GLFM Bulletin : Bulim Misraïm 11/2009

Le 3éme Œil

A LA GLOIRE DU GRAND ARCHITECTE DE L’UNIVERS, V\M\ et vous tous, mes S\ et mes F\, en vos degrés et qualités.

« Bleus ou noirs, tous aimés, tous beaux,
Ouverts à quelque immense aurore,
De l’autre côté des tombeaux,
Les yeux qu’on ferme, voient encore ».

Dans ces stances d’un poème de Sully PRUDHOMME, j’ai trouvé toute la symbolique du 3è Œil, parce que dans cette phrase « Les yeux qu’on ferme, voit encore », on peut envisager le 3è Œil, comme étant le reflet de l’Âme.

Très tôt, j’ai été imprégnée par cette culture du monde arabe qui fait référence «au mauvais oeil» et, je pensais intuitivement que, au-delà de l’interprétation négative de cette expression, il y avait autre chose... Alors, j’ai décidé de m’intéresser à ce fameux 3è Œil !

A travers mes recherches, j’ai pu constater que, quelles que soient les civilisations, les cultures et les traditions, les interprétations quant à la symbolique du 3è Œil, sont peu ou prou identiques.

J’aborderai donc, ce sujet, en substance, sous l’angle de l’Islam, de l’Inde (bouddhisme et hindouisme) et de l’Égypte ancienne (notre référence).

De nos 5 sens, celui qui, à mes yeux, si j’ose dire, est le plus important, c’est la vision. Organe de perception, l’œil physique reçoit la lumière, capte les formes, les volumes et les couleurs. Et, au-delà de cette fonction biologique, le regard est aussi, selon moi, le reflet de l’âme. Ne dit-on pas ? il (ou elle) a un regard dur, un regard terne, un regard intense, un regard intelligent. Les expressions et les interprétations sont nombreuses : «Il soutient le regard» est un signe de franchise ou d’arrogance; «il n’a pas froid aux yeux» signifie un manque de réserve, etc... etc...

Précédemment, j’évoquais le mauvais oeil. Parlons d’emblée de cet aspect négatif de la vindicte populaire qui serait le reflet d’une mauvaise pensée, d’une prise de pouvoir sur quelqu’un ou sur quelque chose, ce serait l’émanation de l’envie sur les êtres et le désir de nuire.

Conception opposée à toute pensée d’un bon maçon.

Cet aspect négatif, on le retrouve dans la mythologie grecque : les cyclopes n’avaient qu’un oeil au milieu du front, mais c’était la résultante d’une condition sous-humaine. Les cyclopes étant les Maîtres du Tonnerre, de l’Éclair et de la Foudre, symboles de la force brutale au service de Zeus. Par contre, dans l’Islam l’acception du mot 3è Œil est une constante dans la Spiritualité musulmane. Il signifie l’Œil du Cœur.

Il indique la condition surhumaine, celle de la clairvoyance à un niveau supérieur, celle qui participe du Soleil. Ce dépassement de la dualité permet de regarder les hommes avec un regard unique par-delà leur différence, dans l’unicité du regard divin.

Cette unicité a été exprimée par le poète soufi Al Halladj, sous forme de synthèse : «J’ai vu mon Seigneur avec l’Œil de mon Cœur et je dis: qui es-tu ? Il me dit : Toi !».

Dans le taoïsme chinois, traditionnellement on dit que l’Œil droit (le soleil) représente l’activité, le futur, tandis que l’Œil gauche (la lune) représente la passivité, le passé. Cette dualité d’une perception distinctive nous entraîne à la dépasser dans une perception unitive, Ming, qui signifie la Lumière. En Inde, les hindouistes parlent de l’Œil frontal de Çiva qui correspond au feu, et là aussi, on peut parler d’une perception unitive. Cet oeil frontal est l’organe de la vision intérieure, l’Œil de la Sagesse communément appelé l’Œil du Dharma. Si l’on considère les centres énergétiques de l’homme que les hindouistes appellent les chakras, dans les textes sanskrits, ce 3éme Œil est dénommé Ajna-chakra, le chakra frontal ou chakras du commandement. Ce 6è chakra, situé au-dessus de la racine du nez, au milieu du front, et à deux doigts derrière le front, s’ouvre vers le devant. Ses caractéristiques sont multiples : il symbolise le lotus à 96 pétales, il est le principe fondamental de la connaissance de l’Essence, il contrôle tous les sens ayant un degré de perception extra sensorielle, le bleu indigo, le jaune et le violet sont ses couleurs de prédilection et, en astrologie on dit qu’il correspond au signe du sagittaire, du verseau et du poisson.

