GLFM Bulletin : Bulim Misraïm 09/2009

Clin d’œil sur la civilisation
 de l’ancienne Egypte
L'aspect des divinités en Égypte ancienne

Des sépultures d'animaux, arrangées avec beaucoup de soin et pourvues d'offrandes, ont été découvertes à Maadi et à Héliopolis ainsi qu'à Badari et à Nagada. Ce sont des sépultures de chacals, de gazelles, mais aussi de béliers et de taureaux. En même temps, les palettes cultuelles ont adopté des formes animales et portent bientôt aussi des figurations d'animaux en relief. De petites figurines représentant avec une grande vivacité des singes, des grenouilles, des hippopotames et d'autres animaux ont été créées vers la fin du millénaire. La connaissance des capacités supérieures de l'animal s'exprime dans les noms des rois de la 1ère dynastie, comme « scorpion » ou « silure ». Mais à partir du moment où l'intellect humain prend le dessus, les forces divines commencent à prendre un aspect humain. La représentation anthropomorphe presque sans détails des membres est connue d'abord à peu près sans différence pour Min et pour Ptah. Pour Neith, Satis, ainsi que pour les divinités cosmiques, Geb, Nout et Shou, les représentations anthropomorphes n'existent vraiment qu'à partir de 2 700 av. J.-C. 

La forme composite associant des éléments animaux à des éléments humains est attestée pour la première fois à la 3e dynastie. Ce type de représentation est alors tout aussi normal que la représentation purement anthropomorphe ou zoomorphe. Généralement, la divinité anthropomorphe porte son attribut sur la tête ou au lieu de la tête. Souvent, il s'agit de l'hiéroglyphe indiquant son nom. L'autre version - corps animal avec une tête humaine - est exceptionnelle. L'exemple de la déesse Hathor illustre bien les multiples possibilités de représentation. Le plus souvent, elle apparaît sous les traits d'une femme portant sur la tête des cornes de vache ainsi que le disque solaire. Dans d'autres cas, elle est assimilée à une vache, soit allaitant le roi, soit sortant de la montagne thébaine pour protéger le défunt. Rares sont les exemples où la déesse a un corps humain et une tête de vache. Les piliers hathoriques par contre sont très fréquents. Rappelant un fétiche, leur chapiteau montre de face une tête humaine pourvue d'oreilles de vache. En outre, la déesse est figurée en lionne, cobra, hippopotame ou encore en déesse-arbre. 

Chacune de ces manifestations se réfère à un trait caractéristique de la déesse. Elles n'ont rien à voir avec son véritable aspect extérieur, car la forme réelle de la divinité reste en effet « cachée » et « secrète ». Seul le défunt, justifié et éclairé, a le droit de la connaître et est en mesure de le faire. Les textes religieux relatent la rencontre dans les rêves ou dans l'au-delà avec la divinité, mais elle n'est jamais décrite. Seule l'approche du dieu est perceptible, soit par un tremblement de terre ou une tempête, soit par son parfum ou son éclat lumineux. Les diverses formes de représentations ne peuvent concrétiser qu'une partie de la nature divine dont la richesse ne peut être saisie et surtout pas rendue dans sa totalité. De là vient inévitablement la multitude des formes divines. Si deux ou plusieurs divinités sont associées, comme par exemple Amon et Rê en Amon-Rê, le nombre de formes d'apparition possibles se multiplie par les diverses combinaisons. 

Chaque divinité préserve néanmoins son autonomie sans être absorbée par l'autre divinité et la possibilité de mélanges est limitée. C'est pourquoi les tendances syncrétistes en Egypte n'aboutissent ni au panthéisme ni au monothéisme, même pas sous l'aspect solaire fort répandu : au contraire, le caractère polymorphe reste un trait typique du divin. De même, l'image de culte est une forme, un corps de la divinité qu'elle peut habiter temporairement. Cachée dans le naos clos du sanctuaire, au fond de la partie intime et secrète du temple, elle est invisible aux laïcs. Seul le prêtre est autorisé à la visiter et à l'entretenir. Même lors des jours de fête, quand elle quitte sa demeure pour être portée en procession à travers la foule des croyants, un rideau la protège des regards. En de telles occasions, elle est cependant réceptive aux souhaits et aux demandes des hommes et elle rend même des oracles. Hormis les visites d'autres divinités et les « voyages de noce », les images de culte restent à leur place. Il a dû exister néanmoins des sortes d'idoles itinérantes. 

