GLFM Bulletin : Bulim Misraïm 10/2009

Qu'est-ce que la Lumière ?

On peut se demander s’il y a quelque chose de commun entre la lumière en physique, aspect de la matière se déplaçant à une vitesse limitée, et la lumière des mystiques ? Toutes deux ont pourtant un aspect commun : elles sont une limite idéale, un aboutissement.
La lumière est mise en relation avec l’obscurité : les deux symbolisent les valeurs complémentaires ou alternantes d’une évolution.
La lumière luit dans les ténèbres (St Jean, prologue de l’Apocalypse)... Et les ténèbres ne l’ont pas comprises...
Et dans une création, il faut que la lumière se manifeste. C’est la lumière, parfois assimilée au Logos, au Verbe, qui est la manifestation de la création. La cosmogonie Égyptienne

Héliopolitaine nous montre la première manifestation du principe créateur : le rayon solaire, le premier rayon de Rê, la « lumière divine » qui vient illuminer le tertre primordial sur lequel s'est posé Atoum, émergé « de par sa volonté » du chaos réceptacle de toutes les potentialités qu'est le Noun. À partir de cet instant, la création est poursuivie par le principe créateur devenu Atoum-Rê. Et l’origine de toute vie est Lumière. La cosmogonie Memphite ne vient pas contredire celle d’Héliopolis, mais elle va décrire la « Toute Puissance » sous un autre de ses aspects : la Toute Puissance du Verbe, comme Créateur.


Dans la Table d’Émeraude (Apollonios de Tyane - Hermès Trismégiste), où la Tradition

Égyptienne, reprise par les théologiens Alexandrins influencés par la pensée grecque, est pour la dernière fois relatée sans être encore transformée, la Création est évoquée ainsi : “ La première chose qui parut fut la Lumière de la parole de Dieu. Elle donna naissance à l’action, l’action au mouvement, et celui-ci à la chaleur ”

Dans la genèse Biblique : « Fiat lux » : c’est le rayonnement de la lumière qui engendre, à partir du point primordial, l’Étendue. C’est l’Illumination qui, par vibration, ordonnance le chaos. Notons que dans les premiers siècles de l’Église chrétienne, le baptême se disait l’ ”Illumination ”. Après la mort, il faut retrouver la lumière.


La sortie des ténèbres que l’on retrouve dans les mythologies de la mort, liées au “ drame végétal ” (semence enfouie, ténèbres où se produira une transformation qui aboutira à la naissance d’une plante nouvelle), se retrouve dans les rituels funéraires.

En Égypte, on la voit évoquée dans les rituels relatifs au mythe Osirien, et, accompagnement propre à ces rituels Osiriens, dans le “ Livre de la sortie à la lumière ”, improprement appelé Livre des Morts. Car si la lumière solaire meurt chaque soir, elle renaît chaque matin, et l’homme, assimilant son destin à celui de la lumière, prend par elle espérance et confiance dans la pérennité de la vie et de sa puissance. Ainsi Horus, son fils, né de lui et d’Isis, est-il l’accompagnateur d’Osiris dans la Douât pendant les douze heures de la nuit. Ainsi Horus est-il le vecteur par lequel renaît le monde, en ordre, en équilibre, chaque jour. Double énergétique de son père Osiris, Horus est l’aboutissement du processus initiatique engagé pour sa conception et sa naissance, ce processus mené par Thot et par Isis. Car c’est la sagesse de Thot qui a permis que soit engendrée l’Illumination d’Horus, et c’est la parole créatrice de l’ibis qui s’exprime par l’intelligence du faucon. Et car c’est Isis, la grande magicienne, qui conçut Horus, en attirant la semence divine, c’est elle qui lui donna une forme visible. Et lors de l’ouverture des travaux dans le Temple de la Sagesse d’Égypte, au rite de Misraïm, c’est ce rôle d’Osiris et d’Isis qui est évoqué, au moment de « l’allumage des feux », en une triple « invocation », à Atoum-Rê, démiurge, à Osiris et à Isis.

