GLFM Bulletin : Bulim Misraïm 12/2008

Philae, Perle de l’Egypte

Philae, mot d’origine grecque, est issu de l’ancien égyptien Maulak, les coptes l’appelaient Pilack, les arabes Bilaq. Il qualifie la situation géographique et symbolique de l’île de Philae située à la frontière Sud de l’Égypte, au niveau de la première cataracte, car il signifie, « la frontière ».

Philae est la plus petite île de la région, toute proche de Biggeh, 12 fois plus grande que Philae, et plus loin, celle de El-Heseh, 3 fois plus grande que la dernière. Elle sépare et en même temps assemble l’Égypte au reste de l’Afrique. Le Nil long de 6700 km, veine nourricière du Sud au Nord jusqu’à la Méditerranée, fleuve sacré et condition même de l’existence de l’Égypte, il est aussi le fleuve le plus long d’Afrique, ses sources ont été situées au niveau de Nyawarongo près du lac Victoria. Hérodote a dit que « l’Égypte était le don du Nil ». L’île Philae, granitique et pourtant à l’époque, dotée d’une végétation luxuriante mesure 458 m sur 146 m, elle a la forme d’un oiseau dont la tête serait tournée vers la Nubie. Dédiée à la déesse Isis, épouse et mère vénérée, elle possède une multitude de temples d’époque ptolémaïque et romaine ; la plupart sont situés suivant la courbe Ouest du rivage, faisant ainsi participer la nature à la symbolique de l’architecture ; les mouvements raffinés sont taillés dans du granit rose magnifique et étincelant.

Au Sud Ouest, l’embarcadère nous mène au temple de Nectabo 1er, pharaon de la 30ème dynastie, soutenu par 14 colonnes hathoriques, il possède une voie d’accès souterraine menant directement au Temple d’Isis. Puis vient celui d’Arensouphis, incarnation de l’ancien Dieu de l’air Shou, le portique Ouest comporte 32 colonnades et une grande partie de ses plafonds est décorée d’étoiles et de vautours. Son nilomètre est un passage souterrain qui mène directement au Nil.

Le portique Est possède 17 colonnades ; les chapiteaux sont de décorations différentes. Il avoisine le temple de "Mandoulis", forme ancienne du Dieu Soleil, et à la 6ème colonnade, on accède au sanctuaire d’Imhotep, sage vénéré du Roi Djeser, il fut le constructeur de la plus ancienne Pyramide à degrés de pierre de Saqqara.

Nectabo 1er (380 av JC) fut à l’origine du propylône encastré dans le 1er pylône de l’époque de Ptolémé VI Philométor (180 av JC), il sert de porte à l’avant cour du temple d’Isis. Dominant l’île, il mesure 45 m de long sur 18 m de haut ; y sont gravés Pharaon Ptolémée XIII

(145 av JC), en train de sacrifier à Hathor et Horus ses ennemis prisonniers, le Pharaon qui en termina la construction. L’existence du propylône d’origine antérieure prouve que l’actuel temple d’Isis a été bâti sur l’emplacement même d’un sanctuaire plus ancien dédié à Isis détruit par les perses de Darius Ochus (522 av JC). Deux lions de granite rose gardent l’entrée, 2 petites obélisques y étaient disposées, mais l’une a terminé son existence en Angleterre, la seconde au fond du Nil, à cause d’une mauvaise manœuvre de l’archéologue italien Belzoni. Pourtant ; ses inscriptions identiques en grec et en hiéroglyphes ont beaucoup aidé William Bankes au déchiffrement de l’écriture des Dieux. Cette dernière mesurait 6,70 m et pesait 6 tonnes.

