GLFM Bulletin : Bulim Misraïm 05/2009

Le Signe d’Ordre
Omnia ab uno et in unum omnia Un est en Tout et Tout dans Un

Ce vieil adage, divulgué par le V\M\ au nouvel Apprenti à l’issue de la Cérémonie d’Initiation, prend aujourd’hui un sens nouveau pour moi.

D’aussi loin que remontent mes souvenirs, c’est aux alentours de mes 13 ans que je commençai à ressentir consciemment l’évidence du lien qui unit toute chose : des bouffées de bonheur m’envahissaient subitement chaque fois que je me sentais en harmonie avec la Nature, dont on ne perçoit visuellement qu’une infime partie, mais qu’on envisage dans ses dimensions macro et microcosmiques...la majesté et la chaleur qui émanent d’un arbre frémissant sous le vent ; le vent lui-même qui fait chanter la nature ; les vibrations des ailes d’un coléoptère égaré ; le vol des oiseaux ¡ si enviable ! ; la tiédeur de la pierre gorgée de soleil ; la lumière clignotante de l’étoile qui te fait encore signe au delà de sa mort... la puissance du sentiment de faire partie de tout cela, de tout entendre, de tout sentir, de tout comprendre intuitivement, sans besoin de prononcer un seul mot, sans même le formuler en pensée !...voilà quelques exemples de la sensation de faire partie d’un TOUT ! C’est une évidence, un acquis... Est-ce cela Dieu ? La pureté, encore préservée mais inconsciente de l’enfant se manifestait ouvertement en moi, dans son dernier soupir.

L’adolescence, c’est la perte de l’enfance, c’est un premier deuil, la première petite mort d’un état terrestre, nécessaire à la prise de conscience.

Le temps doit faire son oeuvre... Le signe avant-coureur de l’oubli est, semble-t-il, celui de l’adolescence, puisqu’il ôte toute mémoire de ce qui est l’évidence même pour l’enfant de 3 ans, le premier Apprenti de la vie, celui qui sait intuitivement, mais qui se tait parce qu’il ne sait pas parler, il ne sait pas nommer les choses, tout simplement. L’adolescent, plein de fougue, possédant un langage élaboré mais limité est très attentif à son ego, il pense in petto qu’une autre dimension est là, à

portée de main, et qu’il est le seul à la percevoir. Il ne se rend pas compte qu’au contraire, elle est en train de lui échapper. Il pense que les adultes n’y prêtent pas attention parce qu’ils ne la voient pas, puisqu’ils n’en parlent jamais, et ont même plutôt tendance à vous tirer de vos rêveries... Bref, ils ne comprennent rien, et surtout pas vous !...

Puis, le vide s’est installé doucement ; les désillusions, les effets de l’éducation familiale et sociale se sont alors empressés de l’investir... sans guerre, sans résistance sérieuse, sinon quelques                réticences ponctuelles exprimées dans de petits conflits avec les parents... « Age ingrat oblige ! » vous entendiez-vous dire.

Des années de silence intérieur ont suivi ces états d’âme juvéniles après mes 17 ans.
Alors est née la souffrance due à un sentiment de décalage et d’impuissance.
« MAIS ALORS, QUI –SUIS-JE ? » me demandais-je sans arrêt.

Les questions existentielles de Monsieur Tout le Monde suivirent sans tarder :
     - D’où vins -je ?
     - Où vais-je ?
     - Dans quel état j’erre ?

Si ridicules puissent-elles paraître, ce sont pourtant les questions de base sur lesquelles devrait  méditer chaque individu. Quand on se les pose, on se sent investi d’une quête dont personne n’a la clé... mais c’est l’égo qui domine tout son être si on en reste là. Tâchons donc de persévérer dans la quête d’une réponse !