Pour «nettoyer» l’Ajna-chakra, il nous faut prendre le temps de regarder la Nature, le Ciel et la Terre ainsi avec l’énergie puisée dans ce 3è Œil, nous pouvons envisager de dépasser

nos propres limites. Il existe, dit-on, des méthodes pour ouvrir nos chakras, les activer et les purifier, ce qui équivaut à un travail au fond de nous-mêmes. Plus nous chercherons à développer ce 6èmechakras et plus notre pensée s’appuiera sur la connaissance intérieure mais, encore faut-il atteindre un degré élevé de spiritualité pour que les énergies rayonnent à leur maximum de potentialité.

C’est en cela que, selon moi, seuls, les Grands Initiés et les Sages dégagent une puissante énergie et ont cette aura indéfinissable, « ce spectre » de la Lumière Universelle.

Cette énergie dont Dali affirmait qu’elle était partout. Il disait, en substance «Le microcosme n’est qu’Énergie, le macrocosme n’est qu’Énergie, la cellule n’est qu’Énergie, l’être humain est entouré d’Énergie et le Cosmos est Énergie... Tous les Grands Initiés en ont discouru, Moïse, Platon, Hermès, Pythagore, Aristote, etc... mais leur discours n’a été entendu que par une minorité de petits initiés voulant accéder à la véritable connaissance du Sens de la Vie».

Dans sa thèse de doctorat intitulée «L’Œil de la folie et Dali» Henri Puget parle de cet Œil subliminal de Dali, l’abstrait métaphysique, cet Œil de la Connaissance, cet Œil du Génie et en lisant cette thèse, je me suis demandé si Dali n’était pas, à sa façon, un «petit» initié, selon sa propre formulation. Quoiqu’il en soit, je voudrais vous parler du 3è Œil dans le bouddhisme, au travers d’une de mes lectures qui m’a fortement impressionnée. Dans l’un de ses ouvrages, un tibétain, d’une famille aristocratique, le Docteur Lobsang Rampa décrit ce qu’il a vécu au cours de sa petite enfance dans une lamaserie (c’est un couvent de lamas tibétains).

Le jour anniversaire de ses huit ans, il a vécu l’ouverture du 3è Œil. C’est une opération qui consiste à introduire dans l’os frontal, à l’aide d’un instrument qui ressemble à une alène en forme de U dont la pointe est finement ciselée, un éclat de bois très dur, traité au feu et aux herbes pour lui donner la dureté de l’acier.

Lobsang Rampa écrit:

 « L’éclat de bois devait rester en place pendant deux à trois semaines, que j’allais passer dans cette petite pièce plongée dans une obscurité presque totale.

Personne ne devait être admis à me voir, à l’exception de trois lamas qui, jour après jour, continueraient à m’instruire. Tant que le bois n’aurait pas été enlevé, on ne me donnerait en fait de nourriture et de boisson que juste ce qu’il fallait pour me maintenir en vie... Le 17è jour, la lumière était normale et les trois lamas arrivèrent pour enlever l’éclat du bois. Avec un de ses instruments, le lama qui m’avait opéré, saisit l’extrémité de l’éclat. Une violente secousse et tout était terminé, le bois était retiré de ma tête. Le lama appliqua alors une compresse d’herbes sur le minuscule trou qui me restait au front et me montra l’éclat qui était devenu noir comme de l’ébène...»« Tu es maintenant des nôtres, Lobsang, me dit l’un de mes Guides et, jusqu’à la fin de ta vie, tu verras les gens tels qu’ils sont et non plus comme ils font semblant d’être...
...Tu possèdes désormais un pouvoir qui est refusé au plus grand nombre. Ne t’en sers que pour le bien, jamais à des fins égoïstes ».

