GLFM Bulletin : Bulim Misraïm 04/2010

Mon Travail en Loge
et pourquoi je suis parmi vous

 
La franc Maçonnerie a pour vocation de transformer et améliorer les citoyens de l’univers que nous sommes : pour cela, elle nous propose un espace, des outils, une méthode et un lieu. Le lieu, c’est ici, la loge, lieu d’échange qui suppose entre nous, tolérance, charité, reconnaissance de l’autre, liberté, raison, en chassant –si possible- toute polémique (de polémos qui, rappelons le, veut dire guerre !) La méthode, c’est le travail de recherche de la vérité, de sa vérité, avec ces règles qui impliquent de notre part, assiduité, courage et humilité. Les outils sont les symboles puisqu’ici tout est symbole... L’espace, c’est tout cela, l’étendue de l’esprit vers l’univers, l’étendue dont nous ne devons cesser d’en agrandir les limites. C’est l’alliance de l’humanisme et de la spiritualité, l’humanisme qui nous protège de tout
endoctrinement et la spiritualité qui éveille notre conscience. Voilà, expliqué très brièvement le rôle de la Franc Maçonnerie; je me suis inspiré d’un grand Passé Maître Yves Max Viton de la Grande Loge De France qui en parle mieux que moi dans une revue qui s’appelle "point de vue initiatique".

Mais ma planche s’intitule : mon travail en loge et j’ajouterais "pourquoi je suis ici". Je ne suis pas né "à la lumière" en franchissant ici la porte basse, pas plus du reste qu’un jour de juin des années cinquante, ma vraie naissance s’est révélée peu à peu en moi par mes premières méditations, mes premiers "lâcher- prise". Quand j’ai compris de l’intérieur qu’il me fallait suivre une route large ou parfois étroite au bord de laquelle je pouvais bâtir mon édifice, courageusement, laborieusement mais sans m’écarter pour autant de cette route. C'est
alors que j’ai compris que j’étais prisonnier "volontaire" d’un temple illuminé par la beauté des trésors qu’il renferme, pour peu que mes yeux sachent les observer. C'est alors que j’ai compris que j’avais enfin les réponses à mes questions, qu’il me suffisait de soulever des tonnes de pensées, de phrases apprises, de théories, de théorèmes (les mots nous mènent tellement loin de nous-mêmes) pour que mon esprit se souvienne d’une histoire qu’il m’est pourtant impossible de raconter. Je crois qu’il me suffirait, qu’il nous suffirait de faire ce travail de nettoyage pour y voir plus clair, pour retrouver en nous la vérité, la lumière sortant des profondeurs des ténèbres, image si chère à Goethe...

Au passage, je voudrais vous lire un extrait d’un poème magnifique du 19è siècle sur le sujet écrit par Louise Victorine Ackermann née Choquet...

Quand le vieux Goethe un jour cria "de la lumière"
Contre l’obscurité luttant avec effort
Ah ! Lui du moins déjà sentait sur sa paupière
Peser le voile de la mort
Nous, pour le proférer, ce même cri terrible
Nous avons devancé les affres du trépas
Notre œil perçoit encore, oui mais supplice horrible
C’est notre esprit qui ne voit pas...
Et l’homme est là devant une obscurité vide
Sans guide désormais, et tout au désespoir
De n’avoir pu forcer, en sa poursuite avide
L’invisible à se laisser voir...
Rien ne le guérira jamais du mal qui le possède
Dans son âme et son sang il s’est enraciné
Et le rêve divin de la lumière obsède
A jamais cet aveugle né.

Ce travail de nettoyage, c’est ici, ensemble que l’on peut mieux le faire : animés d’une même volonté, de vrais sentiments; fraternité et amour. Pas l’amour galvaudé, insipide ou passionnel mais le rapprochement d’âmes formant un même fil conducteur, comme l’âme de cuivre d’un câble coaxial de communication. Quand un enfant regarde un oiseau ou une fleur, on jurerait parfois qu’ensemble ils communiquent, parce qu’à cet instant, passe entre eux un fil conducteur pur, cette âme qui nous relie au divin. Dans la méditation, le lâcher prise, le plus difficile -du moins pour moi- c’est de laisser s’évaporer les images du mental qui polluent l’écoute de l’âme. Cela demande du temps pour y parvenir, ce temps qui un jour nous mène vers nous même quand nous devons rendre l’âme ou plutôt la rendre pure pour un nouveau voyage...Ce même temps qui nous manque aujourd’hui pour travailler plus ensemble, mêlant nos sensibilités et nos énergies, mais sûrement cela changera !

J’ai tendance à croire, peut être pour caresser mon ignorance dans le sens du poil, que de tous temps, de brillants "cherchants" philosophes, savants, à coups de langages abscons, d’explications hermétiquement élitistes, ont assombri la voie(x), notre voie(x) plus claire lorsque l’on sait dire "je ne sais pas mais je pressens" , en tout cas claire aux poètes et aux enfants...

Goethe, encore lui, disait ceci à qui saura l'entendre et le comprendre : "Et tant que tu n’auras pas compris ce - meurs et deviens - tu ne seras qu’un hôte obscur sur la terre ténébreuse". Comme nous ne sommes pas contemplatifs, en ascèse et reclus au sommet d’une montagne, mais confrontés plutôt chaque jour à des contraintes profanes bien réelles, il nous faut pourtant bien étudier ce que ces illustres "cherchants" nous ont transmis, faire l’effort d’essayer de comprendre leur message, faire l’effort de ne pas se "laisser vivre". Mais comme l’union fait la force, se nourrir ensemble de l’énergie commune, affective, intellectuelle et subtile.

En somme, connaître dans le sens de rassembler le "concept et le précepte" pour retrouver l’unité de départ qui est en nous : c’est pour cela que je suis ici, c'est pour cela que nous sommes ici. Le travail était chez les romains, un instrument de torture latin : le trépalium, dont il nous reste comme image les travaux forcés. Nous sommes, nous, ici pour un devoir de travail volontaire, issu d’un engagement initiatique; que nous soyons parfois déçus ou frustrés, nous nous sommes promis ce devoir d’abord à nous-mêmes, comme ces promesses essentielles à la vie. Si j’ai appris un peu à me taire pour mieux écouter l’autre, si j’ai appris un peu l’humilité et à me découvrir ici en dehors de mon microcosme familial, je sais déjà en tout cas que c’est à jamais comme Franc-maçon que je désire me reconnaître ici ou ailleurs.

J’ai dit.
 

Un F:. de la RL Loge Athanor

Publié dans le Bulim - Bulletin N° 17 - 30 Avril 2010  -  Abonnez-vous

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