Horus est lui-même le « Maître des Transformations », le Maître des Transformations profondes qui permettent à l’être de retrouver « le roi » qui est en lui : par la vertu de Thot, Horus initie ses adeptes à l’Intelligence Divine, et fait en sorte que la Connaissance soit le couronnement de la Sagesse. Lumière de l’âme, Horus incarne l’état de perfection psychique transcendantale, il est l’âme qui a retrouvé sa vraie nature : la Lumière pure. Et, en tant que tel, il est le devenir permanent d’une tradition intemporelle...
Extrait des hymnes utilisés lors de l’initiation « royale », solaire ou horienne, pratiquée vers 700 avant JC dans la grande pyramide de Khéops, à Gizeh, cet hymne retrouvé dans une des plus anciennes cryptes du Temple ptolémaïque d’Edfou : (traduction en français par Max Guilmot et René Lachaud) : « Horus est l’éclat du soleil, mais il n’est pas le soleil : en lui respire Rê et se cache Atoum.

Horus, disque ailé, planant dans l’horizon toujours lointain.

Hiérophante, il te conduit vers ton apothéose : La fusion complète avec le soleil.

Horus est l’initiation royale, il est l’Or, le Kâ du réalisé, le roi réactivé qui sommeille en toi. J’ai rejoint les dieux du firmament, Je suis au- delà des quatre éléments. Je suis Horus, le degré suprême,

La perfection transcendantale, La Lumière de l’âme.
Et lors de cette initiation - peut-être improprement qualifiée d’ultime - qu’est la mort terrestre, l’Osirifié « Maâkérou », Juste de Voix, voit-il un de ses constituants, un des neuf constituants de son être, « l’Akh », s’immerger dans le divin d’où il provient : « L’esprit Akh est pour le Ciel ».

L’Akh est le terme qui exprime toutes les notions de Lumière, au sens littéral comme au sens figuré, de la lumière « issue des
ténèbres » à la lumière de la transfiguration... Cette lumière «Akh», qui, du vivant de l’homme, se trouve en son cœur, ce naos... « Le véritable naos du Temple, - nous dit l’inscription dans la salle du Naos du Temple d’Horus, à Edfou, c’est le cœur de l’homme ». Comme brille toujours la Lumière, la Lumière divine, dans ce réceptacle qu’est le naos du Temple de la Sagesse d’Égypte, au rite de Misraïm...

À noter qu’on peut comparer deux lumières : la lumière directe, celle du feu, celle du soleil, et la lumière réfléchie, comme par un miroir, la lumière de la Lune. En Égypte, la première est symbolisée par le principe actif Horus, la seconde par le principe passif Hathor, la forme d’Isis en tant qu’épouse d’Horus... Le solstice d’hiver (vers le 24 décembre) est le moment où le soleil est le plus bas dans sa course, celui où les jours ont atteint leur minimum de durée, c’est le moment où ils vont recommencer à rallonger : le cycle de la lumière recommence : c’est pourquoi c’est vers cette date que l’on fête le retour de la lumière. C’est d’ailleurs cette date que les pères de l’Église chrétienne, organisateurs du dogme de la religion, vont choisir pour être celle de la naissance du futur rédempteur de l’humanité, le Christ.