Ce 3ème Œil, l’Œil de Bouddha qui lit à l’intérieur des êtres, peut-être a-t-il contribué à ce que le Docteur Lobsang Rampa passe sa vie durant à aider, à soigner les autres et à Voir ?

VOIR, on retrouve ce mot qui a toute sa force symbolique dans l’œuvre de Carlos Castanéda, écrivain américain qui serait né au Pérou en 1925 et qui a vécu des expériences singulières auprès d’un vieil indien. Selon Castanéda, Voir, ce n’est pas voir avec ses yeux. Voir est réservé aux hommes parfaits, aux hommes «impeccables» qui savent s’accorder avec les émanations énergétiques universelles.

Voir, exprime la pratique fondamentale de ces « bujos, ces sorciers, ces hommes de Connaissance » qui appréhendent les forces naturelles, qui savent percevoir le monde non plus comme un ensemble de choses mais comme une infinité de champs d’énergie qui permet de franchir les barrières de la perception ordinaire pour être témoins d’un univers infiniment plus vaste et plus attrayant... Voir, signifie la capacité de certains êtres humains à élargir le champ de leur perception jusqu’à être en mesure d’évaluer non seulement les apparences extérieures mais aussi de pénétrer l’Essence de toute chose.

Dans l’un de ses ouvrages dont j’ai oublié le nom, Erik Orsenna, a écrit à ce propos, simplement mais avec force, « Voir, c’est inouï ».

Enfin, il est temps de parler de l’Égypte dont le symbolisme est certainement le plus riche et le plus complexe de toutes les civilisations confondues et je parlerai, notamment, de la symbolique de l’Œil et par extension, celle du 3è Œil.

L’aeil Oudjat (aeil fardé), chez les Égyptiens était un symbole sacré, source de lumière, de connaissance et de fécondité. Cet oeil que l’on retrouve dans toutes les oeuvres d’Art, est spécifique à l’art égyptien.

Généralement, les formes sont simples, géométriques, et les dessins parfois naïfs. C’est une façon de traduire le monde sensible qui est celui des enfants et des primitifs. Ne serait-ce pas là, le summum du dépassement ?

A l’instar de Picasso qui disait «A ma naissance, je peignais comme Raphaël. Il m’a fallu toute ma vie pour apprendre à dessiner comme un enfant». Pour en revenir à l’art égyptien (dont quelques documents vont circuler), dans la figuration humaine, on constate que les corps sont peints généralement de face, tandis que les visages sont représentés de profil avec un oeil enchâssé. Était-ce simplement pour rendre le visage plus expressif ou bien le désir de mettre en évidence cette symbolique du 3è Œil ?

Je n’ai pas trouvé la signification picturale de cet oeil de profil mais peut-être que certains d’entre nous pourraient nous éclairer... Quoiqu’il en soit, la symbolique égyptienne a mis en avant la toute-puissance de l’Œil. Symbolisant le Soleil, il est, à la fois, l’Œil Universel qui crée chaque instant la totalité des lois du cosmos et celui qui voit la parcelle vivante de l’infime. L’Œil est aussi le gardien de la justice : selon certains écrits gréco­égyptiens, il existe un moyen infaillible d’arrêter un voleur : on dessine un oeil complet sur un mur, on le frappe d’un marteau taillé dans le bois et on ordonne de livrer le voleur. L’Œil parle et l’on peut ainsi rétablir la justice. L’Œil blessé, c’est l’aeil d’Horus blessé par Seth, démon de la Mythologie égyptienne. A l’instar d’Horus, les hommes plongés dans les ténèbres ne sont plus capables d’avancer, ils marchent à tâtons. Ils sont dans la violence et doivent se battre contre les ténèbres pour faire triompher la lumière. C’est ainsi que l’homme doit considérer que rien n’est jamais perdu, son action rituelle lui permet de reconstituer symboliquement l’aeil intégral afin de retrouver santé, vigueur et don de soi.

