GLFM Bulletin : Bulim Misraïm 06/2009

La Sagesse

"On ne reçoit pas la sagesse.
Il faut la découvrir soi-même,
après un trajet que personne ne peut faire pour nous,
 ne peut nous épargner"
(Marcel Proust).

Qu’est-ce que la Sagesse ?

Philosophie vient du grec philo (philien : aimer) - sophia (sagesse, savoir, connaissance) que l’on traduit généralement par « amour de la sagesse ». La sagesse désigne le savoir et la vertu d’un être. Elle caractérise celui qui est en accord avec lui-même et avec les autres, avec son corps et ses passions (vertu de tempérance, de modération et de justice), qui a cultivé ses facultés mentales, tout en accordant ses actes à ses paroles. Dans son acception populaire, la sagesse est attribuée à celui ou celle qui prend des décisions raisonnable, au prix de ses propres intérêts parfois. On qualifie d’enfants sages ceux qui sont obéissants et discrets. Ce qu’on appelait « la sagesse des égyptiens et des premiers philosophes « n’était que leur science. On s’aperçut bientôt que cette science primitive ne répondait pas à la réalité et la sagesse devint philosophie (amour de la sagesse). Cette dernière prit alors un sens exclusivement moral et politique.

1 - LA SAGESSE GRECQUE

Chez les philosophes grecs, la sagesse se définit comme un état de réalisation qui s’appuie sur une connaissance de soi et du monde, s’accompagne d’un bonheur suprême et correspond à l’état de perfection le plus élevé que puisse atteindre l’humain et son esprit. La sagesse est le "SAVOIR ETRE HEUREUX" ou encore la science du bonheur. On dit que les Sept Sages de la Grèce ont gravé sur le temple d’apollon à Delphes les maximes bien connues de tous "CONNAIS- TOI TOI-MEME" et "RIEN DE TROP.

Ils montrent tous que leur sagesse était avant tout pratique. Pour Socrate, la sagesse est entière dans la morale ou vit en elle. Conseillère des humains elle leur dit ce qu’ils doivent faire. Elle est en quelque sorte la voix de la conscience. Socrate, modèle de la sagesse antique, prône l’humilité, l’acceptation de son ignorance et le respect absolu des lois de la cité.

2 - LA SAGESSE ORIENTALE

En Orient, comme dans l’occident antique, les sagesses sont parfois difficiles à distinguer des démarches religieuses parce qu’elles se pratiquent à l’échelle d’une communauté d’individus partageant la même pensée. Bouddha peut par exemple être regardé comme un sage.

3 - LA SAGESSE EN EGYPTE ANCIENNE

« Les lèvres de la sagesse sont closes excepté aux oreilles de la raison : Le Kybalion (1). L’Égypte, patrie des pyramides et des sphinx était le berceau de la sagesse cachée et des enseignements mystiques. Tous les pays, l’Inde, la Perse, la Chine, le Japon et autres nations anciennes ont emprunté ses doctrines. Dans l’ancienne Égypte ont vécu les adeptes et des Maîtres qui n’ont jamais été surpassés et rarement égalés durant les siècles qui les ont séparés du grand Hermès. En Égypte se trouvait la loge des mystiques. Par la porte de ces temples entrèrent les Néophytes qui plus tard, comme Hiérophantes, Adeptes et Maîtres parcoururent les quatre coins du monde, portant avec eux le précieux savoir qu’ils désiraient ardemment transmettre à ceux qui étaient préparés pour le recevoir. Tous ceux qui étudient les sciences occultes reconnaissent ce qu’ils doivent aux vénérables Maîtres de l’Antiquité. Parmi ces grands Maîtres de l’ancienne Égypte vécut un homme que les Maîtres considéraient comme le « Maître des Maîtres ». On le connaissait sous le nom d’Hermès Trismégiste. Il était le père de la sagesse occulte, fondateur de l’astrologie et de l’alchimie. Les détails de sa vie sont perdus dans l’histoire. On a fixé sa dernière incarnation aux premiers jours des plus anciennes dynasties égyptiennes, longtemps avant Moise. Les auteurs les plus compétents le considérèrent comme contemporain d’Abraham.