Lors de son voyage au Liban à l'époque de Ramsès XI, vers 1070 av. J.-C., Ounamon avait emmené pour sa protection un « Amon de la route » qu'il devait toutefois dissimuler aux regards des voleurs. Plus tôt déjà, un long voyage avait été entrepris par une « Ishtar de la route » que Toushratta, roi du Mitanni, avait envoyée de Ninive vers l'Egypte à son confrère souffrant, Amenhotep III. L'animal vivant, considéré dans certains sanctuaires comme l'incarnation de la divinité et vénéré, est une forme particulière de l'image de culte. Tout comme dans l'image sculptée du sanctuaire, Ptah peut résider dans le taureau de Memphis, Khnoum dans le bélier d'Eléphantine et le dieu Sobek dans le crocodile de Kom Ombo. S'il s'agissait seulement au début d'un exemplaire unique et choisi de l'animal, à partir de la Basse Époque on verra naître une zoolâtrie illimitée due à la conception que chaque taureau, chaque crocodile ou bélier pouvait incarner le dieu. Le simple croyant a dû avoir autant de difficultés à établir une séparation stricte entre l'ibis en tant que demeure possible de Thot et le dieu lui-même que, plus tard, celui qui vénérait les icônes, pour distinguer l'archétype de la copie.

La croyance en Égypte antique

L'ici-bas et l'au-delà sont étroitement liés pour les Égyptiens et forment un tout à l'intérieur du monde créé et organisé. Ce concept spirituel et religieux demande une concrétisation, par exemple la construction du tombeau, lequel nécessite la préservation de l'ordre en face des dangers extérieurs au monde ordonné. Cela s'exprime dans beaucoup de détails du mobilier de la tombe et dans les représentations de l'au-delà. Cette conscience du péril qui menace l'ordre constitué par la vie, avant ou après la mort physique, est très compréhensible pour un peuple qui voit et ressent la menace que constitue, pour la vie, le désert qui l'entoure. 

La conscience de ce péril sera toujours évidente par la suite. La conception fondamentale de la croyance égyptienne en l'au-delà est ainsi exprimée et nous pouvons la suivre à travers une histoire de plus de 3.000 ans. Mais, dès le début, il faut bien comprendre que cette conception de l'au-delà est un ensemble extrêmement complexe. Il englobe des pratiques et des représentations qui se rapportent à plusieurs domaines. C'est d'une part le domaine qu'on peut décrire comme « les précautions pour la vie dans l'au-delà » ; d'autre part, le « passage de la vie terrestre à la vie dans l'au-delà » suscite d'abondantes réflexions. Il s'agit de triompher des dangers et de s'assurer l'accueil dans l'autre monde. Pour finir, la destinée, la vie du mort dans l'au-delà est source d'angoisses et d'espérances. Il est évident, bien sûr, que les représentations relatives à ces aspects ont été traitées, à différentes époques, de manière distincte, et qu'elles ont surtout des racines multiples et disparates. C'est une caractéristique de l'Egyptien de ne rien oublier. 

Les anciens concepts et les premiers écrits ne sont pas rejetés à l'apparition d'une nouvelle idée, mais ils sont ajoutés à celle-ci. Jusqu'ici, nous n'avons abordé que la croyance en l'au-delà. Nous devons maintenant parler du lieu qui, malgré tous les changements de conceptions sur la vie dans l'au-delà, eut une signification essentielle et la conserva toujours : la tombe. Quelques remarques préliminaires s'imposent encore. La conception de la tombe en tant que maison du mort est ancienne, et cette maison peut être transposée de façon très concrète dans la construction funéraire. La tombe était bâtie comme une maison réelle, avec un office, une entrée à colonnes, des cours, des jardins, etc. Plus tard, déjà au Moyen Empire, une autre idée s'ajoute à ce concept de « belle maison d'éternité ». La tombe, et en premier lieu le caveau, devient la représentation du monde de l'au-delà. 

Cette représentation de l'au-delà, on peut en lire l'évolution dans les figures et les textes sur les parois des tombeaux. En outre, la façon dont le texte et les représentations sont choisis et organisés fait apparaître clairement que la tombe pouvait être envisagée comme un monument, un lieu où était entretenu le souvenir du défunt. Ainsi, outre ce qui est obligé et général, on présente ce qui est exceptionnel et individuel « afin qu'on voie ce que j'ai fait sur terre », comme cela est assez souvent exprimé d'une manière ou d'une autre. Le rôle le plus important de la tombe est d'être un lieu de contact entre le monde terrestre et l'au-delà, entre les morts et les vivants. Il est entendu que ce sont les vivants qui assurent l'existence du défunt en l'approvisionnant. 

Les offrandes y sont apportées, les prières récitées, les fêtes célébrées. Mais on peut remarquer que les contacts entre la vie et la mort ne se limitent pas à l'entretien du défunt. La volonté du mort de participer, le cas échéant, à la vie terrestre, est exprimée par une liste de souhaits. Il aimerait revoir sa famille, s'occuper de ses biens, se rendre au temple du dieu protecteur de sa ville, surtout lors des fêtes, et beaucoup d'autres choses encore. Nous parlerons plus loin d'une autre possibilité pour les vivants d'entrer en contact avec les morts.

Publié dans le Bulim - Bulletin N° 10 - 30 Septembre 2009  -  Abonnez-vous

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