La recherche de l’Œil Sacré est la grande aventure spirituelle de l’Égypte ancienne. Je ne résiste pas au plaisir de vous lire quelques extraits du Livre des Morts, tant la profondeur des idées et la beauté des textes témoignent de l’inexistence de l’obstacle du Temps et de l’Espace :

« Que je marche sur les eaux célestes
Que j’honore l’éclat du soleil,
Comme lumière de mon Œil....
Je suis le Grand Dieu,
Je parviens au pays de lumière,
Je reconstitue l’Œil,
Je vois la lumière...
Je suis l’un de ces esprits
Qui habite la Lumière,
Qu ’Atoum a créés lui-même,
Qui sont venus à l’existence,
De la racine de son Œil.
Je suis un de ces serpents
Qu’a créés l’Œil du Maître unique.
Je crée le Verbe,
Je réside dans mon Œil ».

Sur le plan symbolique, nous avons vu combien sont nombreuses les correspondances analogiques sur le 3è oeil. En littérature, on peut penser aux correspondances de Baudelaire : «Dans la nature, les parfums, les couleurs et les sons se répondent». Philosophiquement, les correspondances nous renvoient aux rapports entre le microcosme, le monde en abrégé et le macrocosme, l’univers sensé être en harmonie avec l’homme.

Nous avons deux yeux, certes, mais suffisent- ils pour voir ? Je ne le crois pas et, j’aime bien la pensée de Platon: « Au ciel, apprendre c’est voir, alors que sur terre, c’est se souvenir ». A l’évidence, pour moi le symbole suprême du chemin de la Connaissance, c’est le 3è Œil. Je le disais en préambule, quelles que soient les époques, les lieux, les civilisations et les hommes, quel que soit ce que l’on tente d’appréhender, on retrouve bien souvent les mêmes interprétations. Et, comme j’ai coutume de le dire, c’est une question de Conscience Universelle. Le 3ème Œil c’est le Soleil et la Lumière. Il y a un lien Universel dans le cœur et l’esprit des hommes, une communion de pensée, une profondeur quant à la recherche de la réalité de l’existence et le Sens de la Vie. Il y a lieu de s’interroger encore et toujours, comme en tout temps, sur le Divin qui a inspiré, inspire et inspirera l’homme.

J’espère que j’ai pu vous faire partager le plaisir que j’ai eu à travailler sur ce  3éme Œil, pour moi, symbole des symboles, situé à l’Orient dans ce triangle sacré, le Delta. Cet Œil bénéfique de la symbolique égyptienne qui est là pour nous éclairer et nous guider. Cet Œil omniscient qui nous regarde à chaque instant de nos travaux et qui est là, de toute évidence, pour nous aider à nous parfaire et, par voie de conséquence, pour nous aider à oeuvrer pour le bien de l’humanité. Mais, Oh combien est long le chemin !

V\M\, et vous, mes S\ et mes F\, Puissions-nous par delà le Temps et l’Espace, où la mort est abolie, plonger ensemble dans une même direction, dans un même regard et que ceux qui nous ont quittés, nous qui sommes et qui seront, connaissent par cet Œil, l’Unité et l’Éternité

Je terminerai, comme j’ai commencé, par un autre extrait du poème de Sully Prudhomme.

« Bleus ou noirs, tous aimés, tous beaux,
Des yeux sans nombre ont vu l’aurore;
Ils dorment au fond des tombeaux,
Et le soleil se lève encore.
Oh ! Qu’ils aient perdu le regard,
Non, non, cela n’est pas possible !
Ils se sont tournés quelque part
Vers ce qu’on nomme l’Invisible ».

J’ai dit.

Lyd\ Lb\ – Une S\ de la loge NOUT

Publié dans le Bulim - Bulletin N° 12 - 30 Novembre 2009  -  Abonnez-vous

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