Voilà que se présentent alors les voyages géographiques de longue distance, les expériences de « à la vie, à la mort », manière de se perdre un peu, de s’oublier, ou de se trouver en se faisant peur, manière de se déculpabiliser par rapport à ses parents et éducateurs en se disant : « j’ai besoin de me reconnaître dans la différence, j’ai besoin d’espace et de diversité, car le monde dans lequel je suis né(e) et dans lequel j’ai grandi est trop étroit, il m’étouffe! C’est ce que je pensais à mes 18 ans, et cela dura jusqu’aux abords de la trentaine! Je ne me rendais pas compte que j’étouffais en moi-même ! Certes, le voyage géographique apporte quelque chose ! comme dit le lieu commun, « le voyage forme la jeunesse » ; d’un point de vue ésotérique, évidemment, il ouvre l’esprit : il permet de relativiser ses propres points de repère culturels et sociaux, ceux sur lesquels on a construit notre identité. Mais la fuite en avant n’est pas la solution ; le voyage apporte certes des connaissances, mais pas La Connaissance, car il ne s’effectue que sur le plan horizontal. Au détour de toutes ces années de jeu de Colin-maillard avec moi- même, certaines rencontres m’ont fait du pied pour m’aider à sortir de cette horizontalité stérile. Je comprends aujourd’hui que le profane "initiable" soit celui qui a déjà au moins pris conscience de son état larvaire, et de la nécessité de se redresser vers la Vraie Lumière. Mais il ne la connaît ni ne la reconnaît, et ne peut donc en évaluer la Sagesse, la Force ni la Beauté sans l’aide de ses F.·. et S.·.

Une fois initié, il reste aussi incrédule et ignorant de tout, brandissant son égo en avant, comme un bouclier qu’il croit impénétrable. Pauvre fou !!! Que de résistance inutile contre soi-même !, que de persévérance dans l’auto - destruction !, que de temps perdu !... De temps perdu ? Non, ce n’est pas tout à fait vrai. Je sais maintenant que le temps n’a ici aucune dimension mesurable, et au dehors il est relatif : ce n’est que le temps d’un parcours semé d’embûches qui mène vers un choix de sortie.

Aujourd’hui, ma conscience s’éveille à nouveau petit à petit, et le nouvel être qui commence à se manifester en moi en ressent déjà les effets bénéfiques. Ce ne sont plus des bouffées subites de bonheur qui m’envahissent et prennent possession de mes émotions, mais un sentiment grandissant de plénitude intérieure beaucoup plus lumineux, comme si une vraie rencontre avec le TOUT était désormais rendue possible. Un nouveau langage est en train de naître en moi, et je crois que c’est celui de l’Amour. Ce souffle d’Amour, je le ressens puissamment lorsque je me mets à l’Ordre. Surtout la première fois, au moment de l’ouverture des Travaux de notre rituel au 1° degré. J’y reviendrai plus loin.

Je me souviens de la première fois que j’ai effectué ce signe, sous l’enseignement du Frère Grand Expert, à l’issue de la Cérémonie d’ initiation :

Ses mots n’avaient aucun sens pour moi, bien que je connaisse ces ‘objets’ matériels ; il parlait d’Équerres, de Niveaux et de Perpendiculaires comme signes de reconnaissance d’un F.·.M.·., puis m’a montré comment positionner mon corps pour le Signe d’Ordre : corps droit, pieds en Equerre, symboles de rectitude de l’esprit et de justesse des actions. Main droite tendue à l’horizontale au niveau de la gorge, pouce en Equerre à la droite de la trachée artère. Retirer vivement la main droite en travers de la gorge en la laissant retomber sur le côté, en Perpendiculaire, comme si on simulait de se trancher la gorge, allusion ésotérique au châtiment de mon Serment s’il était transgressé...

Tout cela était fort impressionnant pour moi, et je compris que beaucoup de choses étaient à découvrir, à décoder et à travailler. Le chemin serait long et laborieux, mais c’était le prix à payer pour parvenir à me libérer de ma propre fange. Un nouveau monde s’ouvrait à moi, mais je ne le comprenais pas encore. Au fur et à mesure de mes observations et à force de répétitions des gestes du rituel, je commence à ressentir en moi leurs effets. Et, de la même façon que lors de mon adolescence, l’évidence du lien intrinsèque de toutes choses réapparaît, comme par magie. Mais cette fois-ci, tout se passe depuis mon intérieur. Petit à petit, toutes les dimensions du Cosmos commencent à poindre, à se manifester en moi et autour de moi, avec et par mes Frères et mes Sœurs.

