GLFM Bulletin : Bulim Misraïm 01/2010


Liberté  et Contraintes

Tiré du roman La Citadelle de St. Exupéry Lorsque j'ai, moi sculpteur, fondé un visage, j'ai fondé une contrainte. Toute structure devenue est contrainte. Lorsque j'ai saisi quelque chose j'ai noué un poing pour le garder. Ne me parle pas de la liberté des mots d'un poème. Je les ai soumis les uns aux autres selon tel ordre qui est mien. Il peut se faire que mon temple on le jette à bas pour user de ses pierres en vue d'un autre temple. Il est des morts et des naissances. Mais ne me parle pas de la liberté des pierres. Car alors il n'est point de temple. Je n'ai point compris que l'on distingue les contraintes de la liberté. Plus je trace de routes, plus tu es libre de choisir.

Or chaque route est une contrainte car je l'ai flanquée d'une barrière.

Mais qu'appelles-tu liberté s'il n'est point de routes entre lesquelles il te soit possible de choisir? Appelles-tu liberté le droit d'errer dans le vide? En même temps qu'est fondée la contrainte d'une voie, c'est ta liberté qui s'augmente. Sans instrument tu n'es point libre dans la direction de tes mélodies. Sans obligation de nez et d'oreilles tu n'es point libre du sourire de ta statue. Et celui-là qui est fruit subtil de civilisations subtiles se trouve enrichi de leurs bornes, de leurs limites et de leurs règles. On est plus riche de mouvements intérieurs dans mon palais que dans le pourrissoir de la pègre. Or, de l'une à l'autre la différence réside d'abord en l'obligation, comme du salut au roi.

Qui veut monter dans une hiérarchie, et s'enrichir d'éprouver plus, prie d'abord qu'on le contraigne. Et les rites imposés t'augmentent. Et l'enfant triste, s'il voit jouer les autres, ce qu'il réclame d'abord c'est qu'on lui impose à lui aussi les règles du jeu qui seules le feront devenir. Mais triste est celui-là qui écoute sonner la cloche sans qu'elle exige rien de lui. Et quand chante le clairon tu es triste de ne point devoir te mettre debout, mais tu le vois heureux celui-là qui te dit : J'ai entendu l'appel qui est pour moi et je me lève. Mais pour les autres il n'est chant de cloche ni de clairon et ils demeurent tristes.
La liberté pour eux n'est que liberté de ne point être.

Franç\ Scho\ - RL Neter 31 à l'O\ de P\
Publié dans le Bulim - Bulletin N° 14 - 31 Janvier 2010  -  Abonnez-vous

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