GLFM Bulletin : Bulim Misraïm 10/2009

Le 2ème Voyage

J'ai vu, j'ai entendu, j'ai senti, j'ai touché et j'ai goûté : j'ai 3 ans. C'est mon premier voyage. Prise de conscience de soi... Je suis passif, je reçois, je suis la gauche, je suis féminin, je suis brut. Je me dois aussi d'être le ciseau et le maillet ; je dois intervenir sur les sens, intervenir sur la matière : dégrossir, agir sur ma passivité, mes passions, mais toujours guidé par un Frère qui me tend la main. C'est mon engagement que je prends face à l'Elémosinaire, Homme du cœur, lorsque l'Expert me place face à lui. C'était mon premier voyage.

Mon second voyage commence pour ne jamais terminer ou plutôt, il sera perpétuel ; comme les autres d'ailleurs. 24 heures de rectitude par jour c'est long... A présent je rejoins mon autre côté ; je vais réfléchir mon action. Toujours guidé on m'apporte les outils du spéculatif qui m’aideront à tracer mon Temple intérieur. Je vais pouvoir définir des limites, donner forme à mon architecture. A l'aide de ces outils je pourrai lui donner les angles qui me seront harmonie quelle qu'ils soient, tant que ceux-ci respectent la rectitude. C'est devant le trésorier, le gardien du Trésor, trésor peut-être pas si métallique que je m'engage cette fois-ci.

Au commencement, le centre de gravité, centre du tout qu'encadre un triangle équilatéral lui même entouré du cercle. Le point est en moi et fait naître le cercle : ils sont tracés par le compas qui délimite le triangle tracé lui-même par la règle. Retour à l'Unité par le trois et retour à l'Éternité par le trois. Quel voyage ! Neshiya (7sr~b]) en Hébreu. Le Yod est au milieu du voyage, la main, Dieu est au cœur du voyage, JE suis au cœur du voyage. C'est le voyage ésotérique qui suit le voyage initiatique. Si l'on retire Dieu du voyage, nesha (7srb]), nous ne faisons qu'aller, sans accompagnement. Germe stérile. Me vient alors une pensée que finalement les voyages ne sont pas une introduction au Compagnonnage mais la conclusion de l'Apprentissage. J'ai tracé le triangle dans le cercle, je me situe entre l'Unité et l'Éternité. Je suis encore le 3 mais cette fois-ci l'Ordre veut me signifier que j'en ai conscience. A l'origine est le point, l'Unité, le tout et le rien. Le compas pose la pointe du Fils au centre du Rien. Le Père va donner l'Éternité à l'esprit. Le monde de l'homme est tracé, nous sommes dans la dualité. L'homme se crée et se perd dans sa chute, de la dualité naît le troisième pôle : le discernement, l'Homme éclairé.

Je dois donc faire le chemin inverse du tracé : retourner à l'origine du Tout. Rejoindre le Un en passant par le Trois et ne pas rester dans la dualité. Je comprends maintenant pour quelle raison l'aboutissement de l'apprentissage est de savoir d'où l'on vient : connais-toi toi- même. Le parcours maçonnique signifie alors, que plus nous évoluons et nous éloignons de l'apprentissage... plus on s'en approche, plus on approche de l'Initiation, de la Naissance, de la Lumière ; joindre le début à la fin comme Le serpent, l'Ouroboros. Cela sous entend que les clés de la connaissance sont à portée de main et qu'il faut vouloir les saisir même si l'on ne peut aisément l'approcher. Osiris-Isis-Horus. Jupiter-Mars-Quirinus. Soleil-lune-Venus. Un Dieu en trois personnes pour une réalisation. Sous tous les cieux cette même volonté par le ternaire. On me fait ensuite lire les styles d'architecture : l'Art. Cela signifierait donc que du précédent travail, du tracé, nous pouvons exercer ce que l'on appelle l'Art Royal ? Je comprends mieux l'aboutissement : la Pierre philosophale. La pierre philosophale, transmutation de soi- même, aboutissement de la Pierre brut. Il n'y a pas de Pierre philosophale mais Sa propre pierre philosophale. Des héros s'en sont allés pour vaincre les barrières vers leur Unité. Jason avait peut-être déjà inspiré nos Constitutions en laissant une sandale derrière lui pour le bien d'une déesse qu'il ne savait être représentée sous les traits d'une vieille femme. Si nous pouvons faire un rapprochement du deuxième voyage avec son périple ce serait son escale sur l'Ile de Samothrace (Seconde île de son périple) sur laquelle, sur les conseils d'Orphée il s'initia aux mystères. Moïse, après la lumière du buisson ardent, nait des 10 "plaies gestation", traverse avec son peuple leur désert intérieur ; à l'aube de son âge adulte, purifié par le feu, il reçoit les tables de la Loi. Ulysse, après une année passée au palais de Circée, fille et grande prêtresse du soleil, est initié par elle. Le voyage est synonyme de rencontres, rencontre avec les autres, avec soi-même. Le voyage est mouvement, il mature.