Nous arrivons dans la cour du temple, une salle hypostyle de toute beauté aux déambulatoires couverts s’ouvre à nos yeux. Côté cœur, nous apercevons le « Mammisi » ou « Maison de la naissance d’Horus ». Ce petit temple nous montre le Dieu Faucon Horus portant la double couronne de la Haute et Basse Égypte, se tenant sur des tiges de papyrus ; en-dessous, Isis allaite le nouveau né. Le fils d’Isis et Osiris y est représenté également le doigt dans la bouche, à l’extérieur Horus est représenté dans un marais de papyrus. Puis à l’est de cette cour, on peut voir la plus ancienne pièce sculptée de Philae, un autel granitique de Taharqa Roi éthiopien (de la XXV dynastie) 690 av JC. Le second pylône mesure 32 m de long sur 12 m de haut. Ces tours montrent Ptolémée XIII Néos Dyonisos offrant de l’encens et des animaux sacrifiés à Horus et Hathor et d’autres Dieux. Sur une stèle Ptolémée Philamétor et sa reine Cléopâtre. IIs sont devant Isis et Horus, et Osiris et Isis ; l’inscription se réfère à la donation de terre en Nubie, en l’honneur d’Isis.

Le souverain Ptolémée Philadelphe fit édifier le Temple d’Isis, composé de la Salle des offrandes et du Sanctuaire. Dans la 1ère pièce devait y titre entreposée la barque sacrée des Processions ; dans la seconde, la statue d’Isis, le socle y est toujours visible. Ses magnifiques bas reliefs nous montrent Isis aidée de sa sœur Nephtis en train de redonner vie à Osiris, et également la barque sacrée d’Isis. Côté est, le sanctuaire est entouré de petites chambres peintes de scènes liturgiques qui servaient à garder les ustensiles, essences, habits, livres, dédiés au Service du Temple. L’île possédait une très riche bibliothèque. Un escalier à l’Est nous mène à l’étage aux 4 chambres d’Osiris situées aux 4 angles du toit du temple. La décoration la plus captivante représente les offrandes faites à Osiris, Isis et Nephtis, tous trois, ailes déployées, pleurant à côté du cercueil d’Osiris, en présence d’Anubis (le Dieu chacal, gardien des secrets de l’autre monde), alors que plane un faucon au-dessus du cercueil. Dans une autre chambre, on peut admirer la scène de la mort et de la résurrection d’Osiris.

Côté Ouest du temple, on découvre un portail érigé par l’empereur romain Hadrien (117 av JC), celui-ci est représenté debout devant Osiris, Isis et Horus. Sur un bas relief, le roi porte un coffre sur son épaule accompagné de Thot, (Dieu de le sagesse et des scribes), et d’Isis ; il se dirige vers un temple doté de 2 portes et derrière celles-ci Osiris est trasporté à travers la rivière sur le dos d’un crocodile, en direction des Rochers de l’île de Biggeh (ou Snem) toute proche. Une autre façade représente le dieu du Nil “HAPI” placé sous une grotte, encerclé par un serpent, il verse l’eau de 2 vases sur lesquels sont perchés un vautour et un faucon. Au Sud de cette porte se situe le 2ème nilomètre de l’île. Plus au Nord, nous arrivons au temple d’Harendotes, que nous devons au pharaon Nectabo. Le petit temple d’Auguste au Nord de l’île mène à un arc de triomphe et un débarcadère. A mi­chemin de la berge Est, le Petit temple d’Hathor nous émerveille par ses charmants tableaux représentant des joueurs de flûte et de harpes, Bès, dieu de plaisir joue du tambourin, pince la harpe et danse. A côté, un singe joue de la lyre, entre autres scènes analogues. Ce temple peut conduire directement au Sanctuaire d’Isis par l’Est de celui-ci. Plus au Sud, se dresse le kiosque de Trajan (empereur Romain 88 à 117 ap JC) appelé aussi lit du pharaon car il servait de reposoir lors du culte et de débarcadère lors des processions. Sur ses deux entre‑colonnades, on peut voir l’empereur brûlant de l’encens devant Osiris et Isis, et offrant du vin à Isis et Horus. Avec ses monuments exquis, décorés de bas reliefs raffinés, Philae est un hommage à la beauté du monde, et la richesse de ses symboles en font l’historique de la trilogie divine. Il était de coutume d’y entretenir les faucons, et on y enterrait les dépouilles des vautours décédés dans cet espace, mais aussi celles retrouvées aux alentours.