En Égypte, c’est le mois de Méchir, le second mois de la saison Peret, l’Hiver, saison symbolisée par une femme, « celle qui monte », et qui apporte « hotep », la paix, la sérénité, la plénitude. Et c’est le moment où vont, rituellement, être célébrés les mystères des grandes fêtes de l’Horus toujours renaissant. À Edfou, la statue cultuelle représentant le Bâ du Dieu était portée sur le toit du temple, dans une chapelle à ciel ouvert dite chapelle de solarisation. Là, le premier rayon de l’aube venait frapper la statue et rendait effectif son pouvoir de régénération. Et, par ce mystère cosmique, la création réactivée pouvait, une année encore, poursuivre son œuvre sur la terre d’Égypte. Le solstice d’été (24 juin) marque l’apogée de la course solaire. C’est le moment où le soleil atteint, au zénith, son point le plus haut dans le ciel. C’est le jour où l’on fête le soleil. En Égypte, c’est le mois d’Epiphy, troisième mois de la saison de Shemou, l’été, saison symbolisée par un homme, « le Brûlant », qui apporte l’ « ankh », la vie. C’est le moment où va, rituellement, commencer la grande procession, la « grande pérégrination », qui va conduire la statue de l’Horus d’Edfou à rendre visite, en descendant le Nil sur la barque sacrée, à son épouse Hathor, en\ son grand temple de Dendara. La fête de la « bonne rencontre » verra célébrer le mariage mystique d’Hathor et d’Horus, cette union d’où, chaque année, naîtra Iby Harsomtus, l’enfant Dieu musicien...

Dans la mesure où, dans la religion chrétienne, le Christ est comparé au soleil, il est figuré, dans l’art roman, par le Christ chronocrator, celui qui gouverne le temps, sous la forme du cancer solsticial. Une particularité du symbolisme des solstices est qu’il ne coïncide pas avec le caractère général des saisons correspondantes. En effet, c’est le solstice d’hiver qui ouvre la phase ascendante du cycle annuel. Le solstice d’été qui ouvre la phase descendante. D’où le symbolisme gréco-latin des “ portes solsticiales ”, représenté par les deux faces de Janus.

Pour les Pythagoriciens, le solstice hivernal ouvre la voie des Dieux, il est « la porte des Dieux ».

Le solstice estival est lui, l’entrée dans la voie des ancêtres, il est « la porte des hommes ». Le Christianisme reprendra ce symbolisme solsticial avec les deux Saint Jean,
La Saint-Jean d’été, celle qui prélude à la phase d’obscurcissement du cycle Solaire étant attribuée à Jean le Baptiste.

La Saint Jean d’hiver, début de la phase d’accroissement de la lumière, la phase lumineuse du cycle, attribuée à Jean, dit « l’évangéliste », coïncide avec la date de la naissance du Christ.
Et d’ailleurs, la régularité de ce cycle est soulignée dans la formule de l’Évangile de Jean (3-30), qui, parlant du Baptiste évoquant le Christ, dit : “ Il faut que lui grandisse, et que moi je décroisse ”. Et il y a la Lumière des étoiles... Et bien souvent, dans des rituels, on appelle étoile un cierge qui symbolise la Lumière. C’est Paul VI qui développait, en 1973, la symbolique du cierge : «Pure et primitive source de Lumière. Par sa droiture et sa douceur, il est l’image de l’innocence et de la pureté. En brûlant et en éclairant, il exprime une vie entièrement consacrée à l’amour unique, ardent, total... Le cierge enfin est destiné à se consumer en silence, tout comme (pour des religieux par exemple) votre vie se consume dans le drame, désormais inévitable, de votre cœur consacré ; dans le sacrifice, comme celui du Christ sur la croix ; dans un amour douloureux et heureux, qui ne s’éteindra pas au dernier jour, mais continuera à resplendir sans fin, dans la rencontre éternelle avec Dieu. ”

Tant d’aspects de la Lumière, Feu... Que nous évoquerons lors d’autres « minutes de symbolisme »...

J'ai dit, Vénérable Maître

Le 5ème jour du 1er décan de Mechir, 2ème mois de la saison de Péret (grande flamme, l’Hiver)
(20 décembre 2008 de l'ère habituelle à la chrétienté).
J\L\ D\ – Dans sa 63è année

Publié dans le Bulim - Bulletin N° 11 - 30 Octobre 2009  -  Abonnez-vous

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