Dans les années qui suivirent sa disparition du plan de vie terrestre (la tradition rapporte qu’il a vécu 300 ans dans la chair), les égyptiens déifièrent Hermès et le nommèrent THOTH. L’ancienne Grèce le nomma « Hermès le dieu de la sagesse ». Les égyptiens ont vénéré sa mémoire pendant de nombreux siècles, l’appelant « l’écrivain des Dieux »lui rendant son titre de « Trismégiste » qui signifie le « trois-fois-grand », le « grand des Grands ». Dans tous les pays de l’antiquité, le nom d’HERMES TRIMEGISTE, synonyme de « Fontaine de sagesse » était très honoré. Les disciples d’HERMES ont toujours eu pour principe d’observer le secret de leurs enseignements. Dans les premiers jours de l’antiquité, il existait un certain nombre de doctrines fondamentales que le Maître transmettait à l’élève et qui étaient connues sous le nom de KYBALION. Parmi les paroles du KYBALION on trouve celle-ci. « Quand les oreilles de l’élève sont prêtes à entendre, c’est alors qui viennent les lèvres pour les remplir de sagesse ». En Égypte, nous sommes en présence des originaux de ces textes sacrés. L’Égypte ancienne est une théocratie. Le Pharaon était donc le véritable représentant de la sagesse sur le pays. Il était choisi parmi les personnes les plus aptes à poursuivre l’œuvre monumentale égyptienne. Il n’y avait pas de lutte de pouvoir ni de position dominante ni de recherche d’enrichissement personnel. Cela nous paraît tellement éloigné de nos comportements actuels. Pharaon était considéré comme ayant accompli la totalité de l’éveil du KA en lui. Toute l’Égypte ancienne est une symbolique du but de la vie. Le symbole doit être vu comme étant un résumé en image d’une fonction vitale. On peut retrouver la raison du choix d’un symbole en observant la nature. L’objectif sacré de la vie est la sagesse. A ce titre, il convient de faire diriger sa vie non par l’intellect mais par l’intelligence du cœur. L’intelligence du cœur est un organe que l’on peut situer non pas au niveau du cœur mais un plus au centre du thorax. Dans cet endroit se trouve l’étincelle divine qui sommeille paisiblement jusqu’au jour où nous l’a laisserons s’exprimer. Ce feu ne peut être éteint. Le jour où nous laisserons l’intelligence du cœur gouverner notre vie, c’est la sagesse qui s’imposera à nous. L'intellect oppose en permanence une force qui semble inépuisable pour écraser l’intelligence du cœur. Assurer le culte funéraire de ses parents, fonder une famille, respecter les règles du savoir vivre et les convenances, adresser une prière matinale au disque solaire, éviter de truquer les mesures ou déplacer les bornes des champs, ne pas faire payer le péage du bac au pauvre, aider la veuve et l’étranger. A un plus haut niveau, respecter l’ordre établi, faire preuve de réserve et de modestie; voilà ce que tout jeune égyptien bien né devait apprendre de la bouche de son père, ce que toute personnalité reconnue devait transmettre aux jeunes générations.

Au sens large, le terme « sagesse » appliqué aux productions écrites du Proche Orient ancien, désigne des œuvres, de nature et de genre divers, qui ont en commun d’être dominés par une attitude éthique fondée sur l’intelligence du monde et des principes qui le régissent ou sur une aspiration à y parvenir. Au sens restreint, « sagesse » désigne un genre littéraire dont la finalité première est d’enseigner des normes de conduite et de comportement sur lesquelles régler sa vie, à partir d’une attitude éthique plus ou moins explicitée. On emploie ainsi comme synonyme de « sagesse » les termes « instruction », « enseignement ». Pour la période pharaonique, de 3000 avant. JC à la conquête d’Alexandre, on dénombre 17 œuvres qui peuvent être classées comme relevant de la sagesse au sens restreint parce qu’elles se présentent comme des enseignements ou des instructions à finalité éducative. Pour désigner ces enseignements, l’égyptien utilise le terme de « sebayt » qui s’applique à l’instruction (sebayt est forme de seba « construire »). Le bon comportement est défini par un principe de base : la mesure en toute chose. Le comportement idéal par opposition à celui du « bouillant », est celui dit du « silencieux », c’est-à-dire qui s’est laissé faire, ou qui sait éviter toute réaction précipitée, impulsive déplacée. Cet ensemble de prescriptions et de prohibitions sert donc à définir un guide du comportement dans l’existence par l’apprentissage des codes sociaux. Il s’agit de fournir des repères pour banaliser « le chemin de la vie ».

Les sagesses égyptiennes sont avant tout pratiques... voire même utilitaristes. L’homme ne doit pas agir inconsidérément tout simplement parce qu’il est dans un monde voulu par les Dieux et réglé par leur volonté. Les sagesses étaient destinées à former les fils d’une minorité lettrée de la population par opposition à la masse des travailleurs manuels. Elles prétendent définir les conduites propres à ces gestionnaires subalternes dominant la masse non lettrée mais subordonnés à l’élite dirigeante à laquelle elle peut espérer accéder. Mais on parle beaucoup de l’homme alors que la femme a une place importante, notamment la place de la sage-femme. HATHOR (mère et/ou épouse du dieu faucon HORUS), ISIS (déesse des mariages et de la fécondité, sœur et épouse d’OSIRIS) ou ISIS HATHOR (dont le culte donnait lieu à des réjouissances grandioses dans toute l’Égypte) est la maîtresse sage-femme de l’équipe obstétricale divine des 7 Hathor). Les accouchements se faisaient en présence d’une sage-femme. Aucun médecin n’était présent. Les 7 Hathor se tenaient invisibles au chevet du nouveau-né. Elles s’apparentaient aux bonnes fées marraines de notre moyen–âge. Enfin, Lapis Lazuli, pierre sacrée des Pharaons et des dieux égyptiens apporte la sagesse à l’humanité, facilite l’intuition et renforce l’esprit de solidarité. Elle favorise l’harmonie dans les relations humaines, supprime les crampes et calme la fièvre. Avec ses inclusions de pyrites cette pierre évoque le ciel d’une nuit étoilée.

