait l’autre. Je signale cependant que la plaie aura mis un mois à se refermer. Et c’est maintenant l’épreuve du sang, la plus spectaculaire, conditionnée par la voix du maître qui fait monter les enjeux. La voix de mon parrain qui me tape sur l’épaule avec une injonction de : « oui je veux » me réconforte et me pousse à suivre la voix.

A cet instant, je l’avoue, j’ai eu vraiment peur. Au moment où l’on amenait .... à l’abattoir dans ma tête, dans l’assistance, quelqu’un a dit quelque chose comme : « c’est bien aiguisé, ca coupe bien ». Je m’en souviendrai toute ma vie, un excellent conditionnement psychologique ... une parfaite mise en scène. Au moment où on m’a piqué .... (bien fort, les gouttes épaisses en laboratoire, ça fait moins mal), j’ai fait un bon et j’ai crié AILLE. Signer le testament philosophique en répandant mon sang en témoignage sacré de mon engagement à donc pris toute l’importance et solennité requise de mon être. Juste après lorsqu’on m’a ramené avec les autres initiés, je me suis senti mal, très mal, vraiment très mal.

Des bouffées de chaleur...la vision effroyable de mon accident a resurgi, c’est le sang par ce qu’il représente qui a provoqué cela... suivi d’un mal au ventre et d’une envie de vomir. Je le dis sincèrement, à ce stade, j’ai failli pour ce qui me concerne, tomber dans les pommes. Mais, quelque chose de plus fort me disait, un peu de tenue, sois digne, tu ne vas pas te répandre, que va-t-on penser de toi.

En maîtrisant ma respiration devenant très saccadée, cela m’a permis de laisser passer cet orage émotionnel. La pointe de l’épée que l’on tient sur son cœur lors du serment d’appartenance, d’obéissance et de loyauté à la Franc Maçonnerie est un moment aussi grave que solennel. Toujours privé de vision, terrassé par les épreuves, l’esprit plus limpide, orienté vers l’intérieur est plus réceptif. Les mots prononcés et répétés ont raisonné en moi au son du ciseau et du maillet qui façonnent la pierre brute. L’état intérieur à ce moment est propice à cette gravure fondamentale. Le retour à la lumière est tant attendu, on a l’impression qu’il s’est écoulé une éternité.

Lorsqu’on enlève la cagoule, c'est un grand moment. Je suis ébloui par la lumière, je respire enfin. Je découvre alors toute l’assemblée en cherchant quelqu’un de connu à qui se raccrocher, et peut être même, exténué, à un ennemi à qui j’ai promis de pardonner. Je ne reconnais personne et le maître me signale que l’ennemi n’est pas forcément celui que l’on croit, mais en me retournant, je vois ma mine déconfite dans le miroir et comprends ce précepte qui ne me quittera désormais que l’ennemi c’est souvent soi-même, enfermé dans nos convictions, nos visions et qu’il faut écouter, ouvrir son esprit et prendre de la hauteur sur toute chose.

Avant de découvrir lorsque le miroir ce baisse, mon parrain que j’ai envie d’étreindre à cet instant laissant perler une larme au coin des yeux, larme de bonheur, les mêmes lorsque deux être se retrouvent après une éternité.

Oh ! Merci, Merci, Merci, Benjamin mon Frère, Merci, Merci, Merci de m’avoir initié pour travailler ensemble sur ce chantier ou chacun de nous doit être la plus belle et la plus solide des pierres ( RL METER 31 à l'O de Paris ( GLFM un travail d’une vie ) pour que l’édifice soit toujours plus beau, toujours plus haut vers cette lumière insaisissable.

L’initiation est unique, c’est une expérience riche (physiquement, psychologiquement, émotionnellement, spirituellement). Je ne pourrai la revivre, sinon au travers de l’initiation d’autre, par le partage des ressentis, cela me permettra aussi de la regarder sous un autre angle et d'en découvrir d’autres clefs qui m’aurait échappé.

J’ai vécu mon initiation très intensément, je  signale que je n’ai fait aucun cauchemar par la suite.

A la mort du profane succède la naissance du Franc Maçon, ainsi va la vie des obédiences

Jo\ PEY\ le 24 avril 2010  - RL METER - N°31 à l'O\ de Paris - GLFM

Publié dans le Bulim - Bulletin N° 18 - 31 Mai 2010  -  Abonnez-vous

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