Lorsque nous procédons à l’ouverture des travaux en Loge, je suis heureuse, car je sens doucement monter en moi une énergie nouvelle qui purifie par son élimination, l’accumulation d’énergies négatives du monde profane. Elle semble déboucher des circuits intérieurs encombrés de déchets. Le point culminant de cette joie s’exprime pleinement au moment précis où notre V.·.M.·. dit :

"Mes F, mes S, debout, face à l’Orient,
vous vous mettrez à l’Ordre d’ Apprenti
au passage des F.·. Et S.·. Surveillants."
"DEBOUT, FACE A L’ORIENT!"

Qu’il est bon de se redresser ! de sentir monter en soi une grande chaleur bienfaitrice, (comme celle des arbres de mon adolescence), et percevoir la Lumière de l’Orient pénétrer en soi pour descendre rejoindre cette énergie montante ! Qu’il est bon de sentir cette même énergie gagner mes Frères et mes Sœurs au moment où ils se redressent aussi. Je ne peux les voir, car mon regard est tourné vers l’Orient, mais cela n’est pas utile, je sens irradier leur chaleur intérieure et se propager entre nous... Mes pieds en Équerre me font toujours penser aux racines d’un arbre ; bien planté en terre, il est prêt à s’élever vers la lumière du soleil dès son plus jeune âge. L’Equerre est le signe extérieur de la volonté de progresser en F.·. M.·., et c’est quelque chose que je ressens pleinement maintenant, mais par dessus tout, la joie que cela me procure, en particulier au moment où je me redresse, car j’ai l’impression que mes jambes poussent, s’étirent vers le haut et vers le bas pour bien unir les racines terrestres dans leur dimension horizontale, au tronc de l’arbre dans sa dimension verticale, sous l’impulsion de l’énergie qui remonte en spirale le long de ma colonne vertébrale. Je sens la Colonne Jakin exister en moi, avec ses grenades, l’énergie de mes Frères et Sœurs.

" vous vous mettrez à l’Ordre d’ Apprenti
au passage des F.·. Et S.·. Surveillants."

En effectuant le signe d’Ordre, j’ai l’impression que ma première branche latérale vient de pousser... mais je garde la tête froide,

car il faut continuer à s’élever vers la Lumière, c’est pourquoi je l’isole avec ma main droite au niveau de la gorge, chakra des émotions contrôlées sous l’influence des forces psychiques. J’acquiers ainsi la fermeté, l’amour du travail, la persévérance dans le bien : « je suis en possession de moi-même, et je m’attache à rester impartiale et silencieuse pour mieux entendre et recevoir toutes les vibrations énergétiques montantes, et les employer à des fins lumineuses, spirituelles. Non ! ne pas gaspiller ou gâcher ce précieux potentiel qui ne demande qu’à exister, mais au contraire, en faire un bel outil pour permettre au nouvel être intérieur de se manifester pleinement et de s’épanouir, enfin libéré des entraves du passé.

Le bras droit, par le signe d’Apprenti figure le Niveau, matérialisant le plan horizontal, parallèle, mais au dessus de celui de la terre. C’est une nouvelle donne de la dimension matérielle, qui semble figurer les premières manifestations d’une renaissance (ma première petite branche latérale). Je suis sortie du ventre obscur de la terre, je perçois enfin les premiers rayons de la Vraie Lumière de Vie. Mais je suis encore toute petite, je n’ai que 3 ans ! Restons donc patiente et persévérante dans la recherche de la verticalité figurée par la Perpendiculaire de mon bras droit lorsqu’il retombe le long de mon corps à l’abandon du signe d’Apprenti.

"Prenez place mes F\ et mes S\"

Voilà, nous prenons place, nous sommes prêts, toute notre énergie est présente et circule jusqu’à la sortie du Temple, à la fin des Travaux, que l’on ne voudrait jamais voir arriver. Chaque fois que je me mets à l’ordre pendant le Rituel, je ressens toute cette énergie en moi, déjà là, plus vibrante que jamais.

J’ai commencé un nouveau voyage, vertical celui-ci, qui me procure enfin un peu de bonheur intérieur...

S\ An\ Ben\ – R\L\ Philae N° 12 O\ de Foix

Publié dans le Bulim - Bulletin N° 8 - 30 Mai 2009  -  Abonnez-vous

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