GLFM Bulletin : Bulim Misraïm 03/2010

Le Feu

Dans une première approche
Élément cosmique, le feu est de toutes les genèses et cultes religieux. Il a été "outil de vie" pour l’homme de la préhistoire lorsqu’il sut le produire par le frottement de 2 bâtons. Il fut, l’une des premières conquêtes de l’être pensant et utilisé à de nombreuses fins, dont la protection.

Le feu dispensateur de chaleur, de lumière et de vie a très anciennement été l’objet de cultes, voire être lui-même d’essence divine. D’où le principe de feu perpétuel, d’immortalité et in fine, principe énergétique d’une force émanant du Créateur. En devenant manifestation divine, il a généré des courants de spiritualité pour partie racines de nos religions actuelles.
Dans l’histoire cultuelle du temps, on lui attribue généralement 3 qualités ou un triple aspect : générateur, purificateur et destructeur, se répandant en forces chtoniennes, terrestres ou célestes.
Il a à son actif deux principes : purificateur et régénérateur et à l’opposé, destructeur. Ceux- ci sont en fait à concevoir dans leur complémentarité et la double nature s’exprime dans le plan cosmique comme à celui de l’individu.

Dans l’Égypte ancienne, génération et destruction formaient le double principe efficace des 2 pouvoirs antagonistes du feu, spécialement le feu éthéré, concentré dans le soleil, agissant perpétuellement dans le monde, l’un créant (incarné par Osiris). (Dictionnaire des symboles).
Enfin, le feu est signifiant de chaleur et de lumière.

Le feu du commencement
Il est dit : « L’Être n’a jamais eu de commencement car le néant ne peut donner naissance à quelque chose.
L’obscurité remplissait tout avant que la lumière fût, mais la lumière ne vint pas des ténèbres car les ténèbres sont l’absence même de la lumière.
La lumière est un attribut de l’Être, car l’ Être est toujours lumineux en raison de son énergie qui résulte de ses efforts incessants pour conserver son existence. La lumière était sans chaleur et l’Être était lui-même aussi insensible. La lumière ne réfléchissait pas et l’Être par conséquence était sans forme. L’Être dans son mouvement et son progrès éternel s’étendit de plus en plus ; multiples devinrent ses formes et complexe sa nature. La complexité croissante de l’Être donna naissance à la densité et la densité fit sortir la chaleur de la lumière. Alors les choses vivantes commencèrent d’exister ».

Qu’est le feu
Le feu est chaleur et rayonnement Il est puissance ignée. Le feu céleste se projette sur la terre et le feu de la terre donne la germination. L’un et l’autre sont animateurs de vie et engendrent un changement d’état, une transmutation.. Le feu est une énergie physique, physiologique, métaphysique suivant les substances en lesquelles se dégage sa chaleur. Il est un élément qui agit au centre, au cœur de chaque chose. Il est matérialisation de l’âme ou animation de la matière et forme de passage entre les deux. Son immanence est de tous les domaines et il est le sourd acteur de nos assimilations matérielles et spirituelles. Il est en cela, ardant de l’ardeur. Le feu solaire est le feu de RA, transmetteur d’une énergie vitale et nourricière du Bâ. Feu transmutatoire, il est préparation à la vie dans l’Au-delà. Le feu solaire est la RE-CREATION quotidienne.

Pour les alchimistes
Le feu caché et invisible est dans la matière, dans le ventre du métal. « La chaleur est une qualité qui sépare les choses hétérogènes et cuit les homogènes ». Il est assimilé au souffre, la terre étant l’élément embryonné par le souffre (symbolique du feu, G.Bachelard) . Il est le principe mâle qui alimente le principe femelle, l’eau. Le feu de l’athanor comme celui de la forge, sont les agents transformateurs de la matière : œuvre au noir, œuvre au blanc puis œuvre au rouge. Le feu (rouge) est l’élément de l’œuvre au rouge, phase essentielle de la transmutation de la matière vers l’Esprit. Le souffre rouge transmute le lourd en léger, aérien et verticalisé, dans le subtil. Il est par l’air, révélateur de l’Essence. Il est clé ou porte de l’illumination. Le rouge mordoré était la couleur de la pierre philosophale.

Dans le quatuor énergétique
Feu, Eau, Air et Terre sont les éléments constitutifs de la vie et à ce titre participent de la création se pérennisant en chaque instant, par la complémentarité des forces régénératrices. Le nombre 4 est la base, l’assise, la stabilité. Les éléments sont en interaction ; haut et bas, sec et humide, Feu et Eau, Air et Terre Lors de la cérémonie d’initiation, l’impétrant est éprouvé par les 4 éléments. De sa matérialité terre, par ailleurs caverne matricielle, il sera lavé par l’eau, son mental sera éprouvé, purifié par l’air, et son âme par le feu. Le serment sera scellé par le feu et l’investiture, la consécration sera transmise par l’épée flamboyante. Le feu Esprit agit en hiérarchie sur les autres éléments et déclenche le mouvement. On traverse le feu dans l’initiation égyptienne, Mozart nous le réapprend dans la Flûte enchantée.

Le Feu principiel
Ces différentes approches nous introduisent la notion de Feu principiel, manifestation de la Divinité :
Ainsi, les langues de feu, la colonne de feu dirigeant les hébreux dans la traversée du désert, les épées de feu gardant l’Éden. Les vestales gardiennes du feu sacré. Le feu- lumière permanent dans les églises et à l’autel central à Naos dans nos temples.
Le baptême par le feu de Jean l’Évangéliste succédant à celui par l’eau de Jean le Baptiste. Dans la chrétienté, le cierge pascal, le cierge baptismal, le cierge du communiant, tous représentations du baptême par l’Esprit et signifiant de la renaissance en l’Esprit, de la naissance spirituelle. Ré est associé au feu, Principe divin d’où jaillira la Lumière.

