GLFM Bulletin : Bulim Misraïm 04/2009

L’Ank

Lors de mon installation à Foix en tant que Vénérable Maître, ma sœur Martine m’a offert un bijou. Bijou qui représente l’un des plus importants symboles de la civilisation égyptienne : l’Ankh qui est aussi appelé la clé de vie, la croix de vie, le vivant, la croix ansée. Quelques temps après me l’avoir offert, elle me suggérait de faire une planche sur l’Ankh. A croire que c’est là tout un programme dans lequel ma sœur m’invite à m’engager. Ce geste fraternel, m’amène d’emblée à me déloger d’une seule approche théorique et livresque de l’Ankh pour m’en approprier le sens et laisser parler le cœur. N’oublions pas que pour les anciens égyptiens, la connaissance se tient dans le cœur, non dans le cerveau. Je vais donc tenter d’allier le cœur à la réflexion pour parler de l’Ankh. Il est important de dire que pour moi ce cadeau a été source d’énergie positive. C’est avec fraternité que ma sœur me l’a donné, et c’est avec surprise et joie que je l’ai reçu. Je l’ai ensuite mis autour de mon cou, symbole porteur de vibration positive que je remets à la vue et au service de ceux qui le regardent. Ainsi, la boucle est formée : donation, réception, et remise au service d’autrui.

Et me voilà tout naturellement au cœur de notre sujet. L’Ankh donation d’énergie, l’Ankh réception d’énergie, l’Ankh circulation d’énergie dans un mouvement incessant grâce à la boucle qui n’a ni commencement, ni fin.

Ainsi l’Ankh aurait une fonction analogue à celle du cœur. Il serait chargé de faire circuler l’énergie vitale, de permettre la vie, de la renouveler sans cesse, tout en le débarrassant des impuretés qui l’encombrent. Tenue par les divinités, les pharaons ou les défunts qui passent avec succès l’épreuve de l’au-delà, l’Ankh omniprésente dans l’Egypte ancienne est synonyme de pouvoir, de force vitale, de protection.

L’Ankh est un objet symbolique, mais il est aussi un objet talismanique. N’oublions pas qu’il s’appelle aussi le nœud de l’Ankh, et en magie, tous les nœuds servent à lier ou à délier les éléments qui composent un individu et son destin. Le nœud est un temps d’arrêt, une stabilisation du fluide qui vient d’en haut pour irriguer ce qui est en bas. Celui qui possède l’Ankh détient le pouvoir magique de la vie éternelle. Dans l’Égypte ancienne, celui qui possède cette clé, sait ouvrir les portes du monde des morts, et pénétrer le sens caché de la vie éternelle.

Regardons de plus prés le mot ANKH.

Le A : un bras prolongé par une main, signe qui exprime l’action et le don.

Le N : une ligne ondulée comme la passivité de l’eau, qui exprime le repos, la réceptivité. Le K et le H : un tamis qui filtre et mélange. Ainsi, dans la langue des oiseaux, comme la nomme les hermétistes, l’Ankh exprime les notions contraires de donation/réception ; action/contemplation ; actif/passif ; et par le tamis qui filtre et mélange, exprime la conciliation de ces contraires, réunis en un même mouvement.

Le schéma de l’Ankh ou croix ansée est un schéma simple : une croix semblable à la lettre T, croisement d’une branche verticale et d’une branche horizontale ; l’ensemble surmonté d’une boucle, d’une anse, qui à la fois, dépasse et relie les deux branches. Ce schéma simple pose et organise l’Univers, selon une relation verticale entre les mondes d’en haut, source de lumière, et de vie ; et les mondes d’en bas, qui reçoivent cette lumière et son rayonnement.

