GLFM Bulletin : Bulim Misraïm 02/2009

Un Apprenti

Un apprenti est celui qui cherche à apprendre en pratiquant, il cherche à apprendre par l'expérience et sous l'égide d'un maître qui connaît ou devrait connaître parfaitement son art. Un étudiant est celui qui cherche à apprendre en lisant et en mémorisant intellectuellement. L'étudiant acquiert un savoir intellectuel, l'apprenti acquiert un savoir-faire. Il y a une différence pratique entre un étudiant en électricité et un apprenti électricien. L'un calcule et fait réaliser, l'autre est capable de réaliser lui-même. L'initiation est une attitude, une disposition que l'on prend. C'est une réalisation concrète et non une étude intellectuelle.

La recherche de la lumière et de la vérité par la voie ésotérique et notamment par la voie maçonnique ne consiste pas à acquérir du ou des savoirs - sinon le rituel aurait dit : « Que tous les assistants sont étudiants francs maçons » - mais consiste à pratiquer, à mettre en application par une certaine attitude la connaissance de l'initié.

Le livret d'instruction de l'apprenti confirme notre démarche en disant : « un franc-maçon se reconnaît à sa façon d'agir », il ne dit pas « se reconnaît à son savoir ». Nous en déduisons que la terminologie d'apprenti n'est en rien une coquetterie de fausse humilité mais une véritable attitude intérieure.

Comme tout apprentissage, c'est en pratiquant de nombreuses fois que le savoir-faire va s'affirmer et que la pierre brute se polira. Les paresseux qui ne travaillent pas concrètement et se contentent de réflexion n'ont aucune chance d'évoluer vers la lumière. Ce n'est pas en assistant passivement au rituel ou aux tenues que la connaissance va toucher miraculeusement le franc-maçon. Certains viennent dans un temple pendant cinq, dix, quinze voire trente ans sans bouger d'un iota et se conduisent à l'intérieur du temple comme des profanes.

Un apprenti franc-maçon, non dans le sens de grade mais dans le sens de celui qui essaie de devenir franc-maçon, apprend à se connaître pour voir ses illusions et ses préjugés, pour comprendre comment ils l'aveuglent et comment l'obscurité règne en lui sans qu'il ne s'en rende compte.

L'homme est si vaste, si multiple, si contradictoire, si fuyant, si bien auto protégé et si subtil qu'il n'a jamais fini de se découvrir et de se perfectionner. A ce titre nous sommes des éternels apprentis.

De part notre typologie différente certains hommes ont une intelligence particulièrement vive, d'autres une sensibilité d'artiste, d'autres encore une constitution physique aussi dynamique qu'infatigable. En fonction de cette typologie due à l'hérédité, à l'histoire vécue ou à d'autres facteurs encore, certains disent même, aux influences cosmiques à l'heure de notre naissance, nous présentons des caractéristiques d'air, de terre, de feu et d'eau. Non seulement ces caractéristiques nous donnent par rapport les uns par rapport aux autres, une perception différente et fragmentée de la vie, mais également une expression, personnelle, créant un mur constitué d'un passé et d'un présent, difficile à franchir pour le profane,

Nous n'insisterons pas sur l'évidence que chacun vivant avec les facultés dont la nature l'a doté, il n'est pas possible dans l'absolu de décréter qu'un type est mieux ou préférable à un autre. Par contre chacun est le mieux doté pour accomplir sa tâche particulière et toutes sont nécessaires pour le bon fonctionnement de l'ordre naturel.

L'homme qui a la faculté de s'élever au-dessus du fonctionnement de la manifestation a la possibilité de travailler à acquérir une vision et une compréhension totales. Pour ce faire il a besoin de connaître son état actuel propre à sa typologie et de développer les caractéristiques des autres typologies qui lui font défaut. C'est pourquoi Gurdjieff* disait que l'initiation est un travail contre nature. Pour saisir la globalité de la création, l'initié travaille au développement de toutes les tendances, de tous les constituants de la nature humaine. L'initié travaille à son rayonnement en étoile pour acquérir une conscience égale de tous les points de vue et de toutes les expressions possibles, il rassemble toutes les facettes de la manifestation.

De ce point de vue aussi nous sommes tous et pour longtemps des apprentis, à condition encore que nos vanités ne nous aveuglent point et que nous ne croyions pas être supérieurs aux autres hommes simplement parce que notre typologie fait que nous sommes incapables de comprendre autre chose que ce que d'instinct nous comprenons. En ce sens, la tolérance des francs maçons n'est pas une bienveillante condescendance mais la conscience que de l'ensemble des points de vue peut naître la vérité.

L'initié comprend l'ensemble des points de vue et est capable de les exprimer à tour de rôle avec une égale conviction. S'il ne le fait pas, c'est en raison de la limitation du langage qui permet l'expression d'un seul point de vue à la fois. Le langage est le reflet de la relativité de la manifestation. C'est par l'expression de chacun des maçons de la loge que celle-ci devient un esprit global, égregore hypostatique silencieux et impalpable infiniment supérieur à l'expression fragmentaire de chaque composant.

Que celui qui analyse s'exerce à la synthèse, que celui qui parle avec aisance reste silencieux, que celui qui ne sait comment dire s'efforce à communiquer, que celui qui est autoritaire et a un pouvoir naturel cherche l'humilité, que le timide explose sans crainte au sein de la loge, mais aussi, à l'extérieur, que celui qui lit laisse son livre fermé et se tourne vers son cœur, que celui qui aime la marche fasse de la natation, que le méditant s'active et que le philosophe bricole. Toute notre vie nous allons là où la facilité nous conduit, nous suivons avec succès nos penchants et rétrécissons le monde à notre monde.

Ce n'est pas par goût du cilice ou de la flagellation que le franc-maçon entreprend l'effort. Mais de celui-ci librement entrepris et correctement mené, naîtra une compréhension plus vaste du monde, une rigueur plus juste et une humilité vécue plus sincèrement.

Sommes-nous vraiment des apprentis comme nous le demande le rituel, dans le sens où nous le demande le rituel ? Ne répondons pas trop vite, ne nous rangeons pas intellectuellement du bon côté et examinons effectivement ce point pour nous-mêmes.

Un apprenti sait qu'il ne sait rien de ce qu'il est venu apprendre et son attitude manifeste cet état. Pouvons-nous tous en dire autant ? N'y a-t-il pas quelque part une voix en nous qui prétend que cette théorie de l'ignorance est excellente pour les autres qui effectivement ne savent rien, alors que nous, nous savons bien ce que nous savons ?

A l’inverse de l’étudiant qui apprend en lisant, un apprenti franc-maçon à la recherche de la lumière et de la vérité est celui qui cherche à apprendre en pratiquant nous dit notre F\ Alla\.

Un apprenti franc-maçon, dans le sens de celui qui essaie de devenir franc-maçon, apprend à se connaître pour voir ses illusions et ses préjugés.

Pour saisir la globalité de la création, l'initié travaille au développement de tous les constituants de la nature humaine. Il comprend l'ensemble des points de vue et est capable de les exprimer avec une égale conviction.

De l'effort librement entrepris et correctement mené par le franc-maçon, naîtra une compréhension plus vaste du monde, une rigueur plus juste et une humilité vécue plus sincèrement.

Un apprenti sait qu'il ne sait rien de ce qu'il est venu apprendre et son attitude manifeste cet état. Pouvons-nous tous en dire autant ?

Interroge notre F\ Alla\
Publié dans le Bulim - Bulletin N° 5 - 28 Février 2009  -  Abonnez-vous

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