Le Feu- Principe est langage de la divinité dans la construction créative et il est transformation de la matière. Il est aussi séparateur et purificateur : Lucifer, porteur de lumière et Prince des démons, le dragon, la salamandre : « j’attise et j’éteins. Le feu devient Lumière et descente de l’Esprit en la conscience ». Est consumé ce qui doit l’être est une nécessité libératrice. Le feu négatif est complémentaire du feu positif transcendant. C’est le mouvement du feu perpétuel, dépassement de notre condition humaine. Le feu- Esprit descend en nous, à la rencontre de notre feu intérieur, et de la conjonction naît notre propre feu esprit.

De la présence dans la manifestation, nous allons vers le cœur du Principe. Le feu est alors désir de Connaissance et d‘Amour. La mort à nous- mêmes, provoquée par le feu est en fait un sacrifice, source de don et d’offrande, à nous- mêmes sans que nous le sachions, et à l’autre, aux autres. Entre mort-destruction et résurrection-régénérescence, il y a eu cette étape sacrificielle et de l’offrande. La passion d’Osiris, celle du Christ, le buisson ardent en sont des illustrations.

Le Feu Principiel est animateur de vie en tous ses plans, feu flamboyant nous délivrant, nous construisant, et il nous offre la flamme blanche, verticalisée, image de la Lumière dont nous sommes issus et enfants. La tradition égyptienne récapitule bien le tracé de lumière émané du Feu. Une butte a surgi, Ra y est né et sur cette butte de la
première création, dite île de la flamme, se déroule le combat entre les forces des ténèbres et de la lumière ; en l’île appelée AKHET est la lumière primordiale et la connaissance divine qui en découle. Le Livre d’ouverture à la lumière évoque le chemin qui mène à l’Ile de la Flamme et à chaque porte est inscrit « flamme ». Le voyage du défunt vers la lumière primordiale, vers la Connaissance divine, est de traverser le lieu embrasé, d’être en capacité de revivre le combat et en en sortant vainqueur, il témoigne de la lumière divine et de la pérennité de la Création originelle.

Le Livre des deux chemins et les Textes des sarcophages évoquent dans ce parcours les cercles de flammes à franchir pour accéder au cœur de la connaissance sacrée. L’initié guidé par la flamme emprunte des chemins enflammés pour parvenir à l’île de la flamme. Au chapitre XXII du Livre d’ouverture à la lumière, il est écrit « Je suis venu de l’île de l’embrasement après avoir agi selon le désir de mon cœur-conscience. J’ai éteint la flamme et j’en suis sorti ».

Le combat entre ténèbres et lumière, pour accéder, un tant soit peu, au secret de la Création et de la connaissance divine est le parcours de l’initiation. Le processus passe par le feu destructeur des égos et purificateur. Alors peut être l’accès au feu de la première création le Feu Principiel se pérennisant en tout acte créateur.

L’œuvre en émanant est le travail de l’initié et il se récapitule dans le Feu de la loge, son athanor ésotérique. Il est explicité plus haut que la Lumière est émanation du Feu Principiel. Ne peut-on considérer que la Lumière est offerte par le Feu à la Création ?.Le Feu créée et anime sa création par la Lumière dont le logos-Verbe est une manifestation, voire une révélation. Pour que l’instant permanent se pérennise ne convient-il pas que la Lumière soit la descente vers la matérialisation et également remontée vers le Feu Principiel, mouvement de matérialisation du feu secret acté en lumière et en jaillissement du cœur indicible vers la conscience-lumière. Le double mouvement, descente et montée, assimilé à une dispersion et à un retour à l’Unité, ne génère-t-il pas le sacrifice, le don, l’offrande, étapes du cherchant de la connaissance sacrée ?

Le feu en nous
Le feu intérieur, les effets du Feu en l’être sur la voie de la quête initiatique. Il nous brûle les ailes plus souvent que nous le souhaiterions et souvent à notre insu. Il se projette en chacun en sa double nature : abrasif de l’égo et purificateur en l’Esprit. Le feu calcine, est purificatoire jusqu’à l’imputrescible. En tant qu’épreuve, il est indicateur de nos manques et pauvretés et d’un besoin fondamental, occulté.

L’épreuve du feu est une épreuve de conscience. Il nous faut comprendre et accepter la mort à nous-mêmes pour pouvoir accéder à une régénérescence par la
Connaissance-Lumière vers le Feu Principiel. La purification, à un certain plan, est la clé de notre transmutation et elle nous ouvre à la « résilience » à nous-mêmes et hors de nous- mêmes, à une essence relevant du mystère divin. Ainsi renaît le phénix de ses cendres. La « résilience » est notre réunification en l’Unité. Enfants de Lumière, nous sommes, et la loge est, par le Feu Principiel, dans un processus de création. En l’Amour-don, nous nous réalisons dans la Lumière partagée et transmise. Par la fraternité initiatique nous prenons conscience du sens de l’Œuvre, du feu maîtrisé au Feu Principiel.

J’ai dit

Un F\ Maître de la Loge de Maât.

Publié dans le Bulim - Bulletin N° 16 - 31 Mars 2010  -  Abonnez-vous

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