L’Ankh, par son graphisme, évoque la rencontre du haut et du bas ; du ciel et de la terre ; du créateur et de sa créature ; de l’infini et du fini. Mais ce n’est pas tout. La seule verticale resterait imparfaite si elle ne se complète d’un axe horizontal. La seule verticale m’évoque la vie de tous ceux qui sont repliés dans leur église, dans leur temple, dans leur mosquée, dans leur synagogue, sans ouverture sur l’extérieur. Ce mode de vie les enrichit et les fait grandir ; mais seul leur ego en bénéficie, s’ils ne font pas partager à leurs pairs ce dont ils s’imprègnent, coupés d’une réalité de vie. L’axe horizontal lui, permet l’ouverture sur ses pairs, sur ses frères, sur l’idée de partage. L’horizontale peut être la générosité sociale, la prise en compte de l’autre. Mais la seule horizontale coupée de son croisement avec la verticale reste imparfaite, car si elle est générosité, amour, partage avec ses frères ; elle reste sans grande solidité intérieure, ni temporelle ; s’il manque l’enracinement qui donne la force intérieure, de lutter contre vents et marées. Pour pouvoir être vraiment en relation avec les autres, il faut d’abord acquérir la capacité d’être seul avec soi-même ; donc d’être bien ancré dans une verticale par de solides racines. Il faut d’abord être relié avec ce qui en nous est plus grand que nous, plus vivant que nous. Nous percevons donc l’importance de la symbolique du croisement des deux axes : l’horizontal et le vertical. Ce qui n’est pas sans m’évoquer la nécessaire complémentarité de l’intelligence et du cœur dont je parlais en début de planche.

La verticale, symbole du principe masculin, de l’action, de l’enracinement dans la terre et dans la matière, lien entre terre et ciel ; entre humain et divin, croise la branche horizontale, symbole du principe féminin, de la contemplation, de l’ouverture aux autres, du contact avec ses pairs. Mais ce n’est toujours pas fini, car croisement n’est pas rencontre. C’est par la boucle qui surplombe les deux branches, qui vient comme un pont, comme l’artère du cœur, que se crée une rencontre et une harmonie entre les deux principes distincts. Grâce à la boucle, ni séparation, ni syncrétisme, mais existence de notions contraires dans l’enracinement et l’ouverture. La boucle qui surplombe le T de l’Ankh vient comme un lieu de passage entre l’humain et le divin. Elle nous invite à intégrer en nous Marthe et Marie ; ce double mouvement d’action et de contemplation. La boucle permet le passage d’un état de conscience à un autre ; d’une pensée à une autre ; d’un axe à un autre sans s’arrêter, ni sur l’un, ni sur l’autre. Ce que les bouddhistes tibétains appellent " le bardo ", ce qui est entre deux pensées, entre deux souffles. Car c’est bien là où l’humain représenté dans l’horizontale, rencontre le divin ; représenté par la verticale, que se déploie la boucle, circuit vital qui anime ce point de rencontre humain, divin et le réactive sans cesse.

L’Ankh ou la vie éternellement renouvelée. Rien n’est statique, rien n’est immobile, l’Ankh n’est qu’énergie sans cesse jaillissante. N’oublions pas que l’Ankh s’appelle aussi le vivant.

L’Ankh est associé à de nombreuses représentations : Certains y perçoivent les doubles attributs sexuels, mais ici encore, nous retrouvons l’idée de l’actif et du passif ; de la donation et de la réception. D’autres y voient une boucle de sandale égyptienne.

Pour Pierre Riffart, dans " Esotérisme d’ailleurs ", il y a analogie entre la croix de l’Ankh et le Nil. Le pays d’Egypte (long couloir entre les déserts libyen et arabique) dessine une croix. La branche verticale Nord- Sud de l’Ankh représenterait le Nil, tandis que la branche horizontale Est-Ouest serait le parcours du Soleil. Voilà sous mes yeux le splendide symbole du croisement d’une branche d’eau avec une branche de feu. Ce qui dans l’esprit humain vient en opposition, l’eau et le feu, serait ici en complémentarité. Ressemblance également entre l’Ankh et le nœud Tit. Le nœud Tit serait un Ankh dont on aurait baissé les bras, et dont les jambes seraient desserrées. Le nœud Tit, souvent de couleur rouge, serait la version féminine de l’Ankh, la représentation d’Isis. Osiris, dieu de la mort et de la résurrection serait lui, représenté par l’Ankh.

Malgré la diversité des sens accordée à l’Ankh, apparaît toujours un axe principal : celui de la protection divine, du rayonnement de l’énergie, de l’ouverture sur le monde de l’éternité.

L’Ankh est à la fois une clé, une croix, un nœud. Elle est ce qui ouvre, la clé du mystère, celle qui permet à l'initié d'entrer dans le monde des symboles. Elle est union du ciel et de la terre, alliance du cercle et de la croix. Elle est ce qui noue, ce qui maintient ensemble, l'homme à la terre et au ciel, l'humain au divin, l'infiniment petit à l'infiniment grand.

R\L\ PHILAE à l’O\ de Foix

Publié dans le Bulim - Bulletin N° 7 - 30 Avril 2009  -  Abonnez-vous

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