Pourtant l’île est aujourd’hui sous l’eau. Dès 1904, à la suite de la construction d’un 1er barrage, ce n’est que vers le mois d’août que l’on pouvait admirer ces lieux enfin émergés. En 1907, l’officier de marine, (écrivain et membre de l’Académie française) Pierre Loti s’extasie devant une telle merveille, et quand il apprend le projet anglais de rehausser encore de 6m le barrage, il lance un cri d’alarme. Mais ce n’est que vers 1960 que la construction du barrage d’Assouan et l’établissement de l’immense lac Nasser responsable de l’immersion définitive des sites nubiens fut établie. En 1970, on décida alors de déménager les monuments de l’île de Philae, sur celle d’Egelika (ou Angélika) plus haute, à 150m au Nord.

Grâce aux états d’Égypte, d’Europe, d’Amérique, et de l‘Unesco réunis sous la direction de l’égyptologue Christiane Desroches Noblecourt, Egélika fut surmontée, agrandie, remodelée au visage de Philae, 50.000 blocs de granites rose dont certains de remploi de 18ème, 25ème, et 28ème siècle av J.C. furent numérotés, démontés, et remontés. Les travaux se terminèrent en 1978.

Tout comme Osiris, Philae renaît “sauvée des eaux” par son symbolisme et son histoire. Philae est la terre de la Victoire et de la Résurrection.

En tant qu’épouse, sœur d’Osiris et mère d’Horus, Isis est devenue la principale déesse du Panthéon Égyptien à la Basse Époque (713 av JC), mais déjà dans les “Textes des Pyramides” (2635 av J.C.), elle est citée avec ses caractéristiques essentielles comme mère du Roi Horus et comme son trône : Iset signifiant “le Grand Trône qui a créé Horus”. Probablement originaire de Bouto dans le delta, ce temple selon les “textes des pyramides” est connu pour son eau particulièrement pure. Avec Hathor la « déesse de la vache », elle partage l’aspect de

l’allaitement et en emprunte les cornes et le disque solaire. Mais pour gagner son nom, “ la Grande Magicienne” est aussi la combattante qui retrouve une première fois son époux perdu, le sauve une seconde fois en reconstituant son corps épars, et empruntant la forme d’une hirondelle, conçoit avec son époux le Dieu de la Fertilité encore dans la mort un fils Horus. Osiris est celui qui vit, qui meurt, qui est l’orge et ne dépérit pas.

Isis par la ruse, obtient de son père Ré, le nom Secret de celui-ci et transmet ainsi l’héritage paternel à son fils. Elle protègera le Jeune Dieu de maints et terribles dangers, pour qu’il puisse devenir le Maître du Ciel, ses yeux symbolisant le Soleil et la Lune, et venger son Père Osiris. On est bien loin de l’image féminine effacée pour ne pas dire insipide qui a perduré pendant des siècles en Occident.

La Trinité reprise par la religion Chrétienne est ici omniprésente, mais le principe féminin y est nommé, reconnu à sa juste valeur et de façon androgynale par l’action et le courage d’Isis. Isis la victorieuse épouse et mère, révèle aux femmes leur pouvoir. La croyance a cependant aidé Isis bien plus que la théologie officielle. La tradition voulait que tout égyptien fasse un pèlerinage au moins une fois l’an à Philae. Ces derniers croyaient que la miraculeuse et bénéfique inondation du Nil commençait à cet endroit et la Déesse Isis fut associée à l’étoile de Sothis (Sirius) dont l’apparition correspond à la crue du fleuve. A chaque fête religieuse, la déesse était enlevée de son Autel, transportée jusqu’à l’Île de Biggeh, où selon le mythe, la jambe gauche d’Osiris était ensevelie. A cet endroit, nul profane n’avait le droit d’y accoster, et sur la tombe d’Osiris, son Dieu époux, la Déesse présidait la cérémonie de libation de lait, lui donnant l’éternel renouvellement. Haut lieu sacré, Philae devint l’un des théâtres des cérémonies de la Passion d’Osiris (connu à Abydos et ailleurs) mais comme le grand monument d’Abydos était alors en ruines, sa réputation fut transférée à Philae, ce qui attira une foule de pèlerins Romains, grecs, Nubiens, et de plus loin encore... Les Prêtres et les Prêtresses de l’île se chargeaient de leur accueil. Dans les spectacles « Son et Lumière » donnés aujourd’hui entre autres sur Philae, on peut y voir une réminiscence de ses drames de l’époque. Isis disait elle-même, “Révéler les mystères aux Humains”. Les Mystères dits Mineurs étaient les tribulations d’Isis. Les Mystères dits Majeurs, la Résurrection d’Osiris. D’après Seymour, dans «The forgotten Mage» dans les Mystères Mineurs, le néophyte apprenait à se concentrer sur «l’Isis en lui» par le moyen de la méditation et par le «Rituel». Il apprenait à attendre dans le silence jusqu’à ce que la déesse elle-même se manifeste en lui.

