GLFM Bulletin : Bulim Misraïm 05/2009

Philae raconte… suite

Le grenier toujours flatteur… : Eh bien arrosés comme il se doit, Madame La Cave, et je le souligne ici, par vos précieux et incomparables nectars aux bouteilles bouchées d’or...

Modeste : Et bien fraîches de surcroît. Eh oui, ces nouveaux voisins ignorent tout par ailleurs des joies rencontrées chez vous Monsieur Le Grenier. Ils ignorent ce que nous avons en commun même si je ne garde pas devers moi que ce qui est un peu plus rustique, les bois de feu tandis que chez vous...

Le grenier affirmatif : HOP, HOP, HOP, là encore, je vous arrête, vos bois de feu sont utiles, utiles et nécessaires Madame La Cave justement pour allumer le feu l’hiver, lorsque la triste et humide froidure s’installe pour de longs et sombres mois. On y cuisine aussi sur ces feux des recettes qui caressent tant les papilles qu’elles attablent dans notre mémoire l’ancêtre disparu. Cuire leurs nourritures, comment pourront-ils y pourvoir, les nouveaux voisins, s’ils ne possèdent pas tout ce que permet une cave pour attiser leur feu ? Ricanant : Ils brûleront leurs meubles...  les pauvres imbéciles ! par ailleurs, ils semblent ignorer votre rôle et le mien, Monsieur Le Grenier, gardien en haut, gardien en bas, nos portes respectives s’ouvrent ou se ferment sur des tranches de passés, morceaux de vies que seuls vous et moi connaissons depuis le temps que nous les entassons, que nous les recueillons en vrac, au gré et humeurs de nos propriétaires... pas toujours sympas et qui parfois nous abîment. Des désordonnés qui laissent traîner des choses chez moi alors qu’elles devraient être rangées avec soin chez vous. Malgré leur désinvolture, jamais nous ne nous plaignons et ne trahissons leurs secrets. Nos seuls gémissements viennent hélas de l’âge de nos structures.

Le grenier nostalgique : Eh oui, Madame La Cave, bien que nos portes parfois un peu branlantes, convenons-en, soient distinctes, elles se ferment sur une même époque, triste et joyeuse. Elles verrouillent une histoire dont les objets que l’on garde, que l’on protège jalousement, restent les seuls témoins, les représentants inanimés qui seuls ont résisté aux temps écoulés.

Attendrie : Quand je songe aux jeux enfantins qui ont certes un peu bousculé votre tranquillité, Monsieur Le Grenier, mais qui tel un souffle de printemps qu’ils étaient, ont égayé un peu vos cloisons craquantes, craquantes comme les bois d’automne que nous sommes devenus depuis les jours, les mois, les années que nous vieillissons ensemble.

Paternel et protecteur : Même si parfois ils dérangent et bousculent la tradition, il est vrai que les enfants aiment à se cacher derrière ce qui parfois m’encombre, je pense en disant cela à quelques secrets dont j’aimerais n’être plus l’unique détenteur, le seul témoin. Mais, n’est-il pas trop tôt, Madame La Cave, pour déjà alourdir de nuages leur frêle existence, avant que les doutes graves et austères de la vie ne viennent chasser les joyeuses et effrontées certitudes, installées dans cette ignorance et heureuse jeunesse, paradis de l’insouciance.

Interrogative : Vous êtes bien sérieux subitement mais ne pensez-vous pas, Monsieur Le Grenier, que malgré la multitude de calendriers conservés chez vous pour raviver dans votre cœur les saisons de jadis, ces mois et ces années n’ont rien changé aux distractions de ces enfants ?

Opinant : Vous avez bien raison et il est drôle en effet de constater que « petit Pierre » s’amuse comme déjà s’égayait « grand Pierre » et que chaque génération rejoue les jeux de ses aînés. Comme auparavant et au cours des découvertes qu’ils font parmi les « trésors » que je possède, ils portent un regard sur des portraits mystérieux dont l’accoutrement désuet qu’ils trouvent ridicule provoquent en eux une franche rigolade, avant de découvrir leur cher Grand-père ou Grand-mère, en culotte courte, comme eux, ou le portrait de la jeune Tante tragiquement disparue, dont l’image est enfouie à jamais, une nouvelle fois soustraite des regards embrumés.

La cave, émue et s’interrogeant : C’est bien pareil chez moi, je constate qu’ils se distraient effectivement des mêmes jeux d’antan. Cependant, si vous, vous leur prodiguez le rêve, Monsieur Le Grenier, au travers de vos photos jaunies dont ils s’acharnent à décrypter le sens, moi, hélas et à mon corps défendant, ils ne jouent le plus souvent qu’à se faire peur alors que j’aurais tant souhaité qu’ils s’amusent, un peu comme chez vous, un peu plus un peu moins

Réconfortant : Il est vrai, Madame La Cave, que votre esprit taquin vous pousse à ne jamais démentir l’absence ou la présence de l’imaginaire « loup garou ». Bien que les temps soient bousculés par la « modernité » toujours envahissante, nos chérubins s’effraient aujourd’hui, et il est heureux de le constater, des mêmes peurs que leurs parents et je suis heureux des souvenirs que vous gravez en eux, Madame La Cave, très sincèrement, vraiment !

Retournant le compliment : En parlant de souvenirs et d’enfants, une tendre association d’idées s’inscrit dans ma mémoire et me rappelle que chez vous, Monsieur Le Grenier, vous avez eu l’infime privilège d’assister à d’innocents déguisements, à des essayages de robes trop grandes, parées de dentelles fanées, véritables guirlandes de modes disparues. Combien de tendres sentiments ont pu naître à la suite de ces amusailles, parmi cette jeunesse dont vous occupiez parfois les jeudis et de ceux qui, devenus adolescents puis matures, vous ont confié un jour leurs chérubins, curieux à leur tour, et qui riront avec moquerie mais sans méchanceté, des drôles d’objets et des trop grands costumes désuets et poussiéreux rencontrés chez vous. Le plus beau voyage M Le Grenier, c’est vous qui l’offrez : LE REVE

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Publié dans le Bulim - Bulletin N° 8 - 30 Mai 2009  -  Abonnez-vous

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