4 – LA SAGESSE MODERNE ET POST- MODERNE

A partir du XVIè siècle, des mouvements comme l’humanisme et plus tard la philosophie des lumières vont progressivement instituer d’autres sagesses, proposant d’améliorer la condition humaine par la foi en la raison au détriment des dogmes religieux. Montaigne incarne le retour de la sagesse antique avec un scepticisme qui emprunte essentiellement à l’hédonisme un amour simple de la vie.

Spinoza incarne la sagesse d’une raison scientifique qui affirme sa puissance d’amour et de joie face au désordre souffrant des passions. Nietzche propose de revenir à la conception d’une sagesse tragique fondée sur l’approbation de la réalité.

5 – LA SAGESSE MACONNIQUE

Les enseignements de la maçonnerie sont intimement liés à la sagesse. Chaque franc- maçon est en route pour une quête initiatique de sagesse.

Au moment où le nouvel initié va renouveler son serment, il s’entend dire qu’il devra travailler sans relâche à son perfectionnement, afin d’avancer dans les voies de la sagesse et de la connaissance. La bienfaisance comme don est un premier pas vers la sagesse.

Le bonheur maçonnique est-il une suite de plaisirs ou s’agit-il de chercher la félicité maçonnique de la sagesse grâce aux joies de l’esprit et du corps ? La franc-maçonnerie a pour travail essentiel la transformation alchimique intrinsèque à la personne. Un des principes fondamentaux de notre idéal maçonnique est de réunir ce qui est épars et le franc-maçon, aujourd’hui plus qu’hier doit judicieusement doser son action entre :

-Enrichir en permanence la chaîne de nombreux et solides anneaux de pur métal, -Et l’exhortation qui lui est faite de répandre dans la cité, les vérités acquises à la lumière de la Loge.

Dans un cas, c’est le nombre de francs-maçons qui est appelé à augmenter, donc le nombre de porteurs d’idéaux maçonniques dont les qualités « transpireront » dans le monde profane. Dans l’autre, c’est la Franc- maçonnerie qui est directement porteuse de son message de sagesse dans le Dit monde. Pour tous les «chercheurs» de sagesse qui souhaite une structure d’accueil, pour tous ceux qui reconnaissent le caractère universaliste de la civilisation, pour tout ceux qui défendent « le respect de la dignité humaine par la reconnaissance de la liberté de conscience en tout homme », pour tout ceux qui acceptent l’apprentissage nécessaire et progressif des conditions de maîtrise de soi ainsi que la connaissance du monde, la sagesse maçonnique constitue une donnée fondamentale.

CONCLUSION

La remise en cause du système ainsi que la dégradation de l’environnement ont conduit à un regain d’intérêt pour les « sagesses » c'est- à-dire les voies permettant à l’individu de

s’améliorer au moyen d’un mode de vie équilibré et d’un certain contrôle de ses passions vis-à-vis du monde extérieur. Pourtant animée d’un pur sentiment maçonnique j’en arrive à me demander si cet idéal de conquête de la sagesse n’est pas une utopie, irréalisable dans la pratique tant que les hommes n’auront pas cessé d’être ce qu’ils sont.

Cependant, je dois reconnaître que la maçonnerie m’a beaucoup apporté. J’ai trouvé un groupe d’hommes et de femmes ayant la même démarche que moi, le même désir de travailler sur soi, de se perfectionner, le même désir de compréhension tolérante, le même idéal de fraternité entre des êtres qui sans elle seraient restés étrangers les uns aux autres. J’ai appris, en toute circonstance, moi qui avais un tempérament impulsif, à garder mon calme et rester digne. Je suis devenue assidue et ponctuelle heureuse de retrouver mes frères et sœurs, être à leur écoute comme ils le sont à la mienne. Je trouve qu’il est très confortable de ne pas se sentir seule. Par mon travail maçonnique, j’espère ainsi et avec ferveur avancer dans les voies de la sagesse.

J’ai dit.

Syl\ Ga\ – RL\ Neter N°31 à l'O\ de Paris

(1) Le Kybalion : étude sur la philosophie hermétique de l’ancienne Égypte et l’ancienne Grèce.
*Hédonisme = épicurisme : doctrine dont l’élément fondamental est la recherche du plaisir.
Publié dans le Bulim - Bulletin N° 9 - 30 Juin 2009  -  Abonnez-vous

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