Maîtresse de Nubie, Reine de la haute et basse Egypte, la renommée d’Isis atteint la Gaule, Paris signifiant Par Isis et Issy en a la même origine.

Philae fut le refuge des derniers adorateurs des Dieux de l’ancienne Egypte, des derniers fidèles au culte d’Isis.

Au début du VIème siècle, le despotique Jusitinien attaque la région des Cataractes, emporte la statue d’Isis à Bysance. En 535 Théodose Evêque chrétien bat et chasse les prêtres de l’Ile. Le dernier se nommait Esmecatom. L’évêque fait marteler certains bas reliefs, y fait graver la Croix Chrétienne, fait ériger un autel et dédie le temple d’Isis à Saint Etienne. Mais déjà le culte d’Isis était perpétué de façon plus incomplète en celui de la Vierge Marie mère de Jésus Christ.

Puis vint le temps de l’Islam où les musulmans placent au milieu de l’île le tombeau du Chek qu’unit tous les croyants. L’île appelée Kasr Amas El Ouagoud, «le château d’Amas El Ouagoud» est le lieu où est enfermée la fille du Sultan dans les « Contes des Milles et Une Nuits ». Le fils du Roi amoureux de la belle, porté par les crocodiles et guidé par les oiseaux, accoste à l’île du château. La dulcinée ayant réussi à s’échapper, le héros la retrouve et l’épouse. Une fois de plus, Philae avait enchanté l’auteur.

Puis vint le temps de Napoléon, ses soldats émus de tant de beauté, y présentèrent les armes, leur victoire en 1799 y est toujours gravée.

Chaque époque, chaque conquérant y laissa les marques de leur passage, mais aucun ne réussit à imprégner différemment «la Perle d’Egypte» qui demeure et demeurera dédiée à Isis, à son image, multiple, belle, nourricière, protectrice et magique. Et aujourd’hui encore, les habitants de la campagne environnante prêtent à Philae une puissance magique redoutable.

Dans la « Sagesse Vivante de l’Egypte Ancienne », Christian Jacq nous rapporte ce poème originaire du temple de Philae.
Isis, créatrice de l’Univers,
Souveraine du Ciel et des Etoiles,
Maîtresse de la Vie,
Régente des Divinités,
Magicienne aux excellents conseils,
Soleil féminin,
Qui scelle toutes choses de son sceau!
Les Hommes vivent sous ton ordre,
Rien n’est réalisé sans ton accord.

Représentation du Centre Spirituel Primordial, l’île étant physiquement séparée, protégée par les eaux du Nil, du tumulte et de l’ignorance du monde profane, « Philae » est le « Temple », Havre de Paix et de Sérénité, refuge où la conscience et la volonté s’unissent, où l’Être Humain peut accéder à la Véritable Connaissance, ce lieu de recueillement nous incite à la prière, et comme par le passé, ses monuments qui étincellent de mille feux au Soleil, éclairent les fervents de la Beauté et de la FOI.

MER: signifie aimer.
MET : mort, l’entrée dans le corps de la mère cosmique.
En Arabe MA signifie l’eau
MER en français l ’océan
Marie (la Vierge) anagramme d’aimer.
MERE : maternité, maman en français.
FILIA : origine grecque signifie Amour, Amitié
 
Contribution de NTCS\ Ghis\ Ste\
Publié dans le Bulim - Bulletin N° 3 - 30 Décembre 2008  -  Abonnez-vous

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