Le secret maçonnique est un secret personnel : vivant. Ainsi, retourner à l'unité par le trois n'est pas une connaissance mais un état qui suit une assimilation. Je pense que c'est la raison pour laquelle mon premier surveillant m'a fait plancher sur ce thème, que l'ingestion puis l'Assimilation du tracé du point au cercle en passant par le triangle est le secret maçonnique du premier degré et que son accouchement doit se faire au second degré. Les outils m'indiquent, dans un premier temps, une direction. Ils me révèlent une réalité abstraite confirmée, dans le cas précis du 2ème voyage, par la nécessité d'un retour sur soi. C'est, selon moi, le sens de ce voyage. Les symboles se sont manifestés. Nous sentons bien en nous la nécessité d'un point d'ancrage qui évitera un égarement ; c’est le recommencement français de Deleuze que m’a suggéré Jérôme ; il ne peut y avoir d’autre forme de recommencement à moins que nous recevions la lumière plusieurs fois... Pour atteindre notre origine, il y aura, je pense, immanquablement un retour par Le chemin. La philosophie est à mon sens, un outil au même titre que les joyaux de la Loge. La seule différence est qu'il se manifeste sur un autre plan. Il est de fait, contrairement à l'outil de l'opératif, le principal outil du spéculatif. La philosophie nait de la géométrie et ces deux disciplines sont donc indissociables, Platon est le mariage de ces deux pôles.

La philosophie se définit comme une discipline déductive et rationnelle. Elle n'est pas simple intuition ou impression subjective, mais demeure inséparable de la volonté de démontrer par des arguments et déductions ce qu’elle avance : elle est volonté de rationalité, presque de raison. L'autre outil du spéculatif est, a contrario, la religion ou dans un sens plus large la croyance qui naît de l'intuition ou de l'impression subjective. Les civilisations, notre civilisation Mère, l'Égypte, en premier lieu, séparait très distinctement le rôle du cœur de celui du cerveau. Actuellement, l'intellect, est le moyen favori, au point de lui faire décrier que Dieu est mort ! Et que c'est nous qui l'avons tué ! Il signifie par là que Dieu n'est plus la source fondamentale des codes moraux, n’est plus source de rectitude. L'Origine est loin... Deux moyens qui semblent se combattre pour un même but mais que la franc-maçonnerie marie. Actuellement notre cerveau tue la foi quand ce n'est pas la foi intellectualisée qui se tue elle-même ; nous vivons une crise de foi due, à mon avis, à l'ignorance de notre origine et plus gravement au refus de la rejoindre. Comment donc savoir qui nous sommes et encore plus où nous allons ? Point de voyage possible à ce stade. Plantons maintenant le décor : nous avons une origine et une nécessité de retour vers cette origine. Quel enseignement nous a légué la terre d'Égypte ? La pesée de l'âme est le début du chemin en admettant que le cœur ne soit pas dévoré... Le texte des pyramides et le livre des morts indiquent principalement le cheminement de l'âme dont le cœur aura été aussi léger que la Maat. Cependant, ce qui nous intéresse en premier lieu est ce qui se passe avant... La religion se nourrit aux sources divines et œuvre humainement (Théantropie). Dans le cas de l'Égypte, pharaon est le canal, le lien entre le monde du divin (Le monde d'en haut) et le monde de l'humain (Le monde d'en bas). Il est le mariage de ces deux pôles. Troisième ingrédient de l'Unité. Schéma du macrocosme. Si l'on se fie à la citation "connais toi toi-même et tu connaitras l'univers et les dieux" , la connaissance du microcosme, plus accessible (...) est connaissance du macrocosme.

En résumé, le deuxième voyage signifie à mes yeux, se connaître ; c'est donc réaliser son Unité, c'est Être Unité. Dans les ouvrages qui traitent du cheminement initiatique que j'ai pu aborder (Her Bak par exemple) j'ai pu constater qu'il n'y a pas du tout d'opposition entre le religieux et le philosophe ; ces deux "états" coexistent même souvent (Le terme "religieux" pris dans son sens commun de pratique religieuse et non pas de "reliant" qui y trouve toute sa noblesse) : ce sont donc deux chemins différents voilà tout. Dans le prolongement du deuxième voyage se dévoile le bâton du compagnon. Son compagnon de voyage. Il doit, à mes yeux, être assimilé au cœur car ce sera sur ce bâton, ce cœur debout, tenu de la main droite de l’action, que nous devrons nous appuyer pour conquérir nos territoires de commençant, de progressant et de parfait, la voie d’Horus.

Un F\ de R\L\ du Scarabée

Publié dans le Bulim - Bulletin N° 11 - 30 Octobre 2009  -